Une Douloureuse Esperance
Par Abou-Bakar Mamah
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À propos de ce livre électronique
Abou-Bakar Mamah
Né en 1972 à Kpatakpani d’une noble famille paysanne, Abou-Bakar Mamah y fait ses études primaires puis secondaires au CEG Tchamba-ville. Après l’obtention du Baccalauréat Série A4 au Lycée Moderne de Sokodé, il entre à la Faculté des Lettres de l’Université de Lomé (Togo) où il prépare une Licence et une Maîtrise de Lettres Modernes .Il choisit alors de se spécialiser dans la Critique Littéraire où il obtient son Diplôme d’Etudes Approfondies (D.E.A) en 2002. Parallèlement au cours de Français qu’il dispensait à l’Institut Supérieur de Management et de Développement (ISMAD) à Lomé, Abou-Bakar s’inscrit pour une Thèse de Doctorat au Département des Sciences du Langage de l’Université Paris X Nanterre avec pour option Socio – Psycho – Linguistique, avant de s’envoler un an plus tard pour le pays de l’Oncle Sam. En plus d’un solide bagage littéraire, l’auteur d’Une Douloureuse Espérance est Technicien administrateur de réseaux informatiques. A ce jour il travaille au département de la clientèle de la United States Postal Service. Abou-Bakar Mamah est l’un des pionniers de l’Ecole Primaire Publique du village de Kpatakpani (Tchamba). Ce livre constitue une première alerte d’un écrivain qui s’est déjà fait connaître dans le genre dramatique. Sa verve langagière laisse entrevoir chez le jeune littéraire une plume prolifique et enrichissante.
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Avis sur Une Douloureuse Esperance
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Aperçu du livre
Une Douloureuse Esperance - Abou-Bakar Mamah
Contents
Préface
PARTIE I
PARTIE II
PARTIE III
PARTIE IV
PARTIE V
A
Ma femme, Zoulfatou, née Ouro-Akpo
Mes deux filles, Akem Zeynab et Coco Anissa
Préface
Le texte que vous vous apprêtez à lire est un récit construit par un étudiant doctorant.
Ce n’est pas un étudiant comme le sont les camarades de sa génération. C’est un révolté, mais un révolté lucide à la lisière de la névrose. Ce récit qui navigue entre autobiographie et autofiction rappelle l’expérience douloureuse de l’injustice et du népotisme dont le narrateur a été victime et qui caractérise son pays natal dont les limites géographiques sont déterminées par la seule intelligence de son imagination.
ADJOPA est ce pays situé sur la côte ouest africaine et qui a pour capitale Alicaria. Ce qui frappe dans ce pays, c’est la détermination de ses dirigeants à ériger l’injustice, le népotisme et la médiocrité comme mode de gouvernance démocratique dans cette république côtière.
A Adjopa, le mensonge, la brutalité, la violence et le chômage des jeunes diplômés relèvent de la banalité. La corruption est banale comme l’immoralité des mœurs. C’est dans ce contexte de misère pour celui qui n’a pas de bras longs, que Youssif et ses camarades ont vécu, étudié et obtenu leur diplôme universitaire. Mais pour quel avenir?
Cette question existentielle explique le choix de l’exil opéré par Youssif et la plupart de ses camarades.
Le lecteur retrouvera dans ce récit, une tension entre la transparence référentielle et la recherche esthétique.
Alilou Sam-Dja Cissé, Professeur de Lettres à l’Université de Lomé (Togo)
PARTIE I
Cette fois-ci ses espoirs auraient été comblés. Et comme un peu de ses habitudes, ce soir-là encore, le jeune homme n’était pas à la maison lorsque le facteur est passé lui déposer le courrier. Ce jour précisément, il rentra un peu tard, beaucoup plus désabusé qu’à l’accoutumée. La fatigue qui l’avait déjà envahi ne lui aurait même pas donné l’envie de rechercher sa lampe à pétrole qu’il utilisait à l’instar de la plupart des étudiants de sa génération. Youssif, alors rompu, se jeta sur une vieille natte étalée à longueur de temps dans la cour de la maison. Voici donc venu le moment de faire le bilan de la journée, le bilan du mois, le bilan de l’année, puis finalement le bilan de toute une existence. Si ce n’est que blesser davantage une plaie déjà ouverte, la maison de Youssif ne saurait être un cadre idéal de rêves prémonitoires.
Cette maison, une véritable masure se démarquant systématiquement des autres maisons des environs et de la capitale, était unique en son genre dans le quartier. Tous les passants s’en moquaient et se demandaient si les gens avaient accepté effectivement y vivre. En fait, dans le contexte d’alors où l’étudiant faisait la risée de la société, Youssif et ses colocataires -tous étudiants admis brillamment au chômage- n’avaient pas de choix à vrai dire. Il s’agissait réellement d’un inversement brusque des valeurs, une société perverse où quand c’est la baïonnette qui parle, la raison se plie. Eh bien, dans cette atmosphère, Youssif et les siens n’avaient de choix que de vivre d’autres écueils en plus du temps interminable qu’ils mettraient à penser à la recherche d’un emploi. La maison était en une forte dégradation continue.
D’abord la clôture, faite de feuilles de tôles mortes, s’effritait à chaque coup de vent. Toutes les fois que l’on trouvait une feuille de tôle traînant dans un coin, on la ramassait automatiquement pour venir renforcer la clôture qui ne saurait jamais être définitivement solide. Alors, le mauvais état de la clôture agissait sur la douche de la maison cadrée par deux autres feuilles de tôles mortes et jouxtées à la clôture et au mur de la maison voisine. Ce qui de tout moment pouvait sauver la clôture est la palissade dont les pieux servaient de support aux feuilles de tôles mortes. Chacun pouvait entrer et sortir librement dans cette maison. Même les moutons, les chèvres et les chiens errants du quartier, vu que la porte, faite aussi de feuilles de tôles mortes, ne jouissait d’aucune mesure de sécurité.
Qu’est-ce qui faisait la plus grosse crainte des locataires? Il y a le fait que la maison manquait de latrines, de sorte que l’on avait toujours peur de tomber dans des circonstances fortuites de besoins accablants, la diarrhée par exemple. La maison étant bien enclavée ou plutôt engloutie par les étages de part et d’autre, il n’était donc pas évident de jouir facilement et librement du plein air. Ainsi Youssif et ses amis se retrouvaient-ils dans l’obligation de faire des tours soudains dans la brousse lointaine à chaque fois que besoin s’imposait. Et c’est tout de même de trajets semblables qu’il leur fallait aussi faire en vue de se procurer de l’eau potable à leurs propres frais chez des fournisseurs privés. Youssif et ses amis ne jouissaient donc d’aucune condition minimale de logement confortable.
Curieusement, le pouvoir de son côté se réjouissait de voir l’étudiant de l’époque vivre de l’air du temps, mener cette vie de non-vie, vu d’ailleurs que c’est ce même pouvoir qui orchestrait et entretenait cette indigence accrue. Cependant, Youssif et ses camarades s’étaient résolus à franchir le rubicond. Ils s’appelaient entre eux «compagnons de bonheur», bien convaincus qu’ils réussiront contre vents et marrées. Effectivement, dans la foulée, l’on avait pu noter le départ de la plupart des amis de Youssif pour l’Occident et ceci par leurs propres moyens. L’on n’avait-on pas dit que «tous les moyens sont bons pour tuer un chat»? D’autres encore avaient réussi à gagner l’offre du Gouvernement gabonais à titre d’enseignants titulaires au Ministère de l’Education. Et c’est cette opportunité qui avait en effet illuminé le tout premier grand espoir de Youssif.
De tous ses amis, il semblait faire exception. Ce jeune Maîtrisard avait toujours pensé qu’à un moment donné de l’existence il importe de remettre certaines conceptions en cause pour pouvoir percer certaines réalités perçues comme opaques. De sorte que, selon Youssif, l’on pouvait au nom de ses propres capacités «poursuivre deux lièvres à la fois» et tuer soit l’un ou les deux à la fois. Voilà le désir qui avait toujours animé particulièrement Youssif dans sa lutte pour l’existence. On le disait éternellement motivé, dévoué, secouant tout sur son passage dans un esprit de force tranquille. Il n’avait jamais voulu «vendre la peau de l’ours sans l’avoir tué» avec en mémoire le nickname du grand tambourinier de son Dagma natal : «Bassoo; Biya n’bika». Dans le contexte du français actuel, il n’est pas évident de trouver un équivalent qui traduirait parfaitement ce dicton puisé dans Akesselem. Seulement, la version rapprochée donne ce qui suit: «C’est souvent meilleur de poser l’acte avant d’en parler», le risque étant d’en parler plus qu’on en fait. Alors Youssif, ce grand combattant des temps nouveaux venait de réussir brillamment à son deuxième Certificat du diplôme de Maîtrise, au même titre que certains amis de sa promotion, après quatre années de formation. Mais ce qui était plus surprenant, c’était que Youssif s’était mis à pondre son Mémoire sans plus attendre personne. Il le soutiendra avec brio au terme de la même année universitaire.
Que de surprises n’a-t-on pas noté! «Hourrah» s’étaient écriés ses admirateurs de la promotion. Au même moment, ceux qui avaient vu en ce fait un défi de taille avaient plutôt crié au scandale tout en qualifiant cette soutenance d’étrange puisque bien évidemment cela ne s’était jamais plus passé au Département des Lettres, voire dans toute la Faculté depuis très longtemps. Et pourtant loin s’en faut. Youssif était donc sacré premier de sa promotion pour l’obtention du diplôme de Maîtrise es-Lettres, œuvre de tant d’efforts et de mille sacrifices. Ceux chez qui l’acte de Youssif avait plutôt suscité un véritable sentiment d’émulation n’avaient pas hésité un seul instant à s’approcher de ce dernier et à s’enquérir par conséquent des rouages devant les amener à aboutir aux mêmes résultats. A la question de Martin, l’un de ses associés de la Faculté, «Youssif, Dodji et Ernest par exemple avaient l’un ou l’autre prétendu de leur côté être le premier de la promotion à soutenir. Et pourtant, c’est toi qui aujourd’hui nous fais la merveilleuse surprise. Etais-tu aussi animé des mêmes prétentions, bien que ton œuvre ne soit pas le fruit d’un quelconque hasard?» Il répondit: «Martin, tu sais en fait que j’ai toujours respecté tous les amis sans jamais me prévaloir d’une quelconque valeur. Cependant, nonobstant cette absence de convoitise et de rivalité, si aujourd’hui mes résultats font de moi le premier de la promotion, c’est tant mieux. Et durant les quatre années que nous amphithéatrâmes ensemble, les uns et les autres devraient être à même de connaître la force de frappe de tout un chacun».
Pour Youssif, c’est une autre page qui tourne et qui rappelle les moments élogieux et tous les espoirs qui avaient émaillé l’obtention de son Baccalauréat quelques années plus tôt. Avec la Maîtrise, tout était désormais permis à ce jeune talentueux des brousses lointaines. Ce passionné du métier de la craie n’a pas hésité une fois en troisième année d’Université à s’inscrire à l’Institut National des Sciences de l’Education d’où il sortira deux ans plus tard avec son PL, c’est-à-dire le Certificat des Professeurs de Lycée. Autant dire que tous les ingrédients étaient désormais au rendez-vous pour faire une soupe délicieuse.
Oui, le temps était venu de monnayer son talent, de jouir véritablement de plusieurs années de mille efforts. On le disait imbattable! N’a-t-on pas dit que «Dieu est mathématicien»? L’année précédente, Youssif s’était abstenu à passer le concours de recrutement des enseignants vu qu’il n’avait pas encore sa Maîtrise qu’il a tant convoitée. Cette fois-ci, à peine son attestation de Maîtrise eut-elle le temps de refroidir que le Ministère de l’Education Nationale lança le concours de recrutement des enseignants auxiliaires. A l’annonce de la nouvelle sur les médias nationaux, Youssif et tous ses amis, précédemment admis brillamment au chômage, n’ont pas pu retenir leur souffle. Et donc tous les visages s’illuminèrent de joie et surtout d’espoir. Voici venu le moment fatidique pour changer de statut, jouir d’un numéro matricule et redéfinir sa valeur réelle d’homme et d’intellectuel. Youssif et ses amis avaient toujours travaillé en ce sens. A l’époque, les procédures de recrutement avaient subi pas mal de modifications au niveau du Ministère de sorte que l’on était amené à parler de concours régionalisé. Ceci signifie qu’il y a un quota prédéfini pour chaque région. Dans cette