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L'Exilé volontaire: Tome I – Convictions & Circonstances
L'Exilé volontaire: Tome I – Convictions & Circonstances
L'Exilé volontaire: Tome I – Convictions & Circonstances
Livre électronique278 pages4 heures

L'Exilé volontaire: Tome I – Convictions & Circonstances

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À propos de ce livre électronique

Ce livre qui demeure une fiction, retrace les péripéties vécues par un ambassadeur en poste à St Domingue. Alexandre, partagé entre ses convictions profondes et son esprit intègre, se débat dans les arcanes de la politique politicienne.
Dans le décor paradisiaque de cette île tropicale, les personnages vivent sentiments, passions et aventures extrêmes.
L’auteur vous propose à l’intérieur de ce roman un mixte entre imaginaire et réalité propre à faire perdre au lecteur ses véritables repères.
LangueFrançais
Date de sortie3 juil. 2017
ISBN9782312052984
L'Exilé volontaire: Tome I – Convictions & Circonstances

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    L'Exilé volontaire - Hilaire De L’Orne

    cover.jpg

    L’Exilé volontaire

    Hilaire De L’Orne

    L’Exilé volontaire

    Tome I – Convictions & Circonstances

    LES ÉDITIONS DU NET

    126, rue du Landy 93400 St Ouen

    Du même auteur

    L’exilé volontaire tome I, « Convictions et Circonstances. »

    L’Exilé volontaire tome II, « les fiancés du ministre. »

    L’Exilé volontaire tome III, « La résurrection du réel. »

    Les Baladines Malgaches.

    © Les Éditions du Net, 2017

    ISBN : 978-2-312-05298-4

    Avertissement

    Ce roman est une œuvre d’imagination, qui ne saurait être considérée comme une source d’informations infaillibles. Tous les lieux décrits dans cet ouvrage sont réels, certaines situations le sont aussi. Malgré tout, les personnages et les événements sont une pure fiction. Toute ressemblance avec des personnes réelles, existantes ou ayant existé, ne serait que pure coïncidence.

    H. De L’O.

    Préambule

    Les Français de l’étranger, les expatriés, les exilés volontaires qui ne ressentent plus d’obligation de réserve ou de retenue dans leur forme de pensée, pas plus que dans leurs propos à l’égard de ce qui leur semble injuste, se sentent enfin libres… Libres de dire haut et fort ce que ceux qui sont restés dans l’hexagone ne se hasardent même plus à exprimer à voix basse dans leur inconscient, par peur d’exclusion, de représailles, ou de stigmatisation.

    La tolérance ne veut pas dire aimer tout le monde, mais accepter que d’autres puissent émettre des opinions différentes. Cependant, en avons-nous encore le droit en France alors que de nouveaux interdits, de nouvelles lois, uniquement répressives l’emportent chaque jour sur les libertés individuelles ? Par exemple, l’asile que nous nous devons d’offrir aux plus nécessiteux impose de partager ce que l’on a, mais en aucune manière de modifier ce que l’on est. Certains pourtant voudraient nous y contraindre, en nous imposant des éléments de leur civilisation, avec l’obligation d’intégrer ces changements. Pour ceux qui s’y refuseraient, la nouvelle société structurée par les faiseurs d’opinion aura tôt fait de vous considérer comme indigne du vivre ensemble.

    Parmi les philosophes contemporains certains d’entre eux, ont déjà anticipé la défaite de leur camp enjoignant le peuple de la vieille Europe à périr avec dignité, seul salut selon eux, dans la disparition annoncée de notre civilisation.

    Mais dans ce jeu de la soumission, le peuple qui choisit de baisser la tête sans chercher à combattre ni se défendre, n’est-il pas tout aussi coupable que ses bourreaux ? Que de crimes ne commet-on pas au nom de l’Amour, d’un idéal, ou d’un dieu ! À force de ne penser qu’à lui, certains choisissent aujourd’hui, comme hier, d’ignorer tout le reste.

    Pour un peu plus de deux millions et demi de Français expatriés, ce choix n’est plus une obligation morale, et pendant que dans l’hexagone sur ce sujet sociétal l’on s’entre-déchire, ceux qui semblent avoir fui ont le sentiment d’avoir gagné loin du tumulte, une part de bonheur.

    Chapitre 1

    Alexandre ne rêvait jamais, du moins ne se souvenait-il de rien, contrairement au témoignage affiché par l’état déplorable de son oreiller au réveil. Psychorigide, formaté depuis toujours en premier de la classe, son contact rendait mal à l’aise. Les sentiments, comme tout ce qui concernait l’élaboration de liens sociaux, s’avéraient pour lui plus complexes que l’établissement de la carte neutronique d’un réacteur nucléaire. Sa personnalité dégageait une invraisemblable aura de pouvoir. Il considérait les incompétents comme des gazelles boiteuses et leur offrait volontiers le regard hypnotique d’un félin fixant une proie, afin de les familiariser avec l’idée que leur exécution serait soudaine et douloureuse.

    Il songeait parfois avec nostalgie au temps de « la Navale », à celui de son métier d’ingénieur, et aux hasards de la vie et des rencontres qui avaient « accidentellement » fait de lui un diplomate. Son habileté à régler les conflits résidait dans l’étendue de sa culture qui désarmait ses adversaires avant même qu’ils n’envisagent de croiser le fer avec lui. Alexandre avait accepté ce poste d’ambassadeur pour rendre service à l’un de ses amis ministre qui concevait difficilement comment résoudre les contentieux récurrents dus au trafic de drogue avec un pays d’Amérique latine.

    Contrairement à certains de ses compatriotes, il n’eut jamais le sentiment en découvrant un pays nouveau, d’être un agneau égaré dans une porcherie, ni un paon en tournée d’inspection dans une basse-cour. Alex, était animé d’une forte curiosité qui le poussait à la découverte de notre planète pour mieux en comprendre ses hôtes, en dépit de ses difficultés à tisser des liens durables.

    Il fut soulagé d’apprendre que sa nomination ne concernait pas les DOM-TOM, Alexandre était encore traumatisé par les effets dévastateurs des émeutes de 1959 comme de celles de 2009 et de 2013 où certains idéalistes soufflaient sur les braises froides d’un incendie éteint depuis près de deux cents ans. Les plus déterminés d’entre eux, humanistes auto-proclamés, accusaient les « Békés » d’entretenir encore de nos jours une attitude néo-esclavagiste. Des propos, ou des postures qui ridiculisaient leurs auteurs, un peu comme si aujourd’hui, les héritiers de l’aristocratie Française exigeaient des excuses républicaines des députés pour avoir décimé leurs familles au hachoir à la même époque.

    Les « Métros », dans ces territoires, perdaient parfois une partie de leurs biens au cours d’émeutes dirigées à leur encontre, sans choquer l’esprit des êtres « bien-pensants » restés sur le vieux continent. Bien sûr en de telles occasions, la mère patrie promettait des indemnisations de circonstance qui suivaient la voie habituelle de l’oubli collectif. Dans certaines régions du globe, la culture de traditions absurdes, semblait vouloir le disputer aux pratiques folkloriques.

    La République Dominicaine, en matière de criminalité, de la petite à la grande délinquance, souffrait des mêmes maux que ceux de la Croisette le soir après vingt-trois heures. La justice s’y avérait cependant plus efficace ou pour le moins plus expéditive qu’en France. Nul besoin de figurer ici au livre des records pour être considéré comme récidiviste et condamné comme tel à des peines méritoires en rapport avec la fréquence et la gravité des exactions commises.

    La vie sur cette île offrait toutes les garanties d’une existence harmonieuse, sans être dénuée d’une certaine exubérance latino où la sagesse se manifestait rarement. Délivrés de tout complexe de quelque nature que ce soit, les Dominicains méritaient l’amitié qu’on leur portait et une éternelle joie de vivre remplaçait leurs vielles pierres au patrimoine de l’humanité. Ce peuple, qui semblait avoir inventé le ciel bleu, portait en lui la douceur des plus beaux paysages.

    Saint Domingue fut souvent stigmatisée à tort dans des reportages réalisés par les chaînes d’état Françaises, comme une nation où seul le vice et la corruption avaient le droit de citer. Une destination réservée aux vacanciers en but au tourisme sexuel, ne représentant qu’un détritus de plus dans le dépotoir à ciel ouvert que sont les contrées du quart-monde, où les valeurs humanistes auraient oublié de prospérer.

    Pour y vivre Alexandre devrait s’adapter. Faire avec le fatalisme, à la place du fanatisme, tous deux induits par trop de religion… Faire le deuil d’un mode de pensée inadapté à cette nouvelle situation.

    Sosua, une petite ville balnéaire et résidentielle se scindait en deux gros bourgs. L’un recueillant les plus déshérités, Charamicos, où vivaient nombre de Haïtiens et de Dominicains démunis, l’autre, El Batey, constitué d’hôtels resorts, d’un centre-ville coquet et de « Gated Communities » abritant en majeure partie des Américains fortunés et des expatriés venus d’Europe.

    À quelques kilomètres seulement se situait le village de Cabarete, réservé à une population élitiste où l’on pouvait croiser des représentants de la « Jet Set » de la côte nord. Toutes sortes de distractions y fleurissaient. Les « Private Properties » conçues et aménagées en d’immenses et luxueux espaces, rassemblaient entre luxe, apparat et raffinement : propriétés, résidences et villas. À l’abri des regards, ces lieux, telles des places fortes interdites d’accès aux non résidents, bénéficiaient des moyens de protection les plus élaborés pour échapper à la convoitise des indigents. Ici aussi les grandes fortunes optaient pour la discrétion, pas d’apartheid visible au sens strict et littéral, la sélection s’opérait insidieusement par l’argent… Comme partout ailleurs.

    Le tourisme de masse en mesure de s’offrir des voyages à crédit en ces lieux privilégiés, grâce aux formules du tout inclus était parqué, bagué, et identifié par des bracelets aux couleurs vives dans les hôtels. Enrochés dans des eaux turquoises, les vacanciers goûtaient à un calme d’apparence irréelle. Des choses, ou bien des êtres, tout semblait aller de soi avec le plus grand naturel, en dehors de la course imprimée par le temps à satisfaire des obligations ici inutiles.

    – Nous avons reçu ceci en provenance de Bruxelles, excellence.

    – Merci Gaspérini, posez ça là.

    – Ça émane du premier ministre.

    – Lequel, le Belge ou le nôtre ?

    – Je ne m’autorise pas à lire votre courrier, ma fonction d’attaché militaire et d’aide de camp m’en dispense, mais ce fax nécessite peut-être une réponse par retour.

    – Dans combien de temps partons nous pour Saint Domingue ?

    – D’ici une heure ou deux.

    – Une heure, ou deux heures ? Ça change pas mal de choses aux yeux de mon épouse. Essayez d’en savoir un peu plus et prévenez-la. Si elle souhaite rester à Sosua plus longtemps, dites-lui qu’elle pourra disposer de la voiture de la mission cette semaine.

    – Bien.

    – Vous aviez autre chose à me dire, une requête à formuler ?

    – Non excellence, mais n’oubliez pas de répondre au fax, c’est peut-être urgent.

    – Tiens, je croyais que vous ne lisiez pas mon courrier. Votre fonction d’aide de camp capitaine, inclut-elle également celle de secrétaire ?

    – Un peu des deux inévitablement.

    – Cette ambassade est un véritable nid d’espions, de spécialistes du renseignement devrai-je dire.

    – L’un va rarement sans l’autre excellence.

    – Effectivement. Soyez gentil, avant de faire nos bagages, n’oubliez pas de dire à mon épouse que nous partons. Pendant ce temps je vais prendre connaissance de votre fax « Urgent ».

    L’Iris turquoise très coloré du regard d’Emmanuelle pouvait varier du plus clair au plus foncé. Il suggérait instantanément l’état de ses pensées. En cela ses yeux concédaient un profond éclat de lucidité, de beauté et d’intelligence. Les hommes se laissaient conquérir par son décolleté, sans arrogance, déclenchant chez leurs épouses des aigreurs mentales élevées, ou au contraire chez les plus douces d’entre elles, des envies inavouables. Elle privilégiait une certaine grâce intime à n’offrir qu’avec discernement à un cercle très restreint. Alexandre admirait également en elle, sa prodigieuse force de caractère, cette farouche volonté à positiver. Sa détermination et son courage participaient à son élégance intérieure exceptionnelle, en osmose avec son physique aux traits d’une délicatesse éthérée.

    – Je suis chargé de vous informer que nous décollerons pour Saint Domingue dans deux heures, madame. Mais votre mari, si vous souhaitez rester ici, vous fera parvenir la voiture dès qu’elle nous aura conduits à l’aéroport.

    – Entendu, je vous ferai signe si je change d’avis, je compte rester ici et passer la semaine à Sosua.

    Le Sea Horse Ranch offrait aux regards, de splendides grandes villas, toutes ou presque d’une architecture différente s’inspirant du mode colonial, victorien, ou méditerranéen, avec piscines privatives agrémentées de cascades et bordées de palmiers.

    – Chérie je te laisse, nous partons avec Gaspérini pour l’ambassade, veux-tu que je te renvoie Raymond, avec la limousine une fois que nous serons à Puerto Plata ? Je ne pense pas en avoir besoin cette semaine, nous n’avons rien d’officiel en vue.

    – Merci, moi non plus je n’ai rien de prévu, mais sait-on jamais, si la voiture reste là, j’en profiterai pour faire quelques courses à Santiago mercredi ou jeudi.

    – En attendant sois prudente, ne sort pas seule, je pars.

    – J’y veillerai, fais-moi signe une fois arrivé.

    – Entendu, je t’embrasse.

    La végétation qui longeait les allées rivalisait d’originalité grâce à l’imagination de chaque propriétaire et l’idée qu’il se faisait d’un parc paradisiaque orné d’arbres d’essences rares et de fleurs tropicales aux couleurs et aux formes surprenantes.

    La délimitation de chaque propriété ouverte sur le domaine s’ornait de haies d’hibiscus aux fleurs reconnaissables entre toutes, se parant d’une vaste corolle large comme la main. Rouge sang, rose vif, saumon, blanches, simples ou doubles, elles ne vivaient qu’une journée. On découvrait également des opuïs à l’inflorescence multiple dont la couleur carmin très vive des bractées, tranchait magnifiquement avec le vert de leurs longues feuilles. Des strelitzias, oiseaux de paradis, abreuvoir des colibris, ressemblaient en effet à on ne sait quel oiseau exotique. Leurs couleurs variaient du jaune au rouge en passant par l’orangé et même le bleu. Les allées, baignaient de lumière de lune, tremblaient encore à cette heure de la stridulation des cigales, donnant l’impression de s’affairer, elles aussi, au service des nantis.

    Le Sea Horse se situait à proximité de l’aéroport de Puerto Plata. Sur la route du bord de mer, des plages de sable d’une blancheur virginale, des forêts de cocotiers ainsi que des palmeraies, s’étendaient à perte de vue. L’Atlantique, comme la mer des Caraïbes, ourlaient d’écume des criques désertes dont les eaux chaudes invitaient toute l’année à la détente et à l’évasion, les esprits tourmentés du vieux continent. Au large, les baleines sondaient en toute quiétude, imprégnées elles aussi de cette paix originelle.

    Peu à peu, sous la douceur du climat tropical, les réflexes de défense et de calcul propres à la vie en société dans notre civilisation occidentale s’amenuisaient. Peu à peu, l’être humain redevenait authentique et meilleur. La démarche corporelle elle-même, changeait et ralentissait, car il n’y avait plus qu’un seul impératif, celui d’être comme aux mercredis de son enfance.

    L’oisiveté, procurait ici un sentiment d’apaisement et un bonheur quasi extatique. Transportés par cette douceur de vivre, les gens éprouvaient la sensation d’évoluer dans un Éden providentiel, profitant des bienfaits de cette situation avec délice, sans remords d’avoir laissé derrière eux en Europe des êtres laborieux torturés par la crise, ou angoissés d’apparaître différents. Quelle joie de pouvoir jeter par-dessus les moulins les bonnes manières, mises en place par les obligations de plaire !

    Dans un cadre aussi paisible, les autochtones ne pouvaient pas adopter un mode d’existence différent. La nature semblait montrer l’exemple et imprimait aux habitants des zones tropicales, cette langueur colorée qui force l’amitié et invite aux sentiments sans retenue, sans faux-semblants. Ils n’avaient pas besoin comme nous, de se sentir mal pour être mieux.

    La limousine s’engageait avec prudence sur ce qui ne ressemblait même plus à une piste. La carretera arborait une lèpre urbaine comme toutes les routes ou presque de ce pays. Les fondrières, à chaque pluie tropicale, s’agrandissaient un peu plus pour ne former qu’une succession de trous entrecoupés de lambeaux d’asphalte. En rive, un pylône en béton menaçait de se déraciner et d’emporter avec lui la ligne à haute tension, un de plus… À la longue, ici, on se s’en étonnait même plus.

    La ville de Puerto Plata prévoyait de s’équiper d’une voie express de contournement, pour lors en travaux depuis quatre ans. Des trous gigantesques non signalés dans lesquels une voiture pouvait disparaître entièrement, obligeaient les conducteurs à zigzaguer brutalement, tout en ralentissant considérablement le trafic. La dangerosité des routes allait de pair avec la virtuosité des automobilistes dominicains se comportant en toute circonstance comme sur un circuit encombré d’obstacles et de chicanes.

    Dans ce pays où le permis de conduire s’achetait, il n’existait pas de radars, pas d’alcootests, et les limitations de vitesse s’inscrivaient dans le décor comme supports de panneaux publicitaires où fleurissaient toutes sortes d’affiches. La police de la route, rare et discrète lorsqu’elle stoppait un véhicule, souhaitait avant tout tromper son ennui. Elle cherchait aimablement à discuter pour passer le temps, ou quémandait quelques pesos pour remplir leur réservoir ou s’offrir une boisson rafraichissante.

    L’ATR 42-500, le Jet bi-turbos propulseurs de l’ambassade, ainsi que la Lincoln du chef de la mission diplomatique étaient des prises de guerre faites aux cartels de la drogue par le gouvernement dominicain. Celui-ci les cédait à titre gracieux aux représentants des pays concernés par les différents trafics, afin de calmer leurs ardeurs revendicatives ou interventionnistes dans le bon déroulement de la justice « Hors Sol » de ce territoire. La France ne faisait pas exception à la règle d’attribution de ces largesses, compte tenu du nombre croissant de ses ressortissants pris dans les mailles du filet des douanes.

    Les pays d’Amérique latine, en leur grande majorité, n’oublieraient pas de sitôt l’affaire qui valut au gouvernement Mexicain une intervention pour le moins musclée du chef de l’état français de l’époque. Ce dernier avait obtenu gain de cause et la libération de l’incarcérée, mais au prix d’un « incident diplomatique majeur » pour ingérence dans la justice mexicaine. Cet épisode fut vécu par les différentes puissances riveraines du golfe comme une atteinte intolérable à leur souveraineté. Notre république au cours de ce coup d’éclat présidentiel devait perdre toute son aura et sa crédibilité diplomatique. Aujourd’hui la France traînait cette histoire comme un boulet, au travers de mesures de rétorsions administratives, sorte de jurisprudence punitive et n’avait plus aucun pouvoir pour venir en aide à ses ressortissants en délicatesse avec la justice de ces pays.

    Après une heure de survol de forêts de cocotiers et de palmeraies, l’aéroport Las Americas de Saint Domingue apparaissait souvent couronné par une couche de cirrus annonciateurs de beau temps.

    – Si vous y arrivez, merci de nous obtenir un taxi dans cette joyeuse pagaille, capitaine.

    – J’en ai réservé un hier par téléphone, mais visiblement il n’est pas au rendez-vous.

    – Ne vous fiez jamais à la parole d’un dominicain, Gaspérini. Mañana ici ça ne veut pas seulement dire demain, mais aussi plus tard, sans préciser ni l’heure, ni le jour, ni même le mois. Le premier disponible fera notre affaire, sinon, nous risquons de moisir sur place !

    – C’est bon, Calle Las Damas, hôtel Nicolas De Ovando, por favor ! Je passe vous prendre demain matin Excellence ?

    – Vous plaisantez Gaspérini, entre l’hôtel et l’ambassade il n’y a que la route à traverser. En plus d’être l’attaché militaire de l’ambassade, mon aide de camp, mon secrétaire lorsque ça vous arrange de lire mon courrier, mon garde du corps, vous ne voulez pas en plus, postuler pour devenir ma nounou quand même !

    L’hôtel Nicolas De Ovando déployait l’architecture espagnole imposante d’un monument historique classé, ce qu’il était. Le service stylé et empressé du personnel ainsi que le cocktail de bienvenue offert à toute heure du jour, permettait de se détendre suffisamment pour apprécier le cadre d’époque. Le décor célébrait l’ère des grandes découvertes : boiseries massives de couleur sombre, ornements en fer forgé, patio bordant le restaurant de plein air aux tentures médiévales et meublé de coffres de marine dignes d’un musée d’archéologie des mers du sud du XVIe siècle.

    Une piscine intérieure dotée d’un éclairage bleuté ajoutait une note chaleureuse et scintillante de modernisme un peu plus légère, dans ce décor impressionnant et presque trop lourd. Dans les chambres, des lits à baldaquin tendaient leurs draperies aux hôtes surpris par la précision des détails respectant en tous points cette époque. Dehors, sous les arcades, des flambeaux de place en place matérialisaient les chemins conduisant au pool-house et aux restaurants gastronomiques ou au self.

    – Interpol, qui demandez vous ?

    – Puis-je parler au commissaire Omer Bartov, merci.

    – … Bartov, j’écoute.

    – Bonjour, Alexandre Lacaze. Ambassadeur à St Domingue. Je vous appelle suite à un courrier reçu hier et dont vous êtes le signataire, par ordre de votre premier ministre.

    – Effectivement, humm… Il s’agit d’une affaire criminelle un peu délicate.

    – STOP ! Je vous arrête tout de suite commissaire. Vous n’ignorez pas que la France en matière judiciaire, ou criminelle, est « Tricarde » si j’ose dire, auprès des autorités dominicaines, comme dans l’ensemble des pays du golfe du Mexique. Nous n’allons pas pouvoir vous aider, je suis désolé.

    – Le quai d’Orsay,…

    – Voilà un ministère et une adresse qui n’ont pas bonne presse ici. J’ai déjà sur les bras une binationale qui s’est faite prendre avec 1 Kg de cannabis glissé dans son sac à main, soit disant à l’insu de son plein gré, et deux pilotes qui se sont fait surprendre avec 680 Kg de cocaïne dans les soutes de leur Jet. En ce moment, notre indice de popularité avec le feuilleton « Air Cocaïne » n’est pas à son apogée auprès des autorités dominicaines. Le seul fait de solliciter une requête est vécu ici comme une agression, j’exagère à peine.

    – Le cas pour lequel nous avons besoin de votre coopération, n’est pas pour sortir de prison l’un de vos ressortissants, mais, pour nous aider à mettre un citoyen Belge à l’ombre le restant de ses jours. Cocasse non ! ?

    – Cocasse en effet, certainement une première, vous allez m’en dire plus j’imagine.

    – Comme vous le savez, notre ambassade la plus proche dans votre secteur se trouve à Kingston en Jamaïque. À St Domingue, nous ne disposons que d’un consulat sans aucun pouvoir juridique, pas même bon à accorder le moindre visa. Vous êtes donc la seule autorité européenne avec qui nous disposons d’accords dans le domaine judiciaire pouvant nous représenter dans les Caraïbes.

    – Dites-moi si je dois considérer ça comme un privilège.

    – Pas

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