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Les Jeux sont fait: A Samantha True Mystére, #2
Les Jeux sont fait: A Samantha True Mystére, #2
Les Jeux sont fait: A Samantha True Mystére, #2
Livre électronique447 pages5 heures

Les Jeux sont fait: A Samantha True Mystére, #2

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À propos de ce livre électronique

Certains jours, si horribles soient-ils, ne méritent pas d'être recommencés à zéro.

 

À l'occasion d'un week-end débridé à Las Vegas, Samantha True et son petit ami se marient sur un coup de tête. Six mois plus tard, elle apprend trois choses sur son nouveau mari.

  1. Il a été tué dans un accident insolite.
  2. Elle a hérité de son entreprise de détective privé.
  3. Il avait une autre épouse.

Fauchée et effondrée, elle se lance dans une formation pour gérer son entreprise de détective... ça ne doit pas être bien difficile. Après un marathon de tutoriels sur Youtube, Samantha est prête à accepter sa première affaire.

Lorsque de mystérieux inconnus débarquent sur le pas de sa porte en exigeant des informations sur son défunt mari, elle prend conscience que la situation lui échappe.

Samantha doit découvrir qui il était vraiment. Mais… et si la vérité la mettait elle aussi en danger ?

LangueFrançais
ÉditeurKristi Rose
Date de sortie6 mai 2023
ISBN9798223314370
Les Jeux sont fait: A Samantha True Mystére, #2

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    Aperçu du livre

    Les Jeux sont fait - Kristi Rose

    1

    VENDREDI

    — Madame True, j’ai des nouvelles très troublantes.

    L’avocat, Tyson Lockett, poussa vers moi une feuille de papier pliée en trois posée sur le bureau.

    Le coin pendait sur le côté du meuble.

    Souhaitant pouvoir me soustraire complètement à ce papier, je le renvoyai vers lui de l’ongle de mon index. Après ça, je frottai mon doigt sur ma jupe pour le nettoyer.

    — J’ai d’autres informations troublantes, dit-il avec une expression solennelle.

    — Des informations plus troublantes que le fait que mon mari ait été tué ?

    Je déglutis péniblement. Ces mots avaient été difficiles à prononcer.

    Qu’est-ce qui pouvait surpasser le fait d’apprendre la mort inattendue d’un être cher ? Mon esprit ne pouvait pas concevoir de réponse à cette question.

    Lockett passa une main sur son visage et marmonna quelque chose. On aurait dit qu’il maudissait le mort en question.

    Il se pinça l’arête du nez et annonça sans me regarder :

    — Je ne sais pas comment vous dire ça, madame True. Si vous regardez le certificat de décès, vous verrez que le nom et la date de naissance correspondent à ceux de l’homme que vous connaissiez sous le nom de Carson Holmes. Mais si vous regardez de plus près, vous remarquerez que la cause, la nature et la date du décès sont fausses.

    Puis il fixa son regard sur moi, déterminé.

    Je secouai la tête.

    — Je ne suis pas sûre de comprendre.

    Ma bouche était terriblement sèche et râpeuse, comme de la terre brûlée par le soleil. Rien dans cet instant n’avait de sens. Je me fixai sur les bizarreries les plus faciles. Lockett avait su qu’il devait m’appeler pour me parler de Carson, même si je n’avais jamais entendu le nom de cet avocat avant aujourd’hui. Lockett savait aussi que j’avais gardé mon nom de jeune fille.

    — Comment saviez-vous que je n’avais pas pris le nom de famille de Carson ?

    Il poussa un lourd soupir puis désigna le papier de la tête.

    — S’il vous plaît, regardez ça.

    Lockett se pencha par-dessus son bureau en acier et en verre et repoussa vers moi la feuille pliée au format enveloppe.

    Avec appréhension, je tendis la main vers le document. Ma main tremblait légèrement lorsque je le pris en pinçant le coin entre mon pouce et mon index.

    La feuille était épaisse, le genre de papier utilisé pour des documents officiels ou des cartes faites maison pour une déclaration d’amour ou des bonnes nouvelles.

    Lockett m’adressa un demi-sourire encourageant et un hochement de tête, m’incitant silencieusement à continuer.

    J’agrippai l’épais papier, le tenant avec une main de chaque côté, et en soulevai le rabat avec mes pouces. L’imprimé à l’intérieur déclarait qu’il s’agissait d’un certificat de décès officiel de l’État de Washington.

    — Je sais que ce n’est pas facile, et je suis vraiment désolé, murmura-t-il calmement.

    Quelque chose dans son regard baissé me donna l’impression qu’il était aussi attristé que moi par la nouvelle. Ou peut-être qu’il était triste parce qu’il était chargé de l’annoncer.

    Il se racla la gorge.

    — Il y a deux nuits, l’homme que vous connaissiez sous le nom de Carson Holmes a été tué dans un accident de la route. Il franchissait le col Snoqualmie quand un arbre est tombé sur sa voiture.

    Mon esprit jouait sa propre version de la scène qu’il venait de me décrire.

    — Impossible, chuchotai-je.

    Je dirigeai mon attention sur l’avocat en expirant profondément.

    — Carson était en Californie à une convention sur la sécurité à domicile, pas dans le nord de Washington, et certainement pas où que ce soit à proximité du col.

    Comment savais-je que ce gars me disait vraiment la vérité ? La veille, je n’avais aucune idée de son existence, et aujourd’hui, il laissait tomber cette bombe.

    — Pourquoi est-ce que ce n’est pas la police qui m’annonce ça, si Carson est vraiment mort ?

    Je fermai les yeux, cherchant mon équilibre, et rembobinai les derniers instants dans ma tête.

    — Pourquoi ne cessez-vous pas de répéter « l’homme que je connaissais sous le nom de Carson Holmes » ?

    — Regardez le certificat, dit Lockett. Regardez la date et la cause du décès.

    Avec une résolution inflexible, j’ouvris les yeux et dépliai davantage la feuille. Je survolai la page pour chercher les mots importants comme « nature du décès » et sautai le reste. Lockett avait raison, la date du décès n’était pas celle du jour, de la veille ou de l’avant-veille. La mort avait eu lieu dix ans auparavant, le jour du Nouvel An. Nous n’étions pas le Nouvel An, et nous en étions loin. La cause de la mort m’embrouilla encore plus.

    — Ça dit que Carson Holmes est mort d’un cancer.

    — C’est exact, dit Lockett.

    — Alors ce n’est pas mon mari ?

    Une minuscule étincelle d’espoir palpita en moi, même si je ne pouvais pas résoudre cette énigme.

    — Non. Votre mari a utilisé ce certificat de décès pour établir une nouvelle identité. L’homme que vous connaissiez sous le nom de Carson Holmes n’était pas vraiment Carson Holmes.

    — Pardon ?

    Habituellement, je n’étais pas aussi stupide, mais rien de ce que cet avocat me disait n’avait de sens, à commencer par son appel téléphonique nerveux de ce matin.

    — L’homme que vous croyiez avoir épousé avait un autre nom, une autre date de naissance, et était en fait marié à une autre femme. Enfin, ils étaient dans les dernières étapes du divorce, mais ça n’a pas d’importance. Ce qui en a, c’est qu’il n’était pas encore officiel.

    Et la voilà, l’autre mauvaise nouvelle. Oui, la mort restait la pire des deux, mais celle du mariage de mon époux à quelqu’un d’autre était classée très proche.

    Les mots m’arrivaient comme si Tyson Lockett se tenait à l’autre bout d’un tunnel, sa voix était métallique avant de s’atténuer. Ses mots avaient un goût amer sur ma langue, même si ce n’était pas moi qui les avais prononcés.

    J’avais deux options. Je pouvais gerber sur son tapis gris à poils longs ou m’évanouir.

    Aucune ne semblait attirante, mais je choisis la dernière. Étant donné ma chance, je pris des mesures préventives et plaçai ma tête entre mes jambes. Je ne voulais pas m’évanouir, glisser hors du fauteuil en cuir lisse et finir dans une position bizarre où je montrerais à M. l’Avocat ma petite culotte tigrée.

    Mais à peine m’étais-je penchée en avant que les ténèbres m’envahirent.

    2

    VENDREDI

    Quand je repris mes esprits, Lockett était près de moi, sa main posée sur mon épaule alors qu’il m’aidait à reprendre doucement connaissance.

    — Allons, Samantha, réveillez-vous, murmura-t-il.

    Je grognai en signe de protestation. Je voulais rester dans ces ténèbres où la vérité restait à distance. Malheureusement, ce n’était pas une option. Alors, je me redressai lentement et essayai de retrouver mon équilibre. Ma vision était floue, des larmes menaçaient de couler. Je clignai rapidement des yeux, tentant de contrôler quelque chose dans un moment incontrôlable.

    — Tenez, dit Lockett en me tendant un verre de liquide ambré. Buvez ça. Vous êtes sous le choc.

    Lockett était grand, blond, très bronzé, et passait probablement ses journées de repos sur une planche de surf où il s’adressait aux autres par « mec », indépendamment de leur genre.

    Son bureau et sa présence reflétaient les ténèbres qui s’installaient autour de moi : des murs couleur étain, un canapé en cuir de la couleur d’un nuage de tempête et un tapis à poils longs assorti à son costume gris. Dehors, le marron boueux du fleuve Columbia, le bleu vif d’un ciel printanier et le mont Hood enneigé fournissaient les seules couleurs.

    Rien n’avait de sens. Ni cet homme, ni ses mots ou le ciel ensoleillé atypique trois jours après le début du printemps dans le Nord-Ouest Pacifique. L’extérieur était baigné de lumière et d’un nouveau souffle ; l’intérieur était sombre et déprimant, et tournait autour de la mort. J’avais désespérément envie de m’échapper, mais je savais que je ne pouvais pas. Ces faits me suivraient, même à la lumière du jour.

    Je pris le verre et le descendis. Un feu liquide brûla ma gorge et atterrit dans mon estomac en un gargouillement volcanique d’appréhension et de chagrin. Je toussai, m’attendant à moitié à ce que des flammes sortent tandis que mes entrailles me brûlaient.

    Lockett me tendit une bouteille d’eau, et j’en pris une grosse gorgée, voulant à tout prix éteindre le feu. Mon estomac se révolta. Je bondis du fauteuil et courus vers une poubelle en plastique transparent, l’ouvris et vomis mon petit déjeuner dedans.

    Lockett alla à la réception et revint avec la secrétaire. Elle me prit discrètement la poubelle des mains puis la tint à distance alors qu’elle sortait de la pièce.

    Lockett me ramena vers le fauteuil tout en me tendant un mouchoir orné d’un monogramme. Le geste me prit par surprise. Je ne l’avais pas imaginé vieux jeu.

    Je me couvris la bouche avec mes mains, son mouchoir placé entre deux doigts, et secouai la tête. Comment ce qu’il avait dit pouvait-il être vrai ? J’étais l’autre femme ? Je n’étais même pas l’épouse de Carson ? Je n’arrivais pas à croire que le Carson que je connaissais ait pu se montrer fourbe à ce point.

    — Est-ce qu’elle est au courant pour moi ?

    Je m’affalai sur le fauteuil, laissant ma tête retomber en arrière contre le dossier. Mon corps était soudain lourd, mes membres tels des rondins humides.

    — Oui. Quand Carson est mort, il n’avait pas sa fausse pièce d’identité sur lui. C’est pour ça que c’est moi qui vous l’annonce et pas la police. Son épouse a appris plus tard votre…

    Il se racla la gorge.

    — On m’a demandé de faire des recherches.

    Mon estomac se retourna de nouveau. Elle était au courant pour moi. Qui j’étais. Je ne savais rien sur elle.

    — Quelles sont les chances que nos chemins se croisent ?

    — Minces, répondit-il. Ce serait un hasard extraordinaire si c’était le cas.

    Comment était-il possible que Carson ait vécu deux vies, et que je n’aie rien remarqué ? Était-ce là qu’il allait quand il quittait la ville ? J’avais vu des séries comme ça en parcourant les chaînes sur les crimes véritables mais je n’aurais jamais cru que cela pouvait arriver à quelqu’un que je connaissais, encore moins à moi.

    — Vous avez dit qu’ils étaient en instance de divorce… Est-ce qu’ils vivaient encore ensemble ?

    Je devais savoir à quel point j’avais partagé Carson.

    — Est-ce pour ça qu’il était près du col quand il est mort ?

    Lockett secoua la tête.

    — C’était pour un intérêt professionnel qu’il était près du col, et le divorce était en médiation. Il faisait de fréquents voyages à…

    Les mots non prononcés planèrent lourdement dans la pièce. Je n’étais pas autorisée à savoir où il allait ou ce qu’il faisait, un droit donné à n’importe quelle épouse. Encore d’autres paroles et plus de confusion sans aucune information ou clarté. Encore d’autres secrets.

    Lockett soupira avec lassitude puis dit :

    — Madame True, parce que vous et Carson n’étiez pas mariés légalement, vous n’avez aucun droit sur ses biens. Tout ce qui est sous le nom de Carson Holmes est transféré à son épouse légitime via sa véritable identité.

    Cherchant du réconfort, je tendis la main vers le collier en argent que Carson m’avait offert il y avait deux semaines, un cadeau inattendu pour marquer nos six mois de mariage. Ma main s’immobilisa quand je touchai mon cou nu. Le bijou volumineux, deux clés liées à un cœur, avait disparu. Affolée, je tâtonnai autour de moi, espérant découvrir qu’il s’était défait, avant de me rappeler que je l’avais cassé quelques jours auparavant, après qu’il s’était accroché à la sangle du sac de mon appareil photo et que j’avais brisé un maillon.

    Je posai la main à plat contre mon cou nu.

    — Ça me paraissait légal. J’ai abordé ça avec de bonnes intentions.

    Si une nuit d’ivresse à Vegas constituait de bonnes intentions. Quoi qu’il en soit, je prenais mes vœux au sérieux.

    — C’est peut-être vrai, mais pas Carson. Je suis vraiment désolé.

    Il me tapota l’épaule d’un air gêné.

    Si Carson ne m’avait pas épousée avec de bonnes intentions, quelles étaient-elles ? Je n’aimais pas la direction que ça prenait. Une vague brûlante d’humiliation me submergea.

    — Vous êtes désolé ? Pour quoi ?

    Je me redressai et regardai Lockett, qui était appuyé contre son bureau devant moi.

    — Parce que quelqu’un m’a dupée ? Parce que l’homme que je croyais avoir épousé est mort ? Parce que maintenant je ne sais pas quoi faire de ma vie ? Pour quoi précisément êtes-vous désolé ?

    Un nœud épais composé de larmes et d’anxiété se forma dans ma gorge, rendant la déglutition presque impossible.

    — Qu’est-ce qui me dit que je peux vous croire ? Je n’ai même pas de certificat de décès. Alors peut-être que c’est une très très mauvaise blague.

    Lockett tendit la main sur son bureau et prit une enveloppe kraft, qu’il me tendit.

    — Qu’est-ce que c’est ?

    Je reculai comme s’il tenait un serpent. Je ne pouvais pas gérer une nouvelle découverte bouleversante.

    — À l’intérieur se trouvent les formulaires et les documents du vrai Carson Holmes. Des articles de journaux, beaucoup d’autres informations. C’est l’identité que votre mari a volée.

    Lockett posa l’enveloppe sur le sol, à côté de mon sac.

    — Ça ne répond pas à ma question. Comment est-ce que je sais que vous dites la vérité ? Il y a plus d’un Carson Holmes au monde. À qui étais-je mariée exactement ? Dites-le-moi.

    J’avais formé des guillemets avec mes doigts quand j’avais dit « mariée ».

    Lockett passa une main dans ses cheveux et soupira si lourdement que je sentis un poids se presser contre moi.

    — Je ne peux pas vous dire son vrai nom. La famille a demandé que vous ne le sachiez pas.

    — Je suis censée comprendre ça et l’accepter en me basant sur la parole d’un inconnu ? demandai-je d’un ton incrédule.

    — Je ne sais pas.

    Lockett refusa de croiser mon regard, et, à la place, regarda par la fenêtre. Sa mâchoire remua comme s’il avait autre chose à dire mais qu’il ne savait pas s’il le devait. Il jura doucement, puis s’assit à côté de moi. Il se rapprocha comme s’il était sur le point de m’avouer un secret.

    — S’il vous plaît, croyez-moi quand je dis qu’il vaut mieux que vous ne sachiez pas, dit-il à voix basse. Vous avez vos souvenirs. Personne ne peut vous les prendre. Mais tout ce que vous avez au nom de Carson, cachez-le, débarrassez-vous-en ou vendez-le. Séparez-vous du nom de Carson Holmes aussi vite que vous pourrez. Est-ce que vous avez un compte joint ?

    Je hochai la tête. Son ton m’inquiétait. Il m’avertissait.

    Il tendit la main vers mon sac à bandoulière posé sur le sol, puis me le donna.

    — Pouvez-vous accéder au compte depuis votre téléphone ?

    Je hochai de nouveau la tête, tenant mon sac sur mes cuisses.

    — Videz votre compte maintenant, dit-il.

    À l’urgence de son ton, la panique monta dans ma poitrine. Mon cœur battait follement. Mes mains tremblaient lorsque j’ouvris la grande poche. Nous avions un compte joint avec des économies. J’avais gardé mon compte courant pour des raisons dont je ne me souvenais pas. Je mettais ma paie sur le compte joint pour pouvoir démissionner de mon travail et faire autre chose. La photographie m’avait épuisée, mais « l’autre chose » restait encore à déterminer. Les économies étaient une sécurité pour me donner le temps de trouver. Nous avions budgété pour vivre sur le salaire de Carson.

    Je bataillai avec le téléphone pour faire apparaître mon appli bancaire. Si ce que Lockett disait était vrai, si Carson était mort, alors je devais prendre ce que je pouvais, n’est-ce pas ? J’aimais manger. J’aimais avoir un toit au-dessus de ma tête. Mon instinct de survie se déclencha et prit la relève. Pas que nous avions énormément d’argent sur ce compte, mais cette somme me ferait tenir le temps que je prenne mes marques.

    Avec mes doigts tremblants, il me fallut trois essais avant de saisir le bon code.

    Pour rendre la situation plus stressante, j’avais démissionné de mon travail quelques jours avant. La haine que j’avais pour mon ancien employeur ne pouvait pas être formulée par des mots. J’en avais marre de photoshopper des photos de classe d’enfants de l’Académie de Wind River. Dire au sinistre M. Toomey de se la mettre là où je pensais avait été magnifique, digne de faire la fête. Une fête que j’allais partager avec mon mari désormais décédé. Cette fois, j’ajoutais mentalement des guillemets autour de « mari ».

    Le compte était vide. Trente mille dollars avaient disparu. Je m’immobilisai, soudain glacée. Je posai le téléphone sur le bureau de Lockett.

    — Il n’y a plus rien sur le compte.

    Il claqua la langue.

    — Ils agissent vite. Vous le devriez aussi. J’aurais aimé pouvoir vous expliquer tranquillement, mais il semblerait que ce soit une course contre la montre.

    Il prit une autre enveloppe sur son bureau et me la tendit.

    — Carson vous a laissé son entreprise.

    — Comment ? Vous avez dit que tous ses biens revenaient à sa vraie épouse.

    J’avalais ça comme on avale un cafard.

    — Il l’a mise à votre nom. Le bail du bâtiment a été payé pour l’année. Il se renouvelle à la fin du mois de janvier. C’est à vous d’en faire ce que vous voulez. Vous devez commencer à protéger tout ce que vous pouvez.

    — Je n’y connais rien en systèmes de sécurité. Je ne peux pas faire son travail.

    Lockett eut l’air las.

    — Avec son entreprise, il ne travaillait pas seulement dans la sécurité. Il agissait aussi en tant qu’enquêteur privé.

    Incapable de m’empêcher d’être sarcastique, je répliquai :

    — Quoi ? Il vendait des systèmes de sécurité et résolvait des crimes ?

    Rien, et je dis bien absolument rien, n’avait de sens. Ma vie était actuellement la définition d’un monde bizarre.

    — Oui.

    Lockett me lança un regard de compassion et de pitié qui me rendit furieuse.

    Je saisis l’enveloppe et mon sac, bondissant sur mes pieds. Mes économies avaient disparu. Mon mari n’était pas mon mari, mais, dans tous les cas, il avait disparu aussi, et maintenant un surfeur en herbe était énervé contre moi parce que j’avais été dupée ? Non, j’avais atteint ma limite de conneries pour la journée.

    — Y a-t-il autre chose que vous voudriez me dire sur l’homme avec qui je couchais depuis un an et que je ne connaissais clairement pas ?

    Lockett resta muet.

    — Non ? Bien. Alors je vais sortir d’ici avant que vous ne me disiez que mon père n’est pas mon vrai père et que je suis en fait un garçon du nom de Pablo qui vient d’Espagne.

    Je m’avançai vers la porte, motivée par l’indignation et la peur.

    — Samantha, dit Lockett.

    Je marquai une pause. Fixant la porte, la main sur la poignée, je refusais de regarder en arrière.

    — S’il vous plaît, soyez prudente. Faites attention à qui vous parlez. Avec qui vous partagez des informations. Oubliez que vous avez connu un Carson Holmes et continuez votre vie.

    Je lui lançai un regard noir par-dessus mon épaule, atterrée qu’il puisse suggérer une telle chose. J’avais maintenant un million de questions sans réponse, et s’il y avait une chose que tout le monde aurait pu vous dire sur moi, c’était que ma curiosité était insatiable.

    3

    VENDREDI

    Comment je fis le trajet entre le bureau de Lockett qui se situait au troisième étage et ma voiture, nul ne le sait.

    La journée était anormalement chaude pour la saison, mais j’étais transie jusqu’à l’os. Je lançai mon sac à bandoulière et les enveloppes pêle-mêle sur le siège passager puis pris le siège conducteur. Sans courant d’air, la chaleur lourde dans la voiture était suffocante. J’appuyai sur un des boutons de ma clé électronique pour baisser les vitres puis agrippai le volant, mes mains à quatre heures quarante, tandis que l’agitation de la journée m’entourait.

    Je regardai par la vitre mais ne vis que le film de l’année que j’avais passée avec Carson. Je rejouai, une image après l’autre, les scènes capturées par la caméra de mon esprit, cette fois à la recherche de signes. Nous nous étions rencontrés au Marathon de Portland, avions couru les dix derniers kilomètres au même rythme et avions franchi la ligne d’arrivée ensemble. Nous avions célébré notre réussite en nous versant de l’eau l’un sur l’autre, nous étreignant et riant. Je n’oublierais jamais la manière dont il avait reculé, m’avait examinée comme s’il découvrait une vue magnifique, et avait tendu la main pour se présenter.

    — Carson Holmes, comme Sherlock Holmes, avait-il dit.

    Je supposais que cela aurait dû me mettre la puce à l’oreille. Il s’était présenté avec un énorme mensonge, en se comparant à une personne fictive.

    — Samantha True, avais-je répondu.

    J’avais étudié les doux angles de son visage. Il était beau, avec un charme enfantin, un sourire espiègle et des yeux marron scintillants.

    — Puis-je vous emmener dîner pour fêter ça ? avait-il demandé. Je suis nouveau dans le coin, et j’aimerais me faire une amie.

    Tout en moi avait hurlé oui. Avec le recul, c’était choquant, la facilité avec laquelle on s’était joué de moi. Il n’y avait pas eu de signe avant-coureur, pas de signal d’alarme. Jamais. Un dîner en avait entraîné plusieurs autres. Il n’avait pas été pressant ou envahissant comme dans ces histoires effrayantes sur la manière dont une femme devenait une victime. Il n’avait jamais hésité avant de répondre aux questions que je posais. Jamais, pas une fois, je n’avais eu l’impression qu’il cachait quelque chose.

    Et ce n’était pas comme si je ressemblais à un troll gardien de pont. J’étais plus grande que la plupart des femmes, mais seulement de quelques centimètres, avec de longs cheveux ondulés blond vénitien, des yeux gris-vert et des dents bien alignées après quatre ans d’appareil dentaire. J’avais un joli teint, avec quelques taches de rousseur sur le nez, et occasionnellement l’apparition d’un bouton, habituellement au pire moment possible. D’accord, j’avais souvent mes cheveux en queue-de-cheval et préférais les pantalons modulables (qui s’ouvraient au niveau des genoux et devenaient des shorts) aux robes, mais j’avais obtenu des rencards quand j’en avais voulu. Ce n’était pas comme si j’avais des soucis pour trouver l’homme idéal.

    Six mois après notre rencontre, nous avions fait un voyage à Vegas, sans aucune intention que le week-end soit autre chose qu’une escapade amusante. Plusieurs verres et un buffet plus tard, un Elvis en costume en polyester nous avait mariés. Il n’y avait pas eu quelque chose de vieux, d’emprunté, de nouveau ni de bleu. Mais il y avait eu une vidéo, où nous échangions notre baiser nuptial bourrés et où, à la fin, Carson me prenait dans ses bras et me portait vers un faux coucher de soleil. Je l’avais stupidement balancée sur les réseaux sociaux au lieu d’appeler mes parents pour leur dire. Ma mère m’avait dit que la qualité de la vidéo était nulle mais que le message était clair. Oh, et ne pouvais-je pas, juste une fois, faire les choses comme les autres filles de mon âge ?

    Hé, je m’étais mariée. Qu’est-ce qu’elle voulait de plus ?

    — Samantha ?

    Derrière la vitre côté conducteur, Lockett était incliné et me regardait.

    — Je sais que c’est difficile, mais vous devez partir. Ce n’est pas une bonne idée que vous restiez ici. Ce n’est pas sûr.

    Je lui tournai le dos, ne me souciant pas de son avertissement. Je n’étais pas trop inquiète au sujet des vendeurs de food trucks, des hommes et femmes d’affaires et des mamans hippies au foyer qui s’activaient vers les parcs ou les cafés à proximité.

    Lockett soupira.

    — Pouvez-vous appeler quelqu’un ?

    Bien sûr que je le pouvais. Mais je n’en avais pas envie. Je n’étais pas pressée d’avoir une conversation avec qui que ce soit au sujet de mon menteur de pas-vraiment-mon-mari qui me trompait.

    J’avais trois options. Aucune d’elles n’était bonne. Il y avait ma sœur Rachel. Elle vivait sur la côte est, était infirmière en service actif de la US Navy et mère célibataire. Elle aimait me donner des ordres, en bonne sœur aînée, surtout quand elle était inquiète. J’envisageai ensuite mes parents. Cela allait les déchirer, surtout mon père. Il adorait Carson, et Carson l’adorait. Ou peut-être que cette dernière partie était une ruse aussi. Je ne pouvais pas le dire à mon père. Enfin, il y avait ma meilleure amie, Precious, mais avec elle, il y aurait plus de cinéma, et je n’avais pas l’énergie pour ça.

    Lockett s’éloigna en grommelant, et j’étais contente. Je continuai à tenir le volant, mes pouces frottant les coutures du cuir alors que j’essayais de rassembler les pièces du puzzle. Comment l’avais-je aussi mal jugé ? Même maintenant, je n’arrivais pas à identifier les indices.

    Cela avait dû durer un moment, parce que lorsque Lockett revint, il était avec un ami.

    — Je n’arrive pas à la faire partir, expliqua Lockett.

    Du coin de l’œil, j’aperçus le pantalon gris de l’homme, sa main dans sa poche avant.

    Le visage de Lockett apparut à la vitre.

    — Vous ne m’avez pas laissé le choix. Je n’essaie pas de vous causer plus de problèmes.

    Un autre visage apparut dans ma vision périphérique, faisant disparaître celui de Lockett.

    — Hé, Samantha. Comment ça va ? demanda le flic à ma vitre.

    Je fermai les yeux, espérant que lorsque je les ouvrirais, il aurait disparu.

    — Elle n’a pas passé une bonne journée, chuchota Lockett. Ne lui demandez peut-être pas ça.

    Le flic se racla la gorge.

    — Samantha, c’est Leo. Tu veux me dire ce qui se passe ?

    Tu parles.

    Je ne dis rien.

    — Tu veux que j’appelle Hue, pour que tu puisses lui parler ?

    Leo leva son téléphone.

    Hue était le petit frère de Leo et un de mes plus proches amis. Leo, lui, n’était pas un de mes plus proches amis. En fait, cela faisait très longtemps que nous nous courions mutuellement sur les nerfs.

    Il avait été le quarterback star de notre équipe au lycée pendant que j’étais la photographe du journal de l’école. À chaque fois que j’essayais de prendre une photo de lui, il se détournait. Mais seulement avec moi. Il avait laissé d’autres personnes lui tirer le portrait. C’était ce genre de crétin. Pour ajouter de l’huile sur le feu, Leo Stillman avait été témoin des difficultés les plus embarrassantes de ma vie. Ou y avait contribué, suivant qui racontait l’histoire.

    En dehors de l’actuelle, en tout cas.

    J’étais allée à l’université avec l’espoir de devenir photographe médico-légale. Durant la phase de stage de mon année, on m’avait demandé de photographier une collision en voiture pour une assurance. La scène avait inclus un cerf mort. Le problème était que j’avais la grippe… des frissons, la peau moite, l’estomac nauséeux et la vision double. Un regard sur les yeux noirs perçants et le corps tordu du cerf, et j’avais vomi partout, y compris sur la scène de crime de Leo, qui n’avait pas fini d’être examinée. La nuit avait empiré à partir de là, lorsque les flics avaient pris un appel qui les avait amenés à une seconde scène de crime, où une femme avec qui j’avais grandi avait été enchaînée à un poteau et heurtée par une voiture après un cambriolage.

    Voir les sombres dessous du monde criminel m’avait laissée dans l’incertitude sur mes projets de vie. Sentant ça, Leo m’avait dit d’abandonner et d’aller prendre des photos de bébés habillés comme des petits pois dans une cosse. Malheureusement, pendant les dix dernières années, j’avais fait ce qu’il avait suggéré. Et, sans mentir, il y avait un côté sombre chez les femmes et leur détermination inflexible à ce que leurs précieux petits soient photographiés exactement comme il fallait.

    — Allez-vous-en, officier, dis-je en fourrant la clé dans le contact.

    Je parierais que Leo Stillman n’épouserait jamais une polygame.

    Les personnes parfaites ne faisaient pas de choses stupides. Il mesurait plus d’un mètre quatre-vingts, avait de larges épaules de guerrier. Sa peau brune et ses yeux gris acier étaient rehaussés par des traits larges et de hautes pommettes transmises par ses racines autochtones. Il était l’incarnation du mot fort.

    — Tu veux me dire ce qui ne va pas ? Tu dois parler à quelqu’un.

    Il me parlait comme je l’aurais imaginé s’adresser à une personne sur une corniche, sur le point de sauter. Comme si j’avais perdu la boule. Demander à quelqu’un qui voulait se jeter dans le vide de partager ses malheurs n’était pas un bon point de départ. C’était là que vous vouliez finir, bien sûr. Même moi, j’avais appris ça au cours d’introduction à la criminologie. Comment mieux inciter une personne à mettre son plan à exécution que de lui faire rabâcher ses échecs ?

    Je tournai la clé d’un cran pour que le SUV ait du jus puis remontai la vitre, la lui fermant au nez.

    Leo baissa la tête et soupira si bruyamment qu’il embua brièvement la vitre. Puis il se redressa et fit le tour, vers le côté passager, Lockett avec lui.

    — Tu ne peux pas rester là, Samantha. Tu dois t’en aller.

    Leo recommençait avec ses ordres.

    Apparemment, c’était sa voix « sois sévère avec la folle ». Je relevai la vitre passager tout en baissant simultanément celle conducteur. J’étais peut-être sous le choc, mais je n’étais pas prête à cuire dans ma voiture.

    Leo se frappa la jambe sous la frustration et revint côté conducteur. J’inversai la position des vitres. Il finirait par comprendre le message, et, avec un peu de chance, cela le ferait partir. Est-ce qu’il aimait que quelqu’un lui tourne continuellement le dos, comme il l’avait fait avec moi ? Je voulais le lui signaler, mais ça aurait requis que je le regarde.

    Nous continuâmes ce cinéma encore trois fois avant qu’il ne perde son calme.

    — Bon sang, Samantha ! s’impatienta Leo.

    Ses mots étaient étouffés par la vitre fermée côté conducteur. Sa main frappa le toit de ma voiture, et il monta sur le trottoir, où Lockett attendait. Je laissai les vitres fermées et entrouvris le toit. Je saisis des bribes de leur conversation à voix basse mais ne pus pas la déchiffrer. Je devais trouver quoi faire ensuite. Épuisée par le jeu de pouvoir que je venais de mener, je laissai ma tête retomber contre

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