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Le Mîlenarium: Un roman futuriste plein de rebondissements
Le Mîlenarium: Un roman futuriste plein de rebondissements
Le Mîlenarium: Un roman futuriste plein de rebondissements
Livre électronique281 pages3 heures

Le Mîlenarium: Un roman futuriste plein de rebondissements

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À propos de ce livre électronique

Dans un monde futuriste et anarchique, un adolescent sans défense et sans mémoire devra lutter pour sauver sa vie…

En 2049, les villes romandes ont été abandonnées au profit de Lemania, mégapole peuplée de robots et d’humains améliorés. Alors que l’année scolaire se termine, les élèves du gymnase Wawrinka partent à la découverte du Mîlenarium, une île artificielle érigée au milieu du Léman. Quand la journée porte ouverte dégénère en une gigantesque prise d’otages, un petit groupe d’étudiants se réfugie dans les sous-sols du bâtiment.
Parmi eux, Eliott, un adolescent amnésique depuis trois ans. Face au danger, le jeune homme va révéler une capacité aussi insoupçonnée qu’inquiétante à éliminer ses adversaires. Commence alors une impitoyable lutte pour la survie dans les entrailles du Mîlenarium.

Un premier roman de science-fiction haletant et bien mené !

EXTRAIT

Ploc, ploc, ploc, ploc.
Le tempo régulier des gouttes d’eau qui frappent ma joue me ramène à la vie. Le bitume contre mon dos est gelé et le frisson qui me parcourt fait résonner une onde de souffrance à travers chacune des particules de mon corps.
Avec prudence, j’entrouvre un oeil.
Le premier rayon de soleil me brûle la rétine et la lumière transperce mon crâne de douleur.
Le crépi d’une façade subsiste sous mes paupières.
Deuxième tentative : ma main me sert de visière pour atténuer le choc.
La ruelle est déserte, des montagnes de déchets s’entassent contre les bâtiments et une vieille gouttière rouillée suinte au-dessus de moi.
C’est quoi, cet endroit de merde ?

À PROPOS DE L'AUTEUR

Fabien Feissli est un auteur de polars originaire du canton de Vaud. Pour son entrée dans la science-fiction il nous offre le début d’une œuvre ambitieuse et rythmée, destinée aux adolescents, mais pas seulement.
LangueFrançais
ÉditeurCousu Mouche
Date de sortie20 déc. 2017
ISBN9782940576326
Le Mîlenarium: Un roman futuriste plein de rebondissements

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    Aperçu du livre

    Le Mîlenarium - Fabien Feissli

    Épilogue

    Mon cœur bat toujours. Il est brisé, mais je survivrai. J’en veux à tout le monde : à Sandro, aux flics qui s’excitent pour rien sur la plage, et à moi-même. Étendu dans le sable, les bras en croix, je ne peux esquiver la question. Où ai-je foiré ?

    Autour de moi, c’est un véritable champ de bataille. II y a des corps dans tous les sens, des débris métalliques dans tous les coins. Impossible de dire à qui appartient quel morceau.

    Les médecins s’inquiètent pour mon nez, ma joue et mes côtes. J’ai aperçu mon reflet dans le pare-brise d’un hélicoptère, je fais peur à voir.

    Mais la douleur ne m’intéresse pas, je n’ai pas le temps pour ça.

    L’étincelle de haine qui a brillé au fond de mes entrailles ces deux derniers jours s’est embrasée.

    Hier, j’aurais donné n’importe quoi pour rentrer à Lemania avec Marion, Maxens, Sandra et les autres. On se serait installés dans ma chambre, devant le gymnase ou au Perfect Chicken. Maxens nous aurait fait rire avec ses blagues stupides, Marion m’aurait adressé un de ses sourires lumineux.

    Et cela m’aurait suffi. Nous aurions occulté ce cauchemar ou en tout cas fait semblant.

    Mais le Mîlenarium est maintenant gravé dans ma chair. Aucune chance que je l’oublie une seule seconde. À moins de perdre une nouvelle fois la mémoire.

    Car tout commence par une amnésie.

    Je ne peux donc pas vous raconter cette histoire en entier, seulement la partie dont je me souviens.

    Mais c’est un bon début.

    Ensuite, nous pourrons parler de ce qui m’intéresse vraiment.

    Ma vengeance.

    Prologue

    Ploc, ploc, ploc, ploc.

    Le tempo régulier des gouttes d’eau qui frappent ma joue me ramène à la vie. Le bitume contre mon dos est gelé et le frisson qui me parcourt fait résonner une onde de souffrance à travers chacune des particules de mon corps.

    Avec prudence, j’entrouvre un œil.

    Le premier rayon de soleil me brûle la rétine et la lumière transperce mon crâne de douleur.

    Le crépi d’une façade subsiste sous mes paupières.

    Deuxième tentative : ma main me sert de visière pour atténuer le choc.

    La ruelle est déserte, des montagnes de déchets s’entassent contre les bâtiments et une vieille gouttière rouillée suinte au-dessus de moi.

    C’est quoi, cet endroit de merde ?

    Péniblement, je me retourne.

    Je crève de soif. Du bout de la langue, je lape un peu d’eau sur le sol.

    Elle a un arrière-goût d’urine, mais ma gorge adore.

    Sérieux, qu’est-ce que je fous là ?

    Je m’assieds et je me détaille de la tête aux pieds : une impression de jamais vu.

    Du bout des doigts, j’effleure mon torse couvert de plaies et la douleur m’arrache un cri.

    Mes bras sont tout aussi amochés, mon poing droit est serré si fort que mes ongles m’ont entaillé la paume. Quand j’entrouvre la main, un bracelet en plastique bleu tombe sur le bitume. Il est maculé de sang.

    Le mien ?

    Aucune idée, je ne me souviens de rien…

    Un désespoir infini m’envahit. J’aimerais que tout s’arrête, me rendormir, ne plus penser.

    Je ferme les yeux.

    Le sol de la ruelle se rapproche à toute vitesse et mon cœur s’emballe. Je ne respire plus, mes membres se débattent inutilement dans les airs pour ralentir ma chute.

    Plus que quelques mètres.

    Mes muscles se raidissent encore davantage et je lève mon avant-bras pour me protéger.

    Je rouvre les yeux. Au bord de l’étouffement, je happe une grande bouffée d’oxygène.

    Au moins, on sait comment j’ai atterri là…

    Et avant ça ?

    Rien, le blanc complet. Ma mémoire semble désespérément vide.

    Je me passe la main dans les cheveux, ils sont mi-longs et blonds. J’en suis presque étonné.

    Une seule séquence tourne en boucle dans mon cerveau : la chute.

    Je regarde le sommet des bâtiments. Je n’ai pas pu tomber d’aussi haut, je serais mort.

    Peut-être d’une fenêtre ? Elles sont toutes fermées et certaines sont même condamnées par des planches.

    Je me laisse tomber en arrière sur le sol, je n’ai plus qu’à me laisser mourir ici. Si ça se trouve, c’est ce que je voulais.

    Me suicider.

    Les secondes puis les minutes s’écoulent. Je suis bien, allongé sur le béton humide, les yeux fermés. Mes muscles se détendent et je ne sens plus rien, ni le froid, ni la douleur.

    – Ça va ? souffle une voix de femme au-dessus de moi.

    Je sursaute, une décharge d’adrénaline me parcourt l’échine. Par réflexe, ma tête rentre dans mes épaules.

    – Mais que t’est-il arrivé ? Tes parents sont là ?

    Le ton semble amical, la voix est douce et enjouée même si je perçois une pointe d’inquiétude.

    – Tu habites près d’ici ? insiste-t-elle devant mon manque de réaction.

    Bonne question. Dans le doute, j’émets un grognement.

    La femme s’approche et s’accroupit. Je sens que sa main se tend vers moi. Elle reste suspendue à quelques millimètres de ma peau, hésite.

    – Tu as bien un prénom, au moins ?

    Je soupire, si seulement je pouvais m’en souvenir !

    Ses doigts effleurent mon épaule avec douceur et mes larmes roulent sur mon visage.

    Leur goût m’est étrangement familier.

    Chapitre 1

    – Capitale de l’Érythrée ?

    – Asmara

    – De l’Égypte ?

    – Le Caire.

    – Des Bahamas ?

    – Nassau.

    Les questions de la vieille femme fusent, les réponses du petit garçon aussi. Enfin, quand je dis « le petit garçon », je parle de moi. Je dois avoir sept ou huit ans, les yeux bleu foncé et les cheveux blonds coupés très court. Mon nez se fronce quand je réfléchis, aucun doute, c’est moi.

    Je suis collé au plafond avec une vue plongeante sur mon jeune moi, assis bien droit sur une chaise en bois au centre d’une salle de classe. Tout en parlant, la femme fait les cent pas sur le parquet en bois massif. Vous suivez ?

    Mes rêves sont parfois étranges.

    La pièce est immense. Recouverts d’une protection transparente, une quarantaine de pupitres sont alignés contre les murs.

    – Population de l’Uruguay ? continue-t-elle.

    – 4 343 932, selon le dernier recensement.

    – De la France ?

    – 85 258 512, selon le dernier recensement.

    – PIB de l’Indonésie ?

    – 974 milliards de dollars.

    Soudain, une main serre mon épaule et la salle de classe s’évanouit. L’obscurité dure une interminable seconde.

    Quand j’ouvre les yeux, je fais face à une baie vitrée. La vue sur la forêt environnante est à couper le souffle.

    – Qu’est-ce que Sandro a répondu ? demande un homme dans mon dos.

    La voix me fait frissonner et une peur primaire m’envahit. Déraisonnable, excessive.

    Je veux répondre que je n’en sais rien, mais ma gorge se ferme. Impossible de respirer, une poigne de fer me tord le ventre.

    Je me suis réveillé en sursaut.

    Du doigt, j’ai désigné la lampe de chevet. La lumière a envahi la pièce et j’ai été obligé de refermer les yeux. Sous mes paupières, j’ai revu la baie vitrée, la forêt.

    Encore ce putain de rêve.

    C’était quoi, cette question débile ?

    – Comment je saurais ce que Sandro a répondu ? Je ne sais même pas qui est Sandro…, ai-je murmuré pour chasser les dernières bribes du cauchemar.

    Les psys bardés de diplômes et de bons sentiments, que j’avais consultés par dizaines, pensaient tous que c’était un souvenir d’avant.

    Avant l’amnésie.

    À quoi ressemblait cet avant ?

    Alors là, pas la moindre idée, aucun d’entre eux n’avait pu m’aider. Ce n’était pas à ça que servait la thérapie, selon eux.

    À quoi servait-elle ? Je préfère ne pas m’exprimer.

    Tout le monde était persuadé qu’il y avait eu un avant. Moi, je n’en savais rien, mon souvenir le plus ancien datait de trois ans : la ruelle pourrie.

    Qu’est-ce qui me prouvait qu’il avait bien existé, cet avant ?

    – Il est 7 h 25, a chantonné la voix féminine d’Eva, mon intelligence artificielle personnelle. Eliott, il faut vous lever, je vais ouvrir le store.

    Après un déclic sonore, la lumière du jour a filtré dans la pièce.

    – Nous sommes le mercredi 12 mai 2049. Joyeux anniversaire, Monsieur ! Le ciel est couvert, mais il ne devrait pas pleuvoir. Ce matin, vous avez un test d’allemand et cet après-midi…

    – Merci, Eva, ai-je coupé d’un ton abrupt. C’est bon, je me lève.

    Mon Songeur a glissé sur le coussin. Quelle daube ! J’avais claqué la moitié de mes économies pour ce bandeau censé me permettre de sélectionner mes rêves.

    Hier soir, j’avais opté pour un cocktail sur une plage de sable blanc, entouré de mes top-modèles préférées. Je vous jure qu’elles ne ressemblaient en rien à la vieille qui m’assaillait de questions dans la salle de classe.

    J’ai tâtonné sur ma table de nuit à la recherche de mon bracelet de communication. Je l’ai frôlé du bout des doigts et il s’est enroulé autour de mon poignet. Le carré de l’écran tactile s’est projeté sur mon avant-bras. D’un œil encore endormi, j’ai parcouru mes nouveaux messages.

    Sur Faces, la plupart de mes amis partageaient la même info : une bimbo-chanteuse quelconque avait mimé un acte sexuel en plein concert. J’ai fait défiler les photos, impossible de me souvenir de la moindre de ses chansons.

    En revanche, j’ai découvert ses fesses sous toutes les coutures.

    – Monsieur, il faut vous lever, a répété Eva.

    Assis au bord du lit, j’ai pointé la porte du doigt, et elle a coulissé en douceur.

    Courage.

    Après m’être traîné jusqu’à la salle de bains, j’ai glissé le robot-brosse à dents dans ma bouche. M’observant dans le miroir, je me suis recoiffé d’un geste de la main.

    Pas la peine de jouer les faux modestes, la nature m’avait gâté : 188 centimètres pour 85 kilos, je suis plutôt bien bâti pour mon âge. Dix-sept ans depuis aujourd’hui. Bien sûr, je fais du sport, mais on ne m’enlèvera pas de la tête qu’il y a quelque chose de génétique.

    L’acné, par exemple. Malgré tous les progrès technologiques, la plupart de mes camarades de classe sont encore ravagés par ce fléau. Moi, pas la moindre trace, une peau de bébé.

    De quoi faire chialer Dame Justice.

    Plus que tout, j’étais fier de mes yeux d’un bleu foncé indescriptible.

    – Aïe, ai-je grimacé.

    La brosse à dents venait de punir ma vanité, cette saleté s’acharnait sur mes gencives.

    J’ai craché le robot dans le lavabo et l’ai observé tourner sur lui-même au milieu de ma salive ensanglantée.

    Pendant une seconde, j’ai revu le bracelet bleu taché de sang serré dans mon poing.

    J’ai fermé les yeux.

    Le sol de la ruelle s’est rapproché dangereusement et mes muscles se sont raidis. Trois ans et des heures de thérapie plus tard, cela me faisait toujours le même effet.

    – Monsieur, il faut vous dépêcher, a sifflé Eva.

    – C’est bon, ai-je grogné.

    Comme si une maman ne suffisait pas, ils en avaient créé une version électronique.

    Et on payait pour ça.

    J’ai enfilé le T-shirt qui traînait à l’entrée de ma chambre et décrété que l’odeur était encore supportable. En plus, je l’aimais bien.

    – Commande-moi un Minitro pour dans cinq minutes devant la porte, ai-je ordonné à Eva avant de m’élancer dans l’escalier.

    En bas, la mélodie de Just The Way You Are résonnait dans la cuisine. Comme toujours, Chloe chantonnait par-dessus la musique.

    Chloe, c’était 162 centimètres et 57 kilos – du moins, c’est ce qu’elle assurait – de bonne humeur. Le tout surmonté d’une chevelure rousse bouclée.

    C’est la première chose qui m’avait marqué quand elle m’avait aidé à me relever dans la ruelle : le volume de sa tignasse.

    Dès le lendemain, elle m’avait accueilli de manière provisoire. Mais comme j’étais incapable de me souvenir de quoi que ce soit, que je n’avais aucun papier sur moi et que les différents appels à témoins n’avaient rien donné, la situation avait fini par s’éterniser. Au point que Simon, son mari, et elle-même avaient fait une demande d’adoption.

    Depuis dix-huit mois, j’étais officiellement leur fils unique.

    Ils découvraient le rôle de parents tandis que je me réhabituais à celui d’enfant. Et la situation était compliquée pour tout le monde.

    Je n’avais rien oublié des gestes du quotidien. Je savais me servir d’un bracelet de communication et de n’importe quelle technologie sans aucun souci. En revanche, j’étais complètement perdu face à la complexité de la vie de famille. Même si j’étais reconnaissant envers Chloe et Simon de leur gentillesse, leur intérêt pour moi et leurs questions continuelles me mettaient mal à l’aise.

    Très souvent, je n’avais aucune envie d’y répondre. J’ignorais à quoi ressemblaient mes parents biologiques, mais ils ne m’avaient visiblement pas habitué à autant d’attention.

    – Pourquoi tu écoutes encore cette vieillerie ? ai-je lâché en entrant dans la cuisine.

    – Bonjour, a souri Chloe en se tournant vers moi. Joyeux anniversaire, mon chéri. Comment vas-tu ce matin ? On commence par là, il me semble.

    Elle m’a contemplé quelques secondes dans l’espoir d’une réponse.

    – Ma mère adorait Bruno Mars ! a-t-elle finalement repris sans se départir de sa bonne humeur. On l’écoutait tout le temps. Un peu de culture musicale te ferait du bien.

    J’ai pointé du doigt la vieille chaîne stéréo et l’appareil s’est tu immédiatement.

    – Mais j’ai de la culture musicale, tu vas voir. Eva, j’aimerais écouter Michael Jackson.

    – Quel titre, Monsieur ?

    – Va pour Beat it.

    Alors que les premières notes résonnaient dans la cuisine, j’ai esquissé quelques pas de danse. Le rythme dans la peau, encore un don de la génétique.

    J’ai ramassé mon pull à capuche sur une chaise, mon préféré. Presque du même bleu que mes yeux.

    En riant, Chloe m’a servi un bol de céréales et en a renversé la moitié par terre. Sans interrompre ma chorégraphie, j’ai tapé dans mes mains et l’aspirateur s’est mis en marche.

    – Bon, Michael, rends-moi Bruno Mars, a ordonné Chloe quand j’ai eu englouti mes cornflakes.

    J’ai haussé les épaules et demandé à Eva de transférer la musique dans mes écouteurs sans fil.

    À peine le silence était-il revenu dans la cuisine que j’avais déjà disparu dans le couloir.

    – Ton bol ! a hurlé Chloe alors que je franchissais le seuil.

    J’ai claqué la porte en faisant mine de ne pas avoir entendu et j’ai respiré un grand coup. Alors, qu’est-ce que cela changeait d’être majeur ?

    Pas grand-chose, apparemment.

    Au bout de l’allée, la capsule arrondie et vitrée du Minitro m’attendait pour me traîner jusqu’au gymnase.

    J’ai rabattu la capuche de mon pull sur ma tête et je me suis engouffré dans le véhicule.

    Chapitre 2

    – Veuillez énoncer votre destination, m’a demandé la voix synthétique.

    – Gymnase Wawrinka, Lemania.

    – Calcul de l’itinéraire en cours.

    Longues secondes de suspens, les Minitros étaient prévus pour six personnes. Parfois, l’intelligence artificielle de la ville décidait qu’un détour s’imposait histoire d’embarquer un autre usager qui se rendait au même endroit que vous.

    – Pas d’autre demande sur votre parcours. Vous serez à Gymnase Wawrinka, Lemania, dans sept minutes. Bon trajet.

    Tant mieux. J’ai glissé mon doigt sous le cadran de mon bracelet de communication pour en sortir mon papier-écran. Le minuscule carré s’est illuminé et s’est automatiquement déplié dans ma main. Je l’ai arrêté à la taille d’une feuille A4.

    Dans le menu défilant, j’ai sélectionné mon cours d’allemand, les quelques annotations que j’avais dictées la veille sont apparues. Je n’allais pas aller loin avec ça.

    Le test prévu était une interro orale où un seul élève présentait une lecture qu’on devait tous préparer. Le choix de la victime était remis au hasard et à l’humeur du prof.

    Plutôt que de réviser, j’ai consacré quelques secondes à prier pour que ce ne soit pas moi. Peu de chance qu’un dieu quelconque fasse un geste, la seule fois où j’avais mis les pieds dans une église, c’était lors d’une balade avec Simon. On crevait de chaud et il faisait bien plus frais à l’intérieur.

    N’empêche, un miracle ne serait pas de refus.

    Serpentant en douceur parmi les autres capsules, mon Minitro a remonté l’avenue principale à toute allure. Chloe m’avait expliqué qu’avant il y avait des véhicules privés mais qu’ils étaient désormais interdits parce que leurs conducteurs humains causaient trop d’accidents.

    J’ai essayé de me concentrer sur mon papier-écran, mais en pure perte. Mon attention a vite dérivé vers l’extérieur.

    Peut-être parce que ma mémoire n’était vieille que de trois ans, j’étais encore fasciné par Lemania. Construits tous en même temps, les bâtiments se confondaient : six ou sept étages de haut, de grandes baies vitrées découpées dans une façade bardée de bois et des toits plats recouverts de potagers et de verdures. Pendant longtemps, j’avais eu de la peine à les différencier les uns des autres.

    Pour ajouter à ma confusion, les rues étaient rectilignes et se croisaient à angle droit.

    La cité avait été pensée pour accueillir toutes les nouvelles technologies : un système de transport efficace, des maisons intelligentes et un service de voirie automatisé.

    Le minimum vital pour une ville correcte.

    Transformer Lausanne ou Genève aurait coûté une fortune. Les bâtiments n’étaient pas adaptés et certains habitants s’opposaient au changement. Par souci d’économie, les promoteurs immobiliers romands avaient donc décidé de faire sortir de terre une nouvelle métropole : Lemania.

    – Vous êtes arrivé, a annoncé la voix du Minitro en s’immobilisant devant le gymnase, un bâtiment en forme de L, presque entièrement vitré.

    En pénétrant dans la classe, j’ai senti le stress monter, comme une rockstar avant de grimper sur scène. Ou plutôt comme un condamné à mort avant son exécution. Vu le massacre programmé, peu de chance qu’une groupie me montre sa poitrine ou me jette sa culotte.

    Dos au tableau numérique, petite barbiche grisonnante, lunettes rondes et costard cravate beige, monsieur Kunfer était déjà assis à son bureau.

    Tête basse, je me suis avancé jusqu’à mon pupitre en essayant de faire le moins de bruit possible. Surtout, ne pas se faire remarquer.

    L’écran tactile incorporé à ma table ramait complètement, il ne fallait pas être pressé avec cette vieillerie. Normalement, je n’avais accès qu’à mes documents de

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