La FEMME DE REVE: Et autres histoires humoristiques
Par Aleilton Fonseca et Danielle Forget
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À propos de ce livre électronique
Quiproquo, jalousies, tabous, propos machistes, ironie sur le monde savant, sans oublier l’importance du soccer…
Un savoureux mélange à déguster en 26 petits récits.
La femme de rêve est un recueil de nouvelles bien ancrées dans la réalité brésilienne actuelle qui fait cependant écho à la réalité de la vie nord-américaine et européenne.
Les thèmes reflètent la complexité des rapports humains dans un genre résolument humoristique porté par un narrateur ingénu et bon vivant. Rien n’est épargné. Les histoires forment une fresque de situations et de mises en scène cocasses qui traduisent bien les contradictions de la vie moderne.
Aleilton Fonseca
Aleilton Fonseca est un auteur réputé du Nordeste du Brésil. Il a remporté de nombreux prix dont le Prix national du conte brésilien en 2001. Poète, éditeur, professeur de lettres à l’Université de Bahia, professeur invité à l’Université d’Artois en France et dans d’autres pays également, il est l’auteur de nombreux ouvrages : des contes, de la poésie, des romans. Il est très actif dans le milieu littéraire au Brésil où il a cofondé une revue littéraire ainsi qu’à l’étranger où il est invité en tant que conférencier.
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Aperçu du livre
La FEMME DE REVE - Aleilton Fonseca
Le père des sages
L’idéal serait que tous, nous aimions les livres. Et que nous les
aimions avec tant de ferveur que le monde deviendrait une véritable communauté de bibliophiles. Nous serions tous, de fait et de droit et sans mauvaise grâce, des enfants chéris du dictionnaire, qui deviendrait alors le « père des sages ». Et la flopée de livres ferait partie du patrimoine de chaque famille, comme un trésor héréditaire.
Sauf que le monde d'aujourd'hui est bien loin de ça.
La majorité des gens vit en « apparpetitement », un type de construction avare d’espace et réfractaire aux livres. Dès sa conception, aucun endroit n’est prévu pour les loger dignement. Il y a même des immeubles dont la structure ne peut supporter le poids d’une accumulation de volumes. Un poète m’a raconté avoir été invité à déménager d’un condominium, sous prétexte que sa collection provoquait des lézardes dangereuses à l’immeuble. En outre, plusieurs jeunes lui avaient emprunté des livres de fiction et de poésie et, d’après le procès-verbal d’une réunion de condo, ceux-ci finirent par négliger d'étudier en vue de leurs examens. Les parents se mobilisèrent contre les « mauvaises influences ». À la réunion, après discussion des crimes et comptage des voix, le syndic, fort de son élection, réussit à bannir les livres et les occupants indésirables, avec l’appui massif des propriétaires.
Il est arrivé pire à un journaliste de mes amis, qui avait la manie d’encombrer sa maison de livres. Allergique incurable, son épouse le mettait en garde :
— Tes livres vont me tuer !
Il arrangeait les choses, promettait de se débarrasser des volumes plus anciens et de limiter sa collection. Il promettait, mais en vain. Compulsif, il collectionnait les premières éditions. Ne perdait pas une séance de signatures, car il adorait les ouvrages dédicacés par leur auteur. En plus, il recevait des livres en cadeau. Et sa femme l’avisait :
— Choisis : c’est moi ou tes livres usagés…
Il promettait d’y voir. Triait péniblement les volumes à écarter, remplissait des caisses et des caisses qu’il empilait dans les coins de la maison. Des mois plus tard, il en venait à improviser une autre étagère et… y replaçait les livres. Un jour, sans autre avis, sa femme demanda officiellement le divorce. Elle le quitta et il resta seul, assailli de toutes parts par ses livres.
L’autre jour, j’ai demandé à mon voisin quel livre il lisait en ce moment. Décontenancé, l’homme s’est gratté la tête, plissant le front comme s’il fouillait dans sa mémoire. Puis, l’air de rien, il détourna la discussion sur les problèmes de l’immeuble. Il avait sûrement honte de me donner la seule réponse honnête et évidente. « Aucun ».
Il y a quelque temps, une revue pédagogique établit qu’on lisait peu au Brésil. Qui donc en a le temps ? Il existe même pour les étudiants des résumés commentés de romans ! On dirait que le temps de lire se perd dans les bouchons de circulation, les files d’attente et les soirées de travail au bureau. Fatigué, l’ex-lecteur en vient à céder aux appels de la télé, des vidéos, de l’ordinateur. Les livres, jaunes de tristesse, moisissent sur les étagères, abandonnés aux mites qui les mangeront.
Mais il y a les « malades » de livres. Une manie de plus en plus rare, à vrai dire, mais qui atteint encore ceux-là qui ne se sont pas laissé vacciner par la logique du monde pratique. Oui, il y en a encore qui entrent dans une librairie et fouinent dans toutes les sections, en quête de nouveautés. Et ils ne bougent pas de là tant qu’ils n’ont pas sorti leur carte de crédit pour acheter quelques livres qui, souvent, vont moisir des années durant dans l’attente d’une lecture.
Je l’assume : j’adore acheter des livres. En passant devant une librairie, je sens une démangeaison sans remède. Mes yeux vont de l’avant, un aimant attire mes jambes de l’autre côté de la porte et mes bras s’étirent vers les étagères.
Ma foi, c'est facile d’accumuler des livres ! Ce qui est difficile est de les lire tous. Encore hier, j’en ai lu un que j’ai acheté en 1980. Et d’autres encore plus vieux me défient, comme s’ils me surveillaient, là, du haut de l’étagère, exigeant mon attention.
Il existe dans le monde beaucoup de livres non lus. J’ai déjà trouvé à la bouquinerie de très anciens imprimés aux pages non découpées; une preuve parfaite et indubitable de virginité. Les livres sont chers et, une fois lus, ils s’amoncèlent chez soi, apparemment sans utilité. Si on n’a pas l’esprit de s’en défaire, tellement nécessaire de nos jours, on court le risque de leur disputer l’espace. Les appartements ne tolèrent pas les livres, ces intrus. Parfois, la petite chambre de bonne sert de débarras. Sinon, il s’agit de les étaler un peu partout, en piles, harmonisant sujets, couleurs et formats.
Un de mes amis a rempli de livres son appartement, petit à petit, jusqu’à ce qu’un jour, il ne lui reste plus que les corridors comme habitat. Et même là, avec des tas de livres alignés le long des murs ! Vint un temps où il ne fut plus possible d’y vivre. Que faire ? Il a dû acheter l’appartement d’à côté, où il s’installa avec femme et enfant. On peut dire qu’il fut littéralement expulsé de chez lui par ses amis de la bibliothèque. Ses livres possèdent maintenant leur propre appartement dont lui, réduit au simple voisinage, doit encore se charger des taxes et des frais de condominium.
J’ai un collègue plus avisé. Il évite les livres, tout comme sa femme évite les enfants. Chacun fait sa part pour conserver propre et aéré le deux et demi où ils habitent depuis plusieurs années. Sa femme veille sur le respect de leur accord. De temps à autre, s’il arrive avec