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Camping Val-d'Espoir: Syllivan Solto en mission diplomatique en Gaspésie
Camping Val-d'Espoir: Syllivan Solto en mission diplomatique en Gaspésie
Camping Val-d'Espoir: Syllivan Solto en mission diplomatique en Gaspésie
Livre électronique302 pages3 heures

Camping Val-d'Espoir: Syllivan Solto en mission diplomatique en Gaspésie

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À propos de ce livre électronique

Camping Val-d’Espoir,

Syllivan Solto en mission diplomatique en Gaspésie

Dans le cadre de ses fonctions de coordonnateur des services spéciaux pour le ministère du Commerce international du Canada, Syllivan Solto accompagne, à l’opéra de Vienne, le grand patron de « Produits forestiers F. Morin », François Morin.

Sa présence fait avorter l’enlèvement de la cantatrice russe, Anastasia Golovine. Solto doit dès lors découvrir le dessous de cette tentative de kidnappage.

Ce qu’il trouve s’avère inquiétant.

Il est décidé que la chanteuse soit cachée en Gaspésie où le groupe criminel ASLAM ne pourra pas la retrouver.

Syllivan Solto n’est pas au bout de ses peines, car derrière les paisibles paysages de la Gaspésie se trame un terrible complot international.
LangueFrançais
Date de sortie7 avr. 2023
ISBN9782925250647
Camping Val-d'Espoir: Syllivan Solto en mission diplomatique en Gaspésie
Auteur

Marius Tremblay

Originaire du Saguenay, Marius Tremblay a complété sa formation musicale à l’École Vincent d’Indy, aux conservatoires de Montréal et de Québec et à l’Université d’Ottawa. Il a parfait sa formation, par des sessions d’études aux conservatoires de Paris et de Nice, de même qu’au Centre d’Études et de recherches dramatiques de l’Université de Nancy. En 2010, Marius Tremblay a entrepris sa scolarité de doctorat à l’Université du Québec à Montréal (UQAM) en Études et pratiques des arts. Sa recherche porte sur les structures de légitimité de l’opéra dans le système culturel du XXIe siècle. Ses outils de recherche étant : l’histoire sociale, la sociologie ainsi que l’analyse politique, esthétique et musicologique. Les romans : L’ombre de la Colline ainsi que : Le cycle des sylphides - Lohengrin ont été publiés par la maison d’édition Les mots en toile de Montréal. Le catalogue des œuvres de Marius Tremblay est riche et varié. Il comprend des symphonies, de la musique électronique, une Messe, des sonates pour divers instruments et plusieurs pièces vocales. Un disque compact de ses œuvres lyriques, La saison inachevée, a été salué par la critique. Dans le cadre de sa thèse, il a écrit le livret et composé la musique d’un opéra pour illustrer son propos : La Diva, la Star et le politique.

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    Aperçu du livre

    Camping Val-d'Espoir - Marius Tremblay

    ¹.

    Son petit déjeuner se compose, en plus d’un café fort, d’un bagel, de fromage et d’un fruit. Sans trainer, il fait sa toilette et s’est habillé d’un élégant complet bleu, il quitte les lieux pour se rendre à pied à son bureau sis sur Rimergrasse, à environ quinze minutes de marche.

    Par bon temps, Syllivan adore parcourir ces beaux boulevards fleuris et bordés d’arbres. Circuler sur ces grands trottoirs où quatre personnes peuvent se rencontrer sans encombre. À la hauteur de l’avenue Rimergrasse, il prend le temps d’admirer l’architecture raffinée de ces vieilles façades qui datent du XIXe siècle. C’est en sifflotant qu’il pénètre dans l’édifice qui abrite son lieu de travail. Son assistante, Renée Paradis, est déjà là.

    Cette jeune diplômée de l’Université d’Ottawa en science politique est arrivée à Vienne le 16 avril 2019. Elle n’a pas eu à attendre longtemps pour obtenir un poste au ministère. En effet, son père Walter Goering, un sous-ministre adjoint, y a vu. Mademoiselle Paradis parle couramment l’allemand, l’anglais et le français. La fille unique de monsieur Goering porte le nom de famille de Paradis, à la demande de ses parents qui l’ont inscrite à l’état civil du Québec, puisqu’elle est née à Gatineau, sous le vocable de sa mère. Ainsi pensait son père, elle ne devrait pas supporter le fardeau d’une appellation étrangère, surtout celui de Goering, facilement associé au maréchal Hermann Goering.

    Sa maman a veillé à son éducation dans un milieu francophone. Cependant, son père tenait à ce que son enfant soit à l’aise dans toutes les langues liées à son héritage multiethnique. Elle a fait son école primaire en français à Gatineau, puis elle a quitté ses parents pour entreprendre son secondaire dans un lycée à Cologne. Elle habitait alors chez son oncle Peter, qu’elle adorait. Ayant une grande faculté d’adaptation, elle a vécu dans la joie ces trois années en Allemagne. Puis elle est revenue poursuivre son éducation à l’université d’Ottawa, sous l’œil bienveillant de son père.

    Elle était la candidate idéale, quand le poste d’adjointe du Coordonnateur des services spéciaux en Autriche a été affiché. Papa n’a pas eu à intervenir, elle en est convaincue.

    Solto, ayant été avisé de son arrivée par l’assistante de monsieur Lafleur, tenait à l’accueillir lui-même à l’aéroport. Le vol en provenance de Toronto est à l’heure et les voyageurs commencent à se déverser dans l’immense hall des arrivées. Une femme élégante passe la guérite de sortie et se dirige droit vers lui. Elle lui tend la main et se présente avec un large sourire. Solto n’a pas eu le temps de lever son carton sur lequel il était inscrit : RENÉE PARADIS.

    — Bonjour, je suis Renée Paradis. Je suis très heureuse de travailler avec vous, monsieur Solto.

    — J’ignorais que vous me connaissiez ?

    — Vous ne pouvez pas être sans savoir, monsieur Solto, que vous êtes la vedette du ministère à Ottawa. Papa m’a souvent parlé de vous et maman ne cessait de vanter votre élégance et votre charme, ce qui agaçait mon père, ajoute-t-elle en pouffant de rire.

    — Ah oui, votre père, le sous-ministre adjoint Goering ! Il fait une pause et poursuit : « Je me souviens de votre mère, quelle femme aimable et si raffinée ! » Il voudrait joindre un autre commentaire, mais il se garde une petite gêne. Vous avez récupéré tous vos bagages ? Bien, nous allons prendre le CAT

    ² pour rejoindre le centre-ville. De là, nous emprunterons une voiture pour aller à votre appartement.

    Le premier contact entre le patron et son employé augurait une complicité exemplaire pour le travail. Déjà un an qu’elle est là. Très vite, elle a pris de l’initiative et a su se rendre indispensable. Parfois, Solto lui donne une mission sur le terrain. Renée Paradis arrive toujours très tôt au bureau. Elle aime que tout soit bien rangé avant de sauter dans l’action.

    — Bonjour patron, lui lance-t-elle à la volée.

    — Solto sourit et lui répond du même ton.

    — Bonjour, madame Paradis. Rien de particulier ce matin ?

    — Non, j’ai classé et déposé votre courrier dans la corbeille sur votre pupitre.

    — Je vous remercie.

    Syllivan Solto s’installe à son bureau et allume son ordinateur. Durant ce laps de temps, il jette un regard à la correspondance. Quand le logo du ministère apparait, il clique sur l’icône de la boite de courriel. Il repère celui envoyé par le sous-ministre Lafleur.

    Ce n’est pas une sinécure que de trouver des billets pour le Wiener Staatsoper dans un si bref délai. Il fait signe à son assistante qui s’approche de lui.

    — Renée, j’ai besoin d’un petit miracle. Nous devons nous procurer deux sièges pour la représentation de mercredi à l’opéra de Vienne.

    — Ça ne sera pas facile. Savez-vous ce que l’on présente ce soir-là ?

    — Attendez, je vérifie ici dans le journal. Oh ! C’est La Traviata.

    — Alors, c’est bien le cas, il me faudra une baguette magique. Je m’occupe de ça en priorité.

    Elle retourne à son poste de travail, tandis que Solto parcourt les autres courriels pour les annoter. Rien d’important, sauf la préparation d’un programme d’accompagnement d’une délégation d’industriels spécialistes en technologies de récupération d’énergie. Le reste se compose des comptes rendus d’agents sur le terrain. Il imprime les documents relatifs à cet évènement qu’il met de côté, pour vérifier son emploi du temps pour mercredi. Il constate alors qu’il a deux rendez-vous en après-midi. Syllivan demande à Renée de voir s’il est possible de déplacer ceux-ci en matinée. Quelques minutes plus tard, elle lui texte

    ³ le nouvel horaire pour ce jour-là. Et voilà, il est libre à partir de midi.

    Syllivan passe le reste de la journée à monter un dossier sur les besoins et les attentes d’une délégation canadienne sur les technologies de récupération d’énergie. Avant de quitter le bureau, il demande à Renée si elle a pu se procurer des billets pour l’opéra. Elle fait signe que non, demain. Il acquiesce d’un hochement de la tête.

    Solto rentre chez lui en flânant dans les rues de Vienne. Il s’arrête devant une boutique d’importations françaises de gadgets pour la maison PYLONES. L’ingéniosité et l’esthétisme que les artisans ont mis dans la fabrication de ceux-ci le fascinent. Un ensemble de service à salade en bois d’acacia en forme de main attire son attention. Il l’achète. Il va l’utiliser tout à l’heure, car il a l’intention de s’en concocter une au poulet pour son repas. Quel outil merveilleux pour touiller la laitue dans son grand plat en acajou !

    Syllivan a apporté du bureau un ordinateur portable, car il entend faire quelques recherches sur Morin, puis il s’endormira en écoutant des extraits de La Traviata dans le but de mieux apprécier sa soirée à l’opéra.

    Après s’être rassasié, notre héros s’installe confortablement sur son sofa avec son PC afin de faire connaissance avec ce Québécois. Il consulte en premier lieu le site du ministère qui, habituellement, est très bien documenté. Il y apprend que Morin est né en Gaspésie, de Sainte-Thérèse-de-Gaspé. Ce dernier a étudié en foresterie à l’Université Laval. Il a travaillé comme ingénieur une dizaine d’années avant de lancer sa propre entreprise. Il a épousé une jeune femme d’Amqui, qui lui a donné deux enfants. Sa compagnie est rapidement devenue un modèle d’exploitation qui intègre la cueillette sélective, la transformation primaire en scierie et les transformations secondaires dans une usine de poutre de longue portée et dans une ébénisterie. Il a poussé le concept jusqu’à la distillerie d’alcool à base de branches de sapins et d’épinettes. Un drame a marqué sa vie, il a perdu sa femme et ses deux enfants dans un accident de la route. Il s’est isolé pendant deux ans. Comme son entreprise était bien structurée, elle a survécu à son absence. Durant cette période de solitude, il a développé une passion pour la musique classique. Puis, il s’est remis au travail, accumulant les succès au fil des ans. Son rêve est de bâtir une salle d’opéra sur un terrain dont il est propriétaire près de Percé. Puis il jette un coup d’œil sur les sites Facebook et Instagram de François Morin. Vers dix heures, il a une bonne idée de l’individu. C’est le temps de se préparer pour la nuit. Une fois bien installé dans son lit, il place de minuscules écouteurs dans ses oreilles et s’endort au son de la voix d’Anna Netrebko.

    Chapitre 2

    Un amour sans frontière

    Vienne, 10 juillet 2020

    Vienne s’est faite radieuse pour accueillir François Morin en ce mercredi d’avril. Le ciel bleu, des arbres en fleurs, tout y est comme dans les cartes postales. Pendant qu’il attend pour son premier rendez-vous, Syllivan Solto révise le document, préparé la veille avec son adjointe, Renée Paradis, en vue du colloque de la délégation de spécialiste en économie d’énergie. Ils ont baptisé le fichier 19/0460/RP/SS. Tous les éléments de la mission y sont couverts. Il demande à Renée de l’expédier à la section du ministère chargée de la planification des évènements à l’extérieur du pays. C’est alors que son premier visiteur arrive.

    Renée l’accueille et le conduit au bureau de son patron. C’est un jeune homme très grand et mince. Il a des tics nerveux, sans doute à cause de sa timidité apparente. Il doit sortir tout droit de l’université, se dit Solto. En bon seigneur, ce dernier le reçoit avec chaleur. Il l’invite à assoir, et lui demande :

    — Monsieur Mayer, je présume.

    — Exact Monsieur, Adrian Mayer. Je vous remercie de m’accueillir, je sais que vous êtes beaucoup occupé. C’est un de mes amis qui vit en République tchèque qui m’a suggéré d’entrer en communication avec vous.

    — Cet ami s’appelle-t-il Myroslav Spovoda ?

    — Oui, répond-il, surpris. Qui vous a dit ça ?

    — Mon adjointe a reçu une communication de notre bureau de Prague. Le monde est bien petit de nos jours. Alors, quel est l’objet de notre rencontre ?

    Adrian Mayer se détend. Il dépose un document en face de son interlocuteur. C’est un dépliant publicitaire d’une auberge : GÄSTEHAUS MAYER.

    — Je viens d’hériter de cette entreprise qui fonctionne très bien. Mais j’ambitionne de la rénover et de l’agrandir. Je veux m’ouvrir à une nouvelle clientèle, celle des délégations internationales, comme celles dont vous vous occupez.

    — Vous devez savoir que je ne suis pas dans le processus d’organisation de ces rencontres et colloques. Mon rôle consiste à veiller à ce que rien de fâcheux n’arrive à un citoyen canadien.

    — Je comprends.

    De son bureau, mademoiselle Paradis entend le ronronnement sourd d’une conversation agréable. Au bout d’une demi-heure, Mayer en sort avec un air triomphant sur son visage. Il la salue avec chaleur.

    Vers onze heures, le deuxième rendez-vous de Solto se présente. C’est Amanda Schiller, représentante d’une entreprise qui loue des voitures luxueuses. Renée la connaît bien et nous pouvons dire qu’il n’y a pas d’atomes crochus entre les deux femmes. Amanda Schiller est aux yeux de Renée Paradis une harceleuse de premier ordre. Elle a le béguin pour Syllivan. Lui, en fin diplomate, sait se rendre intéressant autant pour les dames que pour les messieurs. La Schiller ne comprend donc pas les mots : NON, NO ou NIET.      Alors c’est très froidement que mademoiselle Paradis reçoit la représentante des Voitures de luxe de Vienne. Elle lui fait signe que monsieur Solto l’attend. Il s’est à peine passé dix minutes, qu’Amanda sort brusquement dans le corridor. D’une voix suppliante, elle dit :

    — Ne te fâche pas Syllivan, je ne viendrai plus te déranger. Elle retient un sanglot, puis relève la tête et ajoute : « Si tu as besoin de moi, je serai là. »

    La belle Autrichienne quitte l’édifice sans regarder en arrière. Syllivan reste stoïque dans l’embrasure de la porte de son bureau. Il s’adresse à Renée :

    — J’ai l’impression que la grande Amanda ne comprendra jamais. Avisez Ottawa que nous annulons notre contrat avec Luxusauto aus Wien

    ⁴.

    Il retourne dans son cabinet, ferme son ordinateur et classe certains papiers. Il endosse son veston en lin couleur crème, puis il met dans sa poche le dépliant que lui a laissé Mayer. Il salue son adjointe :

    — Je m’en vais, Renée. Avez-vous les billets pour l’opéra ?

    — Les voici.

    Elle lui remet une enveloppe les contenant qu’il insère à l’intérieur de son veston

    — Ne m’attendez pas, car lorsque je suis sur le terrain je n’ai pas d’horaire fixe.

    Syllivan Solto prend une longue respiration. Le soleil est chaud et l’air est doux, il décide donc de marcher jusqu’au lieu de sa rencontre. Sur la Plaza devant l’hôtel Hilton, il y a une terrasse qui n’est pas trop achalandée, il y prend place, car il a plus d’une heure à occuper. Il se commande un Coca-Cola et un Weiner Schnitzel

    ⁵. Un groupe de soldats s’installe à la table en face de lui. Il ne peut pas s’empêcher d’admirer les corps athlétiques de ces quatre jeunots avec leur visage de chérubin. Il se dit : il n’y a pas si longtemps Norm et moi nous étions comme cela. Il mange toute son escalope et étire son Coca-Cola pour faire durer le plaisir. À treize heures quarante-cinq, les quatre militaires se lèvent et marchent d’un pas rapide vers la sortie. La pause repas est terminée. C’est aussi le signal pour lui de reprendre le boulot.

    Il se rend au comptoir de la réception et demande pour monsieur François Morin. Une dame lui répond :

    — Il vient tout juste d’arriver. Il nous a avisés qu’il attendait un visiteur. Êtes-vous monsieur Solto ?

    Syllivan lui montre sa carte du ministère. Elle lui sourit et ajoute : « Il est dans la 1421. Les ascenseurs sont à droite. »

    François Morin ouvre la porte dès que les jointures de Solto effleurent le bois. Un homme à la carrure imposante l’invite à entrer. Physiquement, il correspond complètement à l’image que se font les Européens d’un bucheron québécois : grande taille, bras musclés, jambes longues et fortes et un torse développé. Le tout surmonté d’une tête sympathique et souriante où brillent deux yeux marron. Il s’avance pour échanger une poignée de main avec son visiteur.

    — Monsieur Solto, je suis très heureux de vous rencontrer. Vous féliciterez les professionnels qui travaillent avec vous, je n’ai jamais vu une telle efficacité. Je fais partie d’une délégation d’exploitants forestiers en Europe de l’Est. Nous sommes partis de l’Allemagne pour une tournée en Pologne, en Ukraine, en Roumanie, en Hongrie, en Slovaquie et en République tchèque. Oui, j’y ai parcouru de belles forêts, malheureusement très mal entretenues. (Il se rend compte qu’ils sont restés sur le pas de la porte. Alors, il s’écarte et invite son hôte à s’assoir.) « Je viens d’arriver, je ne sais même pas s’il y a un minibar dans cette chambre. »

    — Il y a une terrasse en face du Hilton, répond Solto, nous pourrions y descendre. J’y ai mangé tout à l’heure et je peux dire que c’était bien.

    — C’est une bonne suggestion, allons-y.

    Ils trouvent une table à l’ombre, Solto commande un Perrier tandis que Morin y va d’une chopine de Baumgartner bien fraiche. Syllivan change d’idée et prend un verre de la même bière. Une question lui brûle les lèvres.

    — Dites-moi, monsieur Morin…

    — Appelez-moi François.

    — François, pouvez-vous m’expliquer ce détour à Vienne ? Il me semble que ton examen forestier se termine en République tchèque ?

    — Ne vous inquiétez pas, monsieur Solto…

    — Appelle-moi, Syllivan.

    — Je te rassure Syllivan, je couvre personnellement tous les frais de cette escapade viennoise. J’ai fait les arrangements avec les responsables financiers du ministère et je rembourserai le tout rubis sur l’ongle, y compris le coût de l’opéra.

    Une serveuse dépose les bières devant les deux hommes. Ils lèvent leur verre, se saluent.

    — Sois sans crainte, François, je ne me soucie guère de l’aspect monétaire des choses. J’aimerais comprendre la raison de ton escapade.

    — C’est une longue histoire. Si tu me donnes une minute pour déguster ces délicieuses saucisses et un peu de choucroute, je te raconte tout.

    Syllivan s’amuse à le voir dévorer la moitié de son assiette. François s’essuie la bouche et commence son récit.

    — Je vis seul depuis la mort de ma femme et de mes enfants. Ma mère possédait une belle collection de disques de musique classique. J’y ai noyé ma peine et certaines œuvres m’ont redonné l’espoir. Des heures et des heures à écouter ces symphonies et ces concertos. J’étais comme envouté, dépendant émotivement de ce flux sonore. Après deux ans, je me suis remis au travail. Le bois chez nous, les Morin, ç’a toujours été l’essentiel de notre vie. Alors je suis revenu à mes affaires, pour m’apercevoir que mon entreprise n’avait pas vraiment besoin de moi. J’ai lu quelque part au sujet de cette délégation d’exploitants forestiers. Je m’inscris et voilà que je m’envole vers Frankfort. (Il termine son assiette et sa bière et en commande deux autres.)

    Notre premier arrêt c’était en Pologne. Durant la journée, nous circulions en forêt et le soir nous étions libres à Varsovie. L’idée saugrenue d’aller à l’opéra m’est venue à l’esprit. J’ai payé le prix fort pour avoir un bon billet. C’était une représentation de Madame Butterfly avec la soprano Anastasia Golovine. J’étais aspiré par sa voix, paralysé de la tête au pied, tellement que lorsque Butterfly est morte, j’ai craint de m’évanouir. Après le spectacle, j’ai suivi les gens qui se rendaient à l’arrière de la scène pour saluer les artistes. Quand j’ai pu m’approcher d’elle, je l’ai félicitée en français et je lui ai dit : comme j’aimerais vous revoir… Elle me répondit : « Alors il faudra venir à Kiev, j’y chante après-demain. » Il fait une pause, reprend son souffle pour mieux continuer son récit.

    L’horaire de notre tournée correspondait avec celui de ma cantatrice adorée. C’est ainsi que je l’ai revue à Kiev, Bucarest, Budapest, Bratislava et Prague. Vous rendez-vous compte que je l’ai vue et entendue six fois ? À Budapest, elle a réalisé que j’avais assisté à chacune de ses représentations. Alors, j’ai fait des démarches pour la rencontrer après le spectacle. Grâce à ça, j’ai pu être invité dans sa loge et petit à petit nous sommes tombés amoureux. Ce soir, c’est sa première à l’opéra de Vienne. C’est le plus grand jour de sa vie et elle voulait que je sois là. J’y suis… dit-il avec beaucoup d’émotion.

    — C’est une belle histoire d’amour François.

    En fin d’après-midi, les deux hommes rentrent chez eux. Ils se revoient au parterre du théâtre. Ils n’ont pas le temps de parler, car les lumières baissent et le chef d’orchestre se rend sur le podium.

    Chapitre 3

    Pourquoi ?

    Vienne, 10 juillet 2020, en soirée

    L’ouverture orchestrale de La Traviata est poignante. Personne, même les non-mélomanes, ne peut résister à ces courbes mélodiques qui s’enlacent, s’élèvent vers la

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