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La vie en ville: Un roman d'aventures au coeur de Bruxelles
La vie en ville: Un roman d'aventures au coeur de Bruxelles
La vie en ville: Un roman d'aventures au coeur de Bruxelles
Livre électronique174 pages2 heures

La vie en ville: Un roman d'aventures au coeur de Bruxelles

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À propos de ce livre électronique

Un premier roman dans lequel Damien Desamory nous fait découvrir Bruxelles sous un angle étrange, insolite et non dénué d'humour

Au creux du vide et de la solitude, une spirale naît, se lève au fond de la ville et annonce le typhon prochain. Cela commence par un rien, là-bas par un os, ici par un viel ami qui gratte à la porte de l'hôtel où travaille de nuit, Antal, le personnage principal du roman.
C'est un roman léger et vif qui esquisse avec tendresse le portrait d'une génération marquée par l'ennui, avide de trouver sa place dans la société, quitte à perdre le contrôle pour renouer avec sa liberté et son instinct.

Ce conte urbain se distingue par le ton enlevé et l'humour de son auteur !

CE QU'EN PENSE LA CRITIQUE

"Un premier roman est toujours un pari. En ce qui concerne Damien Desamory, il est réussi et de belle manière. Le nouveau romancier a trouvé ici le ton, la distance, l’ironie, l’empathie pour faire de cette "vie en ville" un roman aussi attachant que le personnage principal, Antal, victime de son destin malgré une vie banale de gardien de nuit d’un hôtel." - Edmond Morrel, Espace livres, décembre 2014

EXTRAIT

Il était deux ou trois heures du matin, c’était un samedi, ou plutôt un dimanche – techniquement.
J’étais assis derrière mon comptoir à l’hôtel ; je portais ma cravate autour du cou et mon ennui chronique sur le pli de la lèvre. Les nuits du samedi avaient beau être plus mouvementées que les autres, il était presque trois heures et je n’avais rien d’autre à faire que regarder les quatre clés retournées dans leur petit compartiment.
Je n’avais pas pour habitude d’être aussi désespérément désœuvré au travail.
L’hôtel avait ouvert ses portes une grosse quinzaine d’années plus tôt, du temps où internet n’avait pas encore été rendu accessible aux plus simples d’entre nous. Et, bien qu’il fût manager, mon manager était simple.
Sa mère et ses tantes, à la mort de leur père, avaient hérité chacune d’un hôtel à Bruxelles. Je ne sais pas ce que les tantes firent de leur héritage, mais Mme Tobor, quant à elle, en avait fait un hôtel familial – c’est-à-dire qu’elle en était la propriétaire, s’occupait d’engager et de martyriser l’équipe de femmes de chambre qu’elle appelait « ses filles », tandis qu’elle avait nommé manager son avorton de fils, Alexandre. Bien né, Alexandre faisait un manager lent à la détente et scrupuleux jusqu’à l’obscène. Il n’était pas à proprement parler attardé, son quotient intellectuel devait se situer confortablement dans le bas de la moyenne nationale. Toutefois, en tant que manager, foyer de tous les vecteurs de l’établissement, maître organisateur et seul recours en cas de problème, il ne faisait illusion qu’un trop bref instant.
LangueFrançais
ÉditeurDiagonale
Date de sortie2 avr. 2015
ISBN9782960132144
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    Aperçu du livre

    La vie en ville - Damien Desamory

    Hartley

    1

    Il était deux ou trois heures du matin, c’était un samedi, ou plutôt un dimanche – techniquement.

    J’étais assis derrière mon comptoir à l’hôtel ; je portais ma cravate autour du cou et mon ennui chronique sur le pli de la lèvre. Les nuits du samedi avaient beau être plus mouvementées que les autres, il était presque trois heures et je n’avais rien d’autre à faire que regarder les quatre clés retournées dans leur petit compartiment.

    Je n’avais pas pour habitude d’être aussi désespérément désœuvré au travail.

    L’hôtel avait ouvert ses portes une grosse quinzaine d’années plus tôt, du temps où internet n’avait pas encore été rendu accessible aux plus simples d’entre nous. Et, bien qu’il fût manager, mon manager était simple.

    Sa mère et ses tantes, à la mort de leur père, avaient hérité chacune d’un hôtel à Bruxelles. Je ne sais pas ce que les tantes firent de leur héritage, mais Mme Tobor, quant à elle, en avait fait un hôtel familial – c’est-à-dire qu’elle en était la propriétaire, s’occupait d’engager et de martyriser l’équipe de femmes de chambre qu’elle appelait « ses filles », tandis qu’elle avait nommé manager son avorton de fils, Alexandre. Bien né, Alexandre faisait un manager lent à la détente et scrupuleux jusqu’à l’obscène. Il n’était pas à proprement parler attardé, son quotient intellectuel devait se situer confortablement dans le bas de la moyenne nationale. Toutefois, en tant que manager, foyer de tous les vecteurs de l’établissement, maître organisateur et seul recours en cas de problème, il ne faisait illusion qu’un trop bref instant.

    Son côté tatillon et scrupuleux pouvait, dans un premier temps, paraître pervers et déviant, mais, à mesure que l’on apprenait à le connaître, on se rendait compte que c’était sa manière de contrôler la situation et de ne pas se trouver largué par ses employés un peu plus vifs. La première chose que l’on m’avait apprise – deux ans plus tôt – lorsque j’avais fait mes débuts à l’hôtel, avait été le code de couleur utilisé pour surligner les différents listings, les trois manières de plier certains formulaires, l’utilisation du trombone ou de l’agrafe selon les cas, ou encore quand souligner un D et entourer un B.

    Toutes ces minauderies buralistes lui servaient en fait de raccourci. Il voyait un trombone, du jaune, du vert ou une demi cocotte et savait ce qui se passait, ne devait plus se perdre dans l’analyse des documents présentés, savait immédiatement où il se trouvait dans le labyrinthe parsemé d’embûches de la réception de l’hôtel. Là où l’on entrevoyait les limites de l’homme, c’était lorsque des erreurs s’infiltraient au sein du code. Une ombre passait alors sur son visage et un terrible pli venait creuser son front. Tout devenait silencieux… L’homme réfléchissait et l’expression de son visage se transformait à mesure que sa réflexion progressait.

    Les choses lui échappaient et il se crispait.

    « Non, non, mais attendez », disait-il alors presque religieusement, en proie à la plus grande confusion. « Attendez, attendez », continuait-il, cherchant à ralentir l’univers qui tournait à toute allure autour de lui. « Attendez, il y a un truc qui ne va pas, là. Regardez… Ah mais oui, c’est pas comme ça qu’il faut plier ça, enfin ! C’est complètement débile. (Il affectionnait particulièrement ce mot, débile, il s’en servait à tout bout de champ comme pour exorciser ses démons.) C’est pas du travail sérieux, ça. »

    Mais bon, comme je travaillais la nuit, je n’avais pas souvent l’utilité de ses lumières tamisées. Ce qui ne l’empêchait toutefois pas de venir me mettre sa veilleuse dans l’œil lorsqu’il s’ennuyait chez lui. Il n’était pas inhabituel de le voir débarquer à deux ou trois heures du matin. Heureusement, son arrivée était précédée du bruit de la porte du couloir menant au garage, ce qui me donnait juste le temps d’éteindre l’ordinateur, de mettre mes chaussures et mes chaussettes, planquer les bouteilles, les singes et les trapézistes et dégonfler le château gonflable. Quelques instants après le claquement de porte, c’était le bruit de ses pas le long du couloir, la porte de son bureau qui s’ouvrait puis se refermait (Il vérifiait sans faute que son bureau existait toujours bien derrière la porte.). Ensuite, le son de ses pas sur la pierre bleue de l’escalier qui menait au rez-de-chaussée.

    Lorsqu’il faisait ainsi son apparition au milieu de la nuit, tout et n’importe quoi pouvait arriver. Il pouvait passer une demi-heure à tenter de me prouver que rouler à vélo à une main était illégal, ou investir vingt-cinq minutes de son précieux temps à tester l’un après l’autre chacun des bics publicitaires récemment acquis, se plaignant que le mécanisme d’éjection de l’exemplaire de démonstration fourni avant commande avait été plus efficace que celui des septante-huit bics qu’il venait de tester. Il s’en allait alors brusquement, laissant tout en plan, laissant ouverte l’hypothèse du somnambulisme ou de l’hystérie.

    L’ordinateur avait fait son apparition en cours de route, forçant Alexandre à effectuer un immense effort d’adaptation, qui n’avait jamais véritablement suffi à normaliser ses rapports au nouvel équipement. L’ordinateur était devenu un objet sacré et ombrageux, source d’importants revenus, mais cause aussi de bien des soucis. Alexandre était très fort pour remplacer les bics et remplir les imprimantes de papier vierge, mais l’ordinateur et son insaisissable toile lui inspiraient un respect craintif et hostile, qui n’était pas sans rappeler celui des Indiens d’Amérique face à l’arquebuse des conquistadors.

    L’ordinateur devait donc être traité avec les attentions que mérite un dieu généreux mais vengeur. Il fallait accepter ses largesses, mais sans prendre le risque d’abuser de sa bonté. Ce qui se traduisait par une très mauvaise connexion à l’impalpable toile, un ordinateur à garder éteint toute la nuit et l’interdiction formelle d’y ajouter des enceintes ou de raccorder la tour à ses haut-parleurs intégrés à l’écran plat. L’obsession était telle que, lorsqu’il appelait au milieu de la nuit et qu’il entendait, par combiné interposé, un bruit anodin, il s’empressait de demander : « Qu’est-ce que c’est ? Vous avez bien éteint l’ordinateur ? »

    J’avais beau alors tenter de le rassurer, la nuit était foutue. Le doute s’était installé dans son esprit et il me fallait alors éteindre l’ordinateur, ranger mon câble et m’occuper différemment. Car, avec les êtres pervers, somnambules ou hystériques, il est difficile de savoir à quoi s’attendre. Je me l’imaginais alors, le téléphone raccroché, inquiet quant au traitement subi par le dieu aux circuits intégrés, se retournant dans son lit, pesant le pour et le contre et puis, finalement, décidant d’en avoir le cœur net, se lever, s’habiller, monter dans sa voiture, traverser la ville, pénétrer dans le garage, décider, pour une fois – il est fatigué – de ne pas ouvrir la porte de son bureau, d’emprunter l’ascenseur plutôt que les escaliers, et ding ! les portes s’ouvriraient, l’ordinateur serait allumé, le câble serait branché, je regarderais un film sur la divertissante toile.

    Ce ne serait pas la fin du monde, mais il déciderait alors tout de même de m’expliquer, en longueur, la manière de traiter l’équipement de pointe. Ensuite, il s’en irait mais ni lui ni moi n’aurions jamais plus la conscience tranquille, ma fête serait gâchée, je m’attendrais à tout moment à le voir apparaître, je n’aurais plus qu’à trouver un nouvel emploi.

    Cette nuit-là, Alexandre avait appelé. Il y avait eu un bruit, un pigeon avait dû péter dans la cour. Alexandre s’était alarmé. « Vous avez bien éteint l’ordinateur ? – Oui, oui, ce n’est rien, un pigeon dans la cour. »

    Voilà, ma nuit avait été gâchée et j’en étais réduit à regarder les clés dans leur petit compartiment.

    Cela faisait bien vingt minutes que je fixais mes clés, les sens aux aguets, m’attendant à tout instant à entendre le bruit de la porte du garage ou le ding ! de l’ascenseur. J’avais éteint la musique de fond depuis une bonne heure, lorsque j’avais commencé à regarder Rio Grande. Tout était très calme, pas même une altercation dehors pour me distraire. Juste les quatre clés et le bruit des électrons qui gravitaient autour de leur noyau dans mes fesses, ma chaise, le comptoir, les petits compartiments, les quatre clés. Fixer quatre clés pendant vingt minutes met beaucoup de choses en perspective. Une énorme lassitude s’était emparée de moi. La certitude de ne pas vivre ma vie. Chaque seconde que je passais à fixer du regard ces quatre clés était une seconde de plus dont je ne me souviendrais pas, tout à l’heure, sur mon lit de mort. Peut-être que j’étais un peu déprimé, mais je ne pouvais pas m’empêcher de trouver que la vie était faite pour être vécue, pas pour regarder des clés.

    Aussi, lorsque retentit le bruit sourd de quelqu’un qui entrait en contact avec les portes vitrées et verrouillées, je pris une grande inspiration et m’apprêtai à accepter tout ce que la vie avait à me proposer.

    Des quatre clés dans leur petit compartiment, mon regard n’avait qu’à se projeter un coup de nuque et quarante-cinq degrés plus haut et couler impavide vers la porte. Impavide parce qu’on ne sait jamais ce que l’on va trouver de l’autre côté de la porte, à quatre heures du matin. Tout peut arriver, il s’agit d’être prêt, de ne pas laisser échapper un cri efféminé si l’on se retrouve face au danger. Il faut avoir les traits mous et le regard absent de celui qui a déjà tout vu, tout souffert, celui qui côtoie la mort et la barbarie à longueur de service.

    Ça, je savais le faire. C’est une fois qu’il fallait parler à l’interphone que tout se compliquait. Je sentais l’adrénaline jaillir dans mon sang, s’emparer de ma voix et lui faire faire des entrechats. J’avais été un enfant calme et inquiet, que les choses dangereuses ne tentaient pas. Le danger, même au travers d’une porte verrouillée, était resté une source de grande surprise.

    À la porte, quelqu’un se frottait le nez, plus pour se donner une contenance qu’autre chose. Heureusement, à la porte, c’était Ferran. Je n’eus pas à faire étalage de mes limites. C’était un peu étrange de voir Ferran de l’autre côté de cette porte, cela faisait longtemps que nous ne nous fréquentions plus vraiment. Nous étions allés à l’école ensemble. Il était ce que l’on appelle un fils de bonne famille. Ses parents étaient des eurocrates espagnols et habitaient une fermette dans une banlieue chic de Bruxelles. La personnalité de Ferran était étroitement liée à sa coupe de cheveux. Il avait une tête très ronde et des cheveux épais et plats.

    Il avait commencé sa vie comme tout le monde, cheveux longs, coupe au bol (améliorée par le coiffeur, il était de bonne famille), bons résultats à l’école, enfant charmant, plutôt intelligent et doué, esprit vif et curieux… Un gentil garçon, jusqu’à ses quatorze ou quinze ans. C’est à ce moment-là qu’il s’était rendu compte d’une chose : les filles n’étaient pas intéressées par les gentils petits ploucs qui jouent à Donjons et dragons le week-end. Les mauvais garçons, par contre, savaient les faire frémir. Ainsi, vers seize ans, après une suite de coupes intermédiaires infructueuses, Ferran se rasa la tête et rejoignit le groupe des mauvais garçons de l’école, les punks.

    Il n’alla pas jusqu’à se faire percer ou se faire pousser des crêtes, ni même jusqu’à trop négliger son travail scolaire. Comme moi, qui gravitais aussi vaguement autour des punks, il sentait instinctivement que ce « No Future » était un assez mauvais calcul.

    Les punks étaient tous des jeunes en difficulté, comme on les appelle maintenant. Des mères étaient mortes, des pères s’étaient suicidés, des parents étaient trop durs, trop laxistes, abusifs, absents, il y en avait pour tous les goûts. C’était des jeunes rebelles de circonstance. Avec d’autres parents, d’autres situations familiales, d’autres cheveux, ils auraient été des personnes adaptées et paisibles, ils se seraient intéressés aux mathématiques, à la mécanique, aux langues vivantes ou à la psychologie. Mais les choses étant ce qu’elles étaient, ils négligeaient leur éducation, fumaient des joints, inhalaient des solvants, buvaient beaucoup d’alcool, dans la certitude qu’il n’y avait pas de futur.

    Ce n’était pas tout à fait ainsi que Ferran voyait les choses – ni moi non plus, d’ailleurs. No Future d’accord, fumer des joints d’accord, inhaler des solvants d’accord, boire beaucoup d’alcool d’accord, mais croire qu’il n’y aurait pas de demain ni d’année prochaine, c’était aller un peu vite en besogne. Aussi, tandis que les punks se sabordaient allègrement et systématiquement, nous nous efforcions d’obtenir le minimum de moyenne académique. C’était un exercice assez difficile à réussir : avoir l’air de se saborder sans vraiment le faire.

    Nous nous en sortions plutôt bien jusqu’au jour où les professeurs avaient décidé de se mettre en grève.

    Au bout de deux mois,

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