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Le souffle de Macario: Thriller en pays alpin
Le souffle de Macario: Thriller en pays alpin
Le souffle de Macario: Thriller en pays alpin
Livre électronique297 pages4 heures

Le souffle de Macario: Thriller en pays alpin

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À propos de ce livre électronique

L'enquête s'annonce difficile pour Melchior Parra, ancien membre du GIGN et promu adjudant-chef à la brigade d'Annecy.

Un jeune homme porté disparu depuis un an est retrouvé affreusement mutilé.
Pour l'aider dans cette affaire, il pourra compter sur la jolie et charismatique chef de service des urgences de l'hôpital qui réveille en lui son instinct amoureux.
Mais quand une deuxième victime est retrouvée dans des circonstances similaires, une course contre la montre va être lancée à travers les Alpes française et italienne dans une enquête éprouvante.
Pour découvrir le coupable, Melchior n'hésitera pasà mettre en péril la vie du médecin et de sa propre famille.

Un thriller à rebondissements que l'on quitte à contre-cœur...

EXTRAIT

Cinq gros pick-up s’arrêtent brutalement devant le dispensaire, entraînant un gros nuage de poussière qui se disperse à l’intérieur par les fenêtres ouvertes. Quatre Rwandais habillés de treillis et armés jusqu’aux dents sautent par-dessus les ridelles de la benne et s’engouffrent dans le bâtiment dont le toit est orné d’un drapeau de la Croix-Rouge qui flotte au vent chaud. Manifestement, ils cherchent le responsable du centre tandis que les malades et les infirmiers ont déjà compris et commencent à fuir l’établissement :
- Dépêchez-vous ! Il faut partir. Ils sont là !
Virginie, ses cheveux blonds attachés en queue-decheval, un masque vert sur la bouche ne laissant apparaître de son visage que ses yeux bleus orageux, finit de soigner le bras d’une fillette qui s’est fait mordre par un chien. Elle se retourne, surprise par l’entrée fracassante des inconnus, aux mines patibulaires.

À PROPOS DE L'AUTEUR

Dans la vie, Laurent Saas est un homme de passion.
Avec Le souffle de Macario, il signe son premier thriller, une histoire passionnante servie par une imagination inspirée.
LangueFrançais
Date de sortie23 nov. 2017
ISBN9791094243299
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    Aperçu du livre

    Le souffle de Macario - Laurent Saas

    Aline

    Le Rwanda et le GIGN

    Cinq gros pick-up s’arrêtent brutalement devant le dispensaire, entraînant un gros nuage de poussière qui se disperse à l’intérieur par les fenêtres ouvertes. Quatre Rwandais habillés de treillis et armés jusqu’aux dents sautent par-dessus les ridelles de la benne et s’engouffrent dans le bâtiment dont le toit est orné d’un drapeau de la Croix-Rouge qui flotte au vent chaud. Manifestement, ils cherchent le responsable du centre tandis que les malades et les infirmiers ont déjà compris et commencent à fuir l’établissement :

    - Dépêchez-vous ! Il faut partir. Ils sont là !

    Virginie, ses cheveux blonds attachés en queue-de-cheval, un masque vert sur la bouche ne laissant apparaître de son visage que ses yeux bleus orageux, finit de soigner le bras d’une fillette qui s’est fait mordre par un chien. Elle se retourne, surprise par l’entrée fracassante des inconnus, aux mines patibulaires.

    L’un d’eux s’approche d’elle, énervé qu’elle ne prête guère attention à ses recommandations :

    - Il faut partir mademoiselle ! Sinon, ils vont vous massacrer !

    Le ton du milicien en dit long sur son état de peur.

    Le médecin regarde autour d’elle et voit que les infirmiers qui s’occupent du dispensaire ont déjà chargé les cantines avec les médicaments, le matériel d’urgence et les vivres dans les 4X4 :

    - Je ne peux pas laisser cette fillette toute seule et je ne sais pas où sont ses parents ! lance Virginie, médusée par l’urgence de la situation.

    - C’est une Tutsi ?

    - Je ne sais pas. Je ne soigne pas les gens selon leur ethnie, mais sûrement, la majorité de cette province l’est.

    - Elle est du village ?

    - Non, du village voisin. Ils sont venus ce matin me l’apporter.

    - Alors ils sont morts ! Laissez là pour qu’elle rejoigne ses parents dans l’au-delà et prenez vos affaires, il faut faire vite.

    Virginie lui lance un regard aussi noir que la peau du guerrier.

    - Je ne la laisse pas ici ! Elle part avec nous.

    - On y va !

    Visiblement, la décision de Virginie n’enchante pas l’homme, mais s’il ne prend même pas le temps de discuter, c’est qu’il est vraiment temps de déguerpir. Un jour, un des infirmiers lui avait conseillé de toujours préparer son sac comme si elle devait partir précipitamment. Aujourd’hui, elle bénit ses recommandations.

    Elle empoigne les bretelles de son sac qu’elle enfile sur son épaule et prend dans ses bras la fillette complètement apeurée. À peine sortis de la grande maison, les autres hommes qui étaient descendus ont une torche allumée dans la main et enflamment le dispensaire. Fabriqué en bois, il prend feu quasiment instantanément. Virginie comprend que face à la furie Hutu, il n’y a plus qu’à adopter la politique de la terre brûlée. On indique au docteur de prendre le siège passager dans le seul engin équipé d’une banquette arrière où elle installe le plus confortablement possible l’enfant.

    Dans le village, c’est la terreur. Tout le monde court dans tous les sens. Les cris se mélangent aux pleurs. Des gens prient, agenouillés à même la rue. D’autres s’enfuient, un baluchon sur le dos, tenant leurs enfants par la main. Malheur à celui qui trébucherait et qui se ferait immanquablement piétiner par la foule terrorisée.

    Les Pick-up démarrent en trombe et tentent de se frayer tant bien que mal un chemin parmi les villageois. Des femmes essaient de s’accrocher aux voitures, mais les miliciens à l’arrière leur donnent des coups de crosse pour leur faire lâcher prise.

    Virginie est désabusée. Elle sait trop bien le destin qui attend tous ces gens et voudrait récupérer au moins tous les enfants, mais la jeune infirmière sait que c’est impossible. Le combat est perdu d’avance. Bientôt, le FPR sera là et d’ici la fin de la journée, le village ne sera plus qu’un gigantesque charnier. Le génocide rwandais continue son implacable progression.

    Rien ne prédestinait pourtant Virginie à se retrouver dans ce bourbier. Brillante élève à la Fac de médecine de Paris, fille d’un éminent diplomate français, elle se destine à une grande carrière de chirurgien. À moins qu’un jour, un poste en médecine légale se libère. À vingt-cinq ans, elle devait être interne dans les urgences d’un grand hôpital parisien, mais assoiffée de voyages, dès qu’elle sut que l’ONU recherchait des médecins et des étudiants en médecine pour intégrer et renforcer la mission MINUAR, elle demanda à son père de faire jouer ses relations pour faire partie de l’équipe. Ses parents ne voyaient pas cela d’un très bon œil, mais motivée par l’action, elle leur expliqua qu’elle préférait dispenser des soins à l’autre bout du monde à des gens blessés par la vie ou par la guerre plutôt que d’entendre toute la journée les jérémiades des Franciliens croyant mourir à cause d’une piqûre d’abeille.

    En revanche, elle n’avait pas prévu qu’elle allait se retrouver au cœur d’un conflit ethnique qui la dépasse. Elle ne savait pas, alors qu’elle atterrissait à l’aéroport de Kigali où elle avait pris place dans un avion de l’ONU parti 10 heures plus tôt du Bourget, que deux jours avant, le président du Rwanda, Juvenal Habyarimana et son homologue burundais, Cyprien Ntaryamina avaient été assassinés. Leur avion avait été abattu par un missile alors qu’ils atterrissaient. Cet attentat allait mettre le feu aux poudres entre les deux ethnies devenues rivales à jamais.

    Les premiers jours de sa mission au Rwanda furent abominables, les visions d’horreur étant insoutenables. Elle naviguait entre dispensaire, hôpital de campagne camouflé dans la forêt ou dans les camps retranchés des forces de l’ONU pour soigner les Casques bleus blessés. En quinze jours, elle avait vu plus de mutilés, de femmes violées, celles enceintes éventrées et les fœtus taillés en pièces à coup de machette et toutes sortes d’autres atrocités aussi répugnantes les unes que les autres, que la totalité des urgentistes qui pratiquent en France.

    Elle a cru un moment que cette tuerie allait cesser rapidement, quand la France a mis en place « l’opération Amaryllis » consistant à rapatrier les ressortissants français puis, sous l’égide de l’ONU, a lancé « l’opération turquoise » pour protéger la population tutsie et ramener un semblant de calme dans le pays. Cela fait maintenant presque un mois que Virginie est isolée du reste de la mission MINUAR. Depuis, elle est sans nouvelle des responsables de l’ONU, de l’armée française et encore moins de ses parents. Elle ne sait même pas si un jour, elle rentrera en France. Elle ne doit plus son salut qu’aux infirmiers rwandais qui la nourrissent et la logent dans des conditions sommaires, qui eux-mêmes trouvent en Virginie l’aide providentielle d’un médecin occidental même si elle est toujours étudiante. Et depuis quelques heures, elle est protégée par un groupe armé qui l’emmène on ne sait où. Ce qui importe pour le moment est d’être encore vivante ce soir pour s’occuper des soins et coucher dans un lit de fortune la fillette blessée. Elle la considère à présent comme sa fille :

    - Je ne vous ai pas demandé votre nom ? interroge-t-elle le pilote, maintenant qu’ils sont sortis du village et qu’ils roulent sur une large piste.

    - Célestin Nbiramina, mademoiselle. C’est la première fois que l'infirmière le voit sourire.

    - Merci, Célestin, de nous avoir secourues. Je m’appelle Virginie Lambert, je suis Française. Où allons-nous maintenant ?

    - Vers l’Est Mademoiselle. Nous allons essayer de rejoindre la province de Kibuye où un camp de réfugiés s’est formé dans le massif montagneux du Bisessero. Je crois qu’une ONG est déjà sur place.

    Des Occidentaux ? Il y a bien longtemps que Virginie n’en a pas rencontré. Elle se retourne pour voir si la gamine n’a besoin de rien. Sage et souriante, ses yeux grands ouverts, l'enfant attend que Virginie lui dise quelque chose. Mais la jeune femme a d’abord une question pour Célestin :

    - Vous pouvez lui demander son nom s’il vous plait ?

    Dans un dialecte incompréhensible, il questionne la fillette. Un seul mot sort de sa bouche en guise de réponse. « Espérence »

    Virginie a compris :

    - Bonjour Espérence. Moi, je m’appelle Virginie. Tu as soif ?

    Elle allie les gestes à la parole. L’homme traduit aussitôt.

    La fillette hoche la tête plusieurs fois de bas en haut :

    - Arrêtons-nous cinq minutes que je prenne une bouteille d’eau dans une cantine, commande Virginie.

    - Pas la peine, j’ai ce qu’il faut.

    Célestin saisit la trappe de la boîte à gants et sort une cannette toute fraîche. Virginie est impressionnée. Cette voiture quasiment hors d’usage manque d’à peu près tous les équipements d’une auto normale, mais est munie d’une boîte à gants réfrigérée. Virginie requiert encore l’aide de Célestin pour demander l’âge de la fillette. Dix ans, traduit-il. Puis passant devant un panneau indicateur, il annonce les dernières nouvelles :

    - Encore une heure et nous entrerons dans la province de Kibuye. Je connais le gouverneur. Grâce à lui, la paix règne là-bas. Une fois arrivés, vous pourrez souffler un peu et vous détendre. Nous en profiterons pour faire le plein des véhicules et manger un peu. Vous devez avoir faim ?

    La gentillesse de Célestin ne va pas avec son visage dur et balafré.

    Virginie regarde dans le vide et ne pense plus à rien. Elle a le menton enfoncé dans sa paume droite et le coude appuyé sur le bord de la fenêtre du 4X4. Son regard est juste attiré par le soleil qui se couche au loin. Fatiguée, elle se tourne une dernière fois vers Espérence qui sirote tranquillement son soda, sans doute le premier de toute sa jeune vie, et se cale dans le siège. Une heure de sieste ne lui fera pas de mal.

    Quand Virginie se réveille, la nuit est tombée. Espérence mange une barre chocolatée avec gourmandise. Elle voit à travers le rétroviseur Célestin et ses sbires en train de pomper sur une machine qui date de la guerre de Cent Ans. Sans doute font-ils le plein.

    Elle descend du 4X4 pour se dégourdir les jambes. Une porte en bois au fond du parking en terre battue marquée « WC », attire son attention. La jeune femme la montre du doigt à Célestin, qui comprend et approuve. Virginie tourne sur elle-même et trouve qu’avec les pompes à essence au milieu et la petite maison en bois au toit de paille qui fait office d’épicerie, on se croirait presque sur une aire de repos d’autoroute, le bitume en moins. Tout en marchant, elle s’aperçoit enfin que sa blouse verte de médecin protège encore ses vêtements. Elle l’enlève, laissant apparaître un short court kaki et un débardeur en coton blanc dissimulant mal une poitrine opulente que les camarades tatoués de Célestin n’ont pas manqué de remarquer. Elle se détache les cheveux et les secoue avec sa main pour que la poussière tombe et retrouve le sol, ils détournent tous les yeux pour ne plus attiser leurs fantasmes. Une fois les besoins naturels expédiés, à part Célestin qui parle dans un téléphone militaire de campagne, tous les guerriers rwandais ont déjà retrouvé leurs bennes respectives. Il est temps de reprendre la route vers les montagnes. L'infirmière remonte en même temps que Célestin, qui visiblement a reçu de bonnes nouvelles :

    - J’ai eu le gouverneur. Au camp de réfugiés, il y a des Français qui attendent d’être rapatriés vers la République Démocratique du Congo par les forces spéciales françaises. Le rendez-vous a lieu à trois heures du matin cette nuit. Si on se dépêche, vous pourrez peut-être faire partie du voyage.

    Virginie marque un temps d’arrêt en regardant fixement le pilote rwandais. Elle n’ose pas croire ce qu’il vient de lui dire. Pour la première fois depuis son arrivée dans le pays, quelqu’un lui parle enfin de retour. Sa récompense est à portée de main après tant d'efforts et de sacrifices pour le peuple de ce pays du centre de l’Afrique depuis presque trois mois. Seule en tant que simple infirmière humanitaire, cette petite parisienne bourgeoise a soigné, amputé et vu mourir des hommes, des femmes et surtout des enfants. En demandant à participer à une cause humanitaire, avait-elle pour autant à supporter tout ça ? À l’aube de ses vingt-cinq ans, Virginie gardera sans doute à jamais ces images cruelles. Pendant ses courtes nuits de sommeil, plus qu’un seul rêve l’obnubilait. Celui de cet instant où on lui annoncerait son retour au pays et c’est Célestin, un rebelle qui lui offre. Virginie trouve ça soudain très bizarre. Serait-ce un piège ? Elle reprend ses esprits :

    - Dites-moi Célestin, qui êtes-vous réellement ?

    Célestin reste silencieux un petit moment. Il est plus honteux que surpris.

    - Comment ça ?

    - Eh bien, je me dis que malgré votre allure de bagnard rwandais, vous parlez français presque mieux que moi. Vous m’avez sûrement sauvé la vie aujourd’hui ainsi que celle d’Espérence et des infirmiers du dispensaire. Et tout ça avec le sourire et sans nous soutirer le moindre dollar. Vous parlez à un gouverneur de province avec un appareil militaire comme si c’était votre meilleur ami et c’est certainement vous qui avez donné une friandise américaine à Espérence. Alors je répète ma question. Qui êtes-vous ?

    Célestin regarde droit devant lui, cherchant désespérément une réponse plausible, mais il sent bien qu’il a été découvert. Il hésite d’abord à répondre, mais à quoi bon :

    - J’ai été engagé par votre père pour vous sortir du pays. Comme il n’avait plus de nouvelles de vous, il a contacté quelqu’un qui connaît quelqu’un qui connaît un ami à moi. Votre père est sans aucun doute un homme très influent. Il a convaincu l’état français d’envoyer des forces spéciales au Rwanda uniquement pour vous récupérer. Mon travail consiste à vous placer devant la porte de l’hélicoptère de la providence qui va se poser cette nuit.

    Virginie n’en revient pas. Son père ne l’a jamais abandonnée. Trouvant soudain que Célestin ne conduit pas assez vite, elle lui demande d’accélérer l’allure pour être sûre de ne pas rater cet hélicoptère. La jeune femme veut revoir à tout prix un jour sa famille et enfin enlacer ses parents. Désireuse plus que tout de quitter enfin ce long cauchemar, elle pleure et rit en même temps, ne maîtrisant plus ses émotions. Espérence pose sa main sur son épaule pour la réconforter :

    - Ne vous inquiétez pas, nous serons à l’heure pour votre départ.

    Célestin se veut rassurant.

    Après mille et un virages à travers la montagne, les pickup arrivent enfin au camp. Les phares éclairent des hommes en armes au milieu de la piste. Célestin descend, discute deux minutes, leur serre la main et la herse qui bloque le chemin est retirée. Le Rwandais reprend le volant et passe au ralenti :

    - Je dois vous amener directement à la tente des Français. Une partie des forces spéciales est déjà là. Ils n’attendent plus que vous et l’hélico. Ils doivent aussi vous briefer pour que tout se passe pour le mieux.

    Les 4X4 roulent doucement dans le camp pour ne pas heurter un réfugié ou des enfants qui pourraient jouer autour des tentes de fortune en pleine nuit et s’arrêtent enfin devant un grand marabout couleur camouflage avec un drapeau français accroché à son flanc. Deux gardes cagoulés et armés de fusil d’assaut, sont de chaque côté de l’entrée. Un gaillard au crâne rasé sort précipitamment pour accueillir la jeune fille :

    - Voilà, c’est là que nos destins se séparent. Je vous souhaite bonne chance.

    Pudique, Célestin lui tend la main. Virginie lui saute au cou :

    - Merci mon ami, merci pour tout. Si un jour, vous venez en France, n’hésitez pas à prendre contact avec moi.

    - Cela m’étonnerait, mais sait-on jamais. Saluez votre père de ma part.

    - Célestin, permettez-moi une dernière question. Que va devenir Espérence ?

    - Je n’en sais rien encore. Je vais essayer de lui trouver une famille d’accueil en attendant de savoir si ses parents sont vraiment morts, mais j’ai peu d’espoir. Une chose est sûre, pour elle, la vie va devenir compliquée.

    - Croyez-vous que je pourrais la ramener en France avec moi ? Je saurais m’en occuper.

    Virginie l’implore presque comme si Célestin était son père :

    - Évidemment, cela l’aiderait à se reconstruire. Elle n’a plus d’avenir dans ce pays. Puis votre père saurait trouver les soutiens nécessaires pour appuyer sa demande d’asile. Mais vous devrez d’abord convaincre les militaires venus vous chercher. Ils n’aiment guère les surprises de dernière minute.

    - J’arriverai à les convaincre. Cette gamine a assez souffert.

    - Virginie, vous êtes une sainte. J’espère qu’un jour, ce pays vous sera reconnaissant pour tout ce que vous avez fait pour lui. Que Dieu vous garde.

    Virginie contourne le 4X4 et prend Espérence dans ses bras ainsi que son sac à dos :

    - Bonne chance Célestin. Faites bien attention à vous. Je ne vous oublierai jamais.

    Le Rwandais caresse la joue d’Espérence et s’éloigne vers la voiture en faisant un signe de la main à Virginie. Il remonte dans le véhicule, regarde fixement le militaire français et lui fait un clin d’œil au dernier moment comme s’ils se connaissaient. Le convoi des pick-up repart au ralenti. La jeune femme attend sur le côté de la piste pour dire au revoir une dernière fois aux infirmiers restés dans les bennes. Des larmes coulent le long de ses joues. Les hommes lui lancent des baisers avec leurs mains. Virginie ne peut pas s’empêcher de penser que certains se feront tuer dans pas longtemps. Le militaire est maintenant à hauteur de l'infirmière :

    - Venez mademoiselle. Vous allez pouvoir vous reposer et vous restaurer à l’intérieur. Par contre, pour des raisons de sécurité, vous comprendrez que la fillette ne peut pas entrer. Cela provoquerait vraisemblablement une émeute devant la tente.

    Virginie durcit le ton et force le trais.

    - Écoutez monsieur, sauf votre respect, cette enfant est blessée et elle a besoin de soins permanents pour ne pas s’infecter et se gangrener. Ses parents sont morts, elle-même est passée pas loin de la tragédie, elle n’a pas mangé depuis hier soir et on a roulé sous la chaleur, la peur au ventre toute la journée. Alors non, je ne comprends pas pourquoi elle n’entrerait pas. J’estime que l’état français peut lui offrir, une douche, un repas et un lit de camp pour se reposer.

    En temps normal, Virginie ne se serait jamais permis de parler comme ça à un officier, mais la fatigue et la colère ont mis ses nerfs à fleur de peau. L’homme lui lance un regard noir.

    Il n’a pas pour habitude de se faire engueuler par une jeune civile de vingt-cinq ans. Loin d’avoir un cœur de pierre, il a surtout peur que d’autres réfugiés sachent qu’une Rwandaise est entrée dans la tente des Français et viennent se joindre à la fête sans y être invités. Alors devant l’insistance de Virginie et vu que la nuit est tombée depuis un bon moment, il n’y a plus qu’à espérer que la rumeur ne se propage pas dans le camp :

    - Ok, c’est bon, entrez vite, mais elle est sous votre responsabilité et qu’on soit bien d’accord, il est hors de question qu’elle quitte ce pays avec nous.

    Virginie ne répond pas et marche rapidement vers le marabout avec Espérence toujours dans les bras. Il lui faudra plus tard trouver un plan pour embarquer la fillette dans l’appareil, mais pour l’instant la première manche est gagnée. Une fois sous l’abri, le militaire chauve lui pose sa grosse main sur l’épaule :

    - Excusez-moi, je ne me suis pas présenté. Je suis le capitaine Moreau du GIGN. C’est moi le responsable de cette opération.

    Le gendarme lui tend la main, en message de paix, conscient qu’ils ont pris un mauvais départ et soucieux de mener à bien coûte que coûte la tâche que le ministère de la Défense lui a confiée. Virginie lui sourit et lui tend aussi la sienne :

    - Pardonnez-moi pour tout à l’heure, mais je suis crevée. Je m’appelle Virginie Lambert. Je suis étudiante en septième année de médecine et engagée volontaire depuis trois mois dans la mission MINUAR de l’ONU. Mais rien ne s’est déroulé comme prévu et je ne sais pas encore comment j’ai survécu à ce calvaire.

    - Je sais qui vous êtes, mademoiselle, et ce que vous avez enduré. Vous êtes en sécurité ici. Détendez-vous, vous allez pouvoir discuter avec quelques Français qui vont profiter du voyage. Cela doit faire longtemps que vous n’en avez pas rencontré, j’imagine ?

    Les yeux écarquillés, Virginie hoche plusieurs fois la tête pour approuver. En fait, le marabout est la partie « immergée » du campement. L’espace principal que les forces françaises ont installé est littéralement enterré pour être à l’abri d’une attaque venue du ciel. Lits de camp soigneusement alignés, toilettes, douches, centre de soins, il y a même un mini-self. Seule différence, des hommes habillés en treillis noirs, lourdement armés et toujours cagoulés sont disposés à des endroits stratégiques pour assurer la sécurité des personnes qui sont là.

    Virginie sent que l’opération ne sera pas une promenade de santé. Avec la fillette, elle déambule sans trop savoir où aller, saluant de la tête tous les Français présents au départ. Le médecin se décide à s’asseoir à une table pour souffler un peu et regarder le bras d’Espérence avant de lui faire prendre une douche. Elle demande à un militaire s’il y a une trousse de secours. Comme un majordome, il entre dans la salle de soins et en ressort avec une énorme valise noire. Il la pose sur la table qui plie sous le poids. Il appuie sur les boutons des deux serrures qui se déverrouillent instantanément. Virginie soulève le couvercle. Elle est stupéfaite. À l’intérieur, il y a assez de matériel pour opérer à cœur ouvert un insuffisant cardiaque. Si seulement elle avait eu cette valise au dispensaire.

    Pendant que l’étudiante panse la plaie d’Espérence, un autre gendarme apporte deux assiettes remplies d’un échantillon de tout le réfectoire. Virginie le remercie. Espérence ne regarde même plus son bras et mange goulûment les parts de pizzas et quiche Lorraine que le militaire lui a offert. Le gendarme prévient alors l'infirmière, le son de sa voix un peu couvert par sa cagoule :

    - Le capitaine me demande de vous informer que le briefing pour l’opération de cette nuit est dans trente minutes.

    - Merci, nous allons faire vite. Virginie regarde Espérence puis son sac à dos, dépitée. La douche devra attendre.

    Une trentaine de personnes est réunie en demi-cercle autour du capitaine Moreau. Ça chuchote, tout le monde voulant savoir ce qui va se passer réellement cette nuit alors que les fantasmes les plus fous circulent. Des ingénieurs pour de grandes compagnies côtoient des commerçants installés depuis longtemps dans ce pays francophone. Il y a même un touriste anglais qui parcourait le monde à vélo et qui a eu la mauvaise idée d’entrer dans ce pays au mauvais moment.

    Virginie est assise en tailleur au premier rang. Elle a enroulé ses bras autour de la taille d’Espérence qui est confortablement installée sur ses cuisses. Le message envoyé à Moreau est clair. Le médecin veut bien lui montrer qu’elle ne partira pas sans elle. Le chef de l’opération réclame un peu de silence. Son visage devient sévère :

    - Mesdames et messieurs, je vous demande un peu d’attention. Dans moins d’une heure, deux hélicoptères Cougar de l’armée française vont se poser à un kilomètre du camp pour nous récupérer.

    À la fin de ce briefing, vous irez chercher vos affaires personnelles et viendrez vous poster à l’arrière de la tente. À mon signal, nous marcherons vers l’ouest jusqu’au point zéro. Il faudra absolument suivre les gendarmes qui seront intercalés entre vous. Toute lumière sera bannie et il sera interdit de parler pendant la marche afin de ne pas éveiller l’attention des réfugiés. Il sera donc indispensable de suivre les ordres. Mon équipe et moi-même serons en contact radio permanent avec les pilotes qui, quand ils seront assez près, nous donnerons l’ordre de nous approcher de la zone pour monter le plus rapidement possible. À partir de ce moment-là, nous nous scinderons en deux groupes. Pour éviter toute bousculade, nous allons vous donner des bracelets de couleurs

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