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Livre électronique186 pages1 heure

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À propos de ce livre électronique

Vivre avec la dyspraxie, voilà le défi que devait relever quotidiennement P’tit Menu dans son Saguenay natal. À l’époque du récit, personne ne connaissait l’existence du « trouble développemental de la coordination ».

Encore aujourd’hui, il s’agit d’un trouble méconnu qui tend à être démystifié. Comment un enfant peut comprendre sa différence si le trouble neurologique dont il souffre n’est pas connu?

Au travers des pages de ce livre, vous découvrirez ce qu’est la dyspraxie expliquée par des professionnelles telles que la neuropsychologue Gingras, la psychoéducatrice Gagnon et l’ergothérapeute Cusson.

Un ouvrage sur la nécessité de conforter l’estime de soi chez son enfant. Un témoignage de résilience, la preuve que l’on peut vivre une belle vie et s’accomplir professionnellement avec la dyspraxie.
LangueFrançais
Date de sortie19 sept. 2020
ISBN9782925014836
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Auteur

Marius Tremblay

Originaire du Saguenay, Marius Tremblay a complété sa formation musicale à l’École Vincent d’Indy, aux conservatoires de Montréal et de Québec et à l’Université d’Ottawa. Il a parfait sa formation, par des sessions d’études aux conservatoires de Paris et de Nice, de même qu’au Centre d’Études et de recherches dramatiques de l’Université de Nancy. En 2010, Marius Tremblay a entrepris sa scolarité de doctorat à l’Université du Québec à Montréal (UQAM) en Études et pratiques des arts. Sa recherche porte sur les structures de légitimité de l’opéra dans le système culturel du XXIe siècle. Ses outils de recherche étant : l’histoire sociale, la sociologie ainsi que l’analyse politique, esthétique et musicologique. Les romans : L’ombre de la Colline ainsi que : Le cycle des sylphides - Lohengrin ont été publiés par la maison d’édition Les mots en toile de Montréal. Le catalogue des œuvres de Marius Tremblay est riche et varié. Il comprend des symphonies, de la musique électronique, une Messe, des sonates pour divers instruments et plusieurs pièces vocales. Un disque compact de ses œuvres lyriques, La saison inachevée, a été salué par la critique. Dans le cadre de sa thèse, il a écrit le livret et composé la musique d’un opéra pour illustrer son propos : La Diva, la Star et le politique.

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    Aperçu du livre

    P'tit Menu - Marius Tremblay

    Prélude

    « Est-ce qu’on t’a déjà dit que tu pouvais avoir un trouble praxique ? »

    À Lanoraie, ce dimanche matin, une coquette maison sur le rivage du fleuve grouille de vie. En plus des propriétaires Colette et Marius, il y a Kim, son conjoint et leurs deux gamins. Une tradition est en train de s’établir. Car, depuis que Mamy, comme l’appellent ses petits-enfants, habite avec Marius dans cette demeure lanoroise, les visites de fin de semaine¹ se répètent à la joie de tous.

    Il est neuf heures trente et l’on se prépare pour aller bruncher dans un restaurant du village. Les chiens Ludwig et Millie sont aussi énervés que les jeunes, même s’ils savent très bien, qu’ils n’accompagnent pas leurs maîtres. C’est peut-être l’idée de se retrouver seul à la maison qui les excite au plus haut point. Les questions, où sont ma veste, mon gilet, mes chaussures, résonnent de la grande pièce du rez-de-chaussée jusqu’au deuxième étage avec, en bruit de fond, des grognements et des aboiements canins.

    Marius, qui vient de réaliser l’exploit de mettre ses lentilles cornéennes sans demander l’aide de quiconque, célèbre joyeusement sa réussite. On le retrouve assis sur le lit se préparant à attacher ses souliers. Kim, qui passe devant la porte de la chambre, ne peut s’empêcher d’observer les mouvements désordonnés de son beau-père. 

    Dès le premier geste, Kim ne peut retenir son étonnement ! Un nœud simple pour débuter. Deuxième étape, il replie le bout du lacet droit qu’il entoure celui de gauche en laissant un petit espace pour y faire pénétrer le reste du cordon ce qui ressemble à une double boucle. Alors, Marius sert le tout en tirant sur les deux extrémités. La professionnelle en réadaptation psychomotrice en demeure bouche bée, devant la procédure si complexe que son beau-père utilise pour attacher le soulier. Appuyée sur la porte, elle ne peut s’empêcher de demander :

    — Est-ce qu’on t’a déjà dit que tu pouvais avoir un trouble praxique ?

    — Jamais, je te le jure. C’est la première fois que j’entends parler de ça. Pourquoi une telle question ?

    — Parce que, depuis que je te connais, j’ai remarqué que tu avais des lacunes au niveau de la motricité fine et de la coordination.

    Il répond dans un soupir :

    — J’ai toujours été malhabile et gauche depuis ma tendre enfance. J’ai tant cherché à comprendre.

    Elle sort son iPhone et le lui tend.

    — Regarde, c’est une définition de la dyspraxie ou du trouble praxique.

    Marius lit à haute voix le texte qui apparaît sur l’écran.

    — La dyspraxie est une altération de la capacité à exécuter de manière automatique des mouvements déterminés, en absence de toute paralysie ou parésie des muscles impliqués dans le mouvement. Le sujet doit contrôler volontairement chacun de ses gestes, ce qui est très coûteux en attention, et rend la coordination des mouvements complexes de la vie courante extrêmement difficile, donc rarement obtenue².

    Kim s’approche et lui demande avec tendresse :

    — Qui t’a appris à lacer tes souliers comme ça ?

    — Personne. Ni mon père, ni ma mère, ni mes oncles et mes tantes n’ont réussi à me montrer comment faire des boucles. C’est à la suite de nombreuses répétitions que j’en suis venu à me débrouiller de cette façon.

    — Je ne peux pas me permettre de faire un diagnostic, mais ça ressemble à un trouble praxique. Tu devrais aller voir sur internet.

    — C’est une bonne idée.

    Demeuré seul, je sens un lourd nuage se concentrer au-dessus de sa tête et ça, malgré la majesté du fleuve qui luit au travers des fenêtres. Un passé, refoulé depuis si longtemps, entreprend son ascension. D’abord dans son ventre, puis dans l’estomac, jusqu’à son cœur qui se ressert. Heureusement, son cerveau bloque juste à temps, la progression de ces mauvais souvenirs.

    Dans le salon, Ludwig et Millie aboient. La chienne d’un an peine à freiner son trop-plein d’énergie et elle pousse le vénérable Ludwig à l’exaspération. Le chien de Marius a douze ans bien sonnés. Comme son maître, il reconnaît ses limites. Devant ce brouhaha, la fille de Kim confine Millie dans sa cage tandis que le vieux Boxer s’installe en boule sur son sofa. Il a vraiment besoin de quelques moments de récupération.

    Heureusement que les appels des jeunes, impatients d’aller manger, rapaillent³ la troupe vers la sortie. Ludwig et Millie ont compris qu’ils ne font pas partie de l’expédition, ils se contentent de lancer des regards pleins de tristesse en excellents manipulateurs qu’ils sont.

    Les enfants insistent pour monter avec Mamy et Marius dans la décapotable. Kim et Mark les suivent dans leur voiture. Le brunch de La villa d’Autray est réputé dans les environs. La famille Giffard, Gagnon et Tremblay occupent une grande banquette au fond de la salle à manger. Le menu n’est pas compliqué : des œufs, des omelettes, du jambon et du bacon, des crêpes, du pain doré⁴, des saucisses pour les gros appétits de bûcherons et le tout à volonté. Le garçon profite du moment d’inattention de sa sœur pour piquer un bout de bacon dans son assiette. La manœuvre réussit, la jeune fille réagit théâtralement et le grand frère prend une expression de parfaite innocence. Mamy s’amuse de la situation, elle est si heureuse de voir ses petits-enfants. C’est tellement agréable d’être ensemble, ce simple petit-déjeuner se transforme en évènement. Bien que Marius participe à la gaieté commune, Kim et Colette constatent qu’il est préoccupé. Sa belle-fille se doute bien que la question de la dyspraxie doit lui trotter dans la tête. Elle se sent mal à l’aise…

    La route longeant le fleuve est, au fil du temps, une source intarissable d’apaisements. Le ballet des grands bateaux, qui se lovent entre les bras amoureux des rives infinies, a de quoi inspirer le poète du dimanche. Quelle chance avons-nous de vivre ici ! pensent à l’unisson Marius et sa Coco.

    Toute la bande est fébrile à l’arrivée à la maison. Le conjoint de Kim s’interroge, à savoir, s’il n’avait pas le temps de taquiner encore une fois les poissons, son fils veut recharger son iPod, sa fille qui a libéré Millie de sa cage fait des cabrioles avec les deux animaux. Kim rejoint sa mère dans la balançoire et lui demande :

    — Penses-tu que je devrais parler avec Marius ? J’ai peur de l’avoir bouleversé avec mes remarques sur la dyspraxie…

    — Je connais mon bonhomme, il est bâti fort. Il va sûrement te le dire si ça le chicote⁵.

    La gamine crie à tue-tête :

    — Papa a attrapé un poisson, viens voir Marius.

    Toute la famille s’approche sur la rive et l’on applaudit le pêcheur qui tient à bout de bras un achigan à petite bouche⁶ d’environ un kilo. Après une brève célébration, le pêcheur sportif décroche l’hameçon et remet sa prise à l’eau. Marius tend une bière à son gendre et comme deux complices, ils trinquent de bon cœur. Le sourire de son beau-père rassure Kim.

    Il est trois heures, c’est le temps de ramasser les choses et de retourner à Gatineau. Enfin, l’adolescent se joint à la bande. Les écouteurs sur les oreilles, il prend çà et là ses objets et va les déposer dans la voiture. Son père devant s’occuper de Millie, lui demande d’apporter les bagages de sa sœur.

    Kim fait le tour de la maison et trouve des bricoles oubliées par l’un ou l’autre des enfants. On appelle tout le monde pour les bisous à Mamy et à Marius. Après avoir fait son câlin à sa belle-fille, Marius lui dit :

    — Ne t’inquiète pas pour moi et le trouble praxique, je me cherchais justement un sujet pour un nouveau roman. 

    Deux semaines plus tard, rythme du tangage de la balançoire installée au bout de la terrasse, Kim en face à face avec son beau-père discute doucement.

    — Ça serait important que tu révèles comment la dyspraxie s’est manifestée dans ton enfance, me suggère-t-elle d’un ton sérieux.

    — C’est tout un défi que tu me proposes.

    Les idées et les concepts se heurtent dans ma tête. Comment fondre dans un texte la réalité et la fiction ? La folie créatrice, qui m’habite, danse dans mon cerveau, exécutant un tango tumultueux dans lequel les deux aspects de l’écriture s’affrontent. Habitué aux cabrioles de mon imagination, je me sens bousculé par la présence d’un ou d’une intruse dans ma bulle romanesque. Après une longue réflexion, je lui réponds.

    — J’hésite à parler de ma vie. J’ai fait tant de thérapies pour résoudre l’énigme de la mélancolie qui m’accompagnait jour après jour. Mon enfance et ma jeunesse, bien qu’elles puissent apparaître banales, furent un poids lourd à porter. Voilà qu’à presque soixante-dix ans, j’apprends que la raison de mon mal de vivre est une maladie qui se nomme : la dyspraxie ! Ça aurait été tellement utile de le savoir au moment où je commençais mon périple dans la vie. (Il fait une pause.) Au fait est-ce que cela aurait changé quelque chose ? « J’ose le croire et c’est pour ça qu’aujourd’hui, je suis en colère. » Avant que sa belle-fille n’intervienne, il se reprend et ajoute : « Tu me demandes de fouiller dans mes lointains souvenirs ? D’accord, mais je ne sais pas comment faire pour différencier les réminiscences réelles des fruits d’une imagination qui, déjà dans ma tendre enfance, était très aiguisée. »

    — Je te comprends bien. Mais, te rends-tu compte que ton expérience pourrait aider des petits et des parents qui doivent affronter les mêmes difficultés ?

    — Oui, je suis au courant que mon parcours pourrait leur être utile à découvrir pourquoi, tout ce qui est simple pour les autres devient si

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