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Mourir au paradis
Mourir au paradis
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Livre électronique284 pages3 heures

Mourir au paradis

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À propos de ce livre électronique

Au cours de ces chauds étés méditerranéens, le département du Var vit à l’heure du tourisme. Farniente pour les vacanciers, travail accru pour les autres, entre autres pour les forces de l’ordre ; les accidents en tous genres, les infractions et les délits habituels sont en augmentations avec l’afflux touristique en cette période ; c’est le quotidien de la police toulonnaise, un rituel bien ordonné depuis de longues années. Pourtant en cet été 2013, plusieurs meurtres vont briser la routine classique et interpeller varois et touristes plus habitués à la médiatisation d’accidents nautiques qu’à celle, plus brutale, d’assassinats ! La brigade criminelle de l’antenne varoise du SRPJ saisie, va devoir rapidement les élucider, surtout lorsque l’un d’entre eux, ô crime de lèse-majesté, est commis dans cette île paradisiaque de Port-Cros, parc national mondialement connu. Entre notables aux méthodes particulières et aux amitiés douteuses, à leur puissance financière et politique, et un passé relativement lointain enveloppant de son voile mystérieux les habitants de la petite île de l’archipel hyérois, les policiers de la PJ arriveront-ils à délier le fil ténu de cette intrigue singulière ?
LangueFrançais
Date de sortie20 janv. 2015
ISBN9791029002144
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    Aperçu du livre

    Mourir au paradis - Alain Delattre

    cover.jpg

    Mourir au paradis

    Du même auteur

    (Aux Presses du Midi)

    Au cœur de l’apocalypse, Autobiographie, 2004.

    Des lendemains ensoleillés, Aventure, 2006.

    Des larmes de sang… sous les châtaigniers, Policier, 2007.

    Crimes et bâtiments, (En collaboration avec Daniel Thouvenot) Policier, 2008.

    Les roses rouges, Roman, 2009.

    In Mystérium, Suspense, 2011.

    In Véritas (Suite et fin du précédent), Suspense, 2013.

    Site internet : alaindelattre-romancier.com

    Alain Delattre

    Mourir au paradis

    Roman policier

    Les Éditions Chapitre.com

    123, boulevard de Grenelle 75015 Paris

    © Les Éditions Chapitre.com, 2015

    ISBN : 979-10-290-0214-4

    1

    Toulon, soirée du 14 juillet…

    Une musique douce accompagnait les bavardages des convives. Après avoir assisté au classique défilé militaire et au non moins traditionnel feu d’artifice, comme un rituel immuable, bien rôdé depuis de nombreuses années, ils s’étaient retrouvés dans cette magnifique propriété sur les hauteurs de la préfecture varoise.

    Nichée sur le flanc Sud du Mont Faron, par l’opulente et arrogante architecture de sa maison, elle en imposait à ses voisines, pourtant débordantes d’un charme indiscutable, mais plus discret aussi. Celles-ci semblaient rejetées dans un banal et indéniable anonymat.

    Autour de l’impressionnante piscine à débordement, tables et chaises blanches, en fer forgé, attendaient le bon vouloir des invités qui, pour le moment, privilégiaient la position debout et le bavardage.

    Par petits groupes d’hommes ou de femmes, tantôt mixtes aussi, les papotages allaient bon train. Un exquis buffet froid et des vins locaux parmi les meilleurs crûs pouvaient satisfaire les gourmets les plus exigeants. Au milieu de cet aréopage de notables, d’élus politiques, de sportifs de renom, slalomaient des serveurs et serveuses, élégamment revêtus d’une tenue blanche et noire, qui distribuaient champagne et petits fours. La température était douce, l’air sec, le ciel généreusement étoilé.

    Les hommes, en costumes légers ou smokings, les femmes dans des robes longues ou, au contraire, courtes à souhait, paraissaient rivaliser d’élégance.

    Le maître de maison, par sa faconde et ses propos apparemment captivants, retenait l’attention d’une bonne demi-douzaine d’hommes attachés à l’écouter. Plus loin, de jolies femmes épanouies devisaient, avec un certain libertinage, sur la plastique musclée et bronzée de jeunes stars montantes du rugby.

    Devant l’immense piscine, dans une féérie de lumières, s’étendaient la grande ville et sa rade magnifique entourée de collines urbanisées. Un ferry appareillant pour la Corse, biffait de son sillage brillant le miroir sombre de la grande darse.

    Les plus prestigieuses unités de la « Royale » mouillaient dans le port militaire voisin. Il était ceinturé par d’impressionnantes et austères murailles construites dans le sang et les larmes des bagnards, dont les délits ne justifiaient pas toujours les sentences disproportionnées auxquelles ils étaient soumis.

    Époque lointaine où la justice s’appliquait toujours avec une extrême sévérité.

    Coupes en main, trois hommes souriants bavardaient calmement de projets immobiliers futurs.

    L’un d’eux, la quarantaine, de taille moyenne, visage ceint d’une barbe brune impeccablement taillée, expliquait avec force détails les tenants et les aboutissants de ce nouvel ensemble sur la presqu’île de Saint-Mandrier, programme toujours à l’état d’étude pour l’instant. Le second, qui semblait très intéressé, n’était autre qu’un élu influent d’une commune voisine. Le dernier, quant à lui, écoutait leurs paroles d’une oreille distraite. Sa soixantaine énergique et sportive, ses yeux bleus brillants et le teint halé des pratiquants assidus de la plaisance, lui conféraient un charme indéniable qui ne devait pas laisser la gente féminine indifférente.

    S’approchant rapidement, un solide gaillard d’une cinquantaine d’années à la chevelure blonde filasse, mit fin brutalement à leur discussion. Sanglé dans un smoking bicolore, veste blanche pantalon noir, le nouveau venu s’imposa d’une voix autoritaire :

    – Mes amis, permettez-moi de vous présenter un futur associé avec lequel, j’en suis certain, nous allons normaliser d’ambitieux projets communs hors de nos frontières.

    Puis, se tournant vers celui qui l’accompagnait :

    – Mon cher Kostya, tu as devant toi mes plus fidèles amis. Albin, notre parlementaire préféré, Jean-Pierre, mon associé, le comptable de la société, et Olivier, industriel notoirement connu en Suisse, et aussi ami de longue date. À nous quatre, nous formons la SCI la plus flamboyante de notre région. Kostya, lui est un homme d’affaires très influent en Ukraine, ce qui va nous permettre d’étendre nos activités en Europe de l’Est.

    Si le parlementaire et le gestionnaire serrèrent fermement la main de l’Ukrainien en lui souhaitant la bienvenue, il n’en fut pas de même du prénommé Olivier. Il accepta mollement la poignée de main, sa grimace et ses yeux céruléens annonçant une colère en devenir qui en disaient long sur ce qu’il pensait du brun adipeux au regard inquisiteur qui le fixait lui aussi, sans tendresse. L’antipathie s’avérait réciproque ; ces deux hommes ne s’aimaient pas du tout et leur avenir commun en deviendrait vite problématique !

    – Richard, puis-je te parler en particulier ? Réclama fermement l’industriel.

    – Mais bien sûr, Olivier ! Excusez-moi un instant, mes amis, lança le maître de maison, grand seigneur.

    Ils s’éloignèrent quelque peu, sans que pour cela leurs paroles fussent entendues :

    – Richard ! Je t’ai déjà annoncé que jamais, au grand jamais, je ne travaillerai avec ce type ! Avec sa sale tronche d’Oustachi et son passé sordide, il est absolument répugnant. Tu n’es pas sans savoir qu’il a bâti sa fortune sur le trafic d’armes, celui d’êtres humains et sur le blanchiment. Et il continue d’ailleurs, avec des « gérants » entièrement à sa botte. Non, ne nie pas ! Je me suis renseigné. Tu vois, en Suisse, j’ai gardé quelques amitiés dans les hautes sphères de la Police. Ça sert quelquefois. Ce mec est un mafieux notoire, sans scrupules et, de surcroit, très dangereux. Hors de question qu’il devienne un associé, sinon je m’en vais et je retire mes billes. Bien évidemment, tu sais ce qui va arriver ?

    – Calme-toi, on nous regarde ! Les affaires vont mal ici. Le marché de l’immobilier s’effondre, les recettes s’amenuisent. Nous avons la possibilité d’investir en Ukraine grâce à Kostya, ne gâchons pas cette opportunité, le temps que l’orage s’éloigne en France. En quelques années, nous nous enrichirons à nouveau. Tu veux laisser passer cette chance ?

    – Jamais je ne m’allierai avec l’un de ces monstres, tu m’as compris ? Imagines-tu une seule minute comment ils traitent ceux qui s’opposent à eux, là-bas ? Et ces pauvres adolescentes qu’ils enlèvent pour les jeter sur les trottoirs des grandes villes occidentales ?

    – Oui, oui, je sais ! Mais tu vois toujours le mauvais côté des choses ; toujours ta moralité désuète et intransigeante qui nuit terriblement aux affaires ! Réfléchis, ne réagis pas à chaud. C’est dans ton intérêt aussi que nous investissions là-bas.

    Alors, son interlocuteur se retourna et fila rapidement vers d’autres convives parmi lesquels il héla une femme grande et mince, que seyait une éblouissante robe de soirée pourpre.

    – Anne-Marie, nous partons !

    – Déjà ? Que se passe-t-il ? Je t’ai aperçu avec Richard, tu n’avais pas l’air content.

    – Viens, je t’expliquerai dans la voiture. Je n’ai pas pour habitude de sabler le champagne avec des voyous ! Nos amis s’acoquinent avec des gens peu recommandables, ma chère.

    Leur départ précipité jeta un froid sur l’assemblée, surprise de cette réaction alors qu’une ambiance bon enfant régnait jusqu’alors. Tandis que le couple s’éloignait, l’Ukrainien prit le bras du maître de maison et, discrètement :

    – Cher ami, chez nous les chevaliers blancs sont comme les héros : ils ont tendance à remplir les cimetières ! Votre partenaire en est un et il risque de devenir très dangereux pour les affaires. Vous savez ce qu’il vous reste à faire…

    2

    Presqu’île de Giens, commune d’Hyères, le 9 août…

    Comme des dentelles argentées brodées sur une longue robe sombre, les crêtes des vagues, balayées par le fort vent thermique de Sud-Ouest, brillaient sur l’immensité bleutée. Nombreux étaient les passionnés de voile qui profitaient de ce vent de force 7, assez habituel les après-midis d’été sur les bords de la Méditerranée. Sous un soleil de plomb qui ravissait les vacanciers, la presqu’île de Giens paraissait sereine dans son écrin de verdure. À l’abri du vent sur la petite plage du Fer à Cheval, touristes et indigènes se reposaient tout en jetant un œil protecteur sur les enfants qui jouaient dans l’eau. Après le pique-nique, certains somnolaient, vaincus par la forte chaleur : l’heure de la sieste avait sonné ! Douce béatitude que berçait le chant stridulant des cigales. Quelques avions décollaient de l’aérodrome proche, sans arrêter pour autant le concert des « musiciennes ». La mer limpide et calme de cet abri naturel, offrait encore plus de quiétude à la baignade. Tout allait pour le mieux dans le meilleur des mondes…

    Soudain, le parfum doux de résineux brûlés et une fumée envahissent le massif de la Pointe des Chevaliers, accompagnés d’un crépitement caractéristique.

    Puis, un hurlement : « Le feu ! La forêt est en feu ! »

    La fumée, devenue épaisse et l’odeur, plus forte, sortirent de sa léthargie toute cette foule agglutinée sur le sable chaud.

    Alors, d’autres cris : « Vite, partons avant qu’il n’arrive jusqu’ici ! 

    « Les enfants sortez de l’eau ! Venez vite, y a le feu ! »

    Ici en Provence, tout le monde avait appris depuis longtemps à craindre l’éclosion d’un incendie en forêt, surtout en été. D’ailleurs, les anciens ne disent-ils pas qu’un incendie de forêt balayé par un fort vent, se propage à la vitesse d’un cheval au galop ?

    Un vent de panique rafraîchit subitement l’atmosphère. Sans prendre le temps de s’habiller, adultes et enfants décampèrent rapidement pour rejoindre les voitures garées plus loin sur le parking, surchargé en cette période. La seule route d’accès qui traversait la presqu’île, fut subitement engorgée, certains conducteurs, pris de panique, klaxonnant même, pour obliger leurs prédécesseurs à rouler plus vite !

    Attisé par ce mélange curieux de Mistral et de vent solaire, une bonne dizaine d’hectares de forêt avait déjà disparu, et ce, en à peine une douzaine de minutes. Déjà bien fragilisés par de longues semaines d’une intense sècheresse, chênes lièges et pins maritimes centenaires, disparaissaient dans les flammes effroyables qui les dévoraient impitoyablement.

    Vers la Pointe des Chevaliers, le panache sombre ressemblait à un « grand dragon » avec son souffle incandescent. En rugissant, il se nourrissait allègrement de cette fragile nourriture livrée à son pouvoir destructeur. Le monstre, réveillé de sa longue hibernation, venait brusquement se rappeler au bon souvenir des hommes ! Les moyens aériens et terrestres très importants engagés sur le sinistre, n’affaiblissaient que très lentement le monstre en mouvement. Mais, peu à peu, le balai incessant des grands oiseaux jaunes et rouges larguant des tonnes d’eau et le combat démesuré des hommes au sol, eurent raison de sa ténacité.

    Après plusieurs heures de lutte, la « Bête » était terrassée !

    À la tombée de la nuit, le bilan s’avérait déjà très lourd : plusieurs dizaines de victimes blessées, intoxiquées ou choquées, des centaines de personnes évacuées, une centaine d’hectares brûlés, des cabanons et des voitures carbonisées !

    À l’approche de la nuit, les rafales faiblirent jusqu’à disparaître totalement vers 23 h 00 ; ce qui conforta l’action des soldats du feu. Circonscrit vers 20 h 00, l’incendie ne fut considéré comme éteint que vers minuit. Toute la nuit, le noyage continua inlassablement. Vers quatre heures du matin, le commandant des opérations de secours sillonnait l’immensité ravagée en compagnie d’un autre officier, afin de faire un point général sur l’opération en cours. Sur la pointe de l’Escampobariou, les importantes installations militaires, bien protégées par les incessantes norias des bombardiers d’eau jusqu’au coucher du soleil, n’avaient subi aucun dommage important, soumises seulement à la fumée et aux cendres balayées par les tourbillons de vent. L’incendie avait été stoppé au-dessus du hameau de la Madrague, en dessous du village de Giens. Entre les deux urbanisations, se nichaient dans l’épaisse forêt, depuis une soixantaine d’années, une douzaine de cabanons en bois très bien aménagés. Quelques vieux Arbanais{1} indéracinables habitaient là à l’année. D’autres, les plus nombreux d’ailleurs, qui habituellement résidaient dans les villes de la région, n’y venaient que le temps des vacances scolaires, ou bien lors de week-ends d’hiver ensoleillés. Une autre implantation de ce type résidait au bout de la presqu’île vers la pointe des Chevaliers.

    Le 4x4 s’arrêta à proximité de ce qui fut un havre de paix charmant où régnaient encore quelques heures avant, la joie, l’amitié, les cris des enfants. Maintenant, ne restaient que les squelettes hideux de ces pittoresques habitations. De ces ruines incandescentes, émergeaient des charpentes écroulées, dont certaines à l’état de braises, des poutrelles d’angles d’où s’échappaient des flammèches, des tuyauteries tordues et des longerons métalliques enchevêtrés qui, comme des bras difformes tendus vers le ciel, semblaient quémander en vain une protection divine.

    Soudain la radio crachota :

    – PC Giens de groupe Hyères ! Alpha découvert dans un ravin. 

    – Chef de secteur 3 se rend sur place !

    – C’est aussi pour nous, Jean-Marc ! Allez, on monte vers l’Escampobariou.

    Le lieutenant-colonel des sapeurs-pompiers rejoignit son collègue et le 4X4 emprunta la route de la Madrague, puis celle, plus étroite, qui la prolongeait jusqu’à la limite du domaine militaire. Là, un capitaine les attendait : le chef de secteur. Ses yeux rougis, la fatigue qui se lisait sur son visage noirci, et ses vêtements souillés par la transpiration, attestaient de l’âpreté de la lutte des soldats du feu contre les éléments déchaînés.

    Les deux autres officiers laissèrent leur véhicule pour suivre leur guide. À travers le relief accidenté de ce qui fut un massif magnifique, ils grimpèrent dans la noirceur désespérante d’où saillaient quelques pieds d’arbousiers et de lentisques carbonisés. Puis, ils descendirent, difficilement, au fond d’un talweg qui surplombait la mer. Ils arrivèrent dans le lit d’un ruisseau asséché, presque au bord des hautes falaises. Une forme noire apparut subitement dans le sillon opalescent que traçait la lampe torche.

    – C’est là !

    L’officier supérieur regarda à son tour les restes figés dans le faisceau. Des os longs, carbonisés, sur lesquels pendaient quelques lambeaux de chair rougeâtres, prolongeaient la forme étendue sur la cendre, tout ce qui restait des quatre membres ! La lampe éclaira bientôt une sphère affreusement carbonisée qui ne laissa plus aucun doute au colonel des sapeurs-pompiers. Il venait, à son tour, de découvrir l’insupportable… 

    Un échange de messages radio avec le Poste de Commandement, et, une demi-heure après, arrivèrent les premiers policiers, dont un officier de police judiciaire de la sureté urbaine de Hyères. Le jour pointait son nez là-bas, au-dessus du massif des Maures éclaircissant peu à peu les lieux. Bientôt le soleil prit son envol. Un nouveau véhicule s’arrêta bientôt sur la plateforme au-dessus du ravin. En débarquèrent, en plus du conducteur, le procureur de la République de Toulon ainsi que le commissaire de police d’Hyères. La discussion s’instaura aussitôt avec l’officier supérieur des sapeurs-pompiers. On s’interrogea sur la découverte du corps, avec des questions :

    « Que faisait cet homme ou cette femme à cet endroit-là, assez loin du sentier piétonnier ? S’était-il perdu, où avait-il décidé de raccourcir sa promenade en passant dans le sous-bois, au milieu des broussailles ? »

    *

    Le magistrat et le commissaire écoutèrent encore quelques explications techniques fournies par les sapeurs-pompiers, puis ils repartirent vers le stade du Pousset sur lequel avait été installé le poste de commandement mobile ; à côté duquel, d’ailleurs, était posé un hélicoptère de la Sécurité Civile. Le magistrat s’isola et passa un certain nombre de coups de téléphone. La situation qualifiée pour le moment en « homicide involontaire ayant entraîné la mort sans intention de la donner », le procureur décida de saisir l’antenne varoise du Service Interrégional de la Police Judiciaire de Marseille.

    Vers 7 heures 40, le fax cracha une feuille dactylographiée qui émanait du bureau du procureur de Toulon. Elle atterrit entre les mains de la commissaire Marie-France Jourdan, responsable de l’antenne varoise du Service Interrégional de Police Judiciaire de Marseille. L’antenne regroupait plusieurs services dont la Brigade Criminelle. Celle-ci, sous la direction du commandant Alain Meyer, se composait d’un capitaine, de deux lieutenants, d’un major, d’un brigadier-chef, tous officiers de police judiciaire et de deux Brigadiers, agents de police judiciaire. Le soleil déjà haut dans le ciel, éclairait agréablement le bureau de la « patronne », sobrement meublé comme elle l’avait souhaité lors de son arrivée, deux ans plus tôt. De taille moyenne, et d’un physique agréable, elle arborait un visage souriant couronné par une coiffure blonde retenue en queue de cheval courte. Native de Paris, 45 ans, divorcée sans enfant, elle s’investissait presque totalement dans son travail ; ne se ménageant que de rares moments de loisirs. Elle prit connaissance de l’injonction, se doutant, depuis le matin lorsqu’elle avait entendu les informations sur une radio locale, en roulant vers le commissariat, que cette affaire allait leur échoir. Une mort d’homme dans un incendie dont l’origine n’était pas encore établie incombait par principe aux Brigades Criminelles. De plus, le procureur avait saisi également l’EPIOF 83, l’Équipe Pluridisciplinaire d’Investigation sur l’Origine des Feux de forêts. Composée d’un gendarme, d’un sapeur-pompier et d’un agent de l’Office National des Forêts, elle rendrait sous peu un premier rapport sur l’origine de l’incendie : criminelle ou accidentelle. Rapport qui permettrait aux « limiers » de la Crim de privilégier une piste plutôt qu’une autre, et éviter ainsi une perte de temps quelquefois préjudiciable dans une enquête. Après, ce serait aux policiers de s’occuper du ou des auteurs de l’acte en question.

    Compte tenu des opérations en cours et du planning de chacun de ses agents, Marie-France Jourdan décida d’affecter le capitaine Éric Souliet à cette nouvelle affaire. L’officier était le plus ancien dans la brigade criminelle. Sorti du rang, il avait été nommé inspecteur stagiaire 20 ans plus tôt, et affecté à la brigade criminelle de Toulon après 8 ans passés à Lyon. Âgé de 54 ans, grand et mince, un visage anguleux sous une chevelure claire, filasse, il était le conformiste de la brigade. Élevé par un père militaire et une mère catholique pratiquante, il en avait gardé cette éducation rigoureuse et respectueuse de ces valeurs qui, de plus en plus fuyaient le monde actuel. Assez taciturne depuis plusieurs années, le sourire discret, c’était néanmoins un homme habité par une grande générosité et un sens aigu du service.

    Accompagné par le brigadier Perrin, un jeune agent de police judiciaire, il se rendit à la presqu’île de Giens distante d’une vingtaine de kilomètres de Toulon. Guidés par les sapeurs-pompiers pour traverser les méandres du relief accidenté, ils atteignirent bientôt les bords du ravin où se trouvait un groupe hétéroclite de policiers, de sapeurs-pompiers et de légionnaires, dont le camp se situait à proximité. Tous les attendaient impatiemment. L’endroit très difficile d’accès, dans une végétation vraisemblablement inextricable avant l’incendie, intrigua fortement les deux envoyés de la PJ de Toulon. Les techniciens du service de l’Identité Judiciaire, réclamés par leurs collègues, se rendirent sur les lieux et délimitèrent le périmètre funeste. Ceux-ci s’intéressèrent d’abord aux restes funèbres, puis fouillèrent les cendres alentour. Ils en ressortirent un morceau de chaussure à moitié consumée et une étonnante chevalière ciselée, encore brillante, seuls vestiges négligés par les flammes. Ils ne découvrirent rien d’autre dans cette poussière noire qui encrassait leurs gants et maculaient leurs combinaisons. Le corps, enveloppé dans un grand sac plastique fermé par une fermeture éclair, fut dirigé vers l’hôpital Sainte Musse où serait pratiquée l’autopsie.

    L’après-midi, le rapport de l’EPIOF arriva, les policiers en prirent immédiatement connaissance, en synthétisant.

    … Le départ du feu se situait en bordure de la strate arbustive, au-dessus de la pointe des Chevaliers, malheureusement soumise aux vents d’Ouest et surtout de Nord-Ouest, direction habituelle du Mistral ! Les broussailles, épaisses et impénétrables dans cette partie de la presqu’île, devinrent vite un combustible apprécié par les flammes naissantes. La chaleur et le vent firent le reste : 120 hectares brûlés ! Sur les lieux, les membres de l’EPIOF avaient découvert des canettes de bières vides et les restes de repas à emporter d’une enseigne bien connue. Miraculeusement épargnés par le feu, ceux-ci venaient d’atterrir entre les mains des techniciens de la Police scientifique qui les « feraient parler. » Une couronne de pierres, bien caractéristiques, avec de la cendre au milieu, avait retenu leur attention. Sa destination ne faisait aucun doute dans leur esprit : ces inconnus faisaient des grillades ! Inconscience pure dans un tel massif de cette région méditerranéenne, et en plus, en plein été ! De surcroit, nul n’ignorait que ces pratiques étaient

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