Mémoires d'une étrangère: Récit autobiographique
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À propos de ce livre électronique
En grande section de Maternelle, je découvris qu’il n’y a que deux opérations fondamentales : l’addition et la soustraction desquelles participent la multiplication et la division. Au lieu de m’encourager dans mes observations, mon scientifique de père fêla ma confiance sans pour autant altérer mon opiniâtreté native ni interrompre mes investigations cérébrales.
Les bonnes fées ne se sont pas penchées sur le berceau, pourtant doré, de la petite fille où sont épinglés les mots « Je ne suis pas belle, je ne ressemble à personne », nous révèle d’emblée Anne Steinberg-Viéville.
Mémoires d’une étrangère est un récit autobiographique fort, ne craignant ni de choquer ni de déranger du moment qu’il y va et de la survie de l’auteur et de son désir de transmettre cette soif inextinguible de découvertes et de recherches alliée à un puissant amour de la vie. Une belle revanche sur l’enfance, sur le silence, sur le temps et qui nous invite à réveiller notre corps aussi bien que notre esprit.
Avec concision, humour et sincérité, Anne Steinberg-Vieville se livre sans retenue !
EXTRAIT
« Je ne suis pas belle, je ne ressemble à personne. »
C’est par ces mots que mon géniteur accueillit ma venue au monde. Épinglés sur mon berceau, ils furent sans doute dictés par l’ironie, familière à cet homme devenu père à l’âge d’être grand-père mais inapte à de tendres sentiments.
Nature ou culture ?
Né en Allemagne en 1909, résistant de l’intérieur avant d’être maquisard, apatride et légionnaire avant d’être Français, Gerhard Steinberg fut un combattant pour ne pas devenir une victime de l’Histoire. La petite Antigone, qui sommeille en moi, a de qui tenir : elle sait qu’elle opterait pour le fusil plutôt que pour l’étoile et la survie…
Revers de la médaille, dans le civil comme dans l’intimité, ce héros n’a pas baissé la garde : défiance et agressivité caractérisèrent sa conduite relationnelle. L’ingénieur polytechnicien, titulaire de plusieurs brevets, n’en fut pas moins parano avec ses collègues et ouvriers, comme avec les autorités de l’État, au point d’être incapable de tirer quelques bénéfices de ses inventions ; quant au tyran domestique, aux allures de statue du Commandeur, il ne suscita, sa vie durant, que crainte et terreur tant ses réactions furent aussi déconcertantes qu’inappropriées. L’admiration et la filiation intellectuelle sont des fruits posthumes…
À PROPOS DE L'AUTEUR
Anne Steinberg-Viéville tient aussi un blog, dont on peut tirer son portrait intellectuel : loin de toute didactique, elle propose d’étonner l’œil de l’amateur d’art ; sa méthode souvent comparatiste et son regard très mathématique donnent à voir des merveilles secrètement dissimulées par les artistes ; en cérébrale, elle commence par la rédaction des textes, qu’elle enregistre, puis illustre au moyen d’images fixes ; en geek, elle réalise montage et synchronisation ; en pollinisateur des savoirs, elle diffuse ses points de vue sur Internet.
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Avis sur Mémoires d'une étrangère
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Aperçu du livre
Mémoires d'une étrangère - Anne Steinberg-Viéville
(1992)
Au commencement
étaient les mots assassins
« Je ne suis pas belle, je ne ressemble à personne. »
C’est par ces mots que mon géniteur accueillit ma venue au monde. Épinglés sur mon berceau, ils furent sans doute dictés par l’ironie, familière à cet homme devenu père à l’âge d’être grand-père mais inapte à de tendres sentiments.
Nature ou culture ?
Né en Allemagne en 1909, résistant de l’intérieur avant d’être maquisard, apatride et légionnaire avant d’être Français, Gerhard Steinberg fut un combattant pour ne pas devenir une victime de l’Histoire. La petite Antigone, qui sommeille en moi, a de qui tenir : elle sait qu’elle opterait pour le fusil plutôt que pour l’étoile et la survie…
Revers de la médaille, dans le civil comme dans l’intimité, ce héros n’a pas baissé la garde : défiance et agressivité caractérisèrent sa conduite relationnelle. L’ingénieur polytechnicien, titulaire de plusieurs brevets, n’en fut pas moins parano avec ses collègues et ouvriers, comme avec les autorités de l’État, au point d’être incapable de tirer quelques bénéfices de ses inventions ; quant au tyran domestique, aux allures de statue du Commandeur, il ne suscita, sa vie durant, que crainte et terreur tant ses réactions furent aussi déconcertantes qu’inappropriées. L’admiration et la filiation intellectuelle sont des fruits posthumes…
Ainsi fut-il seul, très seul. Je ne lui connus pas de complices. Pas même sa fille. Car, nature ou culture, qu’importe ! ses mots assassins de bienvenue ont pourri notre relation, d’emblée fondée sur le malentendu. Mes maladies infantiles furent des « bêtises », mes juvéniles découvertes mathématiques des « folies », mes réussites scolaires des évidences « incommentées » (un bac avec mention et une admission concomitante en lettres supérieures furent accueillis par un confondant « nous dirions quelque chose si tu avais échoué »), quant à mon être tout entier, il fut morigéné sans réserve : « cette enfant est trop sage, trop autonome, trop concentrée. »
Mon enfance, haïe, eut donc son antihéros, rhétoriquement mal armé pour s’adresser à l’âge tendre. L’ironie, l’antiphrase, l’euphémisme, le sarcasme ou la litote blessent les mômes, en attente d’amour pour se construire ; ils ne les font pas rire, assurément…
Cette enfance, haïe, eut aussi son contre-exemple : ma génitrice. Un concentré de perversités. Mère par arithmétique plus que par amour, elle m’eut en qualité d’enfant de remplacement. « Si elle avait vécu, tu ne serais pas née », me lança-t-elle sans ménagement le soir où je m’inquiétai d’avoir entre les mains une argenterie marquée du chiffre de la morte ! J’avais cinq ans et découvris simultanément mon origine peu glorieuse et ma condition mortelle. Une méditation quasi quotidienne s’en suivit, forgeant le noyau d’une philosophie, aujourd’hui encore irréfutée : on peut faire de sa vie une œuvre d’art mais on doit s’abstenir de la transmettre : elle n’est pas un