Le Don Quichotte de l'Estran: Récit de vie
Par Alain Briand
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À propos de ce livre électronique
Je partage ce « cahier de vie » qui montre un passage de ma passion entre les femmes et celle que j’aime le plus « la mer ».
J’ai été capable de partir par amour et je m’en excuse. Il faut être deux pour faire un couple, personnellement mon cœur était déjà pris par la « mer ».
Le récit prenant d'une vie mouvementée. Découvrez l'histoire d'un homme déchiré entre son amour pour la mer et la liberté, et son amour des siens.
EXTRAIT
Je ne connais pas plus belle salope que la mer. Elle est traîtresse et capricieuse comme une femme, mais elle lui est supérieure. De toutes les femmes que j’ai connues, c’est la mer qui a toujours eu ma préférence. Si la femme te donne le sein, la mer, elle, te nourrit à tous les âges de ta vie. Et une fois qu’elle t’a pris, elle ne te lâche plus. Tu es son roi, même si tu ne la domineras jamais. Elle fait de toi un homme libre. C’est-ce que disait Baudelaire dans son poème, « L’homme et la mer ». Je n’ai jamais été un fana de poésie, mais j’ai retenu quelques bribes de ce poème qui sonnent encore dans ma tête comme certaines tempêtes que j’ai affrontées. « Homme libre, toujours tu chériras la mer ! […] Tu te plais à plonger au sein de ton image ; tu l’embrasses des yeux et des bras, et ton cœur se distrait quelquefois de sa propre rumeur au bruit de cette plainte indomptable et sauvage… ». Si j’avais su faire de la poésie, je n’aurais pas écrit autre chose. Il a tout compris, comme aussi la lutte sans pitié ni remords entre elle et nous, depuis la nuit des temps. C’est aussi ce que dit le poème, mais je ne me souviens plus de ses vers. Je me souviens bien, en revanche, des fois où elle a failli m’ôter la vie.
À PROPOS DE L'AUTEUR
Né dans les années 62, Alain Briand a pratiqué les métiers de la mer de Saint-Pierre et Miquelon à Saint-Pierre d’Oléron, de la grande pêche à la pêche à pied ! Entre les femmes et la mer, sa vie a balancé bien souvent en eau trouble mais est restée toujours fidèle à celle-ci !!! la MER
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Avis sur Le Don Quichotte de l'Estran
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Aperçu du livre
Le Don Quichotte de l'Estran - Alain Briand
Pas plus belle salope que la mer
Je ne connais pas plus belle salope que la mer. Elle est traîtresse et capricieuse comme une femme, mais elle lui est supérieure. De toutes les femmes que j’ai connues, c’est la mer qui a toujours eu ma préférence. Si la femme te donne le sein, la mer, elle, te nourrit à tous les âges de ta vie. Et une fois qu’elle t’a pris, elle ne te lâche plus. Tu es son roi, même si tu ne la domineras jamais. Elle fait de toi un homme libre. C’est-ce que disait Baudelaire dans son poème, « L’homme et la mer ». Je n’ai jamais été un fana de poésie, mais j’ai retenu quelques bribes de ce poème qui sonnent encore dans ma tête comme certaines tempêtes que j’ai affrontées. « Homme libre, toujours tu chériras la mer ! […] Tu te plais à plonger au sein de ton image ; tu l’embrasses des yeux et des bras, et ton cœur se distrait quelquefois de sa propre rumeur au bruit de cette plainte indomptable et sauvage… ». Si j’avais su faire de la poésie, je n’aurais pas écrit autre chose. Il a tout compris, comme aussi la lutte sans pitié ni remords entre elle et nous, depuis la nuit des temps. C’est aussi ce que dit le poème, mais je ne me souviens plus de ses vers. Je me souviens bien, en revanche, des fois où elle a failli m’ôter la vie.
Il n’empêche, je n’ai jamais cessé d’être amoureux d’elle. Je ne me lasse jamais de la contempler. En mer, on a l’infini devant soi. Elle m’envoûte avec ses mille visages, ses changements brusques de couleurs, de variances et de vagues. Elle seule a ce pouvoir de te ramener à ce que tu es : rien. Ou poussière comme on dit aussi. Quand tu te fais brosser par la mer, qu’elle t’assaille avec ses lames, tu te sens minuscule. C’est comme une grande claque dans la gueule, de celles qui te mettent K. O. au premier coup. Mais, si cette claque peut te défoncer la gueule avant même que tu n’aies eu le temps de dire ouf, je la préfère de loin à celles que peuvent te donner les femmes. À elle, je peux tout pardonner. Oui, tout, parce qu’elle sait garder le secret sur les confidences que tu lui fais. Je crois d’ailleurs que c’est à elle que j’ai parlé le plus, même si elle ne m’a jamais répondu. Elle est la maîtresse la plus fidèle qui soit, celle qui tient toujours sa promesse de t’emporter au loin, te faisant rêver d’un monde meilleur. Tu te fais des films sans cesse quand tu es à des milliers de kilomètres de la terre ferme. J’y ai rêvé maintes fois de l’Atlantide dont on m’avait parlé quand j’étais gosse. Si je ne l’ai jamais trouvé, j’y ai trouvé des trésors dans des bateaux de la Seconde Guerre mondiale qui gisaient tout au fond. La mer, c’est toute ma vie. Ma plus belle fin ? Se laisser couler doucement en elle et ne plus remonter à la surface.
Môme, pourtant, j’en avais une trouille bleue. Dans le petit bourg où j’ai grandi, à Pleurtuit, en Bretagne, mon père m’emmenait avec lui quand il plongeait ou allait à la pêche à pied. Je l’attendais sur les rochers, tétanisé de peur devant cette masse liquide. Je m’en faisais tout un monde. J’imaginais que sous ses eaux des poissons n’attendaient que moi pour me bouffer. Je ne voulais pas m’en approcher. Pour que je combatte ma peur, mon père m’a, un jour, jeté à l’eau sans crier gare. J’avais cinq ans. J’ai eu la peur de ma vie. Je ne savais pas nager. J’ai brassé comme un fou pour ne pas couler. C’était ça ou crever. C’est comme ça que j’ai appris à nager. Après ce jour-là, je n’ai plus eu qu’une envie : être toujours au bord de l’océan. Je me sentais libre auprès d’elle, serein, hors de portée des autres, en sécurité. Trois fois, pourtant, j’ai failli y rester.
David contre Goliath
La première fois, c’était à Saint-Malo, en 1989. J’ai toujours aimé cette cité fortifiée, avec ses roches de granit et sa mer couleur émeraude. Nous avions l’habitude avec un copain et son fils d’aller, à la nuit tombée, à la pêche aux ormeaux. C’était alors illégal. L’administration refusait à cette époque de délivrer des autorisations pour la pêche en apnée alors que c’est celle qui est la plus respectueuse du milieu. Cela n’empêchait nullement le trafic des ormeaux dans le coin. C’était même courant, même si les gendarmes faisaient la chasse aux braconniers. C’est pour cela qu’on allait souvent pêcher avec un copain et son fils vers le plateau des Minquiers, un enchaînement de roches à 20 milles nautiques de Saint-Malo. Nous connaissions la côte comme notre poche, ses zones à risques et celles propices à la plongée. On plongeait de nuit, car on était sûr alors d’éviter les gendarmes. Il faut dire qu’à cette époque ces messieurs étaient comme les poules, ils dormaient la nuit. Les temps ont bien changé depuis.
Cette nuit-là, alors que nous étions en pleine mer et que nous avions plongé de notre bateau pour pêcher des ormeaux, le mauvais temps s’est abattu d’un coup. Seul le fils était resté sur le bateau pour faire la surveillance. Mon copain a réussi à remonter. Pas moi. La pile de ma torche était morte. Je n’y voyais rien, incapable de repérer le bateau comme d’entendre son moteur. Quand je l’ai repéré, c’était trop tard. Le bateau s’éloignait. J’ai paniqué. J’ai commencé à couler. L’idée de crever là et de servir de bouffe aux chancres me faisait enrager. Je n’avais qu’une idée en tête : survivre. Je me suis mis sur le dos et j’ai commencé à nager. Les courants étaient forts. J’ai lâché tout mon matériel, la bouteille, la ceinture de plomb et les poches d’ormeaux. J’entendais le bruit du moteur, un coup proche, un coup lointain. Le temps alors compte double. Enfin, deux heures plus tard, j’ai vu les feux du bateau à 50 mètres. J’ai gueulé de toutes mes forces pour qu’ils m’entendent. J’y suis arrivé. Une fois à bord, le copain m’a avoué qu’il s’apprêtait avec son fils à rejoindre la côte pour appeler les secours, après deux heures de vaines recherches. Cette nuit-là, pour la première fois, j’ai eu peur de mourir. Pour combattre cette angoisse, j’ai décidé de soigner le mal par le mal. La nuit suivante, je plongeais de nouveau.
La deuxième fois, encore à Saint-Malo, le destin a été plus clément avec moi. Ce ne devait pas être mon heure. Je devais alors embarquer à bord d’un bateau d’un armement privé. Pour embarquer, il suffisait à cette époque de longer les quais et de demander à chaque patron de bateau s’il y avait du boulot à bord. On pouvait partir pour trois ou quatre mois avec les trois gros bateaux au long cours qu’étaient le Terre-Neuvas, Joseph Roty, le Capitaine Pleven II ou le Victor, ou pour une dizaine de jours à bord de bateaux de pêche fraîche, ou pour un jour à bord de bateaux journaliers qui pêchaient des bulots, des crabes, des Saint-Jacques, des amandes, tous les petits coquillages. Partir à bord de ces bateaux, c’était un peu au petit bonheur la chance, mais les matelots avaient rarement des difficultés à trouver une place. Il fallait juste éviter les bateaux traîne-pouche, ceux à bord desquels on n’était pas sûrs de gagner beaucoup d’argent, pire encore, d’être payés voir d’être redevable. (Devoir de l’argent à son armateur)
Le bateau d’armement privé que je trouvais alors était un chalutier de pêche fraîche. L’embauche s’est faite sur le quai. On devait partir pour la semaine. On avait réparé le chalut toute la journée avant de prendre la mer, le soir. En soirée, juste avant le départ, on apprend que le mauvais temps se lève. L’équipage faisait la gueule. Il n’avait aucune envie de se retrouver au milieu d’une tempête. Comme toujours, j’ai été le seul à ouvrir ma gueule. J’ai proposé que l’on retarde le départ d’un jour. « Si tu ne veux pas partir, tu n’as qu’à rester à quai ! », m’a balancé le patron. On n’a pas besoin de me répéter deux fois de me casser. J’ai pris mon barda et je suis descendu. Cela m’a sauvé la vie. Dans la nuit, alors qu’ils étaient en mer, le mauvais temps s’est levé. Ils ne sont jamais revenus. La grande faucheuse avait décidé de m’épargner.
La troisième fois, c’était sur un filayeur en février 2001. Je travaillais alors à bord d’un bateau de pêche. Cette nuit-là, j’ai remplacé un matelot dans une manœuvre. Il avait le nez plein de farine. Impossible d’en tirer quoi que ce soit. Moi, si je buvais comme un trou quand je faisais la fête, je ne prenais pas une goutte d’alcool quand je bossais. Il ne faut pas tenter le diable, et encore moins cette grande étendue d’eau qui n’attend qu’un faux pas pour t’emmener à tout jamais dans ses profondeurs. Le patron du bateau, comme toujours, était pressé. Il fallait aller plus vite que les autres, mettre plus de filets que les autres bateaux de pêche autour de nous. À bord, je faisais tout : matelot, mécano, bosco. J’étais le polyvalent de service, mais sans le supplément de part qui va avec ni la reconnaissance du patron ! Au moment de filer une seconde série de filets de pêche, l’un des filets s’est entouré autour de mon cou, avant de me soulever et de me jeter à la mer tout en tapant le tableau arrière du bateau, qui filait à une vitesse de douze nœuds. J’étais comme une marionnette suspendue à cette putain de filet qui m’étranglait. J’ai fini par perdre connaissance. Ensuite, c’est le black-out. Les marins m’ont repêché. J’avais la gorge tranchée, des fractures partout.
Les ambulanciers arrivés sur place ne savaient pas s’ils devaient ou pas m’emmener à l’hôpital. Compte tenu de la gravité de mon état, ils pensaient que j’allais mourir en chemin. Ils ont mis plus de deux heures pour me stabiliser avant de se décider à me conduire à l’hôpital de Rochefort. Lors de mon opération, non seulement ils ont oublié de me recoller une oreille qui avait été arrachée, mais, en plus, ils m’ont placé une broche alors que j’avais une fracture fermée. À la suite de l’opération, j’ai chopé un staphylocoque doré qui m’a fait exploser l’épaule. Je pensais que le pire avait été atteint. Je me trompais.