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Livre électronique94 pages1 heure

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À propos de ce livre électronique

À travers ses lectures et les échanges avec les auteurs qu’elle édite, une éditrice, marquée par les vicissitudes de la vie, commence son propre voyage intérieur. Elle partage avec nous les textes qui l’émotionnent, les projets qui l’animent, ceux qui lui apportent des réponses, la conduisant progressivement à affronter ses blessures. Ainsi, elle explore le pouvoir des mots et de la poésie, une force qui vient bouleverser puis panser son cœur.

À PROPOS DE L'AUTRICE


Marielle Tremellat, praticienne en médecine traditionnelle chinoise depuis près de 20 ans, a une passion pour les livres et les mots depuis son enfance. Elle écrit par plaisir et comme un moyen de développement personnel, encourageant ses patients à en faire de même.
LangueFrançais
Date de sortie24 janv. 2024
ISBN9791042212384
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    Des mots - Marielle Tremellat

    Gaétan

    2 novembre

    Je suis enfin installé dans le TGV, tout contre la fenêtre. Je laisse libre cours à mon flot intérieur qui se superpose au paysage gris-vert. J’écris à l’encre gris-bleu dans le dernier cahier que j’ai acheté. Nous avons, le train et moi, quitté Paris sous une pluie fine et triste. Depuis quelques minutes, le vent d’ouest livre un combat orageux contre les nuages et des lambeaux de ciel bleu se dévoilent peu à peu. Les arbustes qui plient le long de la voie ferrée témoignent de la force des rafales. Encore deux heures jusqu’à Quiberon, avec un changement de train à Vannes puis un bus depuis Auray.

    Ce matin, le monde laissait déborder ses larmes. Les gouttes de pluie venaient s’écraser sur le velux puis se bousculaient bruyamment dans la gouttière.

    Le réveil avait sonné, encore une fois, un matin de plus dans la routine et la grisaille. J’avais laissé vagabonder mes pensées, grises elles aussi, dans cet appartement vide et froid, qui attend toujours un peu de chaleur humaine. Mon regard errait dans la chambre : aucune décoration et des cartons non ouverts ou pas encore vidés, depuis tout ce temps, c’est dire si je me sens chez moi.

    Se lever, se raser, éviter ce regard dans la glace, qui hurle, qui accuse et que je n’ai pas le courage d’entendre.

    Refermer les poings sur les draps, les couvertures, fermer les portes de l’esprit, se raccrocher aux images de ce film d’hier soir, de cette nuit, laisser le rêve colorier les ombres et les recoins de mon âme. Vivre au travers des mots de ces livres qui jonchent le sol de la pièce. Dehors, j’ai entendu les bruits de la rue qui s’éveillait. Là, c’était monsieur André qui avait laissé la porte se refermer, il venait d’acheter son pain et allait regagner son appartement en dessous du mien, comme tous les matins. Ensuite, c’était Yannis qui remontait le rideau de fer de sa petite épicerie orientale, de l’autre côté de la rue. Sonorités étranges et douces, noyées par l’eau qui coulait, dégringolait, goutte… à goutte. C’était ça, j’avais besoin d’une perfusion de joie de vivre, d’une pause, d’un arrêt sur image. Je ne voulais pas de cette journée qui s’annonçait sans âme. Métro, boulot, dodo ! Où sont passés mes envies, mes objectifs, mon enthousiasme ? Peut-être devrais-je arrêter d’éviter le regard dans la glace ? Peut-être est-il la seule trace vivante de Gaétan Eilat, 42 ans, reporter de renom, naufragé au large de sa vie ?

    Je me suis levé, ma décision était prise. J’ai jeté mes jeans usés, mes pulls trop grands et mes bottes dans un sac, sans oublier mon ordinateur et mon téléphone portable.

    Un taxi.

    Un train.

    Je lève les yeux, j’observe le paysage mouillé et j’imagine déjà la couleur de l’océan et sa force. À son souvenir, je me revois dans un autre train, un bloc-notes sur les genoux, à l’affût du moindre regard, du moindre échange. Avide d’écriture et ivre de curiosité, je remplissais des pages d’impression de voyages. Aujourd’hui, je suis presque seul dans le wagon et ce sont mes propres impressions que je couche sur le papier.

    Autant rêver, prendre le temps du voyage.

    Quiberon, une flèche de terre qui part à la conquête de l’océan. Une palette de couleurs qui va du mauve des fleurs au printemps au noir des falaises, en passant par les dégradés du sable de ses immenses plages. Les jours de tempête, il ne reste de ces terres balayées par les vents plus qu’une route au milieu des flots, une digue et des rochers, un trait d’union entre les terres et la mer, la mer et les îles.

    Le bateau sera déjà à quai, le Vindilis, un des plus anciens ferries qui fait la traversée vers Le Palais depuis 20 ans. C’est sous ce nom que Belle-Île-en-Mer a été identifiée pour la première fois sur une carte géographique, vers l’an mille av. J.-C. Le rafiot aurait bien besoin d’une couche de peinture. Quoique, en fait, trop clinquant, je crois qu’il dénoterait dans ces tons bleus et gris de novembre. Je l’aime comme ça, avec ses couleurs délavées et ses algues qui s’accrochent çà et là.

    Après toutes ces années, je sentirai encore une fois l’impatience monter en moi, l’air frais, presque froid, le sel des embruns sur ma peau, cette joie profonde que je n’ai jamais su retrouver ailleurs. Peut-être aurai-je envie de rire pour la première fois depuis des mois. Les minutes me sembleront des heures, la traversée une éternité, alors qu’elle ne dure que 45 minutes. J’imagine déjà la caresse du sable sous mes pieds, je me projette dans l’allégresse que va me procurer la vision des remparts de Belle-Île, dans la lumière pâle de la fin d’après-midi.

    3 novembre

    30 minutes de marche depuis le hameau de Port Puce où se trouve ma maison, dans la commune de Sauzon, pour atteindre la pointe des Poulains, en passant par le musée, anciennement le fort Sarah Bernhardt. Ça m’a réchauffé, mais quand on écrit en plein air en novembre, on a tout de même froid aux doigts.

    Les pierres sont seules et grises face à l’océan. Les touristes sont loin, seuls les goélands prennent leur bain matinal. La marée est basse, je me suis assis dans l’herbe, face aux vagues, tout à la pointe des rochers. La lumière changeante joue avec les nuages et accroche des reflets d’argent dans l’écume, en bas de la falaise. Quelques cormorans se sont installés non loin de là et sèchent leurs ailes étalées. À l’horizon, le ciel et l’eau se rejoignent, rivalisent de gris, de vagues, de turbulences et d’éclats de soleil. Aucun voilier ne vient interrompre cette étendue sauvage. Sarah Bernhardt venait-elle, elle aussi, plonger au cœur de l’univers, de cette magie

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