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Au revoir Bucarest, Bonjour la Suisse, Grüezi wieder Bukarest
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Au revoir Bucarest, Bonjour la Suisse, Grüezi wieder Bukarest
Livre électronique205 pages2 heures

Au revoir Bucarest, Bonjour la Suisse, Grüezi wieder Bukarest

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À propos de ce livre électronique

Le bloc soviétique d’avant 1989. La Roumanie de Ceausescu des années 1980. Un livre document sur le franchissement du « rideau de fer », une radiographie d’un pays communiste et la manière dont étaient traités ceux qui souhaitaient quitter le pays et choisissaient la liberté et la démocratie. Une séquence de faits, parfois tristes, parfois drôles que rencontrait le candidat à l’émigration sur sa route en quête de liberté. Le choc à l’arrivée en Suisse et les obstacles à l’intégration.

LangueFrançais
Date de sortie13 oct. 2020
ISBN9780463797976
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    Aperçu du livre

    Au revoir Bucarest, Bonjour la Suisse, Grüezi wieder Bukarest - Renato-Luigi Rutta

    Dédicace

    Des milliers de personnes sont parvenues à quitter le goulag communiste et à « percer » le rideau de fer durant les difficiles et pénibles années du régime communiste. Certains avec plus de facilité, d’autres avec plus de peine, certains en suivant la voie officielle, d’autres en forçant les frontières, mais ils sont arrivés à passer de « l’autre côté » à la recherche d’une vie meilleure et surtout pour avoir plus de quiétude et de sécurité.

    Avant de commencer cet ouvrage, et tout au long de sa réalisation, j’étais incapable de détourner mes pensées aux milliers de gens qui ont payé de leur vie lors de leurs tentatives de s’évader du communisme. Sans le moindre doute il y avait également d’autres milliers, qui même s’ils ont échappés à la mort, ils ont été interceptés, enquêtés, voir arrêtés, à tel point que leur vie était devenue un enfer.

    A tous ceux-ci je dédie cet ouvrage

    Je le dédie également à mes parents, proches de l'âge de la retraite, qui ont eu le courage de tout abandonner pour m’offrir à moi une vie libre et sereine.

    Je le dédie à tous mes amis, collègues et connaissances qui m'ont soutenu et aidé malgré la prise de conscience des risques auxquels ils étaient exposés.

    Je le dédie à tous ceux qui ont mis une brique dans la disparition d'un système qui a apporté seulement peur, suspicion, pauvreté et colère.

    Au fil du temps, les horreurs du système seront oubliées, certaines images resteront dans des archives, il y a et il y aura quelques entreprises qui organisent des circuits en Trabant ou des simulations des interrogatoires à la Securitate, mais rien ne reflètera vraiment la misère, l'incertitude et l'amertume de cette époque, heureusement aujourd’hui révolue.

    Préface et kick-off

    Bucarest, 8 septembre 1981. Par une belle journée d'été, les gens avaient commencés les préparatifs de la nouvelle année scolaire, et comme d'habitude, vers midi, les terrasses aux alentours des parcs bucarestois, étaient bondées de clients assoiffés et gourmands.

    Dans notre famille, cependant, l'atmosphère était chargée. Remplie d'émotions, d'incertitudes et même de peur. Durant les dernières 2-3 semaines, j'ai eu une peur viscérale de ce 8 septembre, que, je l’espérais, ne viendrait à jamais. Dans quelques heures mes parents allaient embarquer à bord d'un des wagons du train WienerWalzer à destination de Vienne-Zurich-Lausanne. Jusqu'à présent rien de spécial, ils avaient fait ce voyage à plusieurs reprises, avaient gagné la confiance des autorités et obtenus, avec une relative aisance, une autorisation pour un nouveau voyage à l'Ouest. Mon père était régisseur scientifique de films documentaires d'architecture, avait obtenu de nombreux prix internationaux, et les trophées y relatifs trônaient avec prestige dans les bureaux des ministres des travaux publics qui se sont succédés dans l'équipe de l’unique « Conducator » du pays, Nicolae Ceausescu. La seule différence était que ce voyage, du 8 septembre 1981, aura qu’un ALLER SIMPLE, et donc pas de RETOUR (au pays). Autrement dit, ils allaient « s’enfuir » à l’Ouest.

    Dans notre appartement de 2 pièces, dans la belle maison du boulevard Kisseleff 35-37, connue aujourd'hui sous le nom de Casa Miclescu, la tension sur le visage de chacun de nous trois était palpable. Mes parents emballaient en silence, vérifiant le tout deux fois, quant à moi, je trouvais toutes sortes d'activités fantômes, en étant conscient que j'étais complètement inutile dans ce tableau. Bien que cette décision ait été prise à l'unanimité, depuis des mois, maintenant je regrettais amèrement tout en réalisant qu'ils faisaient ce sacrifice seulement et exclusivement pour mon avenir. Je me demandais constamment si je n'étais pas celui qui les a poussés à ce geste, je me suis demandé s'il était raisonnable de les laisser partir à plus de 55 ans, dans un pays inconnu. Peut-être par crainte de ce qui allait arriver, n'ayant pas la moindre idée de ce que c'était la vie à l'ouest, j'ai essayé jusqu’au dernier moment de les persuader d'abandonner. Au final ils ont été, tous les deux, bien plus rationnels que moi.

    J’ai donc chargé toutes les affaires de mes parents dans notre petite Fiat 850 (qui a résisté héroïquement durant plus de 20 ans) et, le soir venu, nous nous sommes dirigés vers la «Gare du Nord » de Bucarest. Les dernières minutes que j’ai passées dans leur compartiment de la voiture-lit, avant le départ du train, ont été les plus lourds et les plus chargés d’émotion. Je ne sais même pas si on s’était dit au revoir qui en fait aurait plutôt pu signifier « adieu » vu l’avenir plus qu’incertain aussi bien pour eux que pour moi. Quelques accolades, un peu de larmes, vite essuyées afin de ne pas donner lieu à des soupçons, et voilà que je me retrouve seul sur le quai de la gare. Avec un reflex, courant durant l’époque communiste, je tournais sans cesse la tête afin de vérifier s’il n’y avait pas quelqu’un qui aurait pu deviner nos pensées ou nos sentiments. Une fois le train parti, je suis resté environ une heure, triste et abasourdi, sur un banc de la Gare du Nord, avec le regard vide en scrutant les visages tristes de ceux qui, comme moi, avaient accompagné leurs amis ou connaissances pour le départ du « train du bonheur », comme on appelait à l’époque le WienerWalzer ou l’Orient Express.

    J’ai essayé de mettre un peu d’ordre dans mes idées, tenté d’anticiper ce qui allait m’arriver dans un proche avenir, comment j’aller communiquer à ma grande mère de 81 ans que mes parents n’allaient plus rentrer, et comment je vais me débrouiller avec la « liquidation » de deux appartements, dans la variante la plus optimiste, dans laquelle ce ne sera pas moi qui serai « liquidé ». J’ai vite conclu que les idées se bousculaient dans ma tête, que j’avais trouvé très peu de réponses, et que la meilleure des solutions était de prendre une « pause cérébrale » de 2-3 jours avec l’espoir d’une vision future plus claire et plus optimiste. Une nouvelle vie allait commencer pour moi, une vie pleine d’inconnues mais aussi pleine d’espoirs.

    Chapitre 1 – LE REVEIL

    Le travail à l’école polytechnique

    Même si ma vie estudiantine avait pris fin après avoir obtenu, durant l’été 1980, le diplôme d’ingénieur civil, je n’avais pas échappé à la « fièvre » du 15 septembre, date à laquelle les cours reprenaient dans tous les établissements d'enseignement du pays. Cette date était toujours un moment festif pour les parents, étudiants et enseignants, événement préparé avec le plus grand soin et beaucoup d’enthousiasme. Avec satisfaction j’ai constaté qu’aujourd’hui encore, on retrouve la même charge émotionnelle et festive, et chaque fois que je traversais la ville durant cette période je m’imprégnais de la signification et de l'émotion de l'événement tout en essayant de partager le moment avec ceux directement impliquées.

    Durant ces années là, le régime communiste garantissait à chaque diplômé universitaire une place de travail stable. Bonne ou mauvaise, tout le monde avait un travail qui permettait plus ou moins de survivre. Dans ce contexte, ensemble avec deux autres collègues, fûmes envoyés au « Centre de recherche » du ministère des travaux publics. Deux mois plus tard, je suis retourné à la case de départ, en étant transféré à l’Ecole Polytechnique, comme assistant à la chaire de mécanique, statique et dynamique des constructions. On est partis à deux, avec mon collègue et ami, Dan Ghiocel, fils du recteur du même nom. Aussi bien le père que le fils étaient des gens d’une extrême distinction, moralité et étique. En plus ils étaient des ingénieurs réputés, mon collègue Dan ayant fini les cinq années d’études avec la moyenne de 10/10, fait extrêmement rare à l’époque. Avec amusement je me rappelle qu’en troisième année, lors de l’examen de la « technologie des fondations » je crois, il a reçu un 9. Une note de rêve pour les autres, mais désastre total pour lui. Il a trouvé la force et l’ambition de refaire l’examen et, bien entendu, il a obtenu le 10, et ainsi sa moyenne à la fin des études n’a pas été « polluée ».

    Etant très proches, j’avais un peu de peine de lui avouer la réalité sur de départ définitif de mes parents, mais en même temps je ne voulais nullement nuire à sa carrière ou à celle du professeur Ghiocel. J’ai donc « avoué » à Dan junior, la vérité sur la « fuite » de mes parents, avant que celle-ci devienne officielle. Une fois de plus mon avis sur lui s’est confirmé car malgré les risques auxquels il s’exposait, il est resté proche de moi et m’a aidé avec tout ce qu’il a pu. Il faut dire, qu’à cette époque, toute personne qui avait un proche parent « déserteur » au profit de l’occident, était considéré un pestiféré, un exclus de la société, il était surveillé en permanence et ceux avec qui il avait des contacts prenaient un gros risque.

    On a atterri donc tous les deux, Dan et moi, à la chaire de « mécanique et statique des constructions », où le chef de l’institut était un réputé séismologue, le professeur Mihai Ifim. Moi j’ai eu droit au séminaire de « stabilité des constructions » que j’enseignais dans les locaux du gymnase « Ion Luca Caragiale » sur le boulevard « Dorobanti ». Ceci car, au début des années ’80 le régime communiste avait trouvé une nouvelle source de financement : attirer les étudiants étrangers qui, bien évidement, payaient leur scolarité en devises, dollars ou marks allemands le plus souvent. C’est ainsi que dans beaucoup d’universités, en particulier en médecine, génie civil et architecture, le nombre d’étudiants avait explosé, dépassant largement l’infrastructure en place. Pour le séminaire que j’enseignais, j’avais des groupes de 20 à 25 étudiants, parmi lesquels seulement trois ou quatre étaient des roumains, le reste étant étrangers. Un dépaysement total, qui m’a beaucoup aidé pour la suite de ma carrière. Il y avait beaucoup de libanais, palestiniens, syriens, libyens, grecques, chypriotes ou israéliens et, bien entendu, leur niveau scalaire était très différent. Ils suivaient tous une année de préparation afin d’apprendre le roumain (à Timisoara si mes souvenirs sont bons) et ensuite ils étaient orientés vers les facultés qu’ils avaient choisies.

    Il était donc extrêmement difficile de trouver un dénominateur commun pour tous ces étudiants avec un niveau de connaissances très varié, mais globalement l’ambiance était bonne et je crois avoir réussi à leur éveiller l’intérêt pour le métier, surtout que j’enseignais à trois quart en anglais et un quart en roumain. J’avais pratiquement pas de pause, car durant les pauses j’expliquais à ceux qui ne comprenaient pas bien ni le roumain ni l’anglais. On était probablement une sorte de précurseurs des programmes « Erasmus » de l’Union Européenne de nos jours. Ayant eu un très bon contact avec les étudiants, nombreux étaient ceux qui me demandaient des cours d’appui en privé, du au fait qu’ils ne comprenaient pas tout en classe. J’acceptais toujours avec plaisir quand je voyais qu’il y avait de la volonté et du désir d’apprendre. Malheureusement, dans le contexte de méfiances envers les étrangers, ces cours allaient m’apporter beaucoup d’ennuis que j’exposerai un peu plus tard.

    A chaque début d’année, devant les étudiants, je citais toujours une phrase prononcé par un des plus grands ingénieurs et professeurs que la Roumaine ait eu, Panaite Mazilu. Celui-ci, lors de notre premier cours de résistance des matériaux nous avait dit :

    - Vous avez choisi un métier difficile ayant une énorme responsabilité. Si un médecin commet une faute il risque de tuer une personne, par contre si vous, vous faites une faute de calcul vous pouvez tuer des dizaines voir des centaines de gens.

    C’est une phrase qui m’a suivi tout au long de ma vie professionnelle et que j’ai souvent répété à mes étudiants. L’avis du professeur Panaite Mazilu était demandé pour tous les grands ouvrages en Roumanie, et même le « conducator » Ceausescu, lui demandait l’avis pour ses chantiers pharaoniques. Le professeur est décédé à l’âge respectable de 100 ans, et jusqu’au dernier jour il a partagé avec passion et professionnalisme, ses connaissances et expertises.

    La roue de l’exil

    Se retrouver seul, même si j’avais déjà 26 ans, fût mon premier grand défi. Je dois l’avouer, que tant que j’ai habité avec mes parents, je ne faisais pas grand-chose à la maison. Peut-être un peu de bricolage, mais certainement pas de l’administration.

    A chaque fois que j’avais des remords d’avoir trop poussé mes parents à quitter le pays, à chaque fois je me résignais que c’était la seule et unique solution car le pays se dégradait rapidement à cause du désir du régime de rembourser rapidement et complètement la totalité de la dette externe. Le désir d’indépendance économique de Ceausescu, l’a poussé à affamer son peuple au risque de se faire détester aussi bien dans le pays qu’à

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