LE TIERS PAYS
PAR KARINA SAINZ BORGO, TRAD. DE L’ESPAGNOL (VENEZUELA) PAR STÉPHANIE DECANTE. GALLIMARD, 304 P., 23 €.
UN PAYS OÙ « la mort fauchait les gens au rythme d’une épidémie de peste », un ex-eldorado pétrolier devenu, au cours des années Chavez, un Etat à l’inflation galopante, aux pénuries alimentaires ahurissantes, aux milices foudroyantes, fui par 1 habitant sur 6… Avec , radioscopie glaçante d’un Venezuela en totale déliquescence, la journaliste Karina Sainz Borgo faisait en 2019 une entrée fracassante sur la scène littéraire internationale. Distingué par traduit en 30 langues, vendu à plus de 550 000 exemplaires, l’implacable premier roman de la native de Caracas, réfugiée à Madrid depuis dix-sept ans, sous-entendait aussi que l’enfer pervertit tout, même les plus intègres :« Agir en pilleurs ou nous taire, sauter au cou de notre prochain ou détourner le regard ». Pour ne pas tomber dans le cynisme et oublier la compassion, Karina Sainz Borgo est donc partie (comme 7 millions de ses concitoyens), et s’est tue, longtemps, hantée par un sentiment confus de désertion, avant d’oser témoigner sur son pays par le biais de la littérature. Le premier pas franchi, plus question de lâcher la plume. Dès le printemps 2019, Karina s’est remise à la tâche, comme en témoigne ce superbe deuxième roman, , lieu imaginaire entre deux Sierras, l’Orientale et l’Occidentale, où rôdent mort et violence, métaphore de toutes les frontières du monde contre lesquelles viennent buter les peuples en perdition.