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Les sept larmes d'Obéron 3 : Anverrandroi
Les sept larmes d'Obéron 3 : Anverrandroi
Les sept larmes d'Obéron 3 : Anverrandroi
Livre électronique461 pages6 heures

Les sept larmes d'Obéron 3 : Anverrandroi

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À propos de ce livre électronique

De retour sur Nayr, Judith entame sa vie de châtelaine qui est loin d'être de tout repos. Certes la santé de l'enfant qu'elle porte la préoccupe, mais celle d'Ylian également. Le prince-dragon n'est plus le même depuis son retour d'Urbimuros. C'est qu'entre le dressage de son dragon, la surveillance du camp où sont parqués les derniers Ubsalites et les manigances de William de Norfolk pour prendre le contrôle du royaume, le seigneur de Syatogor a fort à faire. D'autant plus qu'Alsinor, l'elfe qui fut son premier amour, ressurgit dans le décor et n'est guère enchantée de constater qu'une autre a pris sa place...Pendant ce temps, Brent et Geoffroy, qui ont échappé par miracle à une mort certaine, se retrouvent dans un monde étrange, peuplé de plantes et d'insectes qui se livrent une guerre sans merci. Périront-ils dans l'aventure ou en sortiront-ils indemnes une fois de plus ? Retrouveront-ils le chemin de Nayr ?Tout dépend des larmes d'Obéron. Deux d'entre elles ont déjà été restituées au miroir du roi mythique. La magie afflue de plus en plus sur la terre , au grand dam de l'Eglise, qui cherche à en juguler le flot. Cinq larmes circulent toujours, agissant mystérieusement pour faire basculler le destin du côté où on s'y attend le moins.
LangueFrançais
Date de sortie27 mars 2012
ISBN9782894855362
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    Aperçu du livre

    Les sept larmes d'Obéron 3 - Davidts Jean-Pierre

    C.P. 60149, succ. Saint-Denis,

    Montréal (Québec) H2J 4E1

    Téléphone : 514 680-8905

    Télécopieur : 514 680-8906

    www.michelbrule.com

    Maquette de la couverture et mise en pages : Jimmy Gagné

    Illustration de la couverture : Rielle Lévesque

    Révision : Élyse-Andrée Héroux, Maude Schiltz

    Correction : Nicolas Therrien

    Conversion vers le format ePub : Studio C1C4

    Les éditions Michel Brûlé bénéficient du soutien financier du gouvernement du Québec — Programme de crédit d’impôt pour l’édition de livres — Gestion SODEC et sont inscrites au Programme de subvention globale du Conseil des Arts du Canada. Nous reconnaissons l’aide financière du gouvernement du Canada par l’entremise du Fonds du livre du Canada (FLC) pour des activités de développement de notre entreprise.

    © Jean-Pierre Davidts, Les éditions Michel Brûlé, 2010

    Dépôt légal — 2010

    Bibliothèque et Archives nationales du Québec

    Bibliothèque nationale du Canada

    ISBN : 978-2-89485-536-2

    GESTE DU ROI DES FÉES

    (extrait)

    Pour m’abattre, ils ont usé d’armes tranchantes,

    M’ont arraché la langue avec des tenailles ardentes.

    Avec du plomb fondu,

    des instruments pointus,

    ils m’ont ravi le chant des oiseaux,

    le murmure des ruisseaux,

    le parfum des fleurs,

    de l’arc-en-ciel, les couleurs.

    Pour me priver de la caresse de ta peau,

    ils ont dépecé la mienne, l’ont mise en lambeaux.

    Mes pieds et mes mains ont coupés

    pour que devant eux je demeure prostré.

    Ils ont vidé mon sang

    dans les mers, dans les champs.

    Mes os ont moulus

    puis sur le sol répandus.

    Et ce qu’il restait

    couvert de quolibets.

    Ils croyaient me vaincre en éparpillant mes cendres,

    être les plus forts, pouvoir tout comprendre.

    Alors, ils se sont reposés, savourant le silence.

    Ce qu’ils ignoraient : toujours le jeu recommence.

    RÉSUMÉ

    DES TOMES PRÉCÉDENTS

    Après avoir découvert l’existence d’un monde parallèle appelé Nayr, grâce à l’une des sept larmes d’Obéron trouvée par hasard dans le domaine qui entoure l’abbaye de Rochebrune, Brent Stillman et son amie Judith Caron se séparent, la seconde décidant de rompre avec le premier pour vivre avec le prince-dragon Ylian Vorodine, dont elle s’est éprise. Ramené sur Terre à son corps défendant, Brent n’entend pas y rester et retourne vers le monde magique dans l’espoir de reconquérir celle qu’il aime. Il y est suivi par monseigneur Francisco

    Da Hora, à qui le Vatican a confié la lourde tâche d’empêcher la magie de renaître sur Terre, par crainte de voir s’effriter son hégémonie sur l’humanité. Mais le prélat a d’autres ambitions, notamment celle d’accéder au trône pontifical en réalisant un coup d’éclat : évangéliser le monde magique avec l’aide de Lucifer en personne. De retour sur Nayr, Brent retrouve la sulfureuse Jolanthe Malinor, réduite à l’état lamentable de légume par les dirigeants de la Magicature, qui refusent aux femmes le droit d’exercer le Grand Art. Il apprend aussi que Judith a disparu en essayant de percer le secret d’une mystérieuse cité close, baptisée Urbimuros. Pendant que Judith et Ylian tentent par tous les moyens de sortir de cette dernière, où ils sont retenus prisonniers, William de Norfolk, prince-dragon assoiffé de pouvoir, complote pour prendre le contrôle de la Magicature et imposer sa loi sur Nayr. Lorsque Brent finit par retrouver Judith, c’est uniquement pour apprendre qu’elle attend un enfant d’Ylian. Déception et colère le poussent à provoquer celui-ci en duel, mais Brent chute dans l’abîme qui longe la cité emmurée. Et dans les coulisses, les larmes d’Obéron, ces sept pierres aux pouvoirs énigmatiques, continuent d’accomplir leur œuvre, faussant le jeu, faisant déraper les projets des uns et des autres, rapprochant peu à peu du réel la magie et l’imaginaire.

    CARTES

    PREMIÈRE PARTIE

    LES UNS

    « Il y avait toutefois une circonstance qui, de prime abord, semblait embrouiller son plan fou, quoique méthodique. »

    Herman Melville

    I. Où l’on s’accommode de restes en attendant plat plus copieux

    « Notre Père, qui es aux cieux ;

    « Que Ton nom soit sanctifié ;

    « Que Ton règne arrive ;

    « Que Ta volonté soit faite sur la terre comme au ciel.

    « Donne-nous aujourd’hui notre pain quotidien.

    « Pardonne-nous nos offenses, comme nous pardonnons à ceux qui nous ont offensés.

    « Ne nous laisse pas succomber à la tentation,

    « Mais délivre-nous du mal.

    « Amen. »

    — Bravo ! Vous avez bien retenu la leçon. Allez jouer maintenant.

    Un cri de joie salua cette invitation. Monseigneur Da Hora sourit en regardant les enfants traverser les murs de la chapelle pour s’égailler dans toutes les directions. Il ramassa les cahiers de catéchèse qu’il alla ranger dans une armoire de la minuscule sacristie, puis sortit à son tour. On était en ouvrefeuille[1], et une multitude de fleurs piquetaient de couleurs la moquette de lichens et de mousses qui tapissait la lande entre la commanderie[2] de Syatogor et les Marches septentrionales. Depuis un mois environ, la Ceinture d’Éole avait changé de direction sous l’effet de l’oscillation vernale et un vent chaud soufflait des terres, faisant ondoyer dans les champs les tiges encore jeunes du froment et des autres cultures tolérant le sol ingrat et un peu salin des abords de la mer Océane.

    Monseigneur Da Hora embrassa d’un regard circulaire le camp où l’on avait parqué les rescapés d’Urbimuros, sous la surveillance d’un cordon d’hommes venus de Syatogor. Aerios, ainsi que ses habitants l’avaient baptisé, abritait surtout des femmes et des enfants, auxquels se mêlaient une poignée de vieillards et les rares hommes qui avaient échappé au massacre orchestré par William de Norfolk[3], seigneur de Bairdenne. Les enfants ubsalites figuraient parmi les plus réceptifs à la doctrine catholique ; le culte de l’aalma[4] ne les avait pas pervertis autant que leurs aînés qui, depuis la destruction de leur pierre de mémoire, erraient sans but dans le camp, pour la plupart perdus dans une sorte d’abattement perpétuel.

    Les enfants avaient formé un cercle devant la chapelle, au centre duquel se tenait l’un d’eux. Ce dernier s’enfonçait dans le sol pour ressurgir derrière un de ses camarades qui le remplaçait dans la ronde, et ainsi de suite. Bien que dénués d’aalma, les Ubsalites n’avaient pas perdu cette étrange faculté qui leur permettait de se mouvoir à travers la matière minérale aussi aisément qu’un poisson dans l’eau.

    Le prélat s’éloigna de la petite église pour déambuler dans les étroites venelles d’Aerios, saluant au passage ceux qui osaient lever les yeux vers lui. Les Ubsalites avaient aussi gardé le naturel timide, pour ne pas dire timoré, qu’ils avaient développé au cours des siècles passés à l’abri entre les murs de leur ville, sous l’emprise de l’entité biominérale qui les privait de toute vie affective. Inconsciemment sans doute, les survivants avaient construit l’agglomération selon un tracé rappelant le dédale de la ville déserte qui se dressait à quelques lieues de là, au sommet des Marches septentrionales.

    Après plusieurs tours et détours, monseigneur Da Hora pénétra dans une masure d’une seule pièce où deux hommes se dévisageaient en silence. Le premier leva la tête à son entrée, et salua Francisco du chef.

    — Bonjour, Valtor. Comment va-t-il ? interrogea le prélat.

    — Toujours pareil. Il mange, il dort et marmonne des paroles sans suite.

    Francisco s’approcha de l’être gris qui demeurait prostré, les yeux dans le vague, et posa sa main valide sur son épaule.

    — Aloysius… Aloysius… M’entendez-vous ? C’est moi, votre ami, Francisco.

    Aloysius ne répondit pas. On aurait juré une statue.

    — Vous gaspillez votre salive, reprit Valtor. Le choc a été trop rude, je le crains. J’en ai connu beaucoup avant lui qui n’ont pu supporter la rupture du lien avec leur aalma. Ils se replient sur eux-mêmes. Les faire sortir ensuite de leur coquille tient du miracle.

    — Mais le miracle s’est déjà réalisé, vous en avez été témoin. Le mal n’est donc pas incurable.

    Valtor haussa les épaules.

    — L’espoir fait vivre.

    D’espoir, il n’y avait pas vraiment dans ses paroles.

    Valtor et Aloysius faisaient partie de la poignée d’adultes de sexe masculin que la folie meurtrière de William de Norfolk n’avait pas fauchés.

    Après avoir prononcé son ultime prophétie sur la grande place d’Urbimuros, où se massait une foule avide de curieux, l’Oracle avait disparu dans un éclat de lumière qui avait détruit la Matrice aalmique. L’instant suivant, le lien qui unissait chaque Ubsalite à sa pierre de mémoire se rompait tandis que s’abattait le mur gigantesque isolant la cité du monde extérieur. Saisis de panique, les Ubsalites avaient fui droit devant eux uniquement pour être taillés en pièces par les hommes du seigneur de Bairdenne. C’est à Valtor qu’Aloysius devait la vie. L’ex-chef de la Milice l’avait découvert, délirant dans un des couloirs entre les murs, et tenu à l’écart des soldats qui parcouraient les rues, tuant tous ceux qu’ils y rencontraient, jusqu’à ce que William de Norfolk retrouve enfin la raison et arrête l’hécatombe, jugeant le péril imaginaire écarté. Monseigneur Da Hora avait fait la connaissance de Valtor lorsqu’il avait entrepris de christianiser les habitants d’Aerios, croyant à tort qu’il y trouverait un terreau fertile où semer la parole divine.

    À l’instar de la majorité de ses congénères, Valtor s’avérait réfractaire à l’enseignement religieux. Après s’être jaugés, chacun des deux hommes avait toutefois reconnu en l’autre un être d’exception qui pouvait lui apporter une aide précieuse. Ils avaient fraternisé. Désormais, Valtor lui servait de lien avec les Ubsalites, et Francisco était le trait d’union dont Valtor avait besoin avec le monde du dehors, en l’occurrence, la commanderie de Syatogor et son seigneur, Ylian Vorodine[5].

    — Je poursuis ma tournée. Faites-moi signe s’il y a du neuf.

    Valtor accepta d’un signe.

    Monseigneur Da Hora sortit de la minuscule habitation pour reprendre sa marche. Il faisait quotidiennement le tour du camp, qui prenait de plus en plus l’allure d’un petit village, avec ses artères, sa place centrale, ses échoppes et ses artisans. La vie suivait son cours, inexorable, imperméable aux égarements de l’humanité.

    En arrivant à l’entrée que surveillaient une poignée de gardes en armes, le prélat vit un homme avancer dans sa direction. Il reconnut Gontran, le ferronnier, l’un des plus zélés parmi ses ouailles de la modeste congrégation qui avait vu le jour au château. Depuis que Lucifer avait disparu et que la promesse d’une importante rentrée d’argent s’était volatilisée avec lui, William de Norfolk avait imposé un hiatus aux ambitions évangélisatrices de Francisco à Tombelor, mais Ylian Vorodine s’était montré plus conciliant et lui avait permis de continuer sa prédication à la commanderie.

    — Monseigneur, dit Gontran en posant le genou à terre pour baiser la main du prêtre.

    — Relevez-vous, mon fils. Comment vont les choses à Syatogor ?

    — Bien. Dame Aglaé et le jeune Philippe, l’apprenti forgeron, sont disposés à se faire baptiser.

    — Excellent. Le troupeau du Seigneur grandit. C’est bon signe. Avec le printemps, je sens que l’œuvre de notre Père à tous sera portée par un vent nouveau. Quoi d’autre ?

    — Maître Cornufle vous envoie ses salutations. Il m’a demandé quand vous reviendriez au château. Je crois qu’il se languit de vos conversations.

    — Dites-lui que je le verrai dans un jour ou deux. Qu’en est-il du jeune couple ?

    — Le prince s’occupe plus du dragon que de sa dame. Pour le loger, il a fait réaménager les écuries. Les chevaux ont dû être déplacés, car ils supportent mal la proximité de la bête. Dame Judith est encore faible, cependant son état s’améliore. Elle a commencé à se lever et a même fait une promenade sur le chemin de ronde, l’autre jour. Son ventre se courbe joliment. Elle enfantera un robuste rejeton.

    Monseigneur Da Hora n’en doutait pas. Judith descendait de ceux qui avaient colonisé la Nouvelle-France ; ses gènes ne pouvaient que fortifier ceux d’une race si longtemps confinée dans l’isolement. Qu’allait-il résulter de l’union entre un membre de l’espèce humaine et un autre de l’espèce magique ? Rien de bon, assurément. Francisco était à Syatogor quand Jolanthe Malinor avait surgi dans un éclair, au centre de la cour du château, soutenant Judith dans ses bras. Zoltan avait failli en faire une syncope. Non seulement Ylian n’était pas mort comme il l’espérait, mais il avait engendré une progéniture. Constater qu’une femme maîtrisait le sort de déplacement instantané[6], l’un des plus ardus parmi ceux qu’enseignait la Magicature, ne l’avait pas rasséréné. Il aurait certainement fait emprisonner sur-le-champ la jeune femme pour pratique illicite du Grand Art si Francisco ne lui avait pas souligné qu’en ramenant Judith, Jolanthe allait certainement se retrouver dans les bonnes grâces d’Ylian. À contrecœur, Zoltan avait pris des dispositions pour que les deux femmes fussent traitées avec tous les égards. William avait déjà quitté la commanderie pour Tombelor, fort de sa victoire sur « l’envahisseur », laissant Zoltan composer avec Faris al-Maktoub[7] et Reinhardt Gort. Quand ceux-ci arrivèrent enfin à Syatogor avec leurs troupes, la bataille contre les Ubsalites était terminée depuis longtemps ; les deux hommes, venus pour seconder William, avaient rebroussé chemin, la rage au cœur et l’injure à la bouche.

    Deux mois s’étaient écoulés depuis et, avec le printemps, une sorte de quiétude était descendue sur Nayr. Aucune nouvelle menace ne semblait planer sur le royaume. William s’était replongé dans ses machinations, et les travaux des champs retenaient l’attention du reste de la population.

    Monseigneur Da Hora émergea de ses réflexions quand Gontran se mit à se dandiner d’un pied sur l’autre en malmenant son bonnet dans les mains.

    — Qu’y a-t-il, mon fils ? Quelque chose vous tracasse ?

    — Croyez-vous que votre travail ici soit vraiment utile, mon père ? finit par demander le ferronnier après une hésitation.

    — Que voulez-vous dire ?

    — Ces… ces gens… Ils ne sont pas comme nous. Pourquoi vous échiner à les convertir alors que nous avons tant besoin de vous au château ?

    — Dieu ne fait aucune distinction dans la nature de Ses brebis, pourvu qu’elles cultivent la foi. Nous sommes tous semblables à Ses yeux. Ubsalites, Nayriens ou Terriens, il y a une place pour chacun au royaume des cieux. Mais en un sens, tu as raison, Gontran. On a besoin de moi à la commanderie. Je pense que la notion d’amour fraternel n’y a pas encore été bien saisie.

    II. Qui dort dîne, mais qu’en est-il des insomniaques ?

    Judith se réveilla en sursaut. Le mot avait éclaté dans sa tête, comme l’avait fait quelques mois plus tôt la voix de l’Oracle, à Urbimuros. Elle passa son moignon sur son ventre gonflé. Cela remuait à l’intérieur. Un petit coup heurta la peau distendue, là où elle l’avait posé, et le mot « bon » s’imprima dans sa tête. Puis le calme revint dans la cavité abdominale et avec lui, le silence.

    Cette agitation n’avait pas échappé à Ylian, car une voix endormie demanda à Judith si tout allait bien.

    — Rendors-toi, mon amour. C’était juste un rêve.

    Ylian ne se fit pas prier. Entre l’intendance du château, la purge périodique des ruines de Castelmuir, la surveillance du camp ubsalite, le dressage de Frogmir et les autres tâches à sa charge, il n’avait pratiquement plus une minute à lui. Désormais, Judith et Ylian se voyaient rarement avant le repas du soir et, lorsqu’ils se retrouvaient dans l’intimité de leur chambre pour y passer la nuit, leurs ébats se résumaient souvent à l’essentiel de la chose. Judith se languissait de l’Ylian des premiers jours, celui qui l’avait tirée des griffes des elfes noirs, celui qui avait été son escorte et son guide à son arrivée sur Nayr, celui qui avait combattu à ses côtés quand ils avaient parcouru le royaume en quête d’une solution aux Ténèbres, celui, enfin, qui l’avait initiée aux douceurs et aux délices de l’amour elfique. Mais cela ne durerait pas. Bientôt — elle en était certaine —, Judith retrouverait l’Ylian qui avait enlevé son cœur. Dans l’intervalle, elle consacrait la majeure partie de son attention à cette vie nouvelle qui poussait en elle.

    Brent.

    Depuis sa mort, Judith n’avait jamais autant pensé à lui.

    Brent avait quitté la Terre et franchi tout un monde — deux, si on comptait Urbimuros — pour la retrouver et lui avouer son amour, et qu’avait été sa réaction ? Elle l’avait froidement repoussé. Si froidement que le jeune homme s’était emporté, avec les dramatiques conséquences qu’on savait : Ylian l’avait défié en combat singulier et Brent avait terminé sa vie au fond du gouffre qui bordait la cité close. Brent avait péri par sa faute.

    — Faim.

    Le mot se grava en lettres de feu dans son esprit, en même temps qu’une insupportable envie de nourriture l’incitait à sortir du lit. Elle quitta la chambre sur la pointe des pieds pour ne pas réveiller Ylian de nouveau et emprunta les corridors déserts du château, jusqu’aux cuisines.

    Dehors, la mer Océane était calme, et par les fenêtres ouvrant sur les landes soufflait une douce, sèche et chaude brise émanant des terres. Avec l’oscillation vernale, les vagues avaient cessé de battre les falaises d’Ambre[8] comme elles le faisaient constamment durant la saison froide. Un temps plus clément avait fait jaillir des milliers de fleurs, signalant aux cultivateurs que le moment était venu de semer les plantes vivrières ou commerciales acclimatées à la chiche terre des landes et qui, avec les produits de la mer, faisaient la fortune de Syatogor : le foin d’ivresse, duquel on tirait un élixir aux propriétés euphorisantes supérieures à celles des meilleurs vins de Shariar ; le lotier faux-seigle[9], dont l’exquise et évanescente farine (il fallait moudre dix muids de grain pour en obtenir une livre) conférait aux pâtisseries une saveur incomparable assortie de vertus amaigrissantes ; la virevole[10], dont les semences, réduites en poudre, servaient à confectionner le baume de légèreté[11] grâce auquel les maîtres maçons de Tombelor érigeaient d’audacieux édifices ; et, surtout, le papyrus de fer[12], que l’on battait en pulpe pour fabriquer le parchemin sur lequel la Magicature consignait tous ses écrits.

    Bien que le soleil ne fût pas encore levé, les feux ronflaient déjà dans les cuisines où une appétissante odeur de pain frais embaumait l’air. Judith salua aimablement ceux qui s’affairaient aux fourneaux et s’assit sans façon à la grande table de bois mal équarri où se presseraient bientôt les gardes de la ronde de nuit, qui achevaient leur veille.

    Sur un signe de Solilas, le chef cuisinier, un marmiton lui apporta un gobelet de lait chaud et sucré, des brioches et de la confiture de con-de-pucelle[13], puis tous retournèrent à leur travail.

    Judith entretenait avec les domestiques des relations amicales, un traitement auquel ceux-ci étaient peu accoutumés de la part d’une châtelaine. Certains l’appréciaient, d’autres moins, jugeant inconvenant que la dame du seigneur s’acoquine avec des gens de si basse extraction, mais pouvait-on espérer autre chose d’une étrangère ?

    Tout en mangeant, Judith ne put s’empêcher de remarquer le crucifix accroché au mur, dans un coin de la pièce. L’objet lui parut incongru dans ce monde où la magie régnait en maître. D’ailleurs, monseigneur Da Hora avait compris que pour implanter sa foi et la faire croître, il devrait la présenter comme une forme différente de magie. Il transformait Dieu en mage tout-puissant à sa guise et faisait parfois de Jésus-Christ le plus grand mage de l’univers, celui dont le retour sur Nayr signifierait la fin de tous les maux. Ce n’était pas la première fois que la religion, catholique ou autre, déguisait la vérité.

    Un bruit de pas se fit entendre derrière Judith.

    — Insomnie ? l’interrogea maître Cornufle en prenant place à côté d’elle.

    — Le petit avait faim, expliqua-t-elle en tapotant son abdomen.

    Le vieux mage leva les yeux et elle sut qu’il examinait son nimbe, la gangue de lumière qui enveloppait chaque être doué de raison. Les mages apprenaient à le discerner et à en analyser les moindres nuances très tôt durant leur apprentissage.

    L’examen dut être satisfaisant, car maître Cornufle se contenta de sourire.

    — Il vous parle toujours ?

    — Parler est un grand mot, soupira Judith. Ce sont plutôt des sensations, des besoins qui s’expriment dans ma tête par moments. On ne peut pas vraiment dire qu’il s’agit d’une conversation.

    — Mais il communique avec vous par la pensée.

    — Oui. Je suppose que c’est la larme, celle qui s’est fondue dans ma main avant qu’Obal ne la tranche. L’Oracle communiquait avec moi de la même façon, donc…

    — L’explication est plausible. Avez-vous essayé de dialoguer avec lui ?

    Judith rougit.

    — Pour tout vous avouer, cela m’effraie un peu.

    — Que craignez-vous ? Beaucoup de femmes vous envieraient. Imaginez : à l’intimité de la chair s’ajoute celle de l’esprit.

    — Je suppose que je finirai par m’habituer, mais l’étrangeté du phénomène me perturbe encore. Avez-vous reparlé à Jolanthe ?

    — Dame Malinor continue de me bouder, en dépit du long entretien que nous avons eu à son retour. Néanmoins, elle semble nourrir moins de pensées meurtrières à mon endroit depuis que je lui donne accès à la bibliothèque de feu maître Olonthe. Désormais, c’est Zoltan qui aimerait me trucider pour avoir laissé une femme compulser des livres de magie. Par bonheur, j’en sais trop sur son compte et ses manigances avec William de Norfolk pour qu’il le rapporte à la Magicature, d’autant qu’Ylian ne voit aucune objection à la chose. Peut-être dame Malinor reviendra-t-elle un jour à de meilleurs sentiments en ce qui me concerne, mais j’en doute. Mes confrères l’ont trop fait souffrir. La perte de sa mère et celle de Geoffroy, sans oublier le sort d’infantilisme[14] qu’ils lui ont jeté, en ont fait leur plus mortelle ennemie. D’ailleurs, à ce sujet, j’aimerais que vous me reparliez de la façon dont elle a recouvré la raison. Cela m’intrigue.

    — Mon Dieu ! Tout s’est déroulé si vite… Le combat entre Ylian et Brent monopolisait mon attention quand j’ai entendu le cri de Geoffroy qui tombait dans le vide. Je me suis précipitée, certaine que Jolanthe allait en faire autant. C’est quand je l’ai prise par les épaules qu’elle m’a parlé. On aurait dit qu’elle s’éveillait d’un long sommeil. De la période entre son enchantement et l’instant où elle s’est retrouvée au bord du précipice, elle ne gardait aucun souvenir.

    — Le contraire m’eût étonné. N’avez-vous rien remarqué de particulier quand elle s’est… éveillée ?

    Judith fit un intense effort pour rassembler ses souvenirs. Les couteaux que les cuisiniers affûtaient lui firent penser aux lames des duellistes qui s’entrechoquaient, et elle se revit, retenant Jolanthe, qui vacillait à quelques centimètres du gouffre.

    — Ses yeux !

    — Qu’avaient-ils de différent ?

    — Il me semble qu’un trait les divisait en leur centre.

    — Un trait ?

    — Cela n’a duré qu’un instant et pourtant, oui, leur pupille était fendue en deux, j’en jurerais presque. Croyez-vous que cela signifie quelque chose ?

    — À ma connaissance, aucun de ceux à qui on a jeté le sort d’infantilisme n’en a réchappé. Bien qu’un peu de lucidité soit revenue à dame Malinor quand Brent a usé sur elle du pouvoir résiduel de la larme d’étain, je doute que cela seul ait suffi à déverrouiller son esprit.

    — Alors quoi ?

    — Je l’ignore, mais qu’importe. Le principal est que le mal ait été réparé. Il est des mystères dans la vie qui ne sont jamais éclaircis.

    Sur ces mots, maître Cornufle sourit et prit congé.

    Des pupilles fendues… Certains animaux en avaient, les dragons notamment. Une entité quelconque avait-elle occupé l’esprit vacant de Jolanthe l’espace d’un instant ? Le phénomène n’était pas inconnu. Il y avait l’akayne[15], bien sûr, mais des sorts très puissants permettaient également d’occuper un corps avec ou sans le consentement de son propriétaire. Maître Cornufle se promit de vérifier si la bibliothèque de maître Olonthe ne renfermait rien qui fût susceptible de le renseigner à ce sujet.

    III. Transactions, bénéfices et usufruit

    William de Norfolk était d’une humeur massacrante. Depuis son retour à Tombelor, tout allait de travers. Il avait cru qu’en décimant la horde d’épouvantails qui avait jailli de la mystérieuse cité juchée au sommet des Marches septentrionales, près de Syatogor, les guildemestres verraient en lui un sauveur et l’appuieraient dans ses efforts pour mieux régir le royaume, notamment lorsqu’il prendrait le contrôle de la Magicature et des vieillards décatis qui la composaient. Grossière erreur. Comme toujours, les guildemestres lui avaient fait faux bond au dernier instant.

    — La Magicature a commencé à former des mages plus jeunes, ainsi que vous l’aviez recommandé, lui avait-on rétorqué quand il avait sollicité une fois de plus le soutien de la Ligue. La pénurie devrait bientôt cesser. Les honoraires ont également été révisés à la baisse. Tout ira donc pour le mieux dans peu de temps. Mettre sous tutelle la Magicature ne ferait que compliquer la situation. Où irions-nous si les mages nous refusaient leur concours ? Certes, votre proposition a du mérite, messire Norfolk. Néanmoins, il convient de l’étudier davantage. Agir avec trop de précipitation ne nous serait que préjudiciable.

    Furieux, William avait quitté la salle sans saluer aucun des guildemestres siégeant au conseil.

    Du côté des princes-dragons, la situation n’était guère plus reluisante. Si la disparition de Geoffroy Montorgueil jouait en sa faveur — manœuvrer Reinhardt à Valrouge ou le faire remplacer ne devrait poser aucune difficulté —, le retour d’Ylian le privait d’un appui en la personne de Zoltan. Le jeune Vorodine avait de surcroît eu le culot de revenir chevauchant un dragon. Depuis, on ne parlait que de cela à Tombelor. Pour arriver à ses fins, William devrait absolument s’en faire un allié. Par ailleurs, il avait mal jugé Faris al-Maktoub, le prenant pour un pleutre qui plierait aisément sous la menace. Ce dernier n’avait nullement tenu compte de l’avertissement que lui avait servi monseigneur Da Hora, au contraire. Désormais, Faris avait remplacé Geoffroy en tant qu’adversaire le plus acharné.

    Dans l’immédiat, William ne pouvait compter que sur Shu-Weï Sang-Noir et sans la majorité, qui lui aurait assuré l’appui de la population, impossible de contraindre les guildes à se ranger dans son camp.

    Il devait repenser sa stratégie.

    Son projet de créer une armée de mages-soldats capable de contrer la Magicature et d’en prendre éventuellement les commandes, manu militari s’il le fallait, avait avorté au retour d’Ylian. Par ailleurs, même si Geoffroy n’était plus là pour conseiller le jeune sot, William aurait sans doute fort à faire pour l’amener à renier les principes que lui avait inculqués son mentor. En s’y employant avec finesse, il avait néanmoins bon espoir d’y parvenir. Avec un dragon pour parader à côté de lui, William n’aurait plus besoin des autres princes-dragons. La population le suivrait les yeux fermés.

    Pour l’instant, cependant, un problème plus concret retenait entièrement son attention : les coffres de Bairdenne étaient vides. Il se devait de les remplir rapidement et ne pouvait plus compter pour cela sur ce mage venu de la Terre, ce Lucifer dont monseigneur Da Hora n’arrivait pas à expliquer la disparition. Ses hommes espéraient toucher une prime pour la victoire remportée sur les créatures grises. Or, William n’avait même plus suffisamment de kippers pour régler leur solde du mois précédent. Pas plus tard que la veille, il avait jeté au cachot un recruteur de Shariar et le capitaine qu’il avait soudoyé. Dorénavant, ses hommes réfléchiraient davantage avant de changer de commanderie, mais, pour s’assurer leur fidélité, William devait les payer sans délai. Restait à trouver l’argent. C’est pourquoi il se tourna, non sans réticence, vers la seule en qui il pouvait encore espérer : Shu-Weï Sang-Noir.

    Lorsque Norfolk et maître Silasse se matérialisèrent dans la cour de Ryu-Gin[16], ce dernier s’écroula telle une loque. Le sort de déplacement instantané l’avait totalement vidé de ses forces. William jura silencieusement en aidant le vieillard à se relever avant de le confier aux domestiques qui accouraient. Ce genre d’entrée lamentable ne surviendrait pas si des mages plus jeunes étaient autorisés à exercer, mais, pour les gérontocrates de la Magicature, jeunesse ne rimait pas nécessairement avec sagesse. Ils redoutaient le pire si un élève manquant de maturité en venait à user de sorts trop puissants.

    Le seigneur de Bairdenne leva les yeux tandis qu’un page le précédait, le guidant vers les appartements de la châtelaine. La paroi des Marches australes prolongeait les murs de la forteresse jusqu’à une hauteur vertigineuse. Ryu-Gin avait été bâtie dans un repli des montagnes. Les falaises qui encerclaient la commanderie donnaient à qui s’y aventurait la désagréable impression d’être pris dans une nasse. L’endroit était d’ailleurs réputé pour être inexpugnable. William ne put réprimer un frisson. Il fallait un caractère de fer pour vivre dans un lieu aussi étouffant sans sombrer dans le désespoir.

    Le serviteur qui le précédait ne cessait de baragouiner un sabir incompréhensible. Pour ajouter à l’agacement de William, il trébucha sur un objet invisible à deux ou trois reprises.

    — Que marmonnait cet imbécile ? grogna Norfolk quand il se retrouva enfin seul avec la maîtresse des lieux.

    — Ne faites pas attention à lui, répondit cette dernière. Les Confinés que j’emploie ont tous leurs petites manies. Si le service s’en ressent à l’occasion, en revanche, ils sont d’une fidélité et d’un dévouement à toute épreuve.

    Il ne serait jamais venu à l’idée du seigneur de Bairdenne d’employer des demeurés ou des sauvages comme domestiques, mais la princesse-dragon était excentrique à plus d’un titre.

    — Que me vaut l’honneur de votre visite, William ?

    — J’aimerais que nous reparlions de notre accord.

    — Qu’est-ce qui vous tracasse ?

    — Vous avez accepté de m’épauler dans mes démarches pour mettre de l’ordre dans le royaume, mais nous n’avons pas vraiment arrêté les modalités de l’entente.

    — J’ai dit que je vous aiderais et que je vous dirais plus tard ce que j’attends de vous en échange. Que souhaitez-vous de plus ?

    — Du tangible. Je veux savoir ce que vous êtes disposée à faire pour m’aider concrètement.

    — Et que souhaiteriez-vous que je fasse ?

    Le sourire narquois qui avait fleuri sur les lèvres de Shu-Weï lui tapait prodigieusement sur les nerfs. Cette femme avait le don de le faire sentir comme un imbécile, même quand elle ne disait rien.

    — Les coffres de Bairdenne sont vides…, finit-il par dire.

    — … et ceux de Ryu-Gin sont pleins. De combien avez-vous besoin ? Cent mille kippers ? Deux cent mille ?

    L’importance de la somme fit oublier à William les reproches qu’il nourrissait à l’endroit de son hôtesse l’instant d’avant.

    — Euh… cent mille feraient l’affaire, lâcha-t-il, un peu dépassé par la tournure des événements.

    — Je vais ordonner à mon trésorier qu’il prépare immédiatement la somme.

    William se mordit les lèvres. Imbécile ! Il aurait dû demander davantage. Jamais il n’aurait cru que Ryu-Gin était si riche. D’où la Sang-Noir sortait-elle cet argent ? Nulle part sur Nayr on ne faisait commerce d’articles venant de la commanderie. Cette partie du royaume était totalement désolée, et son sol, impropre à la culture. Les Confins avaient-ils quelque chose à y voir ? Il y avait là un mystère qu’il lui faudrait éclaircir.

    — Votre générosité me touche, déclara-t-il finalement, comme si les mots lui écorchaient la bouche. Il va de soi que je vous rembourserai jusqu’au dernier sou dès que les finances de Bairdenne iront mieux.

    — Inutile. Gardez-les. Je n’ai pas besoin de cet argent.

    — Mais… Une telle largesse… Vous exigerez sûrement un tribut en retour…

    — Toujours aussi fin diplomate, mon cher William. Vous avez raison. Ainsi que je vous l’ai dit, contre mon aide, je vous demanderai un petit service.

    William se raidit. Nous y voilà. Il en était sûr. On n’offrait pas un tel cadeau sans avoir une idée derrière la tête.

    — Quel service ? hasarda-t-il, sur ses gardes.

    Le sourire de Shu-Weï s’élargit.

    — Rassurez-vous. Rien qui soit au-dessus de vos compétences. Je vous prierai simplement de me faire un enfant.

    IV. Avers et revers ne font toujours qu’une seule et même pièce

    En voyant maître Cornufle et son abruti de troll venir dans sa direction, Jolanthe bifurqua pour emprunter un autre corridor. Ses intentions initiales à l’égard du vieux mage n’avaient pas résisté à la joie patente qu’avait manifestée celui-ci en apprenant qu’elle avait recouvré ses facultés, à son retour de la cité emmurée. Cependant, Jolanthe n’avait toujours pas pardonné à maître Cornufle de l’avoir trahie en parlant d’elle à la Magicature, pas plus qu’elle n’avait renoncé à se venger du collège magicatorial pour l’avoir réduite à l’état de bambin afin qu’elle n’exerce plus la magie. Maître Cornufle n’était qu’un idiot s’il croyait que la raison seule parviendrait à faire changer des traditions séculaires. L’âge le rendait sénile. Quoi qu’il en soit, Jolanthe était sûre d’une chose : maître Cornufle se garderait bien de révéler à la Magicature que le sort d’infantilisme qu’on lui avait jeté avait cessé d’agir. Non seulement le mage avait-il appris la leçon, son sentiment de culpabilité l’en empêcherait.

    Tant qu’elle demeurerait à Syatogor, Jolanthe vivrait donc dans une sécurité relative. Relative, car tous les habitants du château ou presque savaient maintenant qu’elle pratiquait le Grand Art. Son arrivée avec le sort de déplacement instantané n’était en effet pas passée inaperçue. Pour son malheur, Judith avait alors un besoin urgent d’être soignée et Jolanthe n’avait trouvé que ce moyen pour la ramener au plus vite à Syatogor.

    Une personne l’inquiétait plus que les autres : Zoltan Boralf. Celui-ci n’avait pas caché son indignation, pour ne pas dire sa révolte, en voyant un membre du sexe faible maîtriser un sort aussi ardu que celui du déplacement instantané. Misogyne confirmé et aigri, il aurait pu la dénoncer. Pourtant, il ne l’avait pas fait. Pourquoi ? L’explication la plus plausible était qu’on l’avait convaincu du contraire. Jolanthe ignorait qui et pourquoi, mais

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