Soupirs d’une féministe dépassée (suite)
IL DOIT ME MANQUER UNE CASE :
e ne comprends toujours pas pourquoi féminiser systématiquement les noms de profession serait une conquête du féminisme, la défaite d’un bastion masculin, la reconnaissance du droit à l’égalité. J’ai entendu dire aussi que tolérer que certaines fonctions soient encore désignées par un mot masculin découragerait les femmes de les investir. Après des années de tergiversations, l’Académie s’est imposé avec naturel et ne pose aucun problème d’usage. Les langues ne se laissent pas facilement régenter, elles vivent leur vie en souplesse mais ne se plient que de mauvaise grâce aux projets idéologiques. Reflet de l’esprit national, elles obéissent à des courants souterrains indéchiffrables. Pourquoi – alors qu’il s’agit de deux langues latines – le tigre est masculin en français et féminin en italien ? Pourquoi le soleil, die Sonne, est-il féminin en allemand ? Pourquoi un écrivain est un écrivain, a writer, en anglais, sans aucune possibilité de féminisation ? Pourquoi toutes les tentatives (y compris les plus équilibrées) d’infléchir les langues sont-elles vouées à l’échec ? Même l’espéranto, la langue construite pour tracer la voie de la paix et faciliter la compréhension universelle, a été un flop silencieux. On n’invente pas les langues, on ne les déforme pas par idéologie, la société ne changera pas par magie si les mots prennent un suffixe en -euse, en -eure ou en -trice. Les langues suivent une évolution qui trouve ses racines dans l’histoire et l’inconscient des peuples.
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