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Le mystère de l'île d'Oahu: Les aventures d'Annabelle Richard
Le mystère de l'île d'Oahu: Les aventures d'Annabelle Richard
Le mystère de l'île d'Oahu: Les aventures d'Annabelle Richard
Livre électronique336 pages4 heures

Le mystère de l'île d'Oahu: Les aventures d'Annabelle Richard

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À propos de ce livre électronique

Annabelle Richard, analyste financière de haut niveau, a décidé de quitter la jungle des finances et de faire une pause chez sa sœur à Hawaï pour décider de ce qu'elle veut faire de sa vie. Arrivée sur place, elle apprend que son neveu a disparu et entreprend de mener l'enquête. Elle rencontrera sur son chemin un drôle de balayeur et un gourou arrogant, qui lui donneront tous deux des indices transformateurs sur le fonctionnement de la vie en général et des relations en particulier. Ce roman initiatique, qui présente les concepts de la loi d'attraction de manière légère et joyeuse, est un mélange savoureux d'humour, d'aventure et de mystère et ne le laissera pas le lecteur indemne.

LangueFrançais
Date de sortie8 juil. 2011
ISBN9781393549277
Le mystère de l'île d'Oahu: Les aventures d'Annabelle Richard

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    Aperçu du livre

    Le mystère de l'île d'Oahu - Marcelle della Faille

    Courant sur la plage, trois enfants se poursuivent, s’attrapent, se relâchent, en un tournoiement sans fin. Ivres de vitesse, de joies et de rires. Jamais las, ils s’arrêtent ici et là pour souffler, penchés sur leurs deux jambes, la tête relevée, comme en adoration devant l’immensité de l’océan qui leur offre ses vagues ourlées. Grosses les vagues. Bruyantes, et pétillant de l’énergie magnifique de la Grandeur. Grandeur de la Nature dans toute sa splendeur.

    Le soleil brille haut dans le ciel.

    Les vagues bruissent sourdement en retombant de tout leur long sur la plage, caressant au passage les pieds des garçons. Inépuisables, ils se pourchassent, leurs planches de surf nonchalamment allongées sur le sable, tels des êtres de bois ébahis devant tant de folie. Les silhouettes effilées de celles-ci bravent les flots, et les couleurs chatoyantes défient les tons humbles de l’eau et du sable. Seul le vent ose les ébranler, en les faisant glisser de temps à autre sur l’eau qui les lèche ici et là.

    Trois planches pour trois jeunes garçons dont la liberté de jeux vibre le désir irrésistible d’être heureux. Que demander de plus au bon Dieu ?

    Surfer est leur sujet de discussion favori. Tel une volée d’oiseaux en partance pour le Nord, les trois garçons changent de direction, en un seul mouvement, comme mû par un désir irrésistible qui leur serait soufflé d’en haut. Le mouvement est beau et puissant. À l’unisson de leurs jeux enfantins, ils se regroupent et se taquinent. Parlent de surf, de vagues, d’aventures inoubliables, sous l’eau, sur l’eau, sur la mer.

    « Nous sommes les Maîtres du Monde ! » crient-ils en chœur, en déployant leurs maigres bras noirs.

    « Nous sommes les Maîtres de l’Eau ! » reprend l’un d’eux.

    Soudain celui-ci se détache des autres. Courant, gesticulant, hurlant, il fonce sur les deux autres, ébahis. Il les vise, les encercle de ses bras, tente de les empêcher de s’échapper du cercle de son amitié fébrile. Les planches de surf stagnent toujours sur le sable doré.

    Le soleil tape fort et les enfants n’en peuvent plus de s’amuser et de rire. Ils cherchent une issue à leur joie démesurée. La vie est si belle sur cette plage. Le ciel d’un bleu azur les nargue de son étendue vierge, tandis que les vagues poursuivent leurs déflagrations sur la berge. Tout est parfait !

    « Viens ici toi ! » dis Julien. Et il empoigne la tête de son meilleur ami Bruno, pour l’entraîner vers les flots et la lui plonger sous l’eau. Aussitôt Bruno réagit et une bataille en bonne et due forme se déroule sur le sable baigné des vagues de la plage de Waimea. Le troisième larron, Jérôme, accourt au secours de son meilleur ami.

    « Je ne vais pas te laisser lui faire bouffer du sable.  Tu vas voir ce que tu vas voir. »

    Et le voilà qui empoigne Julien et qui l’enfonce sous les flots. Tous deux ressortent tel un geyser, en se crachant de l’eau l’un sur l’autre. Ils rient, s’ébattent encore tous les trois jusqu’à ce que Bruno se relève en toussant, crachant et toussotant.

    « Flûte, j’ai bu la tasse ! Quand allez-vous me laisser tranquille tous les deux ? J’en ai assez d’être votre bouc émissaire ! »

    « Allez Bruno. » dis Julien, « C’était pour rire ».

    « Ouais », dis Bruno. « N’empêche que c’est toujours moi qui en prend plein la tronche.  Je commence à en avoir marre. »

    « Allez pardonne-moi... » implore Julien.

    « Oui, allez, pardonne-lui. Il t’adore tu sais. Tu es notre meilleur ami à tous les deux. »

    « Ok, c’est bon pour cette fois... » dis Bruno en plongeant. Il nage jusque sous la grosse vague qui déferle, pour ressortir quelques minutes plus tard sur sa crête, tout heureux d’avoir réussi son coup.

    « Hé Julien, t’as vu ce qu’il a fait ? C’est impossible de faire ça non ? »

    « Je sais pas. J’ai jamais essayé, moi. C’est trop dangereux. »

    « Ah ce Bruno, toujours à faire le malin ! »

    « Il nous dépassera toujours, hein, Julien ? Quel fou, tu crois pas ? Même un adulte n’oserait pas faire ce qu’il fait !  Je me demande si ce n’est pas un poisson plutôt qu’un être humain. »

    « Arrête, tu te fais du mal. Il est né dans la mer, tu te souviens ? Qui sait, peut-être qu’une fée l’accompagne ? »

    « Une fée mouillée alors ! », dit Jérôme, en éclaboussant son ami. Et ils repartent à rire tous les deux.

    1. 

    Loin dans le fond obscur, Annabelle aperçoit un corps d’enfant qui nage comme un dauphin. Dans le flou du liquide chahuté de la mer, ce corps avance, majestueux, toujours léger. Le visage de l’enfant est radieux. Jamais il ne se sent aussi bien que lorsqu’il est dans l’eau.

    « Venez petits poissons. Montrez-vous ! J’aime tellement vous voir ! » dit l’enfant.

    Aussitôt des tas de poissons s’approchent de lui, comme mus par une énergie d’amour et de lumière. D’ailleurs, un long faisceau lumineux éclaire soudain la scène.

    « Ah voilà mon ami le soleil qui vient vous réchauffer de ses rayons. » dit l’enfant en souriant. « Venez, allons plus loin. »

    Et l’enfant s’enfonce dans les profondeurs des abîmes. Sa respiration est régulière. Il semble libéré de tout souci.

    Soudain, il regarde en arrière, comme pour voir si quelqu’un le suit. Personne. Rien que ses bulles d’air qui remontent à la surface.

    « Voyons, voyons. Quel miracle vais-je attirer aujourd’hui ? » dit Bruno.

    Il s’enfonce d’un geste élégant, toujours plus loin vers le fond.

    « Comment fait-il pour respirer ? » pense Annabelle.

    Les bras le long du corps, l’enfant descend et descend. Il nage comme un dauphin, en épousant les ondulations de l’eau. On dirait qu’il respire l’eau, ou que l’eau le respire.

    Soudain, une tache sombre apparaît devant lui. Un requin marteau le regarde du coin de l’œil. Sans s’arrêter, la bête poursuit sa route en remontant tout doucement vers la surface. Bruno la suit des yeux.

    « Quel bel animal. Ah ces requins qui se croient les maîtres de la mer. Mais c’est moi le Maître, n’est-ce-pas ? » dit Bruno, soudain entouré de dauphins qui l’acclament.

    Inquiets, les deux amis reviennent vers la plage.

    « Où est-il passé maintenant ? » dit Julien.

    « Il nous joue encore un de ses tours. Tu sais, pour nous faire peur. »

    « Je ne peux pas croire qu’il reste sous l’eau si longtemps. J’en ai assez de ses jeux idiots ! »

    « Julien, tu sais que c’est un surfeur. Il peut rester sous l’eau aussi longtemps que nous. »

    « Plus longtemps tu veux dire. »

    « Non ! »

    « Si ! Et tu le sais aussi bien que moi. »

    « On n’a jamais fait de concours au-delà des quatre minutes. »

    « Même. Je sais qu’il retient mieux sa respiration que nous. Il l’a déjà fait devant moi. »

    « Où ? »

    « Chez lui, dans sa baignoire. »

    « Dans sa baignoire ? »

    « Oui. Même qu’il y avait plein d’eau partout après ! » dit Julien en rigolant.

    « Ouais, n’empêche que ça commence à faire long là, tu ne trouves pas ? »

    « On devrait peut-être avertir quelqu’un. »

    « Jamais de la vie ! On va le laisser tranquillement remonter, comme il le fait à chaque fois. Sauf que cette fois, nous ne serons plus là pour l’accueillir. »

    « Ouais, t’a raison. Il aura l’air bête, tout seul sur la plage. Je ne pense pas qu’il nous refera le coup ! »

    « Viens, j’en ai assez de l’attendre. » dit Julien, en saisissant sa planche et en la jetant sur l’eau.

    Les deux garçons se lancent, allongés sur leur planche, pour attraper la vague suivante. Après un long moment, ils apparaissent bien au-delà d’elle. Tous deux dansent sur les flots tels des surfeurs miniatures. Leur joie est palpable. Deux anges de la mer dansent majestueusement sur ses eaux. Quel spectacle !

    Dans l’eau, Bruno arbore un sourire magistral.

    « Quel bonheur d’être ici ! Si seulement je pouvais y rester toute la vie ! »

    L’enfant rejoint un corps d’homme qui flotte dans l’eau. Annabelle se retourne dans son rêve. Toujours allongée sur son lit, une tête d’homme endormie sur l’oreiller voisin, elle reconnaît son mari. Cet homme passionné qu’elle aimait plus que tout au monde.

    « Oh non, c’est lui. Que fait-il là ? »

    L’enfant s’approche du corps, le contourne et semble étonné. Puis, il poursuit sa route après l’avoir salué d’un geste de la main. Annabelle fronce les sourcils dans son lit. La tension s’installe en elle. Son front se ride et elle remue beaucoup.

    Dans l’eau, l’enfant poursuit sa visite des hauts fonds. Une multitude de poissons viennent le caresser de leurs nageoires, mais ce qu’il aime le plus, c’est admirer les tourbillons occasionnés par les vagues qui déferlent sur la plage. Quel spectacle éblouissant. Quel mouvement de vie. Quels tourbillons excitants.

    « J’adore savoir que je suis le seul à voir tout cela. Tu imagines ? » dit-il en prenant un gros poisson à parti. « Aucun homme n’a jamais vu ce spectacle. Sauf peut-être l’autre-là qui flotte dans l’eau. Bien qu’il ne soit plus en état de les admirer maintenant. »

    L’enfant fait mine de caresser une anémone sans la toucher.

    « Et toi, comment vas-tu aujourd’hui ? Je vois que tu reprends ta place. Ces vagues peuvent tout abîmer. Elles sont si fortes. Elles pourraient me casser en deux si elles le voulaient. »

    L’enfant remonte tout doucement vers la surface.

    « Pourquoi est-ce que je remonte ? Je suis bien mieux là-dessous. »

    L’homme l’attend toujours, flottant entre deux eaux.

    « Il semble si heureux. » dit Bruno. Mais que porte-t-il ?  Un appareil photo ? A cette profondeur ? Il est fou ! »

    L’enfant saisit l’appareil et Annabelle aperçoit le magnifique instrument porté en bandoulière par l’homme qui était son mari. Dans son lit, son visage indique la surprise et la stupéfaction. Puis, la paix s’installe sur ses traits. Comme si elle se souvenait de quelque chose.

    « Pourquoi porte-t-il un appareil photo ? Que pouvait-il bien photographier dans l’eau ? Les poissons ? Ou alors les coraux ? Ouais, c’est possible après tout. Il y a suffisamment de surfeurs fous ici pour braver ces vagues géantes, alors pourquoi pas un surfeur photographe ? »

    L’enfant rit à cette idée.

    « Tout de même, il faut avoir l’esprit dérangé pour faire du surf avec un appareil photo. Pas facile de tenir en équilibre avec ce truc qui balance autour du cou. Mais, tout est possible. Je passe bien tout mon temps libre dans l’eau, pourquoi pas y prendre des photos ? »

    Soudain l’enfant se retourne. Le requin marteau se rapproche lentement de sa zone. Bruno plonge encore plus loin, là où il sait que ses amis l’attendent. Le requin marteau ne viendra pas l’y chercher.

    ******

    Inaccessible par la terre, la plage est paisible à cette heure précoce. Quelques oiseaux volent haut dans le ciel. Le vent souffle fort et les vagues viennent s’affaisser sur le sable lourd dans un grand boum retentissant. Une silhouette ondule un peu plus loin. Kaïpo est assis, calme. Il fume tranquillement sa pipe et en savoure la fumée tout en dodelinant de la tête. Comme entraîné dans une transe imperceptible, il paraît hors du temps. Frêle et fragile, mais inébranlable malgré tout. Une telle force se dégage de son corps. Est-ce sa position ? Son regard clair et immuable ?

    Il s’adonne maintenant à son jeu favori : souffler des cercles de fumée. Comme un hymne à l’Infini de l’Univers. Ses cercles sont de plus en plus parfaits. Comment fait-il ? Quelle force l’habite au point d’arriver à atteindre une telle régularité de création, et une telle perfection ?

    Kaïpo se penche pour dessiner dans le sable. À ses pieds, d’étranges formes apparaissent, innombrables créatures tirées du néant. Les cercles de fumées se déversent sur les dessins. Comme si physique et psychique s’entremêlaient pour ne former plus qu’un plan : le vide, l’absence, le rien infini.

    Il lève la tête lentement. Un cri lui est parvenu. Il regarde les trois enfants jouer et s’ébattre dans l’eau. Il rit de leurs jeux, d’un rire franc et clair. Il s’ébroue, en semblant danser, toujours assis les pieds fermement ancrés dans le sol. À ses côtés, une radio diffuse des mantras hawaïens. Elle grésille. Sa marque est indéfinissable. Les rires de l’homme laissent la place aux mantras qui prennent de plus en plus de place dans sa conscience.

    « Uhane Nui Au. Mahalo Nui Loa[1]. »

    Sa main hausse le son de l’appareil. Il veut entendre les paroles pour s’en imprégner, les vibrer et les chanter.

    Soudain pris de frénésie physique, Kaïpo se lève et élève les bras haut vers le ciel. Tournoyant sur lui-même, il mime les gestes des enfants sur la plage, se courbe, se roule dans le sable. Au détour d’un mouvement, l’œil avéré peut apercevoir un tatouage en forme de cœur sur son bras gauche. Un grand cœur et un petit cœur entrelacés à l’infini, véritable œuvre d’art imprimée sur son enveloppe physique. Il balance ses bras au-dessus de sa tête et ondule du bassin, comme hypnotisé par le ciel qu’il regarde sans fin. Un rayon de soleil vient l’éclairer d’en haut. Il est reconnu, allumé de l’intérieur et de l’extérieur, brillant tel un phare au point d’attirer l’attention d’un gamin. Aussitôt, il s’agenouille et demeure immobile, comme en adoration.

    2.

    « Posséder ce corps nu devant moi, c’est ce que je viens de faire en l’arrachant à sa beauté et à mon amour. Comment aimer sans posséder ? J’aimerais tellement y arriver et en même temps, comme c’est bon de se laisser entraîner dans les méandres des étreintes, des halètements et des cris aigus. Oui, je l’aime, à me perdre en elle. À perdre ma raison, si fidèlement suivie et écoutée d’habitude. Ici,  je ne peux que me laisser emporter par cette voix en moi qui me dis : vas-y. Prends ce bonheur qui est à portée de main. Prends cet instant de volupté avant qu’il ne t’échappe. » se dit Max en admirant le corps de la femme couchée à ses côtés.

    Ses courbes rondes me tentent comme une glace devant l’enfant. Je veux les lécher encore et encore. Les humer sans cesse. Me laisser envahir par leur sueur arrachée à la nuit. Ce combat qui nous lie et nous délie dans les mouvements saccadés de ces véhicules qui nous représentent. Jamais encore je n’avais pensé cela de ce champ d’amour dévasté et si apprécié. La lutte est terminée. La paix à nouveau installée. Tout est clair et frais à nouveau. La folie est passée. Vraiment ? 

    Il relève les draps sur son torse encore trempé de sueur.

    L’amour nous l’avons fait aujourd’hui sans passion aucune. Comme un au revoir, un adieu à ce couple si impalpable que nous formons depuis un an maintenant. Comment en sommes-nous arrivés là ? Quelles furent les causes de ce délabrement insidieux ? Je ne sais pas. Je ne veux pas le savoir. Je sais que tout peut encore se passer. La distance va nous aider à prendre du recul. Je veux reprendre le contrôle de ma vie, à défaut de pouvoir contrôler ma belle. Mon corps vibre encore de ses sensations partagées. Même si le cœur n’y était pas autant que d’habitude, le corps ne ment pas. Ses cellules se sont rassasiées à ce rêve éveillé : elle est là, près de moi. 

    Le corps à ses côtés s’éveille en remuant doucement.

    Pourquoi ce départ ? Un instinct ? Une impulsion ? L’avenir nous le dira. Je ne sais quels fantômes la hantent. Ou plutôt si. Le passé nous a rattrapés. Et il ne semble pas vouloir nous lâcher. Je suis prêt. Prêt à affronter ce que les semaines à venir m’offriront comme expérience. Tout cela ne peut que nous enrichir et clarifier ce que nous désirons vraiment l’un et l’autre. Vivre à deux comme deux fantômes, ou vivre ensemble, en connexion régulière et aimante ? Mon choix est fait. Et je ne la laisserai pas partir ainsi. Je veux avoir le dernier mot. Je n’ai plus rien à perdre. Car si je l’ai perdue une fois, cela ne se reproduira plus. Il n’est plus là pour m’en empêcher. Et je sais ce que je veux cette fois.

    « À moi la victoire ! » Il lance son poing vers le ciel.

    Confuse, Annabelle l’est depuis plusieurs mois, dans son travail et surtout dans notre relation. Que se passe-t-il dans sa tête ? Un mini tsunami ravage notre vie depuis qu’elle a décidé que son travail ne lui plaisait plus, qu’il ne lui correspondait plus. Il ne ‘résonne’ plus en elle, comme elle dit, avec autant de flou qu’une tache sur une feuille de papier mouillée. Pourquoi ce revirement soudain ? 

    Max remue les jambes, ce qui éveille celle qui l’a comblé de ses faveurs.

    Je n’arrive pas à m’expliquer ce qui, du jour au lendemain, a pu déclencher chez elle cette espèce d’état second. C’est un zombie, qui passe de pièce en pièce du vaste appartement que nous louons. Elle flotte, plane et ne semble revenir sur terre que pour manger et éventuellement faire du rangement. Plus rien de matériel ne l’intéresse. Voiture, maison, plus rien de solide ne semble la rattacher à la réalité. Elle part dans ses pensées et je ne la rejoins que lorsqu’elle daigne se tourner vers moi la nuit, et parfois le jour. 

    Il ramène ses jambes sous son menton. Elle s’est rendormie.

    Et pourtant, que de bons moments nous avons partagé lorsque, amoureux, nous ne pouvions nous passer l’un de l’autre. Le temps était toujours trop court, ou trop long. Sans elle, je me sentais perdu. Avec elle, je me savais perdu ! Et c’était réciproque. Où s’en est allé notre amour ? Où sont parties ces émotions belles et fortes qui nous maintenaient éveillés malgré le sommeil de nos corps transis. Je suis bien déterminé à le savoir très vite. 

    Il caresse les cheveux de la belle endormie.

    Distante, je me sens si distante de moi, de lui, de tout. Incompréhension et ras-le-bol ponctue mes journées. Je me sens tendue comme la corde d’un arc, prête à gifler tout ce qui m’approche. Et pourtant quel plaisir Max me donne lorsque nous faisons l’amour. Nous sommes si proches alors. Nous touchons l’Un, la Joie Ultime, le Plaisir suprême. Comment se fait-il que dès que je redescends de mes volutes de bien-être, je me sente plus déprimée qu’avant?  Que m’arrive-t-il donc ? 

    « Qu’est-ce-qui y a encore ! » dit Max dans mon dos.

    Il soupire lui aussi, visiblement lassé de mes sautes d’humeur.

    « Je ne sais pas. J’en ai marre de tout. Plus rien ne m’intéresse. C’est comme si je n’arrivais plus à être heureuse, simplement heureuse. Et pourtant, c’était si bon. Je suis désolée. » Je me tourne vers lui et embrasse sa main posée sur le lit.

    Il la retire, courroucé : « Si tu n’aimes plus ce que tu fais, change ! »

    « Pour faire quoi ? « 

    « Ce que tu aimes, ce qui te passionne ! Tu dis toujours qu’il n’y a que la passion dans la vie. Montre-le ! Vas-y ! » crie-t-il presque.

    « Avec quel argent ? » répliquai-je dans un souffle. C’est vrai que depuis toute jeune, je crois devoir me débrouiller toute seule. Vivre avec quelqu’un, même si je l’aime fort, ne m’enlève pas ce désir d’être totalement indépendante financièrement, et autrement. Donc, cela veut dire gagner ma vie et ne compter sur personne d’autre que moi. Hum ! Ne serait-il pas temps de changer cette manière de voir les choses ?

    Max sort de la pièce quelques minutes. J’entends des bruits d’eau dans la salle de bain. Il prend une douche rafraîchissante. C’est vrai que l’été approche et la chaleur augmente de jour en jour. Surtout dans cet appartement, immense mais si mal isolé qu’en hiver j’y ai froid et en été, je dégouline. Paris, c’est bien, mais uniquement par temps modéré.

    « Pourquoi est-ce si difficile de voir clair? » dis-je à haute voix, comme pour moi-même.

    Une voix me répond par la porte ouverte de la salle-de-bains. « Ce n’est pas difficile de voir clair. Le tout, c’est de le vouloir. Il est souvent plus facile de tourner dans la marmite de la confusion que de regarder à travers ses parois. »

    « Drôle d’image ! », me dis-je en me surprenant à sourire. Max aime jouer les grands esprits, mais il a la mauvaise habitude de mélanger les expressions ou d’en créer de nouvelles qui ne veulent rien dire !

    « Qu’en penses-tu? » demandai-je à Max qui me regarde, soudain allégé de voir un semblant de sourire sur mes lèvres.

    « Je pense qu’il est temps que tu envisages de réaliser ton rêve de devenir écrivain. Cesse de jouer la victime, même si cela te va bien. » me susurre-t-il dans l’oreille tout en plongeant sa tête dans mes cheveux en bataille. « Mmm, tu sens bon la sueur amoureuse. »

    Je me dégage doucement. Je ne veux pas le brusquer et encore moins repartir sous les draps.

    Il se raidit face à ma réaction et dit d’un ton sérieux : « Tu dois te reprendre. Tu as beaucoup plus de potentiel que ce que tu as montré jusqu’ici. Déploie tes ailes et cesse de jouer au petit oiseau tombé du nid. Tu peux trouver ta voie. Tu peux voir clair. Il te suffit de le vouloir...et de cesser de pleurer sur ton sort. Allume la lumière que diable ! »

    J’allume l’interrupteur, attentive à ce qu’il vient de me dire. Que des paroles justes et vraies. Fermes et on ne peut plus directes, mais vraies tout de même. Je regarde l’ampoule allumée, puis lui, le regard médusé. Et nous éclatons de rire. Nous nous sommes retrouvés dans cet acte anodin qui révélait ce que je me sentais prête à faire grâce à ses encouragements.

    « Décidément, je n’arrive pas à comprendre ses sautes d’humeur. Je l’aime, c’est sûr, mais quel manque de maturité ! Quel manque de responsabilisation, elle montre là. Je suis las de devoir toujours tout porter. De devoir toujours la porter. Qu’elle trouve sa voie. Qu’elle trace sa route. Et qu’elle me revienne plus forte et plus déterminée que jamais. » se dit Max qui s’habille tout en regardant Annabelle du coin de l’œil.

    Celle-ci s’habille lentement, doucement, comme guidée par un fil invisible qui génèrerait chacun de ses mouvements. Une lumière éthérée l’entoure d’un halo blanc. L’été fait pénétrer ses rayons à travers les persiennes de la chambre, mais cela ne justifie pas une telle lumière. C’est comme si elle irradiait. Sa silhouette vêtue semble si diaphane que Max croit voir un ange. Un ange dans sa chambre ? Allons ! Un ange, Annabelle ? Allons !

    Si Annabelle est un ange, je suis le roi des diablotins, pense-t-il en riant intérieurement. Hum, expression intéressante. Je la replacerai lors d’un dîner prochainement.

    ******

    Sur la route de l’aéroport, Marzia a mis la musique à fond et file droit devant elle dans son pick-up crasseux. Elle danse de tous ses membres libres et fait faire des embardées à sa voiture. La joie se dessine sur son visage. Ses cheveux ondulés flottent au vent tandis que ses dents blanches croquent une mangue juteuse. Les gouttes de suc dégoulinent sur ses joues, ce qui ne l’empêche pas de continuer à mordre avidement dans le fruit mûr. Soudain, un hoquet du moteur lui fait plonger la tête dans le fruit orangé. Toute suintante, elle regarde la jauge d’essence et se dit qu’il est temps de s’arrêter. Quelques mètres plus loin, elle aperçoit une station-service sur le côté de la route. Elle actionne le clignotant et s’y arrête le temps de remplir le réservoir. La jauge remonte doucement et indique le plein. Marzia sourit de ses dents écarlates, le nez encore tout collant de jus coloré. Rien ne l’ébranle aujourd’hui, pas même le fait de se retrouver sans essence. N’importe qui d’autre ce serait dit « Ouf ! Cela aurait pu être pire ». Pas elle. 

    Marzia va chercher sa jeune sœur.

    Elle est beaucoup plus jeune que moi et cependant si raisonnée et raisonnable, se dit-elle en pensant à Annabelle.  Son décolleté plongeant luit encore des gouttes qui ont dévalé jusque dans les tréfonds de son soutien-gorge blanc étincelant. Des boucles d’oreilles voyantes dansent sous ses oreilles et ajoutent encore au caractère coloré de sa personnalité. Marzia aime la vie et le montre. Elle est fière de ses atouts féminins et bien décidée à les exhiber comme un trophée.

    Elle est jolie, petite mais mignonne, et son corps de surfeuse resplendit de santé et de soleil. Sa peau bronzée lui donne l’aspect d’un brownie chocolaté. Quelle chance, elle adore le chocolat ! Même si, étant donné la température ambiante, elle n’en mange pas souvent, elle salive déjà à l’idée du kilo de chocolat noir que sa sœur lui ramène d’Europe. Que du bon ! Du 75% pur chocolat. Pas comme ici, un ersatz de vérité. Non. C’est un vrai trésor qu’elle va recevoir de sa frangine.

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