Déchirures: Chroniques de Maslir
Par Olivier Rebiere
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À propos de ce livre électronique
Déchirures – Chroniques de Maslir
Un jeune technodruide assiste à la disgrâce de son père et se retrouve mis au banc de la société de Maslir par sa propre mère.
Eogan doit assister à un discours important donné par son propre père à l’université technodruidique de Maslir. La cérémonie qui doit se tenir après cet événement historique s’annonce fastueuse. Mais une terrible nouvelle interrompt les festivités et plonge en un éclair la vie du jeune homme dans un véritable cauchemar. Ses certitudes se lézardent face à un abîme d’incompréhension et de rejet, de toute part. Il cherche le réconfort auprès de sa mère mais, contre toute attente, la violence se déchaîne contre lui.
Comment réagira-t-il à cet acharnement qu’il ne comprend pas ?
fictionarium – une collection de nouvelles et novellas
Depuis toujours, l’être humain se raconte des histoires. C’est ainsi que naissent les légendes, les mythes, les rêves. Tous les objets qui nous entourent, les technologies, les croyances, sont nés dans notre imagination, dans nos songes… de même que nos pires cauchemars. La bassesse, la méchanceté et l’ignorance humaines ne cessent de semer la confusion et la violence dans le monde, parce que nous ne faisons pas l’effort conscient et constant d’améliorer notre pensée, notre perception du monde, les histoires que nous nous racontons.
“fictionarium” est une collection de récits courts de fiction où l’auteur laisse grandir des histoires (souvent délirantes) dans le vivarium de son esprit (parfois dérangé). Le bombardement quotidien des fake news et l’assaut des drames de la vie ne doivent pas faire oublier que notre humanité est capable du meilleur. Encore faut-il apprendre à le cultiver et le mettre en valeur. Et cela nécessite un effort conscient et continu de “vouloir voir” la beauté de la vie.
C’est un peu la leçon des intrigues des aventures écloses du fictionarium.
Découvrez-les !
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Aperçu du livre
Déchirures - Olivier Rebiere
Auteurs
1. Eogan
Le reptile s’approchait lentement du dormeur et choisissait minutieusement l’emplacement où poser délicatement chacune de ses pattes légèrement palmées. Sa langue fourchue palpait l’air par intermittence, à l’affût de toute variation des données environnantes. Sur ce plancher familier, son approche devait être totalement discrète. La respiration de l’homme était lente et régulière. Il ne se doutait de rien, évidemment. La pièce était calme, baignée de la lumière du jour naissant.
D’un coup, la créature bondit sur la petite table au bord du lit avant de se frayer avec attention un chemin entre les figurines noires et blanches en bois finement sculptées. Elle s’immobilisa et fixa le dormeur. Intensément. Ses pupilles se rétrécirent.
"Maître…"
Le thorax du dormeur se soulevait et se baissait régulièrement. Le petit reptile se déplaça lentement sur l’oreiller de soie blanche. Les taches noires sur sa peau jaune légèrement humide scintillaient.
"Maître !"
La salamandre finit par s’immobiliser derrière la nuque du jeune homme. Sa langue lui signalait que rien ne se passait : aucune variation significative dans les effluves humaines. Il n’y aurait donc pas de riposte possible à son attaque. Elle se contracta. Prête.
"MAÎTRE !!!"
Catapulté hors de sa couche, Eogan se retrouva sur pied et prêt à réagir. Hébété de sommeil, il scruta les alentours, excité, ses sens en alerte. Il trébucha. La table se renversa, et avec elle les précieuses pièces de bois qui trônaient sur le plateau en damier.
— C’est toi, Kali ?! Où es-tu ?!!
— Évidemment, Maître... Vous êtes encore plus pathétique qu’hier. J’aurais pu vous injecter le venin dix fois de suite et vous seriez allé rejoindre Dagda avant l’heure !
Eogan se calma immédiatement et commença à fouiller les draps. La salamandre était là, semblant rire de lui, minuscule sous la lumière de l’aube. Et pourtant mortelle. Eogan se mit à aller et venir, nu dans sa chambre : il avait besoin de se remettre de ses émotions. Se frayant un chemin parmi les livres et les manuels qui gisaient ouverts sur le sol, il s’assit un moment à sa massive table de travail en chêne rouge, le seul endroit ordonné de la pièce. La chambre semi-circulaire s’organisait autour du balcon qui laissait pénétrer la lumière du matin. Les murs, ligneux, présentaient çà et là des renforcement en acier, tels de grosses veines de métal, qui s’intégraient parfaitement aux parois. Une lourde armoire trônait non loin du lit défait.
"Alors, maître, toujours dans vos rêves ?"
— Tais-toi Kali, laisse-moi tranquille.
"Vous évitez consciencieusement la télépathie quand vous êtes courroucé ! Si seulement vous étiez aussi attentif durant votre sommeil !"
— Je ne te le fais pas dire, laisse-moi !, dit-il en se massant les tempes.
La petite salamandre sembla soudain s’immobiliser et ferma les yeux, se concentrant intensément.
Maître, elle arrive, je le sens !
— Quoi encore ?!
Votre mère, Deirdre, elle arrive !
— Kali, cesse de m’importuner avec tes sarcasmes matinaux ! cria-t-il.
Un craquement dans le long escalier en colimaçon derrière la lourde porte de sa chambre eût tôt fait de mobiliser les énergies d’Eogan. En un éclair, le jeune homme se précipita sur le tas de vêtements qu’il avait jetés le soir même au pied de son lit et enfila sa tunique pourpre d’étudiant. Pas le temps de mettre de sous-vêtement, encore moins de chausser des sandales.
"Maître, maintenant !"
Il poussa rapidement du pied les figurines de bois et le plateau noir et blanc sous son lit : pas envie d’en discuter avec mère, il fallait faire face.
✦
La porte s’ouvrit avec fracas, dévoilant dans l’entrebâillement une superbe femme blonde aux yeux d’acier, dont la délicate robe brodée d’hermine se terminait en plis épais ; l’effort de la longue montée des marches ne semblait pas l’avoir affectée.
— Oh, mère, quelle surprise ! dit Eogan, se précipitant vers la nouvelle venue avant de s’agenouiller.
Deirdre marqua un temps pendant lequel son fils baisa cérémonieusement la main qu’elle lui tendait. Il prononça la formule rituelle.
— Je rends hommage à ma mère
.
— Et la mère accepte l’hommage…
Eh bien, Eogan, n’êtes-vous toujours pas descendu de votre perchoir à cette heure ?
— Je m’apprêtais à partir, mère, et rangeais ma chambrée.
— Cessez de me faire croire que vous étiez sur le point de vous rendre à l’université où aujourd’hui, vous le savez, votre père tient séminaire et je compte que vous y soyez !
— Eh bien, mère, je vous assure que c’était le cas… C’est vrai, j’ai eu du mal à me réveiller car je crois m’être endormi alors que je révisais tard hier soir, c’était une lecture sur…
— Eogan ! Il suffit ! Souvent je me demande si vous êtes vraiment un Fedelmid : vous ne semblez pas digne de faire partie de notre famille !
— Ne dites pas cela, mère, vous me faites de la peine. J’honorerai ma famille et tenterai d’être à la hauteur de vos attentes, à père et à vous. Toujours.
— … Soit ! Maintenant, j’entends que vous mettiez de l’ordre dans ce fatras que vous appelez « chambrée » et que vous soyez parmi les premiers étudiants présents lorsque le séminaire commencera à l’université, dans moins d’une heure, dois-je encore vous le rappeler !
— Bien, mère !
Eogan se releva avant de baisser la tête au départ de sa mère.
La robe plissée pivota sur elle-même, la lourde porte claqua, laissant derrière des effluves de parfum et le goût amer de la réprimande.
"Vous ne devriez pas penser cela de votre mère, Maître… Franchement."
"Tu veux dire quoi : la détester ? La craindre ?"
"Ah ! Finalement un peu de télépathie, Eogan ! Vous êtes un vrai courageux, capable de dire tout haut ce qu’il pense tout bas !"
Le jeune homme se crispa rapidement, comme pour saisir la salamandre entre sa main et la faire taire à jamais. L’animal le fixait