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De Vegas à Bakersfield: La descente aux enfer
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De Vegas à Bakersfield: La descente aux enfer
Livre électronique313 pages4 heures

De Vegas à Bakersfield: La descente aux enfer

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À propos de ce livre électronique

Une étudiante Américaine, abusée au cours d'une fête de fin d'études se venge vingt ans après. La descente aux enfer d'un brillant créateur de start-up. Un complot pour mener à bien la vengeance. Une enquête policière qui sort des normes, des policiers au comportement inapproprié . Une fin qui ne laisse pas sur sa faim
LangueFrançais
Date de sortie29 juin 2018
ISBN9782322125654
De Vegas à Bakersfield: La descente aux enfer
Auteur

Alain René Poirier

Petit Fils de Poirier Alcide gazé en 1914, fils de Poirier Robert invité cinq ans à la frontière Polonaise par le troisième Reich. Créateur et unique disciple de l'école instinctiviste qu'il quitta pour divergences avec lui même pour fonder l'école instincvitiste dont il reste le seul membre.

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    Aperçu du livre

    De Vegas à Bakersfield - Alain René Poirier

    31

    Chapitre 1

    Ce soir de clair de lune, c'est là que tout a commencé, que tout s'est enchaîné, que tout s'est déchaîné, que tout a dérapé, que tout est parti en vrille...

    Putain, si c'était à refaire...

    Si j'aurais su... comme dit l'adage populaire, j'aurais pas venu... Personne ne serait venu d'ailleurs... S'ils avaient su.

    Ce devait être quelques minutes avant minuit. L'horloge du clocher voyait ses aiguilles tendent à se confondre en pointant le ciel.

    Minuit l'heure du crime.

    Les aiguilles désignaient-elles le coupable? L'aiguille dénonce, montre du doigt, c'est l'un de ses défauts.

    Qui désignaient-elles?

    le ciel?

    La pendule se préparait à battre les douze coups qui marquent la fin d'une unité de durée, le passage à la suivante. Cet entre-secondes qui n'appartient à rien, serait hors du temps, si le temps existait. Il n'y a pas de temps, juste des durées... Merci Albert. Pire personne ne vit les choses au même instant, la distance entre l'observateur et l'événement, conjuguée à la vitesse de la lumière en détermine le décalage. Pour mieux imaginer, c'est comme le décalage entre l'éclair et le tonnerre si tu n'es pas le foudroyé.

    Le mécanisme d'horlogerie compressait ses ressorts, mobilisait ses rouages, s'apprêtait à tout libérer, pour que les aiguilles se rejoignent dans un acte d'amour, devenu fou, dans le feu des retrouvailles. Elles veulent le faire savoir, sont exhibitionnistes ces putains d'aiguilles.

    À vos marques.

    Prêts.

    Partez!

    Les cloches sonnent, sonnent, sonnent.

    Ding ding dong...

    Les ondes montaient, s'éloignaient, envahissaient, remplissaient tout l'espace.

    Au loin, dans le désert, des coyotes affamés hurlaient à la lune. Ils appelaient leurs femelles, l'impérieuse nécessité de se vider les gonades, de procréer, de perpétuer l'espèce. Le coyote est jouisseur, partageur, il pense futur, à prolonger sa lignée.

    L'air était traversé de libellules, d'éphémères, de papillons, de moustiques. Sur le sol une ribambelle de fourmis, mille-pattes, cafards, cloportes, des tas de coléoptères formant une vraie collection, tous se dirigeaient pour reprendre leurs territoires perdus aux hommes. Cette armée composée de quelques milliers, par un prompt renfort ils devinrent des millions en arrivant au bord.

    Kevin que ses parents avaient trainé à Vegas pour le week-end, s'emmerdait ferme dans cette ville faite pour l'artificiel, les plaisirs d'adultes retournés en enfance. Lui, l'enfant devenu précocement adulte, assis sur le bord du boulevard, pleurait de ne voir, aussi loin que sa vue perçante scrutait, aucune trace du moindre coquelicot. Lui à qui le ciel donnait la mission de bannir le rouge, c'est ce qu'il affirmait. Paint it black.

    -Je ne sers à rien, répétait-il en boucle, balançant la tête qui venait frapper dans ses mains.

    À ses côtés son frère Kigan, son ainé, commandait sur internet des escargots petits gris. Il les faisait venir de France, de la région de Cognac. Assis en tailleur il peignait les coquilles de l'arrivage de la veille. Dans la boîte à colimaçons, une féérie de jolies couleurs fluorescentes. Une fois les coquilles sèches, il expédiait les gastéropodes psychédéliques à des indiens Sioux du Dakota du sud. Tribu établie le long des falaises des Black Hills. Ces rescapés emplumés lâchaient les baveuses caravanes spiralées à l'assaut du mont Rushmore, pour que de leurs radulas, les bestioles rampantes, qui marchent sur la tête, grignotent le calcaire des statuts de George Washington, de Thomas Jefferson, Theodore Roosevelt et Abraham Lincoln. Ces derniers survivants autochtones voulaient attirer l'attention du monde, sur l'extermination de soixante millions de leurs frères, chiffre effarant, comptabilisé depuis l'arrivée de Cristoforo Colombo envahissant leurs terres.

    L'intérêt d'être les vainqueurs, tu peux te targuer d'être une démocratie et donner des leçons au monde entier, à coup de bombes atomiques si nécessaire, ce que ne peuvent pas faire les fanatiques des perdants, du Siam ou de Germanie... Les indiens, peut-être une dernière salve de résistance de descendants des mecs de Neandertal, qui comme les Aborigènes d'Australie, sont des peuples à forte spiritualité, victimes de l'arrogance matérialiste et exterminatrice des Sapiens Sapiens, gus venus d'on ne sait où.

    Une théorie personnelle qui s'éloigne des sentiers battus.

    Brian, un mètre quatre-vingts, des biceps plein les manches, promenait sa tignasse brune et ses yeux noirs sur Las Vegas boulevard. Cette voie qui longe la route 15, au sud, direction le désert.

    Il maraudait à l'affut de la moindre occasion d'exceller dans l'abus de pouvoir. Averti de l'arrivée d'Andy, un vieux ex-copain à lui, il se préparait. Pour passer le temps, en attendant, il arrêtait quelques pékins pour se faire la main.

    Joueur, ils les faisait participer à ses délires. Ce matin il avait l'humeur très rock'n roll.

    Un premier client passa, un petit gars freluquet, au crâne dégarni, des manches vides de biceps, il le stoppa. Le gus n'avait que le tort de se trouver là, au mauvais endroit, au mauvais moment.

    S'adressant à lui le sourire aux lèvres il lui demanda.

    -Décline ton putain de nom.

    -Edwing Fullwing.

    -Edwing, si tu veux repartir sans gage, cite-moi les noms des

    membres du groupe Blind Faith, et les titres de leurs morceaux enregistrés.

    -Il y a Eric Clapton, Steve Winwood, Ric Grech et... Je ne me souviens plus.

    -Putain le con, il oublie le plus important, le batteur, le génial Ginger Baker.

    Le fais-tu exprès petit sacripant?

    -Je vous arrête tout de suite je suis chenapan, pas sacripant, ma mère, si elle vivait encore, vous le confirmerait.

    -C'est moi qui vais t'arrêter garnement.

    -Chenapan, pas garnement.

    -Me cherches-tu? Alors complète ta réponse à ma question!

    -Cela m'est impossible, ce n'est pas mon genre musical, moi je suis plus country, Alan Jackson Expérience, Johnny Cash, Cayouche group...

    -C'est ton droit, le premier amendement de la constitution te le permet.

    Donne moi la liste des titres de Blind Faith enregistrés, il y en a bien quelques-uns que tu sois capable de citer!

    -Je sais que l'album portait le nom éponyme du groupe, de là à pouvoir citer des titres...

    -Putain ce gus me gâche la journée.

    Tripotant son colt il se mit à hurler.

    -Écoute connard et grave toi ça dans la cafetière:

    Hard to Cry Today,

    Can't Find My Way Home,

    Well... All Right,

    Presence of Lord,

    Sea of Joy,

    Do What You Like.

    Putain de bordel de merde ce n'est pourtant pas compliqué à retenir!

    -Désolé.

    -Tu vas avoir un sacré gage. Ouvre ton coffre.

    -Il n'y a rien dedans.

    -Que tu dis.

    -Il est vide! Vous voyez. C'est ce que je vous disais.

    -Monte dedans!

    -?

    -Tu vois qu'il est plein. C'est ton gage, tu passeras la nuit aux portes du désert. Dis-toi que tu es un petit pois dans sa boîte de conserve...

    Tu en profiteras pour réviser tes classiques.

    Je reviens demain pour te sortir de là... si la mémoire t'est revenue.

    Le petit homme cria qu'il n'allait pas résister, qu'avec la chaleur il commençait à se déshydrater...

    Brian ferma le coffre dans un bruit sec. Haussant les épaules, il reprit son volant, fit demi-tour, se dirigea vers Vegas.

    Sur la route il croisa Donald et Ronald. Les deux sexagénaires dégoûtés de l'évolution du monde du spirituel vers le mercantilisme se retiraient petit à petit de cet univers. Brian les avait comme amis, les jumeaux étaient de vieilles connaissances. Les deux vieux devenus philosophes se détachaient petit à petit des contingences matérielles. Ils se faisaient à l'idée de quitter ce monde, de repartir dans le néant. La question qui les hantait, pourquoi tout ça. Cette vie d'apprentissage, de lutte, de recherche plus ou moins du pouvoir... pour finir par tout perdre, ne laissant derrière nous que des ondes. Nous sommes la seule espèce à le faire, les animaux se contentent de vivre, de survivre. À ce stade de nos connaissances c'est ce que nous imaginons. Leur autre dissertation, si les animaux sont doués de sensibilité, d'intelligence, de sentiments, ils sont persuadés que les plantes aussi. Les acacias, par des libérations d'aérosols d'hormones, se préviennent de l'attaque des giraffes et rendent leurs feuilles immangeables...

    Que vont pouvoir manger les futurs vegans.

    Brian voyait les jumeaux se rétrécir, se rabougrir, ils étaient sur le chemin de l'autolyse, de la liquéfaction. Ils se concentraient maintenant sur l'essentiel, leurs pensées. Pour se concentrer, s'isoler des sollicitations diverses, Donald toute la journée se chantait intérieurement Midnight Rambler, alors que pour les mêmes raisons, Ronald lui n'entendait dans sa tête que I'm the walrus. Leurs ondes divergeaient.

    Beatles contre Rolling Stones, les jumeaux s'éloignaient idéologiquement l'un de l'autre, le fossé se creusait. Intellectuellement, ils ne se supportaient plus.

    Brian clamait à la ronde que le rôle d'un policier ne consistait pas seulement à être sévère pour faire régner l'ordre, mais aussi à concilier, réconcilier.

    Il eut une idée pour mettre les frangins d'accord. Pour eux il fit ce geste.

    D'un bandit venu du Wyoming, il avait confisqué ses pistolets et révolvers. Dans sa voiture il avait entreposé les armes servant de pièces à conviction.

    S'avançant vers ses amis d'un pas qui impose le respect et n'autorise pas la contestation, il tendit à chacun un Colt Detective Special, leurs barillets chargés de six balles 38. Il espaça de cinq pas nos deux gus, les mit face-à-face, s'écarta, et cria:

    -Feu à volonté!

    Les deux frères, l'un sur l'autre, vidèrent leurs chargeurs.

    Chacun fût troué, perforé, dotés de nouveaux orifices. Ils dégageaient une odeur de poudre mêlée de fer, leurs sangs giclaient, une forte pression.

    Nos gus devraient contrôler leur tension systolique et diastolique pour prévenir les AVC... Heureusement ils seront épargnés, mon idée a réduit leurs pressions internes.

    De loin, étalés sur le sol, leurs corps imitaient des passoires.

    Brian devant les cadavres se recueillit, puis se mit à chanter:

    Ce n'est qu'un au revoir mes frères...

    ce n'est qu'un...

    Morts, nos deux gus ne s'insultaient plus.

    Ils semblaient avoir fait la paix.

    Brian en fût satisfait. La joie emplit son coeur. Il avait honoré son uniforme, rempli sa mission de conciliation.

    Andy roulait tranquille, le zygomatique en action, au volant de sa Corvette C1 noire. Il descendait South Las Vegas Boulevard, détendu comme un élastique de slip trop souvent lavé à 90°. Le pare-brise lui évitait d'être criblé d'impacts par ces saletés de bestioles qui croisaient sa trajectoire sans précaution, faisant fi des priorités édictées par le Code de la route.

    Sa voiture, un modèle de 53, « Solid-Axle » 2 vitesses automatiques powerglide, équipée du fameux moteur 6 cylindres en ligne de 3900 cm3, le Blue Flame. Pour une voiture de série, ce modèle était la première automobile à posséder une carrosserie en fibre de verre. Elle avait aussi hérité des roues encore dotées des enjoliveurs de la célèbre Bel-Air.

    Andy avait l'humeur joyeuse, heureux comme un latino qui sait qu'il aura du travail et des tortillas. Il profitait à fond de la douceur de la nuit, la respirait à pleins poumons. Il nageait dans la félicité, se laissant porter par le courant de son bonheur. Sa radio susurrait Nights in White Satin, des Moody Blues, air qui lui chatouillait la cochlée, rappel d'une vie primitive lorsque nous n'étions que gastéropodes. Une ambiance musicale propice à évoquer les moments de douce félicité qu'il venait de vivre.

    Le sirupeux dissout l'agressivité. Andy se remémorait avec délice sa soirée amoureuse en compagnie de Carolina.

    Carolina, une jeune métisse, belle comme le jour, diplômée d'Harvard University, roulée comme un cigare Montecristo Edmundo cubain. Il s'en échauffait les sens aux seuls souvenirs de cette peau douce, veloutée, au goût de miel et de cannelle. Un corps de rêve. Des rotondités là où il faut, en quantités appréciables tout en étant raisonnables, qui, une fois la jeunesse passée, ne seraient pas sujettes aux caprices de la pesanteur. Une tête bien faite. Un esprit vif. Beaucoup d'humour. Une intelligence pétillante. La tête sur les épaules.

    Une vraie femme, comme il aimait à le dire.

    Chez l'homme, le reptilien reste toujours aux aguets...

    Carolina faisait battre son cœur et rendre turgescentes d'autres parties plus intimes de son anatomie. Endroits de sa personne qui, à la vue de ce corps si sensuel, si convoité, s'irriguaient plus fortement que de coutume. Les vases communicants, le cerveau perd en oxygène ce que le sexe gagne en pression.

    Andy et Carolina avaient fait connaissance depuis peu. Militants démocrates, ils s'étaient découvert des passions communes en venant écouter un discours de Bernie Sanders, au Treasure Island Hotel. Allocution sur le problème de l'intégration des Latinos, prononcé dans le cadre de la campagne des présidentielles, au deuxième niveau du Convention Space.

    Andy s'avançait avec précaution dans cette relation avec Carolina. Il ne voulait pas brusquer les choses. La différence d'âge, de culture, l'avait fait hésiter. Dans sa mémoire resurgissait ce souvenir...

    Lorsqu'ils étaient étudiants, la chose inverse était arrivée à un de ses copains, au nom de consonance écossaise, Ems Mc Ron. Ce jeune gus, à seize ans, terminait à peine sa période acnéique où le besoin de masturbation l'emporte sur le désir de calcul mental. Le gus s'était fait draguer par sa prof de littérature anglaise. Femme d'un an plus âgée que sa propre mère. Une initiatrice, une pédagogue, une enseignante, qui ajoutait, à ces qualités formatrices, des vertus complémentaires de gourmande, d'insatiable, de grosse cochonne, de petite vicieuse, comme on en rêve de rencontrer pour nous faire perdre notre pucelage, jeter notre gourme par-dessus les moulins.

    To sow one's wild oats....

    La classe l'enviait, le jalousait, de dépit le mettait à l'écart.

    Lorsqu'ils le croisaient dans les couloirs menant aux salles de cours, par envie ou par jalousie, ils riaient de lui, l'imaginant chevauchant la doctorante en galipettes tout en déclamant des strophes entières de la Maure de Venise... Elle.

    -Soyez sûr, bon Cassio, que j'emploirai en votre faveur toute mon éloquence.

    Lui.

    -Faites-le, chère madame.

    Elle.

    Je sais que ceci afflige mon mari comme si c'était sa propre affaire.

    -Oh ! c'est un brave homme. N'en doutez point, Cassio ; je vous reverrai, mon seigneur et vous, aussi bons amis qu'auparavant.

    Lui.

    -Généreuse dame, quoi qu'il arrive de Michel. Cassio, il ne sera jamais autre chose que votre fidèle serviteur.

    Elle.

    -Oh ! je vous en remercie. Vous aimez mon seigneur, vous le connaissez depuis longtemps. Soyez bien sûr qu'il ne vous laissera éloigné de lui qu'aussi longtemps qu'il y sera forcé par une politique nécessaire.

    Ce n'était que rires et gloussements. Les filles pubères qui n'avaient pas encore franchi le pas, rougissaient en repensant à leurs derniers rêves érotiques, qui les voyait prendre la place de l'enseignante. L'imaginaire parfois dépasse les limites, que le retour à la phase éveillée n'assume pas, le rouge inonde les joues.

    Les parents d'Ems restaient des plus conventionnels pour les choses du sexe. De voir leur fils se déniaiser dans le giron de celle qui avait l'âge de sa mère, choquait la mère qui enviait la dame, choquait le père qui rêvait de prendre la place de son fils. Belle trilogie où le Saint esprit n'intervenait point.

    Comme le chantaient Shawn Elliott, Madness ou Trini Lopez, Shame and scandal in the family... Quelle honte, quel scandale pour ses parents lorsque la chose s'était ébruitée. La peur du qu'en-dira-t-on, de passer pour des cons, la pression du grégaire.

    Le détournement de mineurs évoqué, suivi de toute la panoplie, des menaces, des sermons, des prières. Résultat, le départ en pension.

    Rien n'y fit. La cougar était mordue, elle avait, diront certains, le désir ardent, le feu au cul.

    Ems découvrait les plaisirs inouïs de la chair avec cette femme d'expérience qui le guidait pas à pas sur les chemins de cette jouissive initiation. Il ne pensait qu'au sexe, qu'à limer, qu'à défoncer, ne mangeait plus, devenait très pâle, n'avait qu'une envie, jouir encore et encore, des cernes sous les yeux, la peau presque transparente, il se vidait plusieurs fois par jour, s'anémiait. De tous les orifices de Birgitt, il en était devenu addict.

    Ses études achevées, les deux amants se sont retrouvés. Installés ensemble, ils passèrent leur temps à baiser, à varier les positions, à s'épuiser le périnée.

    Ils ont affronté les railleries, les quolibets et les plaisanteries.

    Leurs corps ont exulté.

    Pour Ems, il faut bien que jeunesse se passe.

    Birgitt repoussait dans le stupre les premiers assauts de la vieillesse, la chute des hormones que la chimie compense.

    Avec le temps, tout s'en va, les corps se sont apaisés. Le temps est passé.

    Le temps non, mais les années se sont accumulées...

    Pour Ems devenu adulte le regard a dévié. Pour Birgitt qui s'est enfoncée dans les marécages de la fin de vie, le feu s'est atténué. Elle constate avec amertume que pour elle, les années comptent davantage, au fur et à mesure qu'elle avance en âge.

    Arrivé à quarante berges, Ems vivait toujours avec Birgitt, l'habitude, la paresse à qui l'on attribue le rôle maternel de tous les vices.

    Ses attributs devenant de moins en moins responsables de l'excitation de son sujet, comme une tigresse, elle ne le lâchait pas d'une semelle, le couvait d'un oeil jaloux. Se sentant son inventrice, elle se battait pour garder rien que pour elle son trésor, son bâton de vieillesse, veillait à ce qu'il garde à la bouche le goût des meilleures soupes.

    Pour garder le pot en bon état, Birgitt, la ménopause bien tassée, s'inondait d'hormones de synthèse, en faisait son marché. La ménopause, une histoire ancienne qu'elle avait obtenu en même temps qu'Ems, qui lui, à cette même époque fêtait sa permission d'entrer dans les bars, de boire de l'alcool légalement, pour ses vingt-et-un ans.

    Une coïncidence troublante... boire de l'alcool pour oublier que...

    la femme qui est dans son lit

    n'a plus vingt ans depuis longtemps,

    les seins si lourds de trop d'amour,

    ne portent plus les noms d'appâts.

    Les choses sont bien faites, il n'y a pas de hasard.

    Andy fort de cet exemple, se disait que lui vieillirait plus vite que Carolina, que leur différence s'accentuerait, qu'il faudrait atteindre un âge très avancé pour que cette perception s'atténue, ne saute pas à l'oeil du premier quidam venu. Il se voyait comme celles et ceux déguisé en jeunes, qui lèvent le bras, devant leurs miroirs, qui observent avec horreur la viande de leurs biceps et de leurs triceps qui se désolidarisent de leurs humérus, ces derniers, plus rapides, arrivant en premier, la viande tremblotante recouverte de sa peau plissée finissant bonne dernière. Facéties du corps qui comme les taches appelées marguerites de cimetières, les mettent face à leur âge réel.

    La simple idée le glaça. Il pensa que lui aussi, à terme, passerait le matin plus de temps, à se défroisser la peau, qu'une femme de chambre du Sofitel à retendre les draps des lits de l'étage qui lui étaient affectés, draps froissés par des nuits de coïts passionnés et adultérins. Alors que Carolina, la peau ferme et bien tendue, le regarderait peut-être sans indulgence, face à sa décrépitude.

    Tu as beau te dire ce que tu veux, penser raisonnable... La raison s'efface toujours devant l'élan des corps.

    Tous les deux avaient dîné en tête à tête au restaurant Bellagio Las Vegas. Carolina et lui choisirent le Signature Tasting Menu.

    Carolina dégusta un caviar d'esturgeon du Pacifique.

    Du saumon fumé d'Alderwood et sa crème fraiche, accompagné de son gâteau de pommes de terre à l'échalote.

    Pour le plat, son choix se porta sur un tournedos Rossini surmonté de son foie gras de la vallée de l'Hudson, nappé de sa réduction de pinot noir.

    En dessert, ils optèrent pour une tarte au chocolat noir, sa mousse de même métal, accompagnée d'une ganache au beurre de biscuit dans son coulis de framboise.

    Andy lui, avait passé son temps à dévorer sa conquête des yeux. Sur la nappe immaculée ses doigts avaient effleuré ceux délicats de Carolina. Ses lèvres avaient frémi à l'idée d'effleurer sa peau. Son cœur battu plus fort, imaginant la prendre dans ses bras, l'embrasser dans le cou, derrière les oreilles... Il ne se souvenait même plus de ce qui, transitant par son assiette, était supposé avoir ravi ses papilles...

    Le repas terminé, main dans la main, les pas synchronisés, marchant dans la tiédeur de la nuit, le chant des cigales les accompagnant, écrin sonore à leur amour naissant, qu'ils exposaient au clair de la lune complice. Astre qui pour rester discret, partiellement caché par un nuage en forme de coeur, se reflétait dans ce grand bassin animé de jets d'eau multicolores, qui jouxtait le restaurant.

    Dans les jardins, Andy, devenu plus romantique que Gérard de Nerval, cueillit une rose qu'il offrit à Carolina. Une rose d'un rouge écarlate, qu'il avait choisie en bouton. Dans son empressement, il s'était enfoncé une épine dans la pulpe de l'indexe. Sa couronne d'épines pour sa divine à lui.

    Carolina émue, touchée, sensible à tant de prévenance, pour le guérir, avait sucé la petite perle de sang presque noir, qui du doigt en avait transsudé.

    Andy en fut tout émoustillé. Une petite partie de lui, une des plus intimes, son sang, circulait dans le corps de Carolina. Il l'explorait par globules interposés...

    Côte à côte, ils marchaient à pas comptés, ils survolaient presque l'allée bordée de fleurs, leurs têtes dans les nuages de l'amour qui annihilaient la pesanteur. Leurs yeux sur des parallèles, dans la même direction, regardaient l'infini. À eux deux, ils ne faisaient plus qu'un. Arrivées au bout extrême, leurs parallèles s'étaient confondues. Ils avaient cette impression béate, que dorénavant, ils ne reviendraient plus, qu'ils étaient partis pour toujours. L'univers paraissait trop étroit pour contenir leur passion naissante.

    Ils restèrent là, silencieux, échangeant sans mot dire, partageant leur présence, mêlant leurs ondes, de longues minutes, immobiles, ailleurs, heureux, avant de revenir sur terre.

    Andy ferma les yeux. Il vit des champs de coquelicots, une vision fugace dans laquelle, un jeune garçon dont le prénom, Kevin, brodé sur son haut de running à manches longues, assis en tailleur, d'un pinceau délicat peignait un à un les pétales rouges en noir.

    Carolina frissonna. La fraîcheur humide, la brise qui se levait, le désir maîtrisé de ses sens, ou la vue d'un monstre de Gila, lézard rayé de noir et blanc qui déambulait lentement sous les rosiers ? Andy la rassura, la bête venimeuse n'est pas connue pour son agressivité.

    Pour calmer ses frissons, il lui offrit sa veste. Il était galant homme, surtout réchauffé par la fièvre de ses émois.

    Ils regagnèrent la corvette... Vers chez elle, ils se dirigèrent, elle n'avait que la permission de minuit. Andy respectueux craignait de devoir conduire une citrouille.

    Andy venait juste de reconduire Carolina. Pour ses adieux qui n'étaient qu'un au revoir, sur la bouche il l'avait embrassée. Le

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