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Le combat de Lee Lou: Roman
Le combat de Lee Lou: Roman
Le combat de Lee Lou: Roman
Livre électronique562 pages9 heures

Le combat de Lee Lou: Roman

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À propos de ce livre électronique

Lee Lou et sept autres adolescents, détenteurs de pouvoirs étranges, participent à un tournoi durant lequel la jeune fille découvrira la vérité sur son passé...

À la suite d'un rêve fait 300 ans auparavant, un très vieil homme décide de changer le destin d'une petite fille en aidant sa mère à la sauver d'un enlèvement. Il crée un tournoi auquel sept autres adolescents et la jeune fille participeront. Chaque adolescent est détenteur d'un pouvoir spécifique. Au fur et à mesure des étapes, Lee Lou va découvrir son passé. Le vieil homme souhaite par le biais de ce tournoi comprendre le comportement humain en observant la réaction de ces jeunes gens dans des situations extrêmes. Ils devront traverser diverses épreuves. Que se passera-t-il lorsque Lee Lou apprendra la vérité sur son passé. Qui parviendra, après toutes ces années d'entraînements et de préparations à remporter le tournoi ?
Un roman qui vous emmènera au plus près des relations entre ces adolescents aux pouvoirs étranges et laissera émerger chez eux des aspects plus sombres de leur personnalité, tout autant que des émotions qui peuvent les fragiliser.

Plongez-vous dans un roman fantastique empli de suspense et d'émotions, où les personnages devront surmonter des épreuves qui révéleront les aspects les plus sombres d'eux-mêmes !

EXTRAIT

Jetant un coup d’œil à l’intérieur, le vieux pêcheur découvre qu’un gilet de sauvetage usagé qu’il tapote avec le bout de son index, provoquant des pleurs de plus en plus intenses. Ces cris stridents lui percent les tympans. Sans perdre une seconde, il empoigne la fermeture éclair du gilet de sauvetage et d’un geste vif l’ouvre complètement. Mis à part le bruit des embarcations qui s’entrechoquent, le son rapide du zip calme les cris de l’enfant. À l’intérieur, il découvre un petit bébé totalement trempé tant il a transpiré. Ses lèvres sont blanches et fripées. Le vieux pêcheur constate aisément un début de déshydratation. Le prenant dans ses bras, le vieux pêcheur dit à haute voix tout en le regardant avec compassion :
— Comment ce bébé peut-il être encore en vie avec cette chaleur ? En pleine mer... ! C’est un miracle.
Avant de retourner sur sa pirogue, le vieil homme récupère le gilet de sauvetage. Une fois dans son embarcation, le bébé toujours dans les bras, le vieux pêcheur le dépose au centre d’un gros tas de filet de pêche. Puis dans un geste contrôlé, il installe le nourrisson à l’intérieur de sa création. Se plaçant en vis-à-vis de son invité-surprise afin de tenir un œil protecteur sur lui, le vieil homme saisit ses rames et pagaie avec ardeur. À peine a-t-il commencé à partir, qu’une brise fraîche enveloppe son corps pour finir par fouetter son visage. Son regard dirigé vers le ciel, le vieux pêcheur aperçoit une chose étrange. Un énorme cumulus blanc de plusieurs épaisseurs a l’air de lui sourire. Le vieil homme à l’impression que ce nuage est heureux.

À PROPOS DE L'AUTEUR

Née en 1978 à Cagnes-sur-Mer, Laetitia Duchet se passionne pour l’écriture dès l’âge de 8 ans. Elle écrit sa première nouvelle à 14 ans. Depuis elle n’a cessé de puiser dans son vécu hors du commun pour façonner ses personnages. Aujourd’hui, mère de 4 enfants, elle est factrice à TENDE un petit village des Alpes maritimes.
LangueFrançais
Date de sortie12 juin 2019
ISBN9782378778439
Le combat de Lee Lou: Roman

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    Aperçu du livre

    Le combat de Lee Lou - Laetitia Duchet

    Laetitia Duchet

    Le combat de Lee Lou

    Roman

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    © Lys Bleu Éditions—Laetitia Duchet

    ISBN : 978-2-37877-843-9

    Le code de la propriété intellectuelle n’autorisant aux termes des paragraphes 2 et 3 de l’article L.122-5, d’une part, que les copies ou reproductions strictement réservées à l’usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective et, d’autre part, sous réserve du nom de l’auteur et de la source, que les analyses et les courtes citations justifiées par le caractère critique, polémique, pédagogique, scientifique ou d’information, toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle, faite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause, est illicite (article L.122-4). Cette représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce soit, constituerait donc une contrefaçon sanctionnée par les articles L.335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.

    Première partie

    Une pêche surprenante

    Un vieux pêcheur chinois au front dégarni, vêtu d’une tunique marron-orangé tombant à mi-genoux et d’un pantalon marron clair est debout dans sa pirogue. Il remonte sans grande difficulté son filet pratiquement vide. Depuis son arrivée au milieu de l’océan, il n’a réussi à pêcher que quatre petits poissons à peine plus grands que sa main. Énervé de cette pêche maudite, le vieux pêcheur décide d’envoyer ces quatre poissons au loin, comme s’il espérait ne jamais les revoir. Le bras levé prêt à lancer, il remarque une petite tache noire au loin voguant sur cet océan légèrement agité. Plissant les yeux au maximum afin de mieux distinguer son origine, il pense deviner petit à petit ce qu’est cette chose étrange.

    — Encore un canot qui s’est détaché d’un gros bateau à transporteur de riches. Ils ne savent donc rien faire d’autre de leur argent que de le dépenser à se promener.

    Sans y prêter plus d’attention, le petit homme au front dégarni continue de jeter ses poissons loin devant lui. Peu à peu, par on ne sait quel miracle le canot rejoint le vieux pêcheur. Étonnant, se dit-il, avec le courant de sens contraire il aurait dû partir à la dérive. Peu préoccupé par ce genre de détail, le vieil homme persiste à jeter son filet et à le ramener à bord de sa pirogue. Faisant dos au canot, il entend soudainement de légers pleurs étouffés, à peine perceptibles. Il lève la tête, surpris de ce qu’il entend. Étant au beau milieu du golf de Thaïlande, il est improbable d’entendre des pleurs de bébé.

    Secouant la tête comme pour se remettre les idées en place, le vieux pêcheur poursuit sa besogne. Mais voilà, les pleurs se font de plus en plus persistants. Il en est sûr maintenant. Tout ceci est bien réel.

    Il se lève et pivote en direction du canot, d’où sont perceptibles les cris larmoyants d’un petit nourrisson. Tout à coup, il constate que celui-ci est bien plus proche de lui que tout à l’heure. Levant au-dessus de sa tête un morceau d’étoffe traînant dans le fond de sa pirogue, le vieil homme contrôle le sens du vent. Comme il s’y attendait, l’embarcation de fortune navigue à contre-courant. Donnant quelques coups de pagaie jusqu’à celui-ci, il s’amarre au canot.

    Jetant un coup d’œil à l’intérieur, le vieux pêcheur découvre qu’un gilet de sauvetage usagé qu’il tapote avec le bout de son index, provoquant des pleurs de plus en plus intenses. Ces cris stridents lui percent les tympans. Sans perdre une seconde, il empoigne la fermeture éclair du gilet de sauvetage et d’un geste vif l’ouvre complètement. Mis à part le bruit des embarcations qui s’entrechoquent, le son rapide du zip calme les cris de l’enfant. À l’intérieur, il découvre un petit bébé totalement trempé tant il a transpiré. Ses lèvres sont blanches et fripées. Le vieux pêcheur constate aisément un début de déshydratation.

    Le prenant dans ses bras, le vieux pêcheur dit à haute voix tout en le regardant avec compassion :

    — Comment ce bébé peut-il être encore en vie avec cette chaleur ? En pleine mer... ! C’est un miracle.

    Avant de retourner sur sa pirogue, le vieil homme récupère le gilet de sauvetage. Une fois dans son embarcation, le bébé toujours dans les bras, le vieux pêcheur le dépose au centre d’un gros tas de filet de pêche. Puis dans un geste contrôlé, il installe le nourrisson à l’intérieur de sa création. Se plaçant en vis-à-vis de son invité-surprise afin de tenir un œil protecteur sur lui, le vieil homme saisit ses rames et pagaie avec ardeur. À peine a-t-il commencé à partir, qu’une brise fraîche enveloppe son corps pour finir par fouetter son visage. Son regard dirigé vers le ciel, le vieux pêcheur aperçoit une chose étrange. Un énorme cumulus blanc de plusieurs épaisseurs a l’air de lui sourire. Le vieil homme à l’impression que ce nuage est heureux.

    La pirogue calée dans le sable, il s’empresse de descendre en prenant bien soin de tenir fermement le petit être dans ses bras. D’un pas décidé, il se rend chez lui et pousse la porte de son pavillon ne contenant qu’une seule grande pièce d’environ cinquante mètres carrés. Il a construit cet habitat, il y a de ça plusieurs années, grâce à des tronçons de bambou. Il n’est pas né sur cette île, mais il y vit depuis un certain temps déjà.

    Avec une vue imprenable sur la grande bleue, une immense baie vitrée donnant sur un patio en bambou, éclaire merveilleusement l’intérieur de la maison.

    Le vieux pêcheur installe le nourrisson sur un lit juste assez grand pour une seule personne. Au contact du matelas aussi épais et dur qu’une planche en bois, des pleurs aigus surgissent au point d’en percer les tympans. Ce petit être appréhende une fois de plus d’être abandonné.

    Ce pauvre pêcheur qui n’a jamais eu d’enfant à élever, ne sait par où commencer : faut-il le changer, le nourrir ? Il est quelque peu déboussolé. Ses yeux cherchent le moyen de trouver une réponse. Malheureusement, rien.

    Pourtant, il va bien falloir calmer ces pleurs. Ne s’attardant pas, il cale l’enfant entre plusieurs coussins. Jamais il n’aurait cru qu’un si petit être puisse bouger et gigoter autant. Malgré les quelques coussins présents sur le lit, l’enfant serait capable de passer par dessus pour finir sa course au sol.

    Maintenant rassuré, le vieux pêcheur récupère une petite bassine afin de la remplir d’eau grâce à un puits situé à l’arrière de son pavillon. Revenu auprès du nourrisson, il ramasse sur une étagère la première chemise d’une pile de vêtements bien pliés, quelques serviettes, un gant, une taie d’oreiller, et pour finir des épingles à nourrice qu’il pioche dans un panier en osier à côté de son lit.

    Il commence par lui retirer délicatement son joli petit pull en coton jaune, puis son pantalon de même couleur, et enfin sa couche. C’est à ce moment-là qu’il découvre avec stupeur quelque chose à laquelle il n’avait pas pensé :

    — Une fille… Que… Que vais-je faire d’une fille ??????

    L’air songeur, il poursuit une toilette complète de sa petite protégée. Une fois qu’il l’a bien séchée avec une serviette éponge, le vieux pêcheur utilise un gant de toilette en remplacement d’une couche. Ce dernier est soutenu par une taie d’oreiller, pliée en forme de losange. Grâce aux épingles à nourrice, il parvient à tout maintenir.

    En se redressant, le vieil homme admire son travail. À première vue, il ne peut pas dire que son système soit très esthétique. Quant à sa petite protégée, ses yeux encore bouffis le dévisagent sans trop comprendre ce qui lui arrive.

    — Ne me regarde pas comme ça, avec ces yeux-là ! Je fais ce que je peux avec les moyens que j’ai.

    Ces paroles dites, la petite fille sourit. Elle offre le sentiment de comprendre que son sauveur n’est vraiment pas à l’aise dans son nouveau rôle. Et pourtant, le plus dur reste à venir. Il va falloir la nourrir. N’ayant ni biberon ni lait spécialisé, il doit réfléchir à un nouveau système pratique.

    Après mûre réflexion, il parvient à une drôle d’astuce. Pour ce faire, il perce le bouchon d’une petite bouteille d’eau en plastique, trouvée dans un petit meuble à deux portes de son coin cuisine. Posé sur un petit caisson à côté de celui-ci, le vieux pêcheur saisit un broc de lait. Tenant dans une main la petite bouteille puis dans l’autre le récipient, le vieil homme transvase avec prudence une quantité de lait suffisante pour la petite qui l’attend toujours bloquée entre des oreillers.

    Bien calée dans les bras du vieil homme, elle se nourrit avec délectation. La petite fille à l’air d’apprécier ce nouveau biberon fait maison. Pendant ce temps, le vieux pêcheur la regardant boire continue à se demander ce qu’il va bien pouvoir faire de cette si jolie petite fille.

    Seize ans plus tard

    Comme chaque jour depuis des années, le vieux pêcheur une fois revenu avec sa pirogue remplie de poissons court se changer pour donner des cours d’arts martiaux aux jeunes des villages voisins. Un garçon de l’île l’attend afin de s’occuper de sa pêche miraculeuse, puis nettoyer la pirogue pour sa prochaine sortie en mer. Tout ça en échange d’un peu d’argent pour lui et sa famille.

    Le pêcheur qui a recueilli un petit nourrisson seize ans plus tôt est un vieux Maître chinois appelé Lee Chang, nom qu’il s’est choisi en fonction de l’île où il vit (l’île Koh Chang) situé dans le golfe de Thaïlande. Il est le seul à enseigner cet art. Tous les habitants de cette même île travaillent la terre afin de nourrir leur famille.

    Lee Chang appelé par tous ses élèves Maître, enseigne à ses jeunes le respect, la sagesse et l’intelligence de l’esprit. Il espère de cette manière leur éviter, pour gagner de l’argent, d’utiliser toutes sortes de violence. Sur le continent, il le sait bien, tous ne vivent que de vols et de combats clandestins. C’est le seul moyen qu’ils ont pour survivre sans travail. Le jour de sa rencontre avec sa petite protégée, Lee Chang décide de la baptiser Lee Lou. Et comme tous les habitants de l’île, elle l’appelle Maître.

    Seize ans ont passé. Lee Lou est devenue un jeune et joli brin de femme. Depuis qu’elle sait se tenir debout, le Maître lui a enseigné les arts martiaux avec plus de fermeté qu’à ses autres élèves. Il sait depuis qu’il l’a sauvé des eaux que leur rencontre n’est pas le fruit du hasard. Une grande destinée attend Lee Lou. Et c’est à lui de l’aider à trouver sa voie. Voilà pourquoi il l’entraîne avec tant d’ardeur.

    Lee Chang a un projet pour la jeune fille. Sur d’anciens manuscrits en possession de sa famille depuis des générations est cité ce but précis. Installé aisément dans son patio, sur son fauteuil à bascule fabriqué lui aussi de ses mains, le vieil homme interpelle Lee Lou en pleine séance d’entraînement non loin de lui.

    — Lee Lou, viens me voir une minute. C’est important !

    Immédiatement, la jeune fille interrompt ses étirements. Elle ramasse sa serviette jetée près d’elle, la secoue pour retirer les petits grains de sable restés dessus. Puis tout en marchant, elle sèche toute marque de transpiration sur son visage ainsi que sous ses bras. Une fois arrivée vers son Maître, elle s’assoit sur une chaise en bois brut installée à côté de lui :

    — Oui, Maître, qu’y a-t-il ?

    — Bien…, dit-il en se redressant. Cela fait à peu près quatorze ans que je t’enseigne tout mon savoir sur les arts martiaux. Jamais je n’en ai appris autant à quelqu’un. Mais depuis le jour où je t’ai trouvé dans ce canot, j’ai su que tu accomplirais de grandes choses. Je le savais, car cela m’avait été écrit.

    Lee Lou laisse paraître un regard de totale incompréhension à ce que lui raconte son Maître. Il poursuit donc ses explications en entrant un petit peu plus dans les détails.

    — Vois-tu, sur de vieux parchemins sacrés, est écrit qu’un jour viendra où une personne de cette île réussira à se rendre au temple du dragon afin de passer les trois épreuves qui mènent aux pouvoirs. Il n’y est indiqué aucun détail sur cette personne, mais au fond de moi je suis persuadé que cette personne n’est autre que toi.

    — Moi ! Mais pourquoi moi ? dit-elle sans comprendre.

    — Depuis le jour ou je t’ai trouvé, répond-il, je me suis dit qu’un petit bébé qui arrive à traverser l’océan dans un canot en plein soleil sans boire ni manger et qui arrive à rester en vie ne peut-être qu’un petit bébé qui a une grande destinée.

    Lee Lou qui ne quitte pas du regard son Maître lui répond sans aucune assurance dans la voix :

    — Si vous le dîtes.

    Le silence entre eux laisse percevoir le bruit de la mer qui cogne sur le petit ponton construit près du pavillon, là où est amarrée la pirogue du Maître. Lee Lou finit enfin par demander :

    — Vous n’aviez pas parlé d’un temple ? Un temple… de… de je ne sais quoi.

    — Oui, c’est exact, le temple du dragon. Voyant le regard interrogateur de Lee Lou, il poursuit. C’est dans ce temple que tu effectueras trois épreuves, qui si tu les réussis te donneront le pouvoir d’Électricité.

    Lee Lou de plus en plus attentive, mais aussi quelque peu incrédule, laisse son Maître poursuivre.

    — Vois-tu, il existe sept autres pouvoirs dans ce monde. Qui sont la Divination à Ellora, un sanctuaire creusé dans la roche en Inde, la Rapidité en Arizona dans le Grand Canyon, l’Invisibilité dans l’île d’Ellesmere dans le Nunavut au Canada, la Transformation à Kamtchatka qui est une péninsule volcanique à l’Est de la Russie.

    Lee Lou persiste à croire que son Maître a perdu la raison. Jamais elle n’a entendu parler de tels pouvoirs. Toujours silencieuse, elle laisse poursuivre.

    — La Lévitation en Écosse située dans un château sur les bords du Loch Ness, la Téléportation dans la forêt amazonienne au Brésil et enfin la Télépathie en France dans une forêt-galerie appelée « courant d’Huchet » dans les Landes.

    Malgré ses doutes sur l’existence de pouvoirs magiques, Lee Lou pose une autre question :

    — Il y a une chose que je ne comprends pas. Quelle est l’utilité de ces pouvoirs ? Pourquoi les avoir séparés ?

    — Une fois que, toi et les sept autres élus désignés pour recevoir ces pouvoirs réussirez vos épreuves, vous serez convoqués à un grand tournoi. Vous devrez combattre jusqu’à gagner le pouvoir de l’autre. Celui qui remportera la grande finale sera en possession des huit pouvoirs donnant la force absolue.

    Lee Lou commence à entrevoir le point positif de cette histoire. Si tout cela est vrai, l’un des pouvoirs peut lui apporter une réponse tant attendue, et un autre, l’aider à accomplir une tâche. Elle doit bien l’avouer, Lee Lou n’est pas trop emballée par la perspective d’aller au temple du dragon. Elle ne sait rien de ce qui l’attend. Elle appréhende les destinations inconnues.

    Désireuse d’en savoir plus, elle invite son Maître à lui apporter un plus d’informations. Pour cela, elle va essayer de ne pas lui faire entendre l’espoir qu’elle nourrit à l’énoncé de la liste des huit pouvoirs qu’elle pourrait obtenir.

    — Dites-moi en plus au sujet de ce tournoi ?

    — Je n’en sais pas davantage, je t’ai donné toutes les informations qui ont été inscrites sur les parchemins sacrés. Une fois au temple du dragon, tu auras les réponses.

    — Je dois partir quand ? dit-elle partagée, entre, l’excitation et la peur.

    — Aujourd’hui est un bon jour, les astres sont au point culminant du signe de la réussite. Toutes les énergies positives de tes planètes sont réunies afin de t’aider et de te guider. Il fait une pause et poursuit. Mon esprit sera toujours là avec toi. Quand tu auras peur, il te rassurera, quand tu auras un doute, il te guidera.

    — Et vous, Maître, qu’allez-vous faire ?

    Lee Chang sait que la vérité lui ferait de la peine et risquerait de compromettre son départ au temple. Il choisit donc de se taire et de lui répondre ce qu’elle souhaite entendre.

    — Je vais continuer à donner mes cours aux jeunes de l’île… et t’attendre.

    Lee Lou ne peut l’expliquer, mais le mot « attendre » ne lui laisse pas entendre une réponse sincère. Son corps se met tout à coup à ressentir des picotements d’angoisse qui ne présagent rien de bon. Elle sait très bien que son Maître a toujours su s’occuper de lui. Jamais il n’a demandé d’aide. Ce serait le déshonorer que de reculer devant l’adversité. Il lui a enseigné tout ce qu’il faut savoir sur la survie et la self-défense.

    Voyant le visage de Lee Lou se contracter et son air absent, Lee Chang décide de la sortir de cet état-là ?

    — Il est temps ! Prends de quoi te nourrir et boire et suis le sentier qui te sera tracé dans la montagne.

    Lee Lou obéissant à son Maître se lève de sa chaise en lui souriant afin de le rassurer.

    Avant de se rendre à l’intérieur du pavillon, elle s’agenouille à ses pieds pour lui dire avec tendresse :

    — Je vous promets d’y arriver. Je ne vous décevrai pas.

    — J’en suis certain. Comme je te l’ai dit, nos chemins ne se sont pas croisés par hasard.

    Lee Lou enfourne de quoi manger ainsi qu’une gourde d’eau dans son baluchon. Sur elle, une chemise de soie noire avec un pantalon assorti et une paire de sandales blanches qu’elle ne quitte jamais. Ses longs cheveux châtains sont attachés par un lacet blanc. Une fois prête, Lee Lou part en direction de la montagne à tout juste deux kilomètres en amont de la mer.

    Comme elle le sait depuis toujours, son Maître n’aime pas les adieux. Il aura sûrement préféré rester assis dans son fauteuil à bascule à contempler le large jusqu’au coucher du soleil.

    En s’approchant du pied de la montagne, Lee Lou se rend rapidement compte qu’aucun sentier n’existe pour lui permettre de commencer son ascension. Toujours son baluchon sur les épaules, elle continue son approche sans tenir compte des fougères étonnamment hautes et des ronces qui lui barrent la route.

    Subitement, après quelques pas, un chemin s’ouvre devant elle. Les herbes hautes et les ronces s’écartent sur les côtés en quelques secondes comme la mer s’est ouverte à Moïse. Sans aucune crainte, Lee Lou s’aventure dans les profondeurs de ce chemin tout tracé.

    La jeune fille pivotant sur ses talons prend le temps d’observer les fougères, ronces, et autres plantes se remettre en place comme à son arrivée, permettant ainsi de camoufler le sentier à quiconque se promènerait par ici. Lee Lou considère ce procédé plutôt astucieux, mais tout aussi irréel.

    Il aura fallu deux jours à Lee Lou pour atteindre le temple du dragon. La route a été plutôt longue, mais tout aussi agréable à découvrir. En chemin, elle peut reconnaître des fleurs et des arbres dont elle a eu connaissance grâce à son Maître durant des escapades d’entraînement en forêt.

    Parmi ceux se trouvant sur son parcours, Lee Lou préfère les magnolias de soulange aux feuilles ovales et aux fleurs en forme de tulipes rose pâle et blanches. Les catalpas se font plus rares, ces arbres peuvent vivre jusqu’à cent ans, ornés de grandes feuilles ovales ainsi que des fleurs blanches groupées en grappes aux extrémités des branches. Quelques iris à fleurs bleu lavande traînent par-ci par-là. Cependant, les plus ravissantes par leur nom et leurs formes sont les reines-des-prés. Les feuilles, de gros coussins vert sombre rappellent les fougères, avec en prime des fleurs blanches. Toutes ces couleurs, ces formes, ces tailles ne sont qu’un enchantement pour les yeux.

    Après toutes ces merveilles visuelles et odorantes, Lee Lou peut enfin savourer le plaisir d’être arrivée. Devant elle et sur sa droite se dressent deux immenses dragons en pierre.

    Juchés sur leur socle, la tête levée vers le ciel, du feu sort de leur gueule. Leur patte droite pliée en l’air, serres acérées donnant l’impression d’être prêtes à attaquer. Lee Lou après vérification constate qu’il est impossible d’essayer de contourner ces deux dragons. Des arbres d’une hauteur incalculable et aux racines colossales s’entrecroisent et jaillissent du sol en errant à une hauteur d’environ un mètre, voire plus à certains endroits. Ils empêchent indubitablement Lee Lou de se frayer un chemin de chaque côté des deux dragons. Il est indispensable qu’elle s’approche à leur niveau, car entre eux doit se trouver une allée qui mène au temple.

    Sans trop d’assurance, la jeune fille avance à petits pas. Comme un film au ralenti. Elle imagine que son Maître aurait honte s’il la voyait avoir autant peur, mais qu’à cela ne tienne Lee Lou préfère prendre ses précautions. Il serait idiot de prendre des risques maintenant alors qu’elle vient tout juste d’arriver.

    En se rapprochant de plus en plus, un nouveau dragon en pierre est posté là dans la petite allée, encore plus grand, plus agressif. Celui-ci au sol, déconcerte la jeune fille.

    Errant, devant le premier dragon, qui se trouve être à gauche de l’allée, Lee Lou peut facilement lire sur le socle en grosse lettre gravée sur la pierre, « YIN ». Au-dessous est peint son symbole, un demi-cercle sinueux noir avec un point blanc. Ensuite, se dirigeant vers le socle du deuxième dragon, le mot « YANG » y est gravé en grosse lettre, là est peint l’autre partie du symbole, un demi-cercle sinueux blanc avec un point noir. Alternativement, les couleurs de chaque symbole changent, le « YIN » devient un demi-cercle blanc avec un point noir, et le « YANG » un demi-cercle noir avec un point blanc. Et cela sans interruption.

    Lee Lou reste à observer ce phénomène surnaturel pendant plusieurs minutes, jusqu’à ce que tout à coup elle réalise pourquoi ces changements alternatifs ont lieu.

    — Mais oui, j’y suis, se dit-elle à haute voix. Ces deux symboles représentent les deux versants d’une montagne, l’un éclairé par le soleil, l’autre plongé dans la nuit. Comme le Yin-Yang forme un tout indissociable, ils fusionnent et s’engendrent en permanence.

    Elle reste là, à voir et revoir ce phénomène surnaturel. Tout en se posant ces quelques questions :

    — Pourquoi les avoir séparés, ce n’est pas normal ! Qui a bien pu faire ça ?

    Elle n’a pas le temps de poursuivre ces interrogations. Le dragon se trouvant au centre de l’allée commence sa métamorphose. De pierre, il devient chair. Le sang se met à circuler dans ses veines, sa peau devient verte, son corps se met à se mouvoir en tout sens. Il ouvre grand sa mâchoire, laissant entrevoir des dents blanches, longues, et sûrement bien aiguisées. Ses deux pattes avant rejoignent les deux pattes arrière, vingt doigts acérés sont bien en appui contre le sol. Tous les dragons n’ont pas le même nombre de doigts, cela dépend de leur pays d’origine. Par habitude, la jeune fille s’est permis de les compter assez rapidement.

    Lee Lou est toujours à une bonne distance de lui, inerte, commençant à sérieusement s’inquiéter du sort qui l’attend s’il se décide à s’approcher d’elle. Son cœur battant à un rythme effréné, des bouffées de chaleur parcourant tout son corps. Elle s’étonne à haute voix :

    — Alors là, je n’étais pas au courant… Quelqu’un aurait pu écrire dans ces satanés manuscrits sacrés qu’un dragon deviendrait vivant.

    Lentement, dû à sa grande taille, le dragon s’approche de Lee Lou, qui pour sa part ne bouge toujours pas. Sa tête dépasse la jeune fille d’au moins trois mètres. En claquant des doigts à la patte gauche, il parvient à bénéficier de la même taille que Lee Lou. Une seule remarque lui vient en tête, afin d’ignorer la peur que peut lui procurer ce dragon se trouvant à un peu près un mètre d’elle :

    — Tient un gaucher ! dit-elle... comme moi.

    L’animal au même moment avait l’intention de lui parler, mais se retrouve décontenancé par cette élucubration. Il resta pantois, la gueule grande ouverte. Jamais il n’aurait pu imaginer que le premier être humain qu’il rencontrerait lui fasse une telle remarque. Il pense qu’il aurait été plus judicieux de demander son rôle dans ce temple par exemple.

    Rapidement, l’animal secoue sa tête afin de recouvrer ses esprits, mais aussi le fil de l’histoire et dit à son tour :

    — Alors, c’est donc toi l’élu !...

    — O… oui, balbutia-t-elle.

    — Tu dois savoir que tu dois passer trois épreuves…

    — Oui, je suis au courant, dit-elle lui coupant la parole.

    — Ce n’était pas une question, dit-il d’un ton précipité. Bien, je poursuis. Si tu veux réussir à te rendre à l’intérieur de ce temple et passer les épreuves, il va falloir montrer une forte volonté d’y arriver.

    Lee Lou n’osant plus parler, de crainte de l’énerver une fois encore, laisse le dragon continuer ses explications :

    — Si tu franchis le Yin-Yang, jamais tu ne pourras revenir en arrière. Ton âme appartiendra au temple.

    Ces paroles dites, Lee Lou tente de les digérer avec légèreté. Elle n’oublie pas qu’elle a promis à son Maître d’y arriver. Et elle est bien décidée à le retrouver pour fêter avec lui sa victoire. Pourtant, de plus en plus, elle éprouve un malaise à l’idée d’abandonner son âme. Si elle échoue, seize ans c’est beaucoup trop jeune pour finir dans les entrailles de la Terre. Ce que Lee Lou ignore, et c’est pour elle une surprise, le dragon parvient à lire dans les pensées. Avant que lui vienne une autre idée absurde en tête, l’animal intervient en indiquant :

    — Ton âme ne finira pas dans les entrailles de la Terre. Il se séparera de ton corps, en errant dans les lieux saints du temple. Ton enveloppe charnelle quant à elle deviendra poussière pour finir par s’envoler vers la voûte céleste.

    — Comment vous prouver ma volonté ? Le fait d’être là ne suffit donc pas ?

    Le dragon souriant de toutes ses dents lui répond :

    — La route n’a pas été trop difficile pour venir jusqu’ici. Tu es l’élue, le chemin a été tout tracé. Non, maintenant je vais te faire une proposition, si tu l’acceptes, elle révélera la volonté qu’il y a en toi.

    — Quelle est-elle ?

    Ne souriant plus, il poursuit :

    — Quand tu auras franchi le Yin-Yang, tu ne pourras retourner en arrière, mais de plus, ton Maître devra périr. Il te l’a sûrement dit, cette règle est transcrite dans les manuscrits sacrés.

    Lee Lou laisse paraître au dragon une expression entre surprise et indignation, qui laisse percevoir que ce détail lui avait été caché. Il lui faudra un long moment pour se décider. Doit-elle accepter au risque de ne plus jamais revoir son Maître, ou bien refuser et passer à côté du seul moyen qui lui est offert de découvrir la vérité sur sa véritable identité, ainsi que sur son passé : en effet, pourquoi s’est-elle retrouvée dans un canot au beau milieu de l’océan ?

    Le dragon attendant une réponse se met à tournoyer autour de Lee Lou, toujours figée sur place, l’esprit à la réflexion. La tête légèrement inclinée sur le côté, le regard fixe sur le visage de la jeune fille, l’animal commence à perdre patience. Il juge qu’il est temps de répondre :

    — Alors, que décides-tu ?

    Lee Lou percevant une impatience pesée sur ses épaules répond en ne pensant plus à rien :

    — Je suis prête à y aller. Elle ajoute regardant le ciel : Maître, pardonnez-moi.

    — Ton destin t’appartient… Tu as choisi. Alors, va. Une fois que tu auras passé la porte qui se trouve être les deux dragons en pierre que tu vois là, il les indique d’un geste assuré, ta première épreuve sera accomplie.

    Le dragon lui faisant face s’écarte sur la gauche pour la laisser passer. Lee Lou s’avance à petits pas vers les deux statues en pierre. Toutes deux éloignées l’une de l’autre d’environ deux mètres, elles laissent libre accès à l’allée qui mène au temple. Une fois à leur niveau, Lee Lou les regarde l’une après l’autre. Elle ne s’était pas rendu compte à quel point les deux dragons pouvaient être impressionnants. Pas effrayant, juste imposant avec une expression de férocité dans le regard.

    Sans plus y prêter attention, et fixant le temple, Lee Lou s’engage enfin dans l’allée. Au moment où elle franchit l’entrée, les yeux des gardiens du temple rayonnent d’un éclat blanc. Désormais, son âme appartient au temple, il lui sera impossible de faire demi-tour. Un champ magnétique invisible vient d’être activé.

    Une courte distance parcourue et voilà Lee Lou postée devant la grande porte de la pagode, haute d’environ trois ou quatre mètres. La jeune fille malheureusement ne sait comment l’ouvrir. Reculant de quelques pas, elle en profite pour admirer son architecture. Tout de bois d’ébène et de forme rectangulaire, la pagode contient cinq étages bien distincts. Chacun des paliers ressemble à des blocs superposés les uns sur les autres, du plus grand au plus petit, comme la plupart des temples bouddhistes.

    La pagode se laisse difficilement deviner dans son ensemble en raison de sa grandeur. Un dôme en verre de forme triangulaire recouvre le toit de toute son envergure. De chaque côté de la porte des bandes en or sont visibles du sol jusqu’au sommet de la coupole.

    D’anciens dialectes thaïs sont gravés sur la grande porte en bois. Lee Lou reconnaît facilement les idéogrammes bien qu’elle n’ait jamais pris le temps d’apprendre leurs significations. La poignée est une tête de dragon en granit, avec des yeux en pierre de Jade. Instinctivement, Lee Lou appose délicatement chacun de ses index sur les yeux du dragon. Un bruit fracassant se produit immédiatement. Surprise, Lee Lou recule d’un bond, apercevant par la même occasion l’ouverture de la grande porte.

    Derrière cette grande porte, l’inconnu l’attend. Lee Lou se permet de ce fait d’avancer avec prudence sachant que deux épreuves sont encore à effectuer.

    Elle sait qu’elle doit être sur ses gardes, prête à réagir à la moindre attaque ou autre genre de danger. La jeune fille a beau avancer, avancer… tout est noir autour d’elle, pas même une petite lueur ne pourrait l’aider à s’orienter dans la bonne direction. Toutefois, après dix bons mètres parcourus, des torches alignées sur les murs d’une grande pièce carrée s’allument toutes en même temps l’éclairant de mille feux. Passer de l’obscurité à la lumière l’éblouit au point de l’aveugler. Par réflexe, elle ferme ses yeux un laps de temps afin d’espérer qu’au moment où elle les rouvrira son regard puisse jouir du décor que va lui offrir le temple du dragon.

    La hauteur du dôme au-dessus de sa tête attire le regard de la jeune fille. Bien qu’il soit en verre, la lumière du jour n’apparaît pas. Seule se manifeste la nuit qui avec toutes ses constellations brille comme un diamant. Deux à trois fois par minute, des étoiles filantes font un passage éclair au centre du dôme. Pourtant, se dit-elle, il est tôt le matin. À l’extérieur du temple, le soleil est à son point culminant. Ce phénomène bouleverse quelque peu la jeune élue. Elle est totalement désorientée. Elle se demande : est-on le jour, la nuit ? Elle ne sait plus.

    Son regard pivote sur la droite, puis d’un demi-tour sur la gauche. Sur chaque paroi en bois marron clair sont sculptés douze portraits de Maîtres chinois aujourd’hui disparus. Tous ont pratiquement la même physionomie : peu de cheveux sur le haut du crâne, de petits yeux en amande, une petite barbiche en pointe sur le menton.

    Bien qu’ils soient si différents, ils se ressemblent tant. Le plus frappant au premier abord, avant d’avoir remarqué leur ressemblance, est qu’ils regardent tous dans la même direction, vers le dôme.

    Enfin, sans avoir bougé d’un pas depuis que les torches se sont allumées, Lee Lou soupçonne que les idéogrammes inscrits sous chaque portrait révèlent leur identité.

    Quand soudain elle se décide à avancer, la flamme de toutes les torches commence à diminuer sous l’effet de son premier pas. Le sol jonché de dalles en pierre se met à disparaître au pied des murs latéraux. Plus Lee Lou progresse, plus la luminosité baisse, et les dalles disparaissent peu à peu. Lorsqu’elle atteint le quart de la pièce, il ne reste plus face à elle qu’une toute petite rangée de dalles espacées de plusieurs centimètres. La jeune fille est prise de panique. Elle estime qu’il est temps pour elle de se mettre à courir très vite en direction de la porte située à l’autre bout de la pièce.

    Avec le peu de lumière dont elle dispose, Lee Lou s’aperçoit que les dalles s’espacent de plus en plus vite, l’obligeant pour rejoindre l’autre côté de la salle de sautiller rapidement. Mais voilà qu’à deux pas de la porte il fait quasiment noir. Les dernières dalles se mettent à rétrécir. Elle arrive à peine à distinguer la poignée de la porte. Son cœur battant de plus en plus vite, Lee Lou pose son pied vigoureusement sur le petit bout de l’avant-dernier carreau, afin de réussir à produire un seul et dernier bond qui lui permettra d’agripper la poignée de la porte. En même temps qu’elle est sauvée par un contact avec une nouvelle porte, les torches s’éteignent, le noir envahit toute la pièce. Lee Lou tourne la poignée, la porte s’ouvre en grand laissant filtrer cette fois-ci la lumière de l’autre pièce.

    Cette salle est éclairée grâce à deux cheminées. Celle de gauche est en ébène semblable à la façade du temple, tandis que la seconde est en quartz fumé. Un feu démesuré brûle dans l’âtre de chaque cheminée. Sur le mur de gauche au-dessus de l’âtre en ébène est sculpté Bouddha en position assise sous un figuier pipal. Les yeux fermés, son esprit est en pleine méditation.

    Sur le mur de droite, Lee Lou aperçoit cette fois-ci huit cadres sculptés sur une même rangée. Au centre du premier tableau est gravé en grosse lettre le mot « Yama », sur le second est gravé « Niyama », sur le troisième « À sana ». La jeune fille avance tout en poursuivant sa lecture, oubliant tout ce qui l’entoure. « Pranayama » à l’intérieur du quatrième tableau, « Pratyana » sur le cinquième, « Dharana » sur le sixième. Sans quitter le mur des yeux, elle finit sa lecture. « Dhyana » sur le septième et pour finir gravé au centre du huitième cadre « Samadhi ».

    Lee Lou ignore la signification de tous ces mots, mais espère le découvrir très vite. Une coïncidence sollicite un vif intérêt de la part de la jeune fille. Elle remarque que la présence de ces huit tableaux correspond au nombre de pouvoirs que son Maître lui a cité avant son départ pour le temple du dragon.

    Un coup de tonnerre délivre Lee Lou de ses pensées. Dans un sursaut, elle regarde au-dessus de sa tête. Là aussi, un dôme a été confectionné dans cette pièce. La seule différence est qu’il est légèrement plus bas que celui qui se trouve dans l’autre salle. Également vitré, il permet de jouir de la présence d’un ciel bleuté, recouvert d’étoiles scintillantes d’une luminosité étonnante. Ce dôme étant plus petit, Lee Lou comprend maintenant pourquoi elle ne l’avait pas remarqué en arrivant.

    Un second coup de tonnerre la surprend suivi de très près par un éclair traversant le dôme pour finir sa course sur le sol au pied de Lee Lou. Craignant de devoir affronter la dernière épreuve, elle recule sans se retourner à côté de la cheminée en quartz qui bizarrement dégage une forte chaleur. Elle ne peut y poser sa main dessus au risque de se brûler.

    L’éclair une fois disparu laisse place à un nuage de fumée, se transformant par la suite en un dragon de la taille d’un être humain. Il apparaît en position semi-assise, les pattes avant levées vers le ciel. Il est impressionnant. Sa tête regarde en direction du dôme. Sa mâchoire est à peine ouverte. Il donne le sentiment d’avoir été envoyé à cet endroit contre son gré. Avec ses deux pattes levées, le dragon fait penser à quelqu’un qui implore ses dieux de ne pas l’expédier sur terre.

    Son corps est recouvert d’or fin. Ses grands yeux sont en rubis étoilé. Les griffes de ses deux pattes arrière ressemblent à de la topaze. Les quelques écailles recouvrant son dos sont en pierre de Jade. Lee Lou n’ose poser ses index sur les yeux du dragon, comme elle l’avait fait auparavant avec celui de la poignée de la grande porte. Et pourtant sa curiosité la démange. Sans trop de précipitation, elle s’approche, tend ses mains, les ramène très vite vers sa poitrine. Après trois tentatives, elle craque. La tentation est plus forte que la raison. À haute voix, elle s’adresse au dragon :

    — Je t’en supplie, ne me mange pas.

    Pour commencer, ses doigts fins frôlent les joues du dragon, le froid qui en émane lui donne la chair de poule. Elle n’aurait jamais pu imaginer qu’un corps recouvert d’or pouvait être si froid. Le métal rigide, sinueux offre un aspect désagréable au toucher, une sensation complètement à l’opposé de celle que l’on peut avoir en touchant la peau. En approchant ses mains des yeux, les index de la jeune fille s’écartent des autres doigts de la main, pour laisser libre cours au toucher des rubis étoilés. Sans aucune hésitation, elle donne une petite pression dessus.

    La métamorphose se produit instantanément. La tête du dragon se met à pivoter de droite à gauche, ses pattes arrière se dressent, ses griffes remuent les unes après les autres. L’animal sort de sa léthargie. Les deux pattes avant toujours en direction du dôme s’illuminent. De ses ongles acérés, jaillissent dix petits éclairs faisant apparaître l’hologramme d’un visage de vieux Maître chinois, ressemblant à ceux que Lee Lou a pu découvrir dans la pièce précédente. Tout en la regardant, le vieux Maître chinois sourit, bridant encore plus son regard en amande.

    Lee Lou ne sait plus trop ce qu’elle doit faire. Est-ce la troisième épreuve ? Sachant lui aussi lire dans les pensées, le vieux Maître chinois explique :

    — Alors c’est toi l’élu ! Nous savions que ce jour viendrait bientôt.

    — Nous ?...Demande-t-elle ? Qui ça « nous » ?

    — Nous, les sages. Gardiens des huit temples existant dans ce monde, répond-il. Les sept autres élus désignés vont eux aussi bientôt atteindre leur temple et effectuer à leur tour les trois épreuves. Pour le moment, tu es la première à y être arrivée. Félicitations !

    Lee Lou en entendant ce doux compliment sent monter en elle une bouffée d’énergie. Constatant qu’un dialogue est possible avec cet hologramme, elle poursuit :

    — Qui représente ces visages sculptés sur les murs dans l’autre pièce ?

    — Comme moi, ce sont d’anciens Maîtres en arts martiaux.

    Il fait une pause puis explique :

    — Une fois que nous mourrons, notre âme suit la route de la voix de la réincarnation, puis notre image se grave dans les murs de ce temple, et nous en devenons les gardiens.

    Lee Lou très attentive ne retient qu’une chose : le fait d’avoir été la première à y être arrivée. Sa rencontre sur les eaux avec son Maître Lee Chang n’était donc pas le fruit du hasard.

    Pourtant la troisième épreuve n’a toujours pas été accomplie. Inquiète, elle se renseigne auprès du vieux Maître chinois, qui continue à sourire :

    — Et la troisième épreuve, quelle est-elle ?

    — Simplement recevoir tes pouvoirs. Ensuite, nous irons au temple d’entraînement où je t’enseignerais les techniques pour bien les utiliser. Le tournoi aura lieu quand tous les élus seront prêts, lui indique le vieil homme.

    Combien de temps va-t-elle passer dans ce temple ? Pour Lee Lou, la vie va ressembler un peu à celle qu’elle avait avec son Maître Lee Chang sur l’île. Tout à coup, le dragon qui se trouve en face d’elle disparaît pour laisser la place à ses souvenirs.

    Elle n’a alors que deux ans. Elle est sur la plage avec son Maître. Elle imite tous les mouvements qu’il effectue avec précision. Plus tard, la jeune fille pourra donner un nom à ces mouvements : le « tai-chi ». Il est arrivé pendant ces entraînements-là que Lee Chang exécute sciemment des figures acrobatiques finissant par faire tomber Lee Lou sur ses fesses. Mais au lieu de pleurer, la petite fille accompagne les rires de son Maître, qui résonnent encore dans sa tête aujourd’hui.

    Quelques années plus tard vers ses neuf ans, Lee Chang lui installe dans la mer un mannequin en bois, assez loin pour que l’eau lui atteigne le niveau des mollets. Ce mannequin en bois, aussi appelé « mook jong » est un solide tronc de section ronde à hauteur de Lee Lou. Son Maître le lui avait confectionné spécialement pour elle. Une fois planté verticalement dans la mer, Lee Lou a pu commencer ses exercices d’offensif-défensif. Divers coussinets de cuir attachés sur les faces avant et latérales lui permettent de savoir à quels emplacements elle va pouvoir donner des coups d’impact avec les poings. À hauteur de sa sangle abdominale, deux tiges de bois rond pointent hors du madrier lui permettant de s’exercer sur les techniques de blocage en les heurtant avec ses avant-bras le plus fort possible. Enfin, au bas du poteau une sorte de béquille lui permet d’exercer ses jambes pour le balayage, le crochetage et le fauchage. Une seule vraie difficulté a été rajoutée par son Maître : la mer.

    Il aura fallu des heures d’entraînement à Lee Lou pour parvenir à déplacer ses jambes aisément. Ce souvenir devrait paraître douloureux et pourtant ce ne sont que de très bons moments passés avec son Maître.

    Petit à petit, le dragon réapparaît devant elle, toujours accompagné au centre du dôme par la présence d’un vieux Maître chinois, sourire aux lèvres. Pressentant qu’il est temps pour elle de recevoir les pouvoirs, elle dit tout haut :

    — Je suis prête. Que faut-il faire maintenant ?

    Ne perdant pas de temps, le vieux Maître chinois explique :

    — Positionne-toi face au dragon, pour le « salut ».

    Lee Lou connaît parfaitement le déroulement du « salut », comme le lui a enseigné son Maître, il est un précepte commun à tous les arts martiaux. C’est une marque de respect envers l’autre, tout comme il peut être une préparation au combat ou à un retour au calme. Faisant face au dragon, Lee Lou le buste et la tête bien droits, les talons joints légèrement tournés vers l’extérieur pend ses bras le long de son corps, les paumes contre ses cuisses. Relevant par la suite ses poings serrés au niveau des côtes flottantes, la jeune fille finit son « salut » par une petite inclination de la tête vers l’avant. Le dragon fait de même, il incline sa tête vers l’avant en marque de « salut ».

    Les pouvoirs vont enfin être transmis à Lee Lou. Le vieux Maître chinois dont les bras viennent d’apparaître soudainement les tend vers le dôme. Son regard dirigé lui aussi en direction de la coupole lance un fantastique rayon de lumière traversant la vitre. Des nuages noirs, épais, parviennent d’on ne sait où recouvrant entièrement le temple. Lee Lou impressionnée n’ose bouger. Elle attend ses pouvoirs sans trop savoir comment cela va se dérouler. Néanmoins, l’arrivée de nuages l’effraie quelque peu.

    Le vieux Maître chinois, les bras toujours tendus vers le dôme réalise un geste brusque en direction de la jeune fille. Sur ce fait, un éclair surgit, suivi à la seconde près par un coup de tonnerre. Attirant la paume des mains de Lee Lou pour pouvoir décharger en elle toutes ses énergies positives, il lui transmet le pouvoir d’électricité. Les yeux fermés, la jeune fille ressent une forte chaleur lui traverser les mains, circulant à l’intérieur de ses veines. Tout se passe si vite, et pourtant cela ne l’empêche pas de s’écrouler à genou, épuisée, les mains posées au sol.

    Au même instant, les yeux des deux dragons à l’entrée du temple s’illuminent. Les socles sur lesquels ils se trouvent se rapprochent l’un de l’autre. Les symboles « YIN YANG » se rejoignent pour ne plus former qu’un cercle au centre des deux socles scellés. Le temple est définitivement fermé. Plus personne ne peut entrer dans le temple du dragon.

    Maître Lee Chang, assis dans son patio sur son fauteuil à bascule, le regard en direction de la mer semble se souvenir lui aussi de Lee Lou durant ses exercices d’entraînement. Puis, peu à peu, ses yeux se ferment, son souffle ralentit, ses mains tombent de chaque côté de son corps, sa tête s’incline du côté du cœur. Plus jamais il n’aura l’honneur de revoir la jeune fille, qui un heureux jour, a croisé sa route.

    Peu à peu, la respiration saccadée de Lee Lou retrouve un rythme régulier. Mais voilà que ses esprits à peine retrouvés, une sphère bleutée chargée d’électricité se matérialise autour d’elle l’enveloppant intégralement. Avec cette forte luminosité rayonnante, la jeune fille n’est plus percevable à l’intérieur de cette boule survoltée. De minimes décharges électriques circulent en alternance illuminant la totalité de la pièce. La silhouette de Lee Lou, toujours à genou, les mains posées sur le sol, réapparaît lentement. La sphère diminue d’éclat et finit par disparaître entièrement, dévoilant une jeune fille complètement transformée.

    Un magnifique kimono capuchonné blanc nacré lui recouvre le corps. Les manches amples laissent à peine distinguer ses mains toutes menues. Le capuchon recouvre le visage de Lee Lou jusqu’au niveau de ses yeux ne laissant percevoir qu’une seule mèche de ses cheveux argentés. Sous son kimono, Lee Lou porte une chemise et un pantalon de soie blanche. À ses pieds, des chaussons en toile blancs vont lui permettre des déplacements fluides et légers. Au moment même où elle ouvre les yeux, deux iris de couleur bleu clair quasi azuréens se laissent découvrir. En remplacement des vaisseaux sanguins, de petits éclairs apparaissent sur le blanc de l’œil devenu argenté en direction des pupilles.

    Tout comme le ferait une jeune fille sortant d’une cabine d’essayage dans

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