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Le POUVOIR DES OMBRES TOME 2: Au-delà de la peur
Le POUVOIR DES OMBRES TOME 2: Au-delà de la peur
Le POUVOIR DES OMBRES TOME 2: Au-delà de la peur
Livre électronique348 pages3 heures

Le POUVOIR DES OMBRES TOME 2: Au-delà de la peur

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À propos de ce livre électronique

Un fantôme était prisonnier de notre monde ; je l’ai libéré. Maintenant, j’ai espoir de mener une existence à peu près normale.

À condition que les spectres cessent de me harceler !

Sans compter que quelqu’un m’épie ; que mon pouvoir déraille et me fait peur ; que des meurtres sont commis dans le monde occulte...

L’étau se resserre dangereusement autour de moi, me faisant craindre le pire.
LangueFrançais
Date de sortie4 oct. 2023
ISBN9782897925215
Le POUVOIR DES OMBRES TOME 2: Au-delà de la peur
Auteur

Magali Laurent

Magali Laurent est franco-canadienne. Sa maîtrise de journalisme en poche, elle quitte la France en 2007 pour s’installer avec son conjoint à Québec, où ils fondent leur petite famille. C’est là qu’elle écrit le premier tome de la trilogie jeunesse Billy, finaliste du Prix de création littéraire de la Bibliothèque de Québec et du Salon international du livre de Québec en 2014. Ne comptant pas s’arrêter en si bon chemin, Magali récidive avec une trilogie post-apocalyptique, B.O.A., dont le premier tome est édité en septembre 2017 par les Éditions de Mortagne. Aujourd’hui, elle écrit à temps partiel et travaille avec d’autres auteurs en proposant des services de coaching littéraire et de révision linguistique.

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    Aperçu du livre

    Le POUVOIR DES OMBRES TOME 2 - Magali Laurent

    Une vie (presque) normale

    Partie 1

    Chapitre 1

    Un fantôme en appelle un autre

    Assise sur un banc du parc près de chez moi, j’observe avec attention les enfants qui jouent dans le carré de sable. L’un d’eux en particulier. Un petit garçon aux cheveux noirs et aux épais sourcils dont les traits me sont agréablement familiers.

    — Tu sais comment tu vas t’y prendre ? me demande Deborah, installée à côté de moi.

    Je hausse les épaules pour lui indiquer que j’y réfléchis. Il y a du monde, en ce samedi matin, et parler de vive voix à mon amie reviendrait à passer encore une fois pour la folle de service.

    — En tout cas, c’est cool que ta main aille mieux, ajoute Deb.

    Je souris discrètement sans lui adresser un regard. Hier après-midi, maman m’a emmenée à l’hôpital pour qu’une infirmière inspecte les blessures que je me suis infligées il y a presque une semaine, quand j’ai creusé avec mes ongles pour déterrer les ossements d’Amy, une fille disparue dans les années quatre-vingt-dix. Certains avaient sauté, et ma peau avait été arrachée par endroits. Je suis restée avec des bandages à la main gauche pendant cinq jours. Autant dire que se laver, dans ces conditions, n’est pas pratique du tout. Sans compter que j’ai un plâtre au poignet droit, gracieuseté du fantôme à qui appartient le squelette déterré. Lui, je vais devoir le garder encore deux semaines.

    Je baisse les yeux vers ma main, où de petits pansements remplacent maintenant le bandage grossier. Une vision brutale s’y superpose : Amy, penchée au-dessus de moi, dans la cabane de son assassin, juste avant qu’elle ne me tire de force à l’extérieur, vers l’étang et les cadavres qu’il renfermait. Sa peau en décomposition. Ses cheveux boueux. Ses prunelles furieuses.

    Je déglutis et redresse la tête pour revenir à l’image bien plus réjouissante des enfants qui rigolent en face de moi.

    — T’imagines, reprend Deb, ma mère laisse Mayson jouer ici tout seul, sans surveillance. Je sais bien qu’on vit dans l’immeuble juste à côté, mais quand même. Avec tous les psychopathes en liberté sur cette planète, c’est n’importe quoi !

    Ça m’embête qu’elle parle toute seule. Une idée me vient.

    Je sors mon cellulaire de la poche de ma veste en jean et le porte à mon oreille.

    — C’est pour ça que tu viens ici ?

    Deborah me dévisage avec un large sourire.

    — Brillante, l’idée du téléphone !

    Son regard s’assombrit l’instant d’après.

    — Ouais… en partie. En même temps, je ne pourrais rien faire si quelqu’un s’en prenait à lui, alors je ne sais pas pourquoi je m’obstine à m’accrocher à cet endroit.

    — C’est ton petit frère, Deb, normal que tu t’inquiètes.

    — Et elle, alors ? lance-t-elle en bondissant sur ses pieds. Ma mère est une irresponsable de la pire espèce ! C’est moi qui jouais le rôle de la maman avec Mayson pendant qu’elle sortait avec ses copines. Je ne sais même pas pourquoi je parle au passé, parce qu’elle n’a pas changé. Elle le laisse tout le temps seul encore, même si je ne suis plus là…

    Sa voix s’est progressivement éteinte sur les dernières syllabes. Les poings serrés, elle marche jusqu’au rebord en ciment du carré de sable, juste devant Mayson, qui creuse une tranchée avec une vieille pelle.

    — Il a toujours été solitaire, souffle-t-elle en s’accroupissant pour se mettre à sa hauteur.

    Le cellulaire vissé à l’oreille, je constate que je me suis figée et je bats rapidement des paupières. J’observe les parents autour de moi. Aucun ne semble avoir remarqué mon trouble.

    Je range mon téléphone, me lève à mon tour et vais rejoindre mon amie, déterminée à lui venir en aide. Après tout, il y a quelques jours, j’ai surmonté ma peur et réussi à aider un fantôme plutôt creepy à rejoindre un monde meilleur. Du moins, je l’espère, parce que j’ignore où atterrissent les trépassés. Et j’ose croire qu’il me reste encore de belles années à vivre avant de le découvrir. Bref ! Si j’ai fait ça, je peux bien poser quelques questions à un gamin. Pourtant, j’ai le trac. Et s’il me prenait pour une maniaque ?

    — Euh… Salut…

    Mayson arrête de creuser et lève les yeux vers moi. Il ressemble tellement à sa sœur que c’en est déroutant. Tout comme elle, ses longs cils assombrissent son regard et lui donnent un air mystérieux.

    — T’es qui ? me demande-t-il, les sourcils froncés.

    — Je m’appelle Rosaly. Je suis une amie de Deborah.

    Mes mots le touchent instantanément. Visiblement tourmenté par ma déclaration, Mayson se mord les lèvres, le regard fuyant.

    — Elle est morte, murmure-t-il.

    — Je sais. Elle m’a beaucoup parlé de toi. Je veux juste m’assurer que tu vas bien.

    — Pourquoi ?

    Il y a tellement de maturité dans cette question que j’en reste interdite un instant.

    — Réponds-lui, me lance Deborah en me donnant un coup de coude.

    Enfin, façon de parler, parce que son coude passe à travers mon bras, provoquant un tiraillement dans mon muscle.

    — J’aimais beaucoup ta sœur, dis-je en souriant tristement.

    — Je t’ai jamais vue à la maison, rétorque le garçon.

    Son regard vert et scrutateur semble vouloir sonder mon âme. Deborah ne m’avait pas prévenue qu’il avait une telle répartie ! Avoir su, je me serais préparée davantage.

    — Demande-lui s’il est heureux à l’appartement, ajoute Deb.

    — Quoi ?

    Je sursaute en réalisant que je viens de poser la question à Deborah. Argh ! Ces situations me rendent dingue ! Je rigole bêtement et balbutie :

    — Euh… Je veux dire… Deb était plutôt discrète, genre.

    — Deborah ? Discrète ?

    — Alerte rouge ! s’écrie mon amie. Je ne suis pas pantoute discrète. Enfin, je ne l’étais pas. Dis-lui que j’étais gênée d’amener du monde à la maison, parce que notre mère n’a pas de scrupule à se montrer en nuisette à quatre heures de l’après-midi. Quand elle ne dort pas carrément sur le divan du salon !

    Je perçois pas mal de rancœur dans sa réplique, que je ne peux bien évidemment pas répéter telle quelle.

    — Ouais, non, t’as raison, elle avait un tempérament un peu spécial, dis-je en levant les yeux au ciel. Pis c’était une vraie tête de cochon, quand elle s’y mettait !

    Deborah me fusille du regard, et je ne peux m’empêcher d’émettre un petit rire. Elle m’a mise dans cette situation inconfortable, alors je me venge un peu.

    Au moins, j’ai fait mouche, parce que Mayson m’offre un sourire nostalgique.

    — Elle me manque, affirme-t-il après quelques secondes. C’est plus pareil à l’appartement, depuis qu’elle est partie. Et maman refuse de parler d’elle.

    — Oh ! Shit ! s’exclame Deborah en se redressant.

    Du coin de l’œil, je la vois s’éloigner légèrement de nous. J’avoue que c’est un moment intense pas qu’à peu près. J’ai moi-même une boule dans la gorge, mais je ravale ma tristesse afin de rester forte pour Mayson. Après tout ce que m’a raconté Deborah au sujet de leur mère, je sais qu’il a besoin d’un pilier solide dans sa vie.

    — Je ne peux pas la remplacer, mais je suis là, si jamais t’as besoin de moi.

    Je sors un morceau de papier de la poche de mon pantalon et je le tends au garçon.

    — Y a mon numéro écrit dessus. J’habite tout près d’ici. Appelle-moi si t’as besoin d’aide pour quelque chose. Ou juste pour parler. On pourra discuter de Deborah et de son caractère de cochon.

    Je parviens à arracher un rire à Mayson, qui attrape le papier et observe les chiffres écrits dessus.

    — J’aimerais ça parler d’elle. Maman le fait jamais.

    — Alors, n’hésite pas.

    — Les gens dans le parc commencent à te regarder bizarrement, m’informe Deborah.

    — Je dois te laisser, dis-je à son petit frère en me relevant. À bientôt, peut-être.

    Saut d'espace temps.

    — Vous vous êtes bien payé ma tête, grommelle Deb tandis que nous marchons vers chez moi.

    — C’était pour la bonne cause, dis-je en souriant. Tu sais que je t’adore ! Et puis, t’as vu, ç’a marché. Mayson me faisait plus confiance, après ça.

    Je me tais quand nous croisons un passant, histoire de ne pas avoir l’air de parler toute seule, puis je reprends :

    — Je suis contente qu’il ait pris mon numéro. J’espère qu’il l’utilisera en cas de besoin.

    — Ouais, il n’a pas beaucoup d’amis, Mayson. En fait, je ne le vois jamais jouer avec personne, même pas à l’école. Chez nous, il a toujours l’air dans sa tête.

    La mention de l’école me donne envie d’en apprendre un peu plus au sujet de mon amie. Par pudeur, je n’ai pas encore osé lui poser de questions à propos de sa vie d’avant et de comment elle s’est arrêtée. Mais là, après la petite victoire que je viens de vivre avec son frère, je décide de me lancer :

    — Ça fait combien de temps que tu es… enfin…

    — Morte ? complète-t-elle en me regardant de biais.

    Je hoche doucement la tête, inquiète à l’idée de l’avoir heurtée. Mais Deborah ne se fâche pas. Ma question la plonge plutôt dans une profonde réflexion.

    — Ça fait plus d’un an, finit-elle par laisser tomber.

    — C’était un accident ? que je demande en posant les yeux sur la marque légèrement bleue au niveau de sa tempe.

    — Une voiture m’a fauchée alors que je traversais la route. C’était ma faute. J’étais distraite et je n’ai pas regardé. Ma prof de maths m’avait retenue à la fin du cours, pis je ne voulais pas faire attendre Mayson à la sortie de l’école. Il paniquait quand j’étais en retard. Bref, ce jour-là, je ne suis jamais venue.

    Elle tourne la tête pour dérober son visage à mon regard, mais j’ai quand même eu le temps de voir des larmes perler dans ses yeux. Cet aspect de la mort est déroutant. Même sans enveloppe charnelle, les fantômes sont toujours capables d’éprouver des émotions, et ils reproduisent instinctivement certains mécanismes corporels.

    — Je suis désolée, Deb, dis-je tout bas. Je ne voulais pas brasser des souvenirs difficiles.

    — C’est correct, réplique-t-elle en reniflant. Au moins, je n’ai pas souffert. Ma tête a heurté le pare-brise. À l’hôpital, ils ont dit à ma mère que j’étais morte sur le coup. Elle s’est effondrée, ce jour-là, mais j’ignore si c’était à cause de ma mort ou parce qu’elle se retrouvait seule pour s’occuper de Mayson.

    L’affliction sur ses traits laisse place à l’exaspération. Je n’insiste pas. Je songe plutôt à mon père, à sa propre mort, et au fait qu’il n’a pas hésité à m’abandonner alors qu’il aurait pu entrer facilement en contact avec moi, au moins pour me dire au revoir.

    Saut d'espace temps.

    Je propose à Deborah de monter à l’appartement, mais elle préfère aller chez sa mère pour s’assurer que Mayson rentre bien. Elle ne le dit pas ouvertement, mais je sais que ma présence dans le quartier la rassure beaucoup. En cas de danger, elle pourra venir me trouver pour me demander d’intervenir.

    C’est donc seule que je monte les escaliers jusqu’au premier étage. Là, je fais le saut en voyant deux hommes devant ma porte. Ils portent chacun un gilet de sécurité orange garni de bandes réfléchissantes ainsi qu’un casque blanc. Je soupire. Ça fait deux jours qu’ils font le pied de grue sur le palier.

    — Restez pas là, les gars, ça ne sert à rien.

    — Appelle juste nos familles, rétorque le plus grand, qui doit avoir une quarantaine d’années.

    Une large blessure barre son front de part en part, libérant une rivière de sang qui coule incessamment sur son visage, comme une fontaine de chocolat.

    — Écoutez, j’ai parlé de vous à un ami qui est policier. Une équipe est sur place pour sonder la rivière. Ils vont vous retrouver.

    — Ce n’est pas assez rapide, intervient le deuxième homme, beaucoup plus jeune.

    L’empressement dans sa voix me fait reculer d’un pas. Il n’affiche aucune trace de son accident, mais je sais ce qu’il s’est passé, parce qu’ils m’ont tout raconté. Leur camionnette a défoncé la rambarde de sécurité d’un petit pont en banlieue, il y a quelques jours. Le plus vieux affirme avoir eu un malaise alors qu’il conduisait. Le véhicule a plongé dans une rivière et a heurté un rocher. L’un des hommes a réussi à sortir par les fenêtres ouvertes, mais ses blessures l’ont empêché de regagner la rive. Il est mort noyé. Son collègue, lui, est décédé au moment de l’impact.

    — On peut vous donner le numéro de nos familles, insiste le plus vieux d’un ton implorant.

    — Et je leur dirai quoi ? dis-je avec une légère impatience. La plupart des gens ne croient pas à l’existence des fantômes, et encore moins à celle des médiums. J’ai donné votre localisation à la police. Ils vont vous retrouver. Maintenant, laissez-moi tranquille.

    Je veux passer entre eux, mais le plus jeune me barre le chemin, m’obligeant à m’arrêter à deux pas de lui. Son regard est courroucé. Mes entrailles se serrent. Il peut me faire du mal si l’envie lui en prend. Depuis que le fantôme d’Amy m’a cassé le poignet et a failli me noyer dans un étang dégueulasse, je sais de quoi les spectres sont capables et je reste sur mes gardes.

    — Je veux juste rentrer chez moi, dis-je d’un ton ferme malgré ma peur.

    — On n’a que toi, réplique le quadragénaire. Tu nous as trouvés, c’est un signe !

    Il n’a pas tout à fait tort ; je suis en partie responsable de leur présence dans mon immeuble.

    Il y a deux jours, j’ai proposé à maman d’aller faire un tour à la campagne, histoire de nous faire changer d’air à toutes les deux. L’ambiance est un peu tendue à l’appartement depuis que je lui ai annoncé que je vois des fantômes. Alors qu’on se promenait au bord d’une rivière, j’ai eu envie de faire pipi. Je me suis éloignée dans la forêt pendant que ma mère lançait des cailloux dans l’eau. J’ai paniqué en voyant deux hommes approcher de ma position alors que j’étais accroupie, les culottes baissées. Je n’ai jamais uriné aussi vite de toute ma vie ! Il m’a fallu quelques secondes pour comprendre leur discours décousu… et leur statut de fantômes. Après leur avoir fait savoir, sans le vouloir, que je pouvais non seulement les voir, mais aussi les entendre, j’ai pensé les semer en revenant en ville. Belle erreur ! Et mon empressement à regagner la voiture a augmenté l’inquiétude de ma mère à mon égard, par-dessus le marché.

    Alors, oui, messieurs, j’ai fait mon devoir ! Ils devraient même me remercier d’avoir parlé de leur cas à Jeff, mon voisin du dessus, qui est policier, parce que j’aurais tout aussi bien pu les envoyer promener !

    Deborah s’est marrée quand je lui ai raconté cette histoire, affirmant que je devais être attirée par les spectres, vu comment je me mettais dans des situations difficiles avec eux. En attendant, je dois me débarrasser de ces deux emmerdeurs. Paix à leur âme !

    Je m’apprête à répondre au plus vieux quand la porte dans mon dos s’ouvre. Je tourne la tête. Mon regard tombe sur l’expression dubitative de David, mon voisin de palier, qui m’a certainement entendue parler depuis son appartement.

    — T’as besoin d’aide ? me demande-t-il en sondant l’étage et les deux escaliers, sans doute pour vérifier s’il y a quelqu’un d’autre que moi dans les parages.

    Je ne réfléchis qu’un instant avant de lui demander si je peux me réfugier chez lui.

    Chapitre 2

    Une robe orange et des espadrilles

    Une fois la porte refermée derrière nous, je l’observe avec appréhension. Celle de mon appartement empêche les fantômes de pénétrer chez moi pour une raison mystérieuse ; en est-il de même des autres ? Amy n’est jamais entrée chez Barbara quand j’y étais, mais ce n’est pas une preuve concluante, puisqu’elles ne formaient finalement qu’une seule et même entité, et que ces deux morceaux du même fantôme ne souhaitaient pas forcément entrer en contact l’un avec l’autre. Les rares fois où je me suis retrouvée chez Axel ont été super tranquilles aussi côté fantômes. Ça me conforte dans l’idée que les portes ont sans doute le pouvoir de me protéger. Plus je m’ouvre à mon don de médium, et plus je découvre de choses à son sujet… sans forcément obtenir les explications concrètes qui vont avec.

    Comme aucun spectre ne montre le bout de son nez pendant plusieurs secondes, je m’autorise à respirer de nouveau.

    — Est-ce que c’était… enfin…, commence David en passant une main dans ses cheveux hirsutes.

    — Deux fantômes, que je m’empresse de l’informer. Des hommes qui se sont noyés dans une rivière.

    Je lis un mélange de soulagement et de déception sur son visage. L’idée qu’il puisse s’agir d’Amy, sa sœur décédée, a dû lui traverser l’esprit. Après tout, elle aussi hantait le palier il n’y a pas si longtemps. Et je comprends qu’il se sente tiraillé. D’un côté, il aimerait qu’elle soit encore présente, même s’il ne peut pas la voir. D’un autre côté, ça signifierait qu’elle est toujours bloquée dans cette dimension, qu’elle n’a pas trouvé la paix. Comme j’ignore ce qu’il advient des morts une fois qu’ils ont quitté notre monde, je suis dans l’incapacité de le rassurer à ce sujet.

    — Tu veux un café ? me demande-t-il.

    — Est-ce que tu peux faire un cappuccino ?

    — Bien sûr. Et ces deux gars, ils te veulent quoi ?

    Je suis David dans la cuisine et le regarde s’affairer autour d’une machine à expresso toute neuve. Je constate que le frigo semble récent, lui aussi, tout comme la huche à pain en aluminium et le support à couteaux.

    — Ils aimeraient que je prévienne leur famille de leur mort, dis-je distraitement tout en examinant les lieux.

    — Tu comptes le faire ?

    — Leurs proches ne me prendraient pas au sérieux. Ce serait même inconvenant de les appeler. Ils croiraient à une mauvaise blague. J’ai donné des infos à la police pour qu’elle retrouve les corps. Ces deux gars devraient disparaître bientôt… Dis-moi, tu emménages ici ?

    Le vrombissement de la machine empêche David de me répondre tout de suite.

    — Cet immeuble est bien placé, répond-il en me tendant ma tasse. J’ai appelé le propriétaire pour m’assurer que le loyer n’allait pas augmenter de façon démesurée en juillet, parce qu’il est étonnamment bas pour le secteur. Je crois qu’il n’a jamais augmenté depuis la disparition de ma sœur, ou très peu. C’est moi qui le payais, mais je ne me suis jamais posé de questions à ce sujet, j’ignore pourquoi.

    Moi, j’ai une petite idée de la réponse. David évolue en plein brouillard depuis 1996, l’année où Amy s’est évanouie dans la nature. Il ignorait qu’elle était morte avant lundi passé, quand je le lui ai annoncé. Avant cela, je l’ai vu soûl à quelques reprises, et je crois qu’il noyait sa détresse dans l’alcool depuis pas mal de temps déjà.

    Je porte la tasse à mes lèvres et goûte le liquide chaud garni de mousse. Ce cappuccino est bien meilleur que le café filtre que je prépare dans la petite machine bon marché de ma mère. Je le trouve moins amer et plus onctueux. On devrait peut-être se procurer un appareil comme celui-là, nous aussi. Je chasse rapidement cette idée de ma tête, parce qu’un tel gadget high-tech doit valoir une fortune, et maman ne roule pas sur l’or.

    — Le policier qui vit au deuxième est venu me parler, reprend David.

    — Jeff ?

    — Ouais, c’est ça. Je sais que tu l’as aidé à retrouver le corps d’Amy et… je voulais te dire merci. Tu ne l’as pas eu facile, apparemment, ajoute-t-il en désignant mes pansements d’un geste du menton.

    — Disons qu’elle s’est montrée persuasive, lui dis-je avec un pâle sourire.

    Je préfère éviter d’entrer dans les détails. Inutile de lui préciser que l’apparence de sa sœur me donnait la chienne et qu’elle aurait pu me tuer dans les bois. Ça ne l’aiderait pas à faire son deuil.

    — C’était une fille si gentille, souffle David en sondant la petite tasse vide qu’il tient dans ses mains. Et Francis… c’était l’un de mes meilleurs amis. Un gars plutôt taciturne, mais toujours présent quand j’avais besoin de lui. Beau comme un dieu, en tout cas. Amy a craqué à l’instant où elle a posé les yeux sur lui. Ils avaient l’air heureux ensemble, et… je…

    Il redresse la tête et me dévisage.

    — Pourquoi il

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