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Le Royaume Parallele
Le Royaume Parallele
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Livre électronique282 pages4 heures

Le Royaume Parallele

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À propos de ce livre électronique

Cela arrive souvent, nous allons dans une ville, sur une grève étrange, nous traversons une forêt et nous avons le sentiment de reconnaître l'endroit. Nous cherchons, dans notre mémoire, mais il n'y a que de vagues images. Avons-nous un jour, par inadvertance, franchi la ligne magique qui gardait un monde parallèle? Notre héro a franchi cette lumière et dans ce monde parallèle il a trouvé la fraternité, le sens du devoir et le grand amour, et les papillons sont les porteurs de son bonheur. Ne cherchez pas le Monde Parallèle, laissez-le venir à vous.

LangueFrançais
Date de sortie10 oct. 2014
ISBN9781310357893
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    Aperçu du livre

    Le Royaume Parallele - Christiane-Rita Moodie

    Le Royaume Parallèle

    de

    Christiane-Rita Moodie

    Pour Jacky qui habite déjà dans son monde parallèle.

    Et pour Stuart, citoyen du monde.

    SMASHWORDS Édition

    Publié en Smashwords par Christian-Yves Georges

    © Christian-Yves Georges 2014

    Couverture de Hélène Georges et Christian-Yves Georges

    © Hélène Georges et Christian-Yves Georges 2014

    Ce livre reste sous ‘copyright’ ©, la propriété entière de l’auteur, et ne peut pas être copié ou distribué pour autres raisons sans l’autorisation de l’auteur. Citations utilisé en critique ou revues sont l’exception. Change dans le contenu est interdit.

    Si vous avez aimé ce livre, encouragez nos amis d’en faire une copie.

    Autres romans et nouvelles de Christiane-Rita Moodie en Français et en Anglais peuvent être achetés chez Smashwords.

    ***

    Note de l’auteur

    Aucun des papillons décrits dans ce roman,

    Pas un seul, n’a été malmené, capturé, épinglé,

    Froissé, étouffé dans un pot de confiture vide,

    Ou coupé en morceaux pour les besoins de la

    Science. Un papillon mort vous fait pleurer...

    Le Royaume Parallèle

    Chapitre 1

    Ne cherchez pas ce royaume sur votre carte routière. Il est inutile d'aller à la gare où personne ne pourra vous renseigner. Ne perdez pas votre temps à consulter les photos aériennes car il ne figure sur aucun cadastre : pas de traces dans les archives, pas d'armes ducales ou royales mentionnées dans les armoiries les plus anciennes, et les vétustes parchemins, gardent leur secret sous leurs sceaux de cire rouge. Et pourtant…J'en reviens. Je n’avais que le désir de m'en échapper, et maintenant, dans mon cœur bouillonnent des regrets. Je veux y retourner.

    Voilà comment tout a commencé. Il m'arrive de sortir de mon lit le matin, avec l'idée d'une escapade en bus vers un coin différent, une plaine ou une forêt abritant des papillons, ils se font de plus en plus rares et il faut les trouver. Il faisait chaud, un grand soleil, une belle journée. Je pris un autobus local au hasard, avec l'intention de descendre quand je verrais un possible habitat. Quand je descendis, un groupe d'adolescents, habillés de rouge et de bleu, attendait sur le bas-côté. Chaque jeune portait un vélo sur l'épaule, et après bien des simagrées, et les recommandations du chauffeur, ils s'empilèrent à l'arrière avec leurs montures. Ils s'amusaient comme des fous et j'enviai un peu leur joie de vivre.

    Le chauffeur ne démarra pas tout de suite, il attendit que je mette mon sac en bandoulière, ma Leica autour de mon cou, que je place mon chapeau de toile sur mon crâne, j'étais prêt. Je remerciai et saluai le chauffeur, et les gosses aux vélos, se penchèrent aux fenêtres pour me rendre mon salut. Un des gosses cria : Bonne promenade grandpâ ! Tout a commencé là, tout bêtement, il faut me croire. Je ne cherchais que des papillons...J’ai franchi les frontières invisibles de ce royaume par hasard, alors que je suivais calmement, un papillon. Un Charaxes Jasius, un Pacha à deux queues, presque disparu maintenant. Le ciel était lourd de nuages, le tonnerre d’un orage sournois roulait ses tambours, et au loin, un train de marchandises passait, lent, essoufflé, interminable. Très haut, les ailes étendues, les doigts de plume ouverts, deux rapaces planaient sur un courant chaud, ils se croisaient, se recroisaient et j’entendis l’appel de l’un et la réponse de l’autre...c’était un couple, uni pour toujours. Ma Leica autour du cou, je sautai un caniveau à la poursuite du papillon, et tombai à pieds joints dans un champ de citrouilles. Les feuilles rugueuses se dressaient comme des ombrelles vertes et dans leur ombre luisaient des citrouilles énormes, les ventres d’un bel orange se gonflaient, il y en avait des centaines, protégées par un immense épouvantail effrayant. Je le pris en photo : deux pôles de bois, des branches pour bras, un potiron pour tête, habillé de sacs en plastique noir, j’en oubliai presque mon Pacha qui était tout près maintenant.

    La lumière n’était pas très bonne mais je ne pouvais pas manquer cette photo. Ma vieille caméra prête au déclic, je retenais mon souffle. J'avais déjà préparé mon cadre et je n'attendais que le bon vouloir du papillon. Bientôt, son énergie diminuerait, il aurait soif de nectar, alors, il se poserait pour boire sur la seule fleur qui s'ouvrait au ras du sol. Cette fleur bleutée ressemblait à un nymphéa, elle s’ouvrait dans l’entrelacs de longues racines qui s'étalaient à l'infini sur une terre bien assoiffée. Le train de marchandises n’en finissait pas de faire grincer ses boggies. Je maudissais sa lenteur, et les cercles concentriques de vibrations qui déchiraient le calme : les papillons sont très sensibles, ils ressentent le moindre frisson dans l’air qui les entoure. Le papillon descend vers la fleur, je cadre, je retiens ma respiration, j'appuie sur le déclic et le papillon disparaît. Je m'agite en tout sens, pas de papillon ! Il n'est pas posé, il n'est pas en vol, il n'est pas inconscient dans la poussière. Je soulève les racines étalées à mes pieds, je tire, je tire, les racines résistent, alors je tire encore plus fort quand une force contraire me tire vers l'avant, je trébuche, tombe tête première au travers d'une barrière de lumière. C'est comme un coup sur la nuque, cent mouettes me crient dans les oreilles…Il est là mon Pacha, avec des milliers d'autres papillons qu'on ne voit plus beaucoup : des Argus bleus, des Théclas, des nuées de Damiers, des Nacrés, des Vanesses, des Satyres, des Sylvains, des Machaons, des Phoebes, des Occitanicas, une pullulation d'ailes et de couleurs, un rêve fou… Le sol est spongieux et les racines, qui se sont glissées sous la barrière de lumière, courent sur cette prairie humide comme de grands serpents verts, elles sont couvertes de fleurs bleues épanouies, aussi larges que des soucoupes de grand-mère. L'air est doux, le ciel est infini, il y a un champ de blé qui ondule au loin, j’entends les ailes de ces milliers de papillons frémir, ce n’est qu’un léger bruissement, mais les sons s'amplifient dans ma tête, et toutes les images sont enregistrées comme dans un film muet. Je perds connaissance. Dans cet état misérable, partagé entre le désir d’ouvrir les yeux, et l’abandon total, je me suis senti porté, couché sur le dos, sur une civière qui avançait à grande allure sans bruit. Ça allait très vite, et les voix autour de moi étaient cotonneuses, incompréhensibles. Après, je suis tombé dans les grandes pommes, dans un grand trou noir, une chute vertigineuse qui me coupa le souffle. Il n’y avait rien pour me retenir, et j’entendis mon cri de terreur.

    Ne clochette qui tinte tout près de mon œil droit me réveille d'un long sommeil reposant. Je m'étire et ma main frôle une présence humaine, je m'assois d'un bond et me fracasse le front sur le ciel bas d'un lit à baldaquin. Un homme se tient près du lit. Je dois encore rêver. Il est vêtu d'une tunique toute simple qui lui arrive au-dessous des genoux; le tissu écru est un tissage souple et léger, l'homme porte des sandales de fibres tressées avec une boucle de bois sur le côté. Une bande étroite de métal doré brille sur son front. Subitement je me rends compte que je suis nu. L'homme à la clochette me tend un drap de bain, et place une tunique semblable à la sienne, un sous vêtement qui ressemble à des shorts de sportif, et une paire de sandales tressées neuves sur le pied de mon lit. Comme mes vêtements ont disparu, je m'enroule dans le drap de bain. Je pense que je suis mort et en présence de mon ange gardien, non, je ne suis pas mort, sous mes doigts je sens une bosse sur le front, une bosse qui fait mal, mes côtes aussi me font mal, mon cœur bat un peu trop vite, et j'ai la bouche sèche. J'ai dû m'endormir la bouche ouverte, ça m'arrive, ou alors, je viens d'atterrir chez des gentils fous.

    -Suivez-moi. Enfilez ces patins.

    -Pourquoi ?

    -Pour ne pas abîmer le sol et parce que vous avez peut-être toutes sortes de champignons néfastes qui prolifèrent entre vos doigts de pieds

    -Ils n’oseraient pas. Où allons-nous ?

    -Au bain. Vous ne pouvez pas entrer chez nous sans vous purifier.

    -Je vois ! Vous êtes un ange et je suis au paradis. J'ai touché une barrière électrique mise là pour protéger les vaches qui ne sont pas encore folles, ou certains secrets d'état, ou peut-être encore une fontaine nucléaire qui va arroser l'hémisphère sud et maintenant je suis mort.

    -Les morts ne marchent pas vers les bains.

    -J'insiste pour avoir une réponse.

    -Vous parlez toujours autant ?

    -J'aime savoir.

    -Les morts ne parlent pas. En route nous sommes en retard.

    -En retard pour quoi ?

    -Vous êtes attendu.

    -C'est bien la première fois.

    Comme mon guide allonge le pas je le suis sur les patins de fibres tressées, et ça glisse comme sur un miroir. Je patinais dans le temps, sur la mare gelée du village, mais je prenais mon temps. Et me voilà m’agitant comme un décathlonien : pied gauche, pied droit, pied gauche, pied droit, serrant ma serviette de bain d'une main, battant l'air de l'autre. J'ai l'impression de courir dans un couloir de métro qui s'enfonce vers le centre de la terre. Je souffle comme un phoque, moi, je ne cours jamais, je marche, je prends mon temps.

    -Et bien marchez, personne ne vous demande de courir.

    -Ah! Parce que vous lisez aussi dans mes pensées.

    -Ce n'est pas très difficile. Nous y voilà. Vous pouvez prendre une pause.

    -Je n'ai pas besoin d'une pause, j'ai besoin de ma caméra, ma bonne vieille Leica qui connaît ma main et que ma main connaît. Où est ma caméra ?

    -Vous parlez trop, vraiment trop.

    -C’est la salle de bains ?

    -Un peu simpliste ne croyez-vous pas ? C’est la salle de purification. Vous commencez par cette vasque pour vous gratter le cuir avec le crin naturel, la saponaire est dans la coupe sur le bord, vous vous rincez dans la deuxième, et vous sortez par la troisième.

    -Le bain c’est sérieux chez vous, chez moi je prends une douche, pour économiser l’eau de la planète, et je fais vite, six minutes pas plus. Ma grand-mère disait que de trop se laver détruisait les protections de la peau.

    -Elle devait puer votre grand-mère.

    -En y pensant, vous avez raison, je ne dirais pas puer, mais elle sentait la civette ça c’est sûr. Et après le bain, c’est le casse-croûte ?

    -Vous avez un problème de comportement, vous posez trop de questions.

    -Ah ! Bon ! Mais je crois qu’on m’a déjà fait cette réflexion.

    Quand je me retourne il n'est plus là, il a disparu. Je suis seul dans ce décor genre péplum, genre Dolby Surround, genre navet technicolor, genre plâtre et carton pâte Ciné Citta. Je tourne sur moi-même horrifié : d'où va venir le son qui va me détruire les tympans ? Je n'entends que le son feutré d'eau qui s'écoule, qui cascade. J'allonge la main, ce n'est pas du plâtre, c'est froid et lisse, c'est merveilleux.

    La salle de bain est faite de marbre blanc et de mosaïque d’or, j'en cligne des yeux tant ça brille. Il y a trois bassins : un ou l'eau chaude fume, dans l'autre l'eau tiède est brassée de bulles, dans le troisième l'eau coule en cascade de la bouche d'un dauphin de bronze. Je saute dans le premier bassin et je ressens ce que doit ressentir le homard quand on le plonge dans l’eau bouillante. Je pousse des Hou  et des Ha pendant que je me brosse le cuir avec une poignée de fibres qui grattent comme une râpe à fromage, la coupe de saponaire - c’est ce qu’il a dit, - l’attendant des bains -, sert de savon, c’est doux et ça sent comme une forêt après la pluie. Je sors de là rouge vif et me glisse dans le second bassin. L’eau est tiède et parfumée, des bulles montent du fond et s’échappent des parois, j’ai le sentiment de me baigner dans un grand verre de champagne et en catimini, j’ose laisser échapper une bulle à moi, juste une petite. Quand je me jette tête première dans la troisième vasque après les deux autres bassins, je pousse un cri tant l'eau est glacée, la cascade qui sort de la bouche du dauphin vient sûrement du pôle Nord, j’en grince des dents. Je ne suis définitivement pas mort et je me sens tout ragaillardi. Subitement, il est là, il tient ma serviette de bain comme une bannière pour me faire signe que le bain est terminé. Je dois être assez purifié.

    - Séchez vos cheveux, et votre nez, on ne veut pas de gouttes partout.

    - Bien sûr que non, ça va de soi. Nous refaisons le chemin pour retrouver le dortoir. Pied gauche, pied droit, pied gauche, pied droit. Je renifle pour garder les dernières gouttes d’eau dans mon nez. Mon surveillant plie la serviette de bain sur son bras et me montre mes nouvelles frusques. Tout en m'habillant je regarde atour de moi. La pièce est longue, étroite, il y a des ouvertures comme des fentes dans le mur qui me fait face et le soleil y coule à flots, des poussières montent et descendent dans la lumière comme des points incandescents. Mon baldaquin n'est pas le seul, ils sont superposés sur trois étages, chacun avec son rideau à glissière comme dans les trains à couchettes des années trente. Les lits s'alignent ainsi jusqu'au fond de l'immense couloir.

    -Je n’ai pas de mouchoir.

    -Inutile d’en avoir. Les mouchoirs sont interdits.

    -On se sert des doigts comme dans certains pays ?

    -Nous allons traverser la porte qui efface les habitudes dégoûtantes et vous n’aurez plus jamais besoin de mouchoirs, de cure-dents, de cure-oreilles et autres outils dévastateurs.

    -Puis-je vous poser une question indiscrète ?

    -Ce sera la dernière.

    -Cette porte elle s’occupe aussi de, enfin vous devez me comprendre à demi-mot, les accidents ça arrive.

    -De quoi parlez-vous ?

    -Vous, vous devez être là depuis longtemps ! Vous avez oublié le papier toilette, les tissus, les lingettes imprégnées et parfumées, les poo-poo bébé et autres commodités.

    -Je vois. Les coins de confort, sont dotés d’asperseurs d’eau tiède et de jets d’air asséchant. Ici on ne tolère pas les papiers toilette dégoûtants et les sphincters qui s’abandonnent.

    -Ou-là ! C’est joli ça, des sphincters qui s’abandonnent, je n’y aurais jamais pensé. Alors, on a le cul lavé et séché sans qu’on y mette les doigts. J’appelle cela le progrès et une grande surprise.

    -Vous êtes vraiment écœurant ! Vous n’êtes pas à la fin de vos grandes surprises. Je dois vous mener au jardin du confort, vous avez droit à une visite par jour pas plus.

    -Vous devez savoir que la péristaltique de 3 heurs du matin est normale, généralement, le premier café du matin s’occupe du reste.

    -Vous en savez des choses sur les mauvaises habitudes des humains qui arrivent ici et veulent tout changer.

    -Je pose des questions c’est tout ! Et si mon transit intestinal, qui est pour le moins erratique, et pour le plus, désorganisé, se manifeste que dois-je faire ?

    -Il faut faire une demande officielle, mais après quelques jours de diète, adaptée et adoptée démocratiquement dans notre beau royaume, une visite par jour sera suffisante, on vous donnera un laissez passer pour le jardin du confort, et vous devrez y aller toujours à la même heure.

    -Et s’il y a la queue, comme dans les arrêts de bus ou dans les aéroports ?

    -Voici votre cabine confort, N° 86, retenez le numéro sur la porte, entrez et soulagez-vous.

    Et comme c’est bizarre ! Cette envie barbare de s’accroupir sous un arbre, derrière un bosquet, ou dans le caniveau comme un Teckel, vous quitte brusquement. Vous n’avez plus envie. Le transit est en grève, il sait que votre gardien vous attend appuyé à la porte du N° 86, et il a peur de faire entendre bruyamment vos boyaux qui se tortillent. Et pourtant ! La cabine est petite mais d’une propreté rare, le sol est en pierre, les murs en briques façonnées de toutes les couleurs, il n’y a pas de toit. Au-dessus de la cabine c’est le ciel bleu, comme en Bretagne quand il fait beau. Le siège est assez haut, confortable, mon caleçon de néophyte autour des chevilles je m’installe. Un bruit sourd monte du sol, et je n’ai pas le temps d’analyser la situation que me voilà ventousé au siège. Je ne peux plus me lever. Un énorme aspirateur me retient de force, une fanfare de cuivre et de tambours me saute sur la tête, assourdit par la musique martiale je peux faire tous les bruits réservés aux bipèdes. Je pensais que tout était fini, mais que non ! L’aspirateur aspire plus fort, et du siège montent des jets d’eau chaude qui me lavent dans tous les recoins, puis vient des bouffées d’air tiède parfumé qui sèchent tous les replis humides, et c’est seulement après séchage que me lâche la ventouse ! Je me lève, enfile mon caleçon, et les genoux tremblants, je pousse la porte. Mon gardien m’attend près du chemin. Il vérifie que mon nez ne coule plus.

    -Vous en avez mis du temps, vous vous êtes endormi ?

    -Endormi ? Vous avez entendu cette fanfare ?

    -Quelle fanfare ? Je n’ai rien entendu et nous sommes en retard.

    -Amusant, la fanfare pour couvrir les pétarades humaines, et les petits extras sont assez surprenants.

    -Il faudra vous y habituer, ici, c’est comme ça : la propreté partout pour éviter les maladies.

    Je me sens léger et propre, j’ai les fesses parfumées comme un bébé, le ciel est bien bleu, léger comme un lavis d’aquarelle, ce n’est pas un décor de théâtre et je commence à m’habituer aux sandales de raphia et aux vêtements de figurant pour le dernier clap de ‘Jules César le conquérant.’

    -Après la porte je vous laisse.

    -Vous me laissez où exactement ?

    -Dans l’antichambre des bureaux de l’immigration.

    -Hé! Ho! Je suis chez moi ici, et je n’attrape que des papillons.

    -Vous n’êtes plus chez vous. Vous êtes entré frauduleusement dans un monde parallèle. Ce n’est pas votre terre, et ici, les papillons sont protégés. Les déranger, où même tenter d’en capturer un est une offense punie sévèrement.

    -Que va-t-on me faire ? M’épingler sur un bouchon ? Sur la place publique ?

    -Ce n’est pas une mauvaise idée, il faudra une grosse épingle et un gros bouchon, mais nous avons de merveilleux artisans qui se feront un plaisir de punir un chasseur de papillons qui pose trop de questions. Suivez-moi. Dit mon hôte avec un grand sérieux.

    -Où allons-nous?

    -Vous préparer à prêté allégeance à sa Majesté le Roi. C'est la tradition, tout nouvel arrivant doit d’abord être soumis à un interrogatoire, la sécurité du territoire en dépend.

    -Je m'excuse, mais puis-je me permettre de souligner que je ne…

    -Gardez vos idées claires pour vous expliquer. Je ne suis là que pour vous aider dans vos premières démarches. Je suis votre accompagnateur du premier jour.

    -Quelles démarches? J'ai fait des démarches toute ma vie : carte d'identité, passeport, visas, crédits, carte de photographe, le RMI, le CMU, le RTL, la FO et la CGT, la CFDT et le RTT, et ADSL, et le CIA, et la DGSC, et j’en passe ! J'en ai plein les chaussettes de démarches…

    -Le grand Chambellan va s'occuper de vous maintenant. Vous dormirez dans le centre d'accueil pendant quelques jours.

    -Combien de jours ?

    -C’est à vous de voir. Voici le Grand Secrétaire. Je vous laisse.

    -Hé ! Ne partez pas si vite ! Où est ma caméra ? Ma Leica je la veux !

    -Saluez le Grand Secrétaire !

    Je salue de la tête. Moi, les secrétaires, de partis, de bureau, d’organisations, grands ou petits, je n'en ai rien à frire, tous des empêcheurs de danser en rond et je me méfie du meilleur. Après une courbette au gars minuscule qui vient de se pointer, mon accompagnateur file comme un lapin un jour de chasse. Je me sens un peu ridicule dans ma tunique de néophyte, les sandales de fibre sont neuves et je sens une ampoule qui se gonfle, toujours à la même place : sous l'os de la cheville près de la boucle, là où ça frotte. Sous la tunique, j'ai enfilé mon caleçon qui m'arrive à mi cuisses; le tissu beige pâle est très doux à la peau, mais la ceinture est trop serrée, ça me pince à la taille. Je me tortille un peu pour être plus confortable. Je n'ai jamais porté que des vêtements de coton amples qui touchent à peine ma peau, je les achète par douzaines dans une petite rue de Delhi en Indes. Je déteste la laine qui gratte, les étiquettes qui piquent, les fermetures éclairs qui coincent, le nylon qui pue, je n'aime pas être engoncé quand je prends des photos, et je dois avoir les bras libres pour fouiller dans mes poches à tout moment. Comme tous les gens qui ne sont pas chez eux, et qui sont en présence d’un Grand Secrétaire, je me tiens droit dans mes sandales de raphia et j’attends. J’attends. J’attends comme on doit toujours attendre devant les autorités. Inutile de me trémousser le Secrétaire est occupé à gratouiller dans un immense livre de comptes. Et il gratouille avec une plume d’oie ou de dindon, mais une plume arrachée au croupion d’un volatile quelconque.

    Chapitre 2

    J’attends dans cet immense bureau pendant que le GS qui porte des vêtements dignes du Carnaval de Venise consulte ses listes. Il a appuyé ses coudes sur son lutrin de bois sculpté, un bien beau lutrin qui repose sur une base de marbre bleu turquoise. Il n'est pas d’ici le GS, il est couleur de terre cuite, son turban est posé sur des cheveux très noirs et ses yeux son immenses et tristes comme des yeux d’éléphants. Pour atteindre le lutrin il se hisse sur un petit banc, il tient sa plume d'oie, fait un grand geste, et pour un instant, je l'imagine battant la mesure pour un orchestre invisible. J'entends sa respiration, il a dû courir pour arriver ici. De temps en temps il fait des petits bruits de bouche: Tut-tut, tschh-tschh. Il doit lire quelque chose qui le chagrine. J'espère que ce n'est pas ma présence qui le chagrine ! Moi, je peux repartir d'ici illico presto; qu'on me rende ma caméra, mes vieux habits et mes godasses usées d'abord ! Je promets de plonger dans la barrière de lumière tout seul, même si ça fait mal au crâne. Et puis j'ai faim, alors j'aimerais bien un petit plateau garni avant de filer en douce. Comme je suis debout à ne rien faire et que j'ai ça en sainte horreur, je regarde autour de moi voyant en imagination les photos superbes que je pourrais faire.

    C'est d'un luxe assourdissant. Sur le sol de granit noir s'étalent des tapis merveilleux. Des tapis venus de pays lointains qui portent dans leurs couleurs tous les soleils couchants des déserts. Combien de doigts de femmes avaient noué les laines teintes de pourpre et de safran, de cobalt et de garance ? Combien de mains de fillettes avaient cardé les laines naturelles des moutons noirs, noirs comme les yeux des

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