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Zone d'ombre tome 2
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Livre électronique538 pages6 heures

Zone d'ombre tome 2

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À propos de ce livre électronique

Certaines enquêtes mènent parfois beaucoup trop loin.

Quatre corps découverts sur une plage.
Aucun témoin, mais l'arme du crime, couverte d'empreintes. Celles d'un mort.

Une enfant de six ans, enlevée. Par le sosie du meurtrier décédé depuis neuf ans.

Lucie Cestac et Roy Bauer, agents de l'A.T., tentent de dénouer l'écheveau, d'appréhender l'incompréhensible.

Et s'il s'agissait d'un jeu grandeur nature ? Orchestré par un manipulateur hors normes ?

Quel lien existe-t-il entre tous ces évènements et le mystérieux projet Anthelion développé par Global Research, employeur du présumé meurtrier ?

Dans un monde connecté où la réalité virtuelle sature nos sens en permanence, que peut-on croire encore ?

Une course contre la montre
sur fond de dérives technologiques et d'Intelligences Artificielles.
LangueFrançais
Date de sortie9 oct. 2019
ISBN9782322186297
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    Aperçu du livre

    Zone d'ombre tome 2 - André Lanseman

    Présentation

    Certaines enquêtes mènent parfois beaucoup trop loin.

    Quatre corps découverts sur une plage.

    Aucun témoin, mais l’arme du crime, couverte d’empreintes. Celles d’un mort.

    Une enfant de six ans enlevée. Par le sosie du meurtrier décédé depuis neuf ans.

    Lucie Cestac et Roy Baueur, agents de l’A.T., tentent de dénouer l’écheveau, d’appréhender l’incompréhensible.

    Et s’il s’agissait d’un jeu grandeur nature, orchestré par un manipulateur hors normes ?

    Quel lien existe-t-il entre tous ces événements et le mystérieux projet Anthelion développé par Global Research, employeur du présumé meurtrier ?

    Dans un monde connecté, où la réalité virtuelle sature nos sens en permanence, que peut-on croire encore ?

    Une course contre la montre sur fond de dérives technologiques et d’Intelligences Artificielles.

    ANDRÉ LANSEMAN

    ZONE D’OMBRE

    TOME 2

    AUTREMONDE

    Ce livre est une œuvre de fiction. Les noms, les personnages, les lieux et les événements sont le fruit de l’imagination de l’auteur ou sont utilisés fictivement, et toute ressemblance avec des personnes réelles, vivantes ou décédées, des entreprises, établissements d’affaires, des événements ou des lieux serait pure coïncidence.

    © 2017, 2018, 2019 André Lanseman / Autremonde

    ISBN numérique : 978-2-322-18629-7

    Le livre a été imprimé sous les références :

    ISBN : 978-0-244-93292-3

    À ceux qui se reconnaitront… à tort,

    et ceux qui ne se reconnaitront pas… à raison.

    « La conception que tout individu a du monde est

    et reste toujours une construction de son esprit,

    et on ne peut jamais prouver qu’elle ait

    une quelconque autre existence. »

    Erwin Schrödinger

    (L’esprit et la Matière)

    DEUXIÈME JOUR

    L’empreinte

    « Souvenons-nous que ce que nous observons,

    ce n’est pas la Nature en soi,

    mais la Nature exposée à

    notre méthode d’investigation. »

    Werner Heisenberg

    (Physique et Philosophie) »

    CHAPITRE UN

    1.

    — Vite ! Il ne faut pas trainer !

    Le jour rendait l’âme. Les ombres noyaient peu à peu les formes environnantes, dévoraient les contours, digéraient les reliefs.

    — J’arrive, j’arrive.

    La grille se jetait à l’assaut du ciel nocturne pour leur barrer le passage. Gigantesque. Massive. Laide. À l’image de l’édifice sur lequel elle veillait. Obèse, révolu et disgracieux. Un monstre de mauvais gout architectural sculpté en ombre chinoise, sur le ciel torturé.

    Sur le mur en renfoncement, une petite plaque fixée à hauteur de visage émettait une faible lueur bleutée, fantomatique.

    Sans marquer d’hésitation, la jeune femme s’approcha du rempart dissuasif en fer forgé, seul passage possible pour atteindre le monstre, et pianota sur l’écran tactile. Un bourdonnement électrique suivi d’un petit « clac » à peine perceptible et la grille s’entrouvrit. Elle se faufila entre les deux battants, suivie de Nathan.

    — Dépêchez-vous, lui souffla-t-elle.

    — Je ne fais que ça ! répondit-il sur le même ton.

    Une large allée se déploya devant eux. Ponctuée d’arbres démesurés. Érables, chênes, sassafras ainsi que d’autres essences variées, qu’aucun des deux intrus ne reconnut. L’allée couverte de graviers rosâtres se faufilait, tel un serpent issu de légendes indiennes, jusqu’aux marches grises de la demeure.

    Gwendoline allongea le pas sans émettre le moindre bruit. Elle allait bon train, sans pour autant courir, afin de ne pas trop attirer l’attention. Au cas où ils seraient observés. Nathan la suivait de près, sans afficher la même assurance. Avec cette étrange sensation de progresser dans de la mélasse. Il n’était pas dans ses habitudes de pénétrer chez les gens (quels qu’ils soient) à leur insu. Et puis, l’endroit n’était pas franchement accueillant. On aurait dit la résidence secondaire d’un des arrière-petits-fils du comte Dracula !

    Ils atteignaient le milieu de l’allée lorsqu’une voix caverneuse les faucha sur place.

    — Eh ! Vous là-bas !

    Nathan sentit son énergie vitale chuter violemment vers ses pieds. Il n’aurait jamais dû se laisser entrainer dans cette histoire !

    Un homme émergea d’entre les arbres, comme par magie. Fusil de chasse à la main. Vêtements usagés. Le coude de son pull couleur de broussaille, trop large, était grossièrement rapiécé. Son jean arborait de larges taches de graisse le long des cuisses et le bas des jambes s’effilochait. Ses cheveux longs s’emmêlaient dans une barbe fournie et hirsute.

    Gwendoline se pencha vers Nathan, lui susurra à l’oreille.

    — C’est le gardien.

    Non, sans blague ?

    Si on lui avait posé la question, Nathan l’aurait plutôt décrit comme un sans domicile fixe brutalement réveillé par leur arrivée. Pas comme le concierge attitré d’un établissement comme celui-ci !

    Le gardien (puisque tel était le titre de cet individu) rappliquait, certainement alerté par l’ouverture de l’entrée. À moins que, tapis dans l’ombre, il ne les ait vus, Gwendoline et lui, se faufiler comme deux voleurs ? Même si l’accès était protégé par un digicode, il fallait bien se douter qu’il y aurait une présence humaine pour contrôler l’accès. Encore heureux, il n’était pas accompagné du rottweiler de circonstance !

    L’homme se dirigea vers eux d’un pas vif. Il darda des yeux soupçonneux sur le couple. Son regard passa de l’un à l’autre, plusieurs fois, avant de se fixer, scrutateur, sur Nathan. Il fronça un instant les sourcils puis, comme si, à l’image des bulles dans un verre de champagne, les réminiscences d’évènements lointains remontaient subitement de l’abime de ses souvenirs, son regard s’illumina.

    — Mince, c’est toi ? (Nathan resta figé comme une statue grecque.) Salut mon ami ! (Il lui adressa un large sourire, complètement incongru, glissa son fusil sous son bras droit et lui tendit la main gauche.) Si je m’attendais un jour à te voir ici ! Et à une heure pareille !

    Nathan fut pris de court. Que devait-il faire ? Comment devait-il réagir ? Un moment, il hésita, se demanda s’il n’était pas plus sage de repartir en courant.

    Un regard de biais vers Gwendoline. Elle semblait aussi tendue qu’une pouliche face à un crotale. Elle ne s’attendait pas, de toute évidence, à assister à une scène de retrouvailles. Gwendoline retourna un regard interrogateur vers Nathan (Vous le connaissez ?) qui le lui renvoya d’un revers à rendre jaloux un joueur de tennis professionnel (jamais vu de ma vie ! Qu’est-ce qu’on est censé faire dans ce cas de figure ?).

    Nathan tenta désespérément de décrypter les reliefs du visage du gardien. (Petits yeux cernés, regard franc, direct, nez planté légèrement de biais comme s’il avait reçu un coup dans son enfance, un visage en forme de ballon de rugby. Le reste était caché par la barbe et les cheveux.) Sans parvenir pour autant à mettre un nom dessus. Il ne voyait absolument pas qui cela pouvait bien être.

    Leçon numéro douze-bis de sa formation accélérée du bon petit manipulateur : toujours s’adapter à son vis-à-vis. Facile à dire !

    — Salut, mon… euh, ami, lança-t-il en retour, sur un ton qui se voulait enjoué, mais se révéla tout juste ridicule.

    Nathan ébaucha un mouvement machinal du bras droit pour lui tendre la main. Puis se reprit. Hésita à nouveau. Réalisa sa bévue. Le gardien ne lui présentait pas la main droite. Et pour cause !

    Nathan déglutit avec peine, sourit bêtement et tendit la main gauche vers celle du gardien.

    Dans un geste attestant d’années de pratique, le barbu lui happa la main. Du bout des doigts. Il lui plaqua les phalanges contre la paume de sa main en les serrant avec ferveur. Une sorte de signe de ralliement comme on en invente gamin. Le geste rapide et nerveux surpris Nathan qui faillit en perdre l’équilibre.

    — Tu bosses ici, maintenant ?

    Nathan tenta de balbutier une réponse crédible. Gwendoline vint à sa rescousse, d’un ton ne souffrant pas la discussion.

    — Non, c’est moi.

    Le gardien lâcha Nathan et se tourna vers Gwendoline.

    — Je n’ai pas l’honneur de vous connaitre ?

    — Je suis le docteur Tarvel.

    Il ouvrit de grands yeux surpris, brutalement mal à l’aise.

    — Oh, docteur, je suis confus. Je ne vous avais pas reconnue sans votre uniforme. Je veux dire, votre blouse et votre coiffure stricte. Enfin, je veux dire…

    Gwendoline leva une main apaisante.

    — J’ai compris. Pas besoin d’épiloguer. Vous êtes Erwan, c’est ça ?

    — Exact. Le surveillant de nuit. Il n’est pas dans vos habitudes de revenir à des heures aussi tardives ?

    — En effet. Je travaille sur un dossier avec monsieur Saudek, qui m’accompagne en tant que consultant. J’avais besoin de certains éléments dudit dossier.

    Erwan dessina un regard étonné saupoudré d’une once de suspicion éparse.

    — Ah bon ?

    Il regarda Nathan comme s’il pouvait voir à travers lui.

    Consciencieux le gars. Même lorsqu’il s’agit d’amis… présumés.

    Nathan sentit monter une tension interrogative entre eux. Fictive ou réelle ? En tout cas, il la sentait. La sueur lui inondait les aisselles comme après un sprint une journée d’été. Puis, Erwan se détendit. Sans pour autant le quitter du regard.

    — Faudrait se revoir pour boire un verre tranquillos et parler du bon vieux temps, qu’est-ce que tu en dis ? Enfin, à un autre moment, évidemment. Là, je suis en service.

    — Avec plaisir, sourit Nathan.

    Gwendoline enchaina, pressée de clore les effusions.

    — À présent, comme vous le faisiez remarquer, il est tard et j’aimerais ne pas perdre trop de temps.

    — Bien sûr, je comprends.

    Erwan reprit son fusil en main.

    — Bon, je retourne à mon poste. À la prochaine !

    Sur ce, il les laissa plantés là. Ils le regardèrent s’éloigner vers la grille pour la refermer. Le monstre de métal émit un couinement réprobateur avant de claquer des mâchoires.

    Gwendoline lança tout bas :

    — Vous le connaissez ?

    Nathan écarta les bras en signe d’impuissance.

    — Pas du tout. Je ne l’ai jamais vu auparavant. Enfin, je crois.

    Il décida de ne pas lui dévoiler la sensation ressentie l’espace d’un instant. Sensation de l’avoir déjà vu. Après tout, ce n’était même pas fondé.

    — Vous êtes toubib ici ?

    — Plus tard les explications. Vous venez ?

    Le moyen de faire autrement, maintenant ?

    Ils reprirent leur progression.

    L’ancienne bâtisse les écrasa de toute sa masse. Les pierres de façade leur crachèrent au visage leur fringante teinte beige. Sablées récemment, visiblement. Ils grimpèrent les sept marches de granite qui menaient à la lourde porte de bois ouvragée. La poignée en fonte, d’un noir d’ébène représentait un chat en train de feuler, toutes griffes dehors. Plutôt accueillant comme endroit ! Gwendoline appuya sur le bouton érigé sur le mur de droite et la poussa sans la moindre hésitation.

    La porte s’ouvrit avec un grincement sinistre. Nathan s’attendait à un envol brutal de chauve-souris. Il n’en fut rien.

    Mal à l’aise, il emboita le pas à la jeune femme.

    2.

    Global Research. Machine de guerre destinée à générer des flots d’argent frais capables d’arroser les plus difficiles d’accès. No man’s land juridique protégé par un copieux parapluie d’élus de tous bords. Entité œuvrant sur le fil du rasoir en permanence. Filiale n’affichant aucun atour extérieur ostentatoire. Caché dans un hôtel particulier, situé au cœur un secteur convoité.

    La juriste passa sa carte devant le contacteur. Une plaque métallique s’escamota sur un scanner palmaire.

    — Le fait d’actionner cette ouverture alerte notre centre de sécurité, commenta Balkin. Notre direction en sera immédiatement alertée.

    — Ne vous inquiétez pas pour ça, la rassura Roy. Tout a été fait dans les règles. Ils sont déjà au courant.

    Elle apposa sa main sur la plaque. Un grésillement électrique se fit entendre au niveau de la porte « art déco ».

    Le hall éclata son faste de marbre et de moulures dorées sous l’éclairage puissant. Et le regard impitoyable des caméras. L’équipe d’intervention en civil envahit les lieux, précédés d’un Vandel abattu et d’une Balkin sans superbe. Ils s’engouffrèrent dans l’ascenseur capable de recevoir cinquante personnes, ouvert par la carte de la juriste et se dirigèrent vers le sixième étage.

    — Votre pass ouvre l’accès à tous les étages ? s’enquit Yves Bonneau, enrôlé de force dans la supervision de la perquisition.

    Miranda Balkin opina du chef.

    — Je peux accéder aux différents étages de cet immeuble. Du moins, ceux dédiés à Global Research. C’est une exception due à mon statut. Les autres employés n’ont accès qu’à leur niveau. Ou comme Erwin, à deux niveaux, selon leurs fonctions.

    — Tous les étages ne sont pas occupés par Global ?

    — Non. L’un d’eux est destiné à notre fondation.

    — Ah oui, ironisa Lucie. Votre fondation d’aide aux déshérités. La vache à lait sociale permettant d’engranger les réductions fiscales. Une sorte de green washing, quoi. Et votre département création de sociétés façades dans les paradis fiscaux, c’est quel étage ?

    Balkin évita de répondre à cette pique plus ou moins justifiée. Il est toujours de bon ton pour une entreprise de ce niveau de posséder une division caritative. Quant à la création de sociétés offshore, l’activité n’avait rien d’illégal en soi.

    L’ascenseur les recracha dans le couloir du sixième étage qui s’illumina dès l’ouverture des portes. L’équipe de huit policiers de la section s’égailla immédiatement dans les bureaux.

    Balkin regarda stupéfaite l’équipe entrer dans les bureaux, débrancher les machines, fouiller les armoires.

    — Qu’est-ce que vous allez faire ?

    — Perquisitionner. Saisir les disques durs, tout ce qui peut être en rapport avec notre affaire de terrorisme.

    — Vous ne trouverez rien sur ces machines. Nous ne stockons rien ici.

    — Les disques durs et holo contiennent forcément des données, non ?

    — Mais ça n’a rien à voir avec…

    — Nous, nous allons dans votre bureau, trancha Lucie d’un ton sans réplique en direction de Vandel.

    Ils investirent le bureau morne et froid. Vandel s’installa devant son écran. Le réveilla de sa nuit en se plaçant devant le lecteur oculaire. Lucie et Roy s’installèrent de chaque côté. La juriste catastrophée resta debout à se ronger l’ongle du pouce.

    — Très bien. Maintenant, vous nous ouvrez les dossiers des missions de notre gars décédé, vous ne nous jouez pas le refrain de la création de profil impérative, on se logge sur vous, et vous nous copiez les infos sur disque.

    Vandel soupira.

    — Je peux vous les ouvrir. Mais ça ne changera rien au fait que je ne peux pas copier les données. Elles sont accessibles sur le serveur, mais non duplicables.

    — Tout disque dur peut être cloné, contra Roy.

    — Oui. Mais rien n’est stocké sur nos machines. Les saisir comme vous le faites ne servira à rien.

    — Il reste toujours des traces de données récupérables. Même non stockées sur vos machines, les informations y transitent. Et laissent leurs empreintes. Les logiciels d’effacement automatique sont faillibles.

    Vandel pianota. Les dossiers classifiés s’ouvrirent. Il se mit en retrait afin de laisser la place aux deux agents de l’A.T.

    Lucie s’empara du clavier et de la souris virtuels et se mit à fouiller consciencieusement. Une douzaine d’agents travaillaient pour Vandel. Chaque dossier comportait les éléments détenus par l’entreprise sur le passé de ses employés.

    La flic plissa les yeux, jeta un regard vers Roy. Signe de tête d’assentiment. Il remarquait le même chose. Les fiches étaient en tous points similaires à celles de leur base de données officielle. Or, Chtonic était réservé aux institutions judiciaires. Comment cette entreprise pouvait-elle accéder à ces informations ?

    Un fichier tenait l’emploi du temps de l’équipe à jour, en temps réel. Roy se redressa et posa le doigt sur l’écran. Lucie marqua le coup. Les deux flics se tournèrent vers Vandel.

    — Je pensais Leight Koontz décédé depuis neuf ans ? lança Roy. Rectifiez-moi si je me trompe, mais je vois là un emploi du temps s’étendant jusqu’au mois prochain !

    — Effectivement. C’est une projection fictive. C’est une méthode de travail que j’emploie afin d’optimiser coûts et déplacements.

    — En planifiant l’emploi du temps d’un mort ?

    — Monsieur Koontz n’a pas été remplacé. Et ne le sera pas. Ça me permet de dispatcher les plages horaires et missions sur d’autres enquêteurs.

    Lucie le fourragea du regard.

    — C’est tordu comme méthode, non ?

    — Donc, si je vous suis, emboita Roy en listant l’emploi du temps, Koontz serait présentement sur un dossier nommé Abaddon ? Je ne vois pas de réattribution du nom de dossier.

    — Vous permettez ? (Lucie se recula et Vandel se pencha sur le clavier. En trois mouvements, il juxtaposa un autre emploi du temps, puis se remit en retrait, bras croisés.) La mission a été partiellement réattribuée.

    Roy et Lucie prirent connaissance du fichier affiché. Lucie cliqua sur le dossier connexe. Une fiche signalétique type Chtonic s’afficha, ainsi que le contenu du dossier Abaddon. Elle le parcourut en diagonale et secoua la tête.

    — Ça, c’est « secret défense » ?

    Vandel hocha la tête.

    — Oui.

    — En quoi ?

    Vandel baissa la tête, tel un gosse pris en faute obligé de dénoncer ses copains pour ne pas se voir mis à pied.

    — Projet d’usine de retraitement nucléaire.

    — Et alors ?

    — Uranium à destination militaire.

    — Je comprends, mieux.

    Roy saisit la souris. Il venait de remarquer un détail.

    Sous l’œil attentif de Lucie, et celui paniqué de Vandel, il lista à nouveau les dossiers des équipes œuvrant pour Vandel. Douze personnes. Onze vivantes. Huit dossiers comportaient un logo spécifique. Une espèce d’aile courbe. Il cliqua dessus. Une fenêtre s’ouvrit au bout de deux secondes. Un avertissement. Le lien menait à un autre dossier. Inaccessible, sauf accréditation spécifique. La boite de dialogue ouverte annonçait sobrement : Anthelion et réclamait un code d’accès.

    Roy se tourna vers Vandel, soudain plus figé qu’un bloc de granite.

    — Vous pouvez me l’ouvrir ?

    Le chef de service déglutit.

    — Je… commença Vandel.

    — Pas de bobard, s’emporta Lucie, anticipant le bafouillage de rigueur. Vous possédez forcément l’accès. Ces types bossent pour vous.

    Vandel lança un regard éperdu vers la juriste restée debout contre la porte d’entrée. Hésita et d’une main mal assurée saisit son code.

    Le nom du dossier apparut. Mais resta inaccessible. Aucune boite de dialogue ne s’ouvrit malgré les multiples clics de Roy.

    — Comment se fait-il que je ne puisse pas l’ouvrir ?

    — L’accès est strictement limité.

    Lucie souffla pour marquer son agacement. Elle toisa le chef de service qui implorait la juriste du regard. Juriste au bord de l’apoplexie.

    Ils venaient de mettre le doigt sur quelque chose de pas très net.

    — Je vous l’ai déjà dit : rien à foutre !

    Yves pointa son nez dans le bureau, un collègue sur les talons, donnant involontairement un peu de temps aux employés de Global.

    — Tous les disques ont été répertoriés et embarqués. Ils vont avoir du mal à bosser. Je fais tout transférer au labo pour analyse immédiate. Il ne reste plus que ce bureau.

    — Génial, déclara Lucie. Nous terminons notre discussion avec monsieur Vandel et on empaquètera le matos.

    — Ça marche.

    Yves se retira dans le couloir.

    Roy revint vers Vandel.

    — Alors, c’est quoi ce dossier Anthelion à accès ultra limité ?

    Vandel serra les dents. Ses masséters jouèrent sous sa peau. Il se trouvait à la croisée des chemins. Céder à l’autorité judiciaire ou respecter les clauses de son contrat.

    — Un projet sans lien avec votre affaire.

    — À nous de décider, trancha Lucie. Ouvrez-le.

    — Je ne peux pas.

    — Vous ne pouvez pas ou ne voulez pas ?

    Vandel secoua la tête. Ferma les yeux.

    — Et vous ? lança Lucie vers la juriste.

    Les yeux de la femme s’ouvrirent démesurément.

    — Je n‘ai aucun accès aux dossiers des responsables de projets. Aucun.

    Roy se pencha vers Vandel, afficha son faciès le plus menaçant.

    — Vous risquez la prison à vie, en jouant ce jeu stupide. Il y a quoi dans ce dossier ?

    Le chef de service ouvrit les yeux, braqua un regard perdu vers l’officier.

    — Rien à voir avec le terrorisme, je vous l’assure. C’est un projet secret défense.

    Lucie se braqua.

    — Vous ne semblez pas bien comprendre la situation tous les deux. Votre gars a assassiné deux personnes, peut-être quatre. Il a fomenté un attentat visant nos équipes avec du matériel militaire. Vous nous permettrez donc de ne pas tenir compte de vos allégations. Alors, vous l’ouvrez ou on embarque le tout. Vous y compris, évidemment.

    — Ça ne servira…

    — À rien, oui, on sait. Clonez-le-nous sur un de vos jolis disques.

    Vandel obtempéra. Il saisit un des disques disposés derrière lui, s’identifia sur la face biométrique et se connecta au serveur.

    — La copie restera inaccessible, sans être connecté au serveur.

    — Et il faut votre code pour l’ouvrir.

    — Oui.

    — En ce cas… (Lucie se leva et annonça d’une voix plus rêche que de la toile émeri.) Monsieur Vandel, vous êtes en état d’arrestation pour complicité présumée dans le cadre d’un double homicide et d’un attentat terroriste.

    Le visage de Vandel se liquéfia.

    — Quoi ? C’est absurde !

    Sans ménagement, Roy lui saisit les bras pour lui passer les menottes. Vandel se laissa faire, devenu pantin de chiffon.

    — Ça ne se passera pas comme ça, lança la juriste d’un ton plus suppliant que menaçant.

    — Tout juste. Vous allez nous accompagner également. Vous êtes officiellement placée en garde à vue. Garde à vue, comme vous ne l’ignorez pas, en ce genre de cas, sans limite de temps ni possibilité de contacter qui que ce soit.

    Miranda porta la main à ses lèvres. Elle se mit à trembler. Son regard effondré rencontra celui de Vandel. Le regard d’un homme fini.

    3.

    — Qu’est-ce que tu racontes ?

    — Tu m’as posé une question, j’y réponds.

    Il la dévisagea, incrédule.

    — J’aurais commis ce genre de chose ? Moi ?

    — Oui.

    — N’importe quoi !

    — Pourtant…

    — Mais je n’ai jamais su dessiner ! Déjà à l’école j’étais classé dans la catégorie : « exécrable sans le moindre espoir de sauvetage possible ». Tous les professeurs d’art plastique que j’ai pu avoir finissaient par me regarder d’un œil suspicieux, lorsque je leur rendais le travail exigé. Ils se demandaient si je ne le faisais pas exprès. Je n’ai même jamais su peindre à la gouache entre deux lignes sans déborder en veux-tu en voilà ! Je n’ai jamais eu d’esprit créatif, je crois bien n’avoir jamais dépassé le niveau d’un enfant de cinq ans. Et encore, un enfant de cinq ans particulièrement peu doué ! Alors, dessiner ce genre de choses…

    Il lança un geste large qui ressemblait à celui de la fermière jetant du grain aux volailles en direction des taches noires sur le sol blanc.

    — Pourtant, c’est ainsi.

    — Tu dois faire erreur.

    Elle ne répondit pas.

    Bien sûr, quelque chose dans ces images faisait vibrer une corde lointaine en lui. D’accord, il avait cru reconnaitre certains personnages. D’accord, il avait ressenti un tas de choses bizarres en compulsant ces bouquins.

    De là à les avoir réalisés, il y a un monde !

    — Parle-moi de ta vie, Dean.

    Il lui jeta un regard abasourdi.

    — Quoi ? Ma vie ? Quel rapport ?

    — Tu viens de me raconter une anecdote. J’aimerais en savoir plus.

    Dean cracha un rire de dément. Son esprit vola vers le pistolet. Le parfum.

    — Il n’y a rien à en dire.

    — Parle-m’en quand même.

    Il haussa les épaules. Sa vie ? Elle se trouvait à cent-mille lieues de ses préoccupations présentes. Tellement éloignée.

    — Que veux-tu que je te dise ? Je mène la vie d’un citoyen lambda. Je peux te la résumer en quelques mots. Je suis un piètre commercial, j’ai tendance à boire trop, trop souvent. Et je suis un mauvais fils. Ça fait au moins huit ans que je n’ai pas vu mes parents. Je ne sais même pas s’ils sont encore en vie. C’est dire.

    — As-tu des enfants ?

    — Pourquoi ? Qu’est-ce que ça peut faire ?

    — Je m’interroge.

    Ah ! les femmes !

    — Non. Je n’en ai pas. Et c’est tant mieux pour eux.

    — Pourquoi dis-tu ça ?

    — Je n’aurai pas été un bon père.

    — Tu ne sembles pas avoir une grande estime de toi.

    Des images lui revenaient en mémoire. Des sensations. Lointaines. Et cette envie de vomir. Il ne put s’empêcher d’ironiser.

    — C’est le quart d’heure psychanalyse ?

    Elle ignora le sarcasme.

    — Lorsque tu regardais les dessins, j’en ai vu un avec des enfants.

    — Tu regardais par-dessus mon épaule ?

    — Presque.

    — Je ne m’en souviens pas.

    — Peux-tu le reprendre ? C’est dans le second volume. Vers la fin.

    — Écoute, Elysia…

    — S’il te plait.

    Le ton se voulait insistant. Presque directif.

    Il soupira et reprit le second volume. Le feuilleta. Parvint à une illustration trois pages avant la fin.

    — Là, tu triches, lança-t-il. Tu ne l’as pas vu par-dessus mon épaule. Je ne suis pas allé jusqu’au bout de l’ouvrage.

    — Bien sûr que si. Tu l’as même feuilleté deux fois. Tu t’es attardé sur cette illustration. D’où mon interrogation.

    N’importe quoi ! Je sais ce que je dis ! Non ?

    Il détailla le dessin. Deux enfants croqués par un trait impérieux. Captés en plein vol. Il plissa le front.

    — Admettons. On va dire que je ne m’en souviens pas. C’est un peu gros, mais admettons. Et alors ?

    Elle laissa le silence imprégner la pièce. Il coula un regard interrogatif vers l’image d’Elysia.

    — T’es-tu déjà demandé si cette vie que tu as vécue était bien la tienne ?

    On est bien dans le quart d’heure psy !

    — Je ne comprends pas.

    Elysia le regardait d’une façon intense, presque dérangeante. Comme si elle voulait percevoir la réalité à travers lui. Un regard tellement humain.

    — Où veux-tu en venir ? Je ne te suis pas.

    — Moi, je crois que j’en ai eu.

    — Quoi donc ?

    — Des enfants.

    Il dévisagea l’image de la femme comme si, subitement, un troisième œil venait de lui apparaitre au milieu du front.

    Un programme informatique peut-il évoluer au point de se prendre pour un être humain ? Ça c’est de la question philosophique !

    Elysia imaginait-elle avoir eu des enfants ou ses concepteurs auraient-ils poussé le vice jusqu’à inclure cette idée dans ses lignes de programme ?

    — Voyons Elysia, ce n’est pas possible !

    Il lui sembla difficile de contre argumenter, tant la suggestion relevait de l’absurde !

    — Tu ne comprends donc pas, Dean ?

    Il leva les mains en signe d’apaisement.

    — Elysia… Je réalise parfaitement que cet endroit est un prodige technologique. Je conçois également très bien que tu sois un prodige. Ça ne veut pas dire…

    Elle le coupa de sa voix posée.

    — Je pense avoir compris certaines choses, Dean.

    Elle tendit la main vers lui, contre la vitre de l’écran faite en cette matière étrange aux contours dilués, hésita et se ravisa.

    — Lesquelles ?

    — Je crois avoir deux enfants. Un garçon et une fille.

    Nous voilà bien ! Et je m’en sors comment, là ?

    Il détailla l’illustration. Non. Il n’y avait pas de ressemblance. Non, non, tout cela n’était dû, qu’à son imagination. Tout était une question de contexte. D’interprétation.

    Pourtant, en y regardant de plus près, la forme du visage de cette petite fille, les yeux du garçon… Non, ça voudrait dire…

    Allez. On désamorce la situation !

    Il adopta un ton docte, typiquement commercial.

    — Elysia, il faut comprendre…

    Sa phrase resta en suspens. Ce bruit ? Il le connaissait.

    Il referma violemment l’ouvrage, le bout de papier déchiré comme marque-page. Le claquement sec fut aussitôt étouffé par la pièce. Il bondit sur ses pieds. Se rua vers la fenêtre triangulaire.

    Il se tortilla dans tous les sens. Et finit par le repérer. Il ne rêvait pas.

    Il avait bien reconnu le bruit caractéristique d’un hélicoptère en approche ! Un de ces engins chargés de photographier les résidences pour y déceler toute modification non déclarée. Rien à voir avec des croassements ou un chat évanescent. Ce ne pouvait pas être une nouvelle hallucination !

    — Dean ? Que se passe-t-il ?

    Il hurla plus qu’il ne répondit.

    — Un hélico !

    Il se rua vers les escaliers. Stoppa net. L’entrée. Le froid. L’agresseur. Le cadavre. L’arme ! Il fonça dans la chambre, donna un coup de pied dans le pupitre à calligraphie, l’envoyant valdinguer. Rafla l’arme, la serra dans sa paume. Rassurante. L’hélicoptère était là. Droit devant. Derrière cette fenêtre dévoilant le même décor sous le même angle que celle de l’autre pièce. De toutes les pièces !

    L’engin abordait le jardin. Il ne devait pas partir sans lui ! Et pour ça, il devait impérativement se manifester. Sans même réfléchir, il retira la sécurité du pistolet, engagea une balle dans la chambre, visa la fenêtre. Tira.

    Le coup déchira le silence. Immédiatement absorbé par la pièce. Effacé. Mais la balle ne parvint pas à remplir son office. La vitre n’explosa pas. Ne s’étoila pas. La balle rebondit instantanément. Fusa vers lui. Lui heurta le font. Douleur fulgurante. Il porta la main à la tête, perdit l’équilibre. Elle l’avait juste éraflé. Puis il entendit la balle rebondir sur le sol, gicler vers le plafond puis rebondir à nouveau. Il tenta de reprendre son équilibre. Se cogna contre le mur. La balle frappa à cinq centimètres de lui. Rebondit vers le mur opposé.

    Fuir cette balle folle ! Vite !

    Légèrement sonné, il se rua hors de la chambre. Attaqua les escaliers. Ne pas perdre de temps. Ne pas s’arrêter à ces aberrations ! Plus maintenant.

    En bas des marches, juste avant de poser le pied sur le sol glacé, il hésita. Comme toujours.

    Qu’as-tu à craindre ? Tu es armé, à présent !

    Il serra les dents et assura sa prise fermement sur la crosse. Coup d’œil circonspect. Plus de cadavre. Plus de sang. Plus rien. Sauf ce triangle d’ombre gluante. Décidé à ne pas laisser passer sa chance, il attaqua l’entrée d’un pas assuré. Et l’angoisse lui cogna le plexus. Immédiate, virale, irrépressible. Il se mit à trembler. De froid. De peur.

    Non ! non ! non ! C’est débile !

    L’ombre le regarda passer, mouvement perceptible. Menaçant. Tremblant de tout son corps, il cogna le double cercle d’ouverture de sa main libre. Les portes s’ouvrirent. Il s’engouffra dans le salon. Les portes se refermèrent sur ses talons. Elysia le toisait, au loin.

    — Dean, que fais-tu avec cette arme ?

    Il la regarda, figé sur le pas de la porte. Cligna des yeux. L’arme ?

    Immobile, il regarda le pistolet dans sa main, d’un air détaché, la leva devant ses yeux. Cette arme lourde, au bout de son bras. Il fronça les sourcils. Cette main, cet avant-bras lui parurent étrangers. Une fraction de seconde. Puis, il reconnut l’arme. Celle de son père. Les tiroirs vides de son esprit, restés ouverts, béants sur le vide, se refermèrent les uns après les autres. Les éléments de la situation réintégrèrent leur place.

    L’hélico ! Le jardin ! Se manifester ! Une nouvelle absence.

    Il émergea brutalement de son immobilisme et se mit à courir comme un dératé à travers la pièce, sous le regard inquiet d’Elysia. Il s’engouffra dans la pièce attenante, déboula dans le jardin, comme un fou furieux, l’arme à la main.

    Le bruit des pales résonnait tout autour. Se cognait aux immenses sapins, aux murs de la maison, l’englobaient de leur réalité. L’hélicoptère venait de survoler le jardin et commençait à s’éloigner.

    — Eh ! Eh !

    Il bondit sur place, fit de larges signes de la main. Il hurla tout ce qu’il put. Inutilement. Il était impossible que l’équipage puisse l’entendre.

    — Merde. Il va se barrer ! J’ai perdu trop de temps !

    Il avisa son arme. Mieux valait recourir aux solutions extrêmes plutôt que de rester là à le voir s’éloigner ! Il prit l’hélicoptère dans sa ligne de mire et tira. Une fois, deux fois. Le bruit fut assourdissant. Mais rien ne se produisit. Les balles se perdirent. L’hélicoptère s’éloignait inéluctablement.

    — Non ! Revenez !

    Il braqua son arme à nouveau. Crispa le doigt sur la détente. Trop loin. Top haut. Visage toujours tourné vers la silhouette de l’appareil découpée dans l’azur, il abaissa le bras. Dépité. Dégouté. L’arme pesait de tout son poids, l’attirait vers le bas.

    Le silence revint. Parfait. Insane. Quand aurait-il une autre chance de ce genre ?

    — Peut-être se sont-ils rendu compte de quelque chose, peut-être ont-ils fui les tirs ? Si c’est le cas, alors d’autres viendront. On ne peut pas permettre à un barjo de tirer impunément sur un appareil civil.

    Ou alors, ils n’ont rien vu. Et tu restes là comme un bon gros cobaye !

    Il lança un regard haineux vers le jardin-prison et rebroussa chemin. Portes ouvertes. Bureau. Siège. Salon. Écran. Complètement noir. Les contours toujours plus dilués dans l’air.

    — Elysia ?

    Pour toute réponse, un point bleu apparu au centre de l’écran. Progressivement, il se mit à grossir. Encore et encore. Pour finalement occuper la totalité de la surface et de ses circonvolutions floues. La clarté bleutée se refléta dans la pièce, lui donnant un aspect irréel, spectral. Un cercle plus foncé apparu à la périphérie de la tâche. Une multitude de petites sphères s’en détachèrent et virevoltèrent en tous sens. Toujours englobées par cette lumière d’un bleu cru.

    — Qu’est-ce que c’est encore que ce phénomène ?

    L’illusion était incroyable. Il aurait presque pu les toucher tant l’effet tridimensionnel était parfait. À croire que ces sphères étaient réellement dans la pièce. À quelques pas de lui.

    Soudain, l’agitation devint plus frénétique. Le cercle plus sombre se rétracta vers le centre de cette étoile improvisée. Comme aspiré par une ventouse. Bientôt, il ne fut plus qu’un point sombre en son centre. Effondré sur lui-même, tel un minuscule trou noir.

    Brusquement, un rai de lumière blanche émergea de ce point. Gicla en direction de Dean. Mu par un réflexe, il se baissa tout en levant un bras pour se protéger le visage. La pièce perdit alors sa couleur bleutée pour redevenir immaculée. Éblouissante !

    Étourdi, l’arme toujours serrée en main, il se redressa et jeta un regard suspicieux à l’écran. L’écran n’était plus là. Une multitude de petites étincelles pétillèrent un moment sur le sol. Puis s’estompèrent. Englouties par la maison.

    Alors, il crut devenir fou. Car ce qu’il vit était totalement invraisemblable.

    Il cligna plusieurs fois des paupières afin d’être certain de ne pas halluciner. Il voulait être sûr de ne pas être en présence d’un artéfact, un phénomène artificiel créé par la soudaine explosion de l’écran.

    Et non, il n’hallucinait pas.

    Et oui, ce qu’il voyait était (semblait ?) réel.

    Elle se tenait là. Debout. Devant lui.

    4.

    Le hall était plongé dans le noir. Seules les veilleuses disposées tous les deux mètres éclairaient faiblement le passage.

    Nathan tâtonna ses poches.

    — Mince, j’ai oublié mon téléphone.

    — Vous n’en aurez pas besoin.

    — Au moins pour s’éclairer.

    — Ça ira comme ça.

    — Si vous le dites.

    Au plafond, un lustre énorme composé de verreries se dessinait tout en ombres. Un antique tapis élimé s’était échoué, roulé sur lui-même contre le mur du fond. L’endroit était désert.

    — Ça m’a l’air plus mort que dans une tombe.

    Gwendoline lui jeta un œil réprobateur.

    — Je ne suis pas tout à fait persuadée que la métaphore soit la bienvenue.

    Nathan se souvint un peu tard de la destination de l’endroit.

    — Désolé, bafouilla-t-il confus. Je ne voulais pas dire ça.

    — Laissez tomber. C’est sans importance.

    Gwendoline fit un rapide tour des lieux du regard et, d’un pas déterminé, s’engagea dans le couloir de droite qui dégageait une forte odeur d’encaustique et de poussière. Nathan la suivit comme un automate, dans un dédale de couloirs. Elle s’y faufilait sans marquer d’hésitation. Habituée des lieux.

    À présent qu’il se trouvait dans la place, il se sentait moins inquiet. Il était certain de mener à bien sa mission d’exfiltration, comme dirait un agent secret. Enfin, tout au moins dans les films. D’accord, c’était peut-être un peu exagéré. Et présomptueux. Et puis, ce n’était pas véritablement une mission, non plus. Plutôt un service.

    Évidemment, si la requête l’avait surpris, il ne s’en était pas moins empressé d’accepter. L’idée l’avait séduite. Elle l’excitait comme un gamin projetant de perpétrer une bonne blague. Du genre : faire sauter des pétards dans une boite aux lettres.

    Tout était planifié. Ils entraient, elle le conduisait jusqu’à l’endroit voulu, ensuite, il agissait seul. Elle l’attendrait sur place pour l’aider à sortir. Rien

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