Doubles visages, tome 2 - Sous le soleil anglais
Par Naomi Chauret
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À propos de ce livre électronique
Les vérités sortent au grand jour et Evelyn peine à se retrouver parmi elles. Son sentiment de trahison brusque fortement les émotions qu’elle commençait à ressentir pour Blaireau.
La Winslow Trade Company, quant à elle, est en danger dû à son alliance avec les Birckham. À la tête de la puissante famille, le duc de Camford manipule les gens pour se tailler une place de choix dans le grand jeu de pouvoir qui domine Londres. Avec ses alliés, Evelyn tentera de mettre fin à la corruption, mais il se pourrait que les enjeux soient plus grands qu’elle le croyait.
Alors que son implication avec la Société se fait plus distante, la jeune femme cherche sa véritable vocation et veut se rapprocher de ses ambitions personnelles. Au fond, se doter d’un double visage, est-ce bien ou mal?
Ce deuxième et dernier tome signe la fin de la saga d’Evelyn Winslow, romance historique au parfum féministe, parfaite pour les amateurs de la série Netflix The Bridgerton, de Downtown Abbey et des romans de Johanna Lindsey.
Naomi Chauret
Naomi Chauret est une auteure publiée aux Éditions ADA depuis 2019. Dès l’âge de huit ans, elle s’amuse à écrire des histoires de tous genres pour mettre sur papier son imagination débordante. À 18 ans, Naomi signe son tout premier contrat d’édition pour sa série Princesse promise, une fiction de romance et d’aventures pour les 12 ans et plus. Puisant l’inspiration dans son amour pour l’Histoire et les voyages, l’auteure a également publié La Chambre d’ambre, un des trois tomes du collectif jeunesse Objectif Trésor. Retrouvez Naomi sur Facebook (Naomi Chauret – Auteure) et Instagram (@naomi_chauret)!
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Avis sur Doubles visages, tome 2 - Sous le soleil anglais
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Aperçu du livre
Doubles visages, tome 2 - Sous le soleil anglais - Naomi Chauret
Chapitre 1
Un cadeau empoisonné
Personne ne m’entend souffler le nom de mon partenaire de mission, mais, à voir ses yeux s’écarquiller, je devine qu’il est aussi surpris que moi. Soudain, j’ai la gorge sèche et un bourdonnement revient dans mes oreilles.
— Mademoiselle Winslow ! Bienvenue ! lance la duchesse de Camford, Sierra Birckham. Voici mon fils, Michael, ajoute-t-elle en désignant le jeune homme à ses côtés.
Les derniers doutes qui pouvaient me rester quant à la véritable identité du jeune homme devant moi s’envolent aussitôt.
— Tout va bien, ma chère ? me demande la duchesse qui s’inquiète de me voir aussi pâle.
J’ai le souffle court, je crois m’évanouir. La duchesse le constate et me mène vite vers un sofa pour m’inciter à m’y étendre. Elle fait ensuite venir une compresse d’eau froide, qui est posée sur mon front alors que ma mère me tient fermement la main.
— Secoue-toi un peu ! me murmure-t-elle à l’oreille, les dents serrées.
Mon père vient à ma défense et explique à notre hôtesse :
— Elle n’a pas beaucoup mangé, ce matin. Ce doit être un léger malaise, cela passera, ne vous inquiétez pas.
En effet, après quelques minutes, je sens à nouveau les membres de mon corps. Mais mes doigts demeurent glacés entre ceux de ma mère qui me force à m’asseoir. Je n’ai pas le temps d’avoir honte de la petite scène que je viens de créer, lorsque mon regard croise à nouveau celui de Blaireau.
Michael Birckham.
Le mystère personnifié que tout Londres cherche à percer est devant moi. Et je le connais. Ou plutôt, je croyais le connaître, rectifie une voix intérieure. Sa grandeur et sa large carrure ne m’avaient jamais intimidée jusqu’à maintenant. Il est vêtu d’un complet noir, parfaitement taillé. Ses longs cheveux, d’un riche brun chocolat, comme je peux maintenant bien le distinguer, sont attachés et forment une basse queue de cheval. Les rumeurs disaient pourtant que l’héritier Birckham gardait ses cheveux courts, comme le veut la mode en vigueur, et que ces derniers étaient clairs. Les rumeurs disaient aussi que ses yeux étaient verts. Certaines racontaient même qu’il avait une cicatrice sur la pommette gauche. Les ragots ne sont toujours que des ragots, en fin de compte…
« Promets-moi de ne pas me juger », m’a-t-il demandé, il y a à peine deux jours, lorsque nous brisions le Code de la Société en nous permettant de dévoiler nos visages jusqu’alors cachés sous le capuchon et le foulard de nos habits de voleurs. Je croyais qu’il parlait de son apparence physique, mais j’avais tort. Il parlait de son identité. Il avait peur que je le reconnaisse, comprends-je.
À l’heure actuelle, ce même jeune homme se tient devant moi, sans foulard. Sous son œil observateur, je me sens étrangement dénudée. Je le suis d’autant que ma mère m’a fait porter une robe particulièrement affriolante pour l’occasion. Mes épaules sont à découvert et, dans une échancrure, le haut de ma poitrine apparaît. Là, elle se gonfle et frotte inconfortablement contre le fin tissu de l’encolure à chacune de mes respirations affolées. Que je suis loin de mon habit de voleuse, si confortable…
Lorsque mon père prend mon bras et m’aide à me relever, je suis près de tomber à nouveau. La mère de Blaireau – non, de Michael – le saisit par le coude pour l’approcher de moi. Mes yeux arrivent plusieurs centimètres sous ses épaules, comme je l’avais remarqué la nuit de notre mission au château Birckham. Le château de sa famille… Bon sang, je n’arrive pas encore à y croire !
Ses yeux bruns, qui dégagent une lueur ambrée encore plus perceptible à la lumière du jour, me scrutent intensément. Comme s’ils cherchaient une réponse. Je rougis, tout à la fois de gêne, de colère et de stupeur : la surprise ne peut pas être plus intense de son côté que du mien. Je ne lui reconnais pas le droit de chercher en moi un signe d’apaisement.
Je parcours du regard les traits de ce visage que j’ai découvert il y a à peine deux jours et ne peux croire que ce cauchemar est réel : je suis victime d’un mariage arrangé me liant à la famille la plus abominable qui soit. Blaireau a beau être au cœur de cette liaison, cela demeure une infamie.
Le silence s’éternise entre nous deux.
Michael Birckham incline alors le haut de son corps et exécute une révérence avant de saisir ma main et d’y poser un baiser.
— Très heureux de faire votre connaissance, mademoiselle Winslow.
Ses sourcils sont presque imperceptiblement froncés, mais à part ce détail, rien dans son expression ne trahit le fait qu’il ment. Que nous nous sommes déjà rencontrés. Que nous nous connaissons depuis plus de deux ans. Que nous nous tutoyons entre amis. Ses doigts glissent lentement des miens pour quitter ma main.
Devant mon silence, ma mère me pousse le bras. Je m’incline à mon tour, malheureusement bien consciente du spectacle impudique qu’offre mon col en me penchant, puis je lance :
— Moi de même… lord Birckham.
Lord. Parce qu’étant fils d’un duc, Michael est marquis. Comme il m’est étrange, pour ne pas dire horripilant, de devoir nommer mon ami par ce titre. Je déteste aussi la joyeuse excitation de sa mère et de la mienne alors qu’elles clament leur bonheur. La duchesse nous invite ensuite à nous diriger vers un autre salon, où le thé nous attend.
— Je vous prie d’excuser le retard de mon mari, dit-elle en chemin. Les affaires, vous comprenez.
— Bien sûr, répond aussitôt mon père.
— Il sera ici d’une minute à l’autre, nous assure la maîtresse de cette immense maison.
Encore plus grandiose que celle de lady Dalcourt, une veuve de très haut rang qui a donné plusieurs des bals auxquels j’ai assisté durant la saison mondaine, la maison de ville des Birckham possède trois étages, en plus des cuisines et du sous-sol pour les domestiques, comme nous l’indique la duchesse. Le rez-de-chaussée présente le plafond le plus haut afin d’abriter une salle de bal que nous n’aurons pas l’occasion de voir aujourd’hui puisqu’elle est en rénovation.
— Il y a si longtemps qu’elle n’a pas servi ! explique Sa Grâce. Mais avec les fiançailles, je me suis dit que nous pourrions bientôt la remettre en usage.
Elle lance un clin d’œil dans ma direction. Jamais n’ai-je entendu parler d’un bal donné chez les Birckham. Ces derniers sont trop conscients de leur condition pour tout bonnement inviter chez eux plus que les quelques privilégiés de Londres. Ce serait en effet une première. Pour une grande occasion qui, invraisemblablement, me concerne.
Nous arrivons finalement dans le second salon, celui-ci décoré dans des tons de bleu et d’or. Des théières emplies d’eau chaude, une panoplie de pâtisseries et une vaste sélection de thés et de tisanes nous attendent. Des domestiques sont déjà postés le long des murs, prêts à répondre aux moindres demandes. Je m’imagine que la reine elle-même n’a pas autant de gens à son service pour l’heure du thé.
Je m’installe, comme on me l’indique, dans un fauteuil aux côtés de ma mère et face au siège de Blaireau. Une fois de plus je me prends à l’appeler par son nom de code dans ma tête. Il faut absolument me conditionner à ne pas l’interpeler ainsi quand j’aurai à m’adresser à lui. Au risque de trahir… quoi, au juste ?
Toujours confuse, dépassée par le tourbillon des événements qui m’embrouille l’esprit, je choisis un thé au hasard et tente de me laisser réconforter par la chaleur qui coule dans ma gorge, mais les battements rapides de mon cœur semblent impossibles à réfréner. Je me tiens assise sur le bord du fauteuil, les sens en alerte. Prête à fuir. J’en ai d’autant plus envie lorsque, finalement, le père de Michael, Asher Birckham, duc de Camford, l’un des hommes les plus puissants d’Angleterre vient nous rejoindre. Aussitôt, les domestiques de la salle semblent se redresser encore plus.
— Votre Grâce, le salue mon père en se levant.
— Freddy Winslow ! Comment allez-vous, mon cher ?
Asher Birckham a beau sourire, son regard demeure de glace. Il y a quelque chose d’autoritaire dans la façon dont il se tient. Droit et fier. Les quelques cheveux gris, presque argentés, qui décorent ses tempes semblent crier le nombre d’années depuis lesquelles il sème la tourmente. Propriétaire de près de la moitié des propriétés et des terrains à location de Londres, en plus de posséder de nombreuses terres aux alentours, le duc préfère continuer de s’enrichir plutôt que contribuer à rectifier les injustices de la société, les classes moins nanties étant affectées par toutes ses actions et décisions. En grande partie par sa faute, tant de pauvres souffrent de leurs conditions et ne peuvent en sortir. C’est peut-être pourquoi d’ailleurs une certaine arrogance flotte également sur les traits du visage du duc. Je reconnais le nez et la bouche de Blaireau. Mais Blaireau a le rire facile alors que je doute qu’il en soit ainsi pour son père.
Lorsque le duc de Camford se tourne vers moi, j’ai froid dans le dos, tant et si bien que mes bras se couvrent de chair de poule. Je les frotte aussi discrètement que possible alors que le père de mon fiancé s’approche. Obligée par les convenances, je me lève pour lui faire la révérence. Pourtant, je haïs chaque parcelle de mon âme en le faisant. Cet homme ne mérite aucun respect, aucune considération, aucune reconnaissance. Voici la cruauté des Birckham personnifiée.
— Mademoiselle Winslow ! Laissez-moi vous regarder.
Je demeure immobile.
— Hum. Oui, les rumeurs ne mentaient pas, vous êtes d’une beauté saisissante.
Son ton est posé, ferme. J’incline la tête en signe de remerciement.
— Mais ce cou nu mériterait bien une décoration pour enjoliver le joli tableau que vous êtes.
Je n’aime pas particulièrement être comparée à un tableau. Pour ce qui est de mon cou, je ne porte normalement pas de colliers lorsque je peux l’éviter, simplement parce qu’ils sont de ces extravagances dont je préfère me priver. Surtout parce que je sers la cause des pauvres en faisant partie de la Société, groupe secret qui vole les riches pour aider ces pauvres à survivre. Je me vois mal me pavaner avec un objet sans aucune autre utilité que celle d’épater la galerie, alors même que son prix suffirait à nourrir, à loger et à vêtir des familles entières pendant plusieurs mois. Toujours est-il qu’aujourd’hui, je suis bien surprise que ma mère ne m’ait pas forcée à en porter un… Hélas, le sourire brillant qu’elle affiche ne me dit rien qu’il vaille.
Le duc interpelle son fils, une légère note de condescendance dans la voix :
— Michael ? N’as-tu toujours pas offert ton présent ?
Son père ne le regarde même pas quand il acquiesce d’un ton neutre.
— Où avais-je la tête ! J’ai oublié, tout simplement.
Avec un geste de la main, Michael fait venir un domestique. Ce dernier tient entre ses doigts gantés une énorme boîte de velours noir. Mes mâchoires se crispent lorsque j’en devine le contenu. Blaireau – ou plutôt Michael, je ne sais plus comment l’appeler – s’approche de moi et ouvre la boîte. Sous mes yeux se dévoile le plus beau collier que j’ai vu de ma vie.
L’assemblage de perles et de diamants forme des motifs floraux et complexes. Les plus grandes fleurs, ouvertes et épanouies, ornent le devant du bijou, scintillant même dans l’ombre que projette ma tête penchée sur l’objet. Quelques branches en or blanc s’éloignent des centres en jolies spirales, au bout desquelles un nouveau joyau brille. De délicates feuilles, celles-ci faites d’or et saupoudrées de poussière de diamant, bordent les pétales. Tout simplement grandiose.
Tout simplement exorbitant, hors de prix.
Je relève finalement les yeux vers mon ami. Nous savons tous les deux qu’il s’agit là d’un horrible cadeau à m’offrir. Bien qu’immensément joli, ce collier à lui seul aurait pu arracher des dizaines de familles londoniennes à la misère.
Ma mère suggère que Michael attache le bijou à mon cou, ce qu’il ne peut refuser. Je ne contrôle pratiquement plus mes mouvements alors que je me lève, me tourne pour lui faire dos et soulève mes longs cheveux, exposant encore plus de peau à ses yeux. Les mains de Michael passent doucement le collier au-devant de ma tête puis scellent le fermoir. Je sens deux de ses doigts s’attarder un peu plus longtemps sur ma nuque, tandis que je me tourne brusquement, laissant tomber mes boucles noires, avant de prendre un pas de recul. Le poids des diamants pèse lourdement sur mes épaules. À moins que ce soit la culpabilité qui accroisse ce poids ?
Je relève mon menton vers le jeune héritier.
— Je vous remercie, lord Birckham, dis-je. Mais je ne méritais pas un tel joyau.
Je ne le mérite pas, c’est vrai.
— Au contraire ! proteste vivement la duchesse. À partir d’aujourd’hui, vous mériterez toutes les richesses de l’Angleterre.
Parce qu’en épousant l’héritier Birckham, je suis destinée à devenir marquise : lady Evelyn Birckham. J’accéderai même au titre de duchesse de Camford, lorsque le duc décèdera et lèguera son duché à son fils. Tous ces titres m’étourdissent, sans parler de toutes les questions qui se bousculent dans mon esprit.
Je lance à Blaireau un regard noir dans lequel transparaît toute ma fragilité. Je veux qu’il soit le seul à voir ce que je ressens. Je n’ai jamais voulu de cette position, de ces fiançailles. Et je ne sais pas à quel point il a eu son mot à dire dans toute cette affaire. Rien que d’imaginer qu’il fut impliqué dans cette décision me blesse profondément.
— J’ai entendu dire que vous affectionnez le piano, Evelyn ? soulève soudain la mère de Michael. Jouez-nous donc un morceau !
Ce disant, elle pointe le centre de la salle où se dresse un magnifique piano à queue que, à cause de mon désarroi, je n’avais pas remarqué lors de mon entrée dans la pièce. Je n’aime habituellement pas me donner en spectacle. D’autant plus que ma maîtrise du piano n’a rien d’extraordinaire : j’en joue parce qu’on m’y a presque forcée, l’éducation exemplaire d’une jeune femme de haut rang demandant d’inclure la musique sous une forme ou sous une autre. Toutefois, j’accepte la proposition, empressée d’enterrer le vacarme de mes pensées.
Tout en jouant, je sais que le duc et la duchesse évaluent mes compétences. L’envie me prend alors de faire quelques fausses notes à dessein, simplement pour les ébranler, mais cela nuirait davantage à mes parents et je ne peux m’y résoudre. Je suis en colère contre eux, mais il y a encore tant de questions sans réponses. Mieux vaut procéder prudemment pour le moment et protéger les apparences. Je m’efforce donc de faire bonne figure, comme toute jeune femme convenable qui, en plus d’être douée en danse, compétente dans l’usage des langues modernes et versée en littérature, se doit de savoir divertir une assemblée. Une fiancée parfaite, quoi !
Pour le reste de notre visite chez les Birckham, je ne parle que lorsqu’on m’adresse directement la parole et j’évite par-dessus tout de croiser le regard de Michael, bien que je sente l’insistance du sien posé sur moi presque en permanence.
Comme Gwen le fit à la suite de l’annonce de ses fiançailles à Émile Marveaux, son amoureux de la France, Michael et moi devons faire connaître les nôtres dans toute la bonne société. Maintenant que la saison¹ s’est conclue, il n’y a plus vraiment de soirées ni de bals. N’empêche que des dizaines de nobles quittent leur résidence en campagne et reviennent en ville exclusivement pour nous inviter à des événements qu’ils créent dans ce but. Ou plutôt, dans le but de découvrir le riche et mystérieux héritier Birckham qui excite toutes les curiosités.
Après trois soirées de suite où l’on me force à demeurer aux côtés de mon fiancé, de m’accrocher à son bras, et où je refuse de lui accorder ne serait-ce qu’un regard, qu’une gentillesse, je suis à bout de patience. Tout ce cirque m’empêche de bien assimiler le fait que Blaireau est un Birckham. J’ai besoin de recul, j’ai besoin de réponses ! Mon désir de temps et d’intimité est cependant ignoré. Tout Londres, probablement toute l’Angleterre, a entendu les nouvelles de nos fiançailles ! Comment s’en étonner ? La presse s’intéresse beaucoup trop à notre union. Des journalistes semblent présents partout où l’on va. Leurs questions sont nombreuses, assourdissantes. L’une d’elles revient incessamment et m’exaspère chaque fois que je l’entends : pourquoi le marquis épouse-t-il une femme d’un statut inférieur au sien ? Une question pour laquelle je n’ai pas encore de réponse.
Si les Birckham contrôlent avec habileté les foules, je tombe, pour ma part, en état de panique, n’ayant jamais eu à faire face à autant de notoriété. Surtout, je veux que cesse cette parade de tous les instants devant tous ces regards avides et jaloux. Toutefois, le destin semble en décider autrement. Une autre soirée est annoncée, un nouveau bal chez lady Dalcourt. Ma gorge se serre dès que je pose à nouveau les pieds dans cette demeure où j’ai chapardé en compagnie de Blaireau, il n’y a pas si longtemps. L’excitation et l’allégresse que j’ai ressenties cette nuit-là en riant avec mon ami, en nous éloignant rapidement de l’automobile à vapeur que nous avions tenté de manœuvrer, sont ombragées par le lourd secret que portait alors Blaireau : sa véritable identité de lord richissime. Un Birckham. Je n’en reviens toujours pas.
L’héritier s’approche de moi. Il me guide à travers les danseurs dont la plupart s’arrêtent et se retournent pour saluer notre arrivée. Je baisse le regard. Le violet foncé de ma robe retient mon attention. J’ai choisi un haut col de dentelle noire, ce soir. Gracieux et surtout pudique. Les manches de la robe sont courtes, mais je porte de longs gants, dissimulant chaque parcelle de ma peau. Une façon de me rebeller silencieusement contre le choix que ma mère a fait en m’obligeant à porter cette stupide robe au décolleté plongeant le jour de la présentation officielle.
Ma toilette est légèrement chaude pour ce mois d’été, mais je me suis équipée d’un éventail et je n’hésite pas à l’utiliser. Qui plus est, la possibilité d’envoyer des messages non verbaux grâce à cet accessoire est l’un des seuls atouts dont je peux me munir en ce moment. Dès que l’entourage qui m’est imposé s’est déniché une place dans la salle, j’ancre mes pieds dans le sol et repousse d’un mouvement du poignet toute personne qui désire m’approcher pour me parler. J’ai reçu suffisamment de félicitations pour ces maudites fiançailles. Maudites ? conteste une voix dans ma tête. Oui ! en répond fermement une autre. J’aimais bien Blaireau, mais son vrai nom incarne tant d’abus et d’injustices à la source de la misère londonienne. Cette véritable identité semble tout brouiller, et même annuler ce que je commençais à ressentir à son égard. Nous sommes de retour à la case zéro. Même qu’avec un tel nouveau départ, je dirais que nous sommes à la case -1.
Mon fiancé est toujours debout à mes côtés. La tension de son corps est bien visible. Nous n’avons eu aucun moment seuls tous les deux depuis l’annonce de l’alliance entre nos deux familles. Peut-être aimerait-il en avoir un pour me parler, mais moi, je ne suis pas certaine d’en souhaiter ou d’être seulement prête pour une franche discussion. Du moins, pas tout de suite. Je dois réfléchir à bien des choses avant de pouvoir lui faire face. Ainsi, comme je l’ai fait lors de ces dernières soirées, j’évite son regard et reste muette. Son comportement reflète le mien, ce qui me facilite la tâche.
Parmi les invités, je cherche Gwen, mais ne l’aperçois nulle part. Je n’ai pas encore eu la chance de revoir mon amie, bien que j’aie reçu une missive de sa part, ce matin. Elle me félicitait, mais la manière froide et formelle dont elle le faisait laissait entendre qu’elle doutait que la nouvelle fasse mon bonheur. Elle a dû s’absenter de la ville pour visiter quelques terres en campagne avec Émile, mais elle est maintenant de retour et m’invite à venir la visiter dès que possible. Il me semble toutefois impossible de m’échapper de ma famille ou de ma future belle-famille pour plus de quelques minutes. Puis Gwen ne peut venir à moi vu les invitations très exclusives des événements auxquels je participe.
Même ma sœur aînée, Zoella, m’envoie ses félicitations par lettre et regrette de ne pas pouvoir assister aux débuts de mon couple, puisqu’elle est de nouveau enceinte. Elle préfère ne pas côtoyer la ville et les trop nombreuses maladies qui y courent, surtout en été. J’ai répondu en lui offrant mes félicitations pour ce troisième enfant et en manifestant ma hâte de la revoir. Je me sens si seule et incomprise, entourée de vautours qui n’attendent qu’à me voir faire un faux pas pour s’en délecter.
Justement, je tourne la tête vers le rassemblement de dames attentives dans un coin de la salle, chacune me lançant des coups d’œil intrigués, racontant probablement tous les ragots possibles et exprimant subtilement sa jalousie à mon égard et la frustration que lui inflige l’indisponibilité du bachelier de l’année. Je leur souris, ne serait-ce que pour les exaspérer davantage. En réaction, leur groupe se resserre telle une meute d’hyènes s’apprêtant à fondre sur une carcasse de viande. La plupart d’entre elles sont des mères en pleine course au mariage pour leurs filles, et je viens de leur voler la possibilité de faire « le plus beau mariage du siècle ». Quoique, à mes yeux, il n’y a rien de beau à un mariage forcé.
Mon regard poursuit l’exploration de la foule. Contrairement aux autres bals de lady Dalcourt, je n’aperçois ce soir aucun membre de la haute bourgeoisie. Ma famille à part, je ne suis entourée que d’aristocrates. Comme si, pour s’assurer la présence des Birckham, l’hôte se devait de n’inviter que les personnes « méritantes », issues du meilleur milieu. Cette hypothèse soulève en moi plus de questions que de réponses. Pourquoi moi, mademoiselle Evelyn Winslow, riche, mais sans titre, suis-je le choix des Birckham ? D’autant que si la Winslow Trade Company, la compagnie familiale de bateaux marchands de mon père, a réellement des problèmes financiers, je ne suis peut-être même plus riche.
Je suis sur le point de détourner mon regard de la piste de danse lorsque j’aperçois un jeune homme aux cheveux bruns qui vient dans notre direction. Le faux sourire que je tenais jusqu’à maintenant sur mes lèvres s’efface. Bastian Rennings arrive finalement à ma hauteur et s’incline profondément. Michael se retourne vers lui et incline la tête à son intention.
— Mademoiselle Winslow, lord Birckham, nous salue-t-il. J’aimerais vous féliciter pour vos fiançailles. J’espère que ce mariage vous apportera beaucoup de bonheur.
Bastian rive son beau regard dans le mien. Je baisse aussitôt les yeux et me sens rougir.
— Nous vous remercions chaleureusement, monsieur Rennings, répond Michael avec une telle prestance que je ne reconnais plus mon ami Blaireau.
Bastian s’incline à nouveau et, avec un dernier regard dans ma direction, se perd parmi les invités.
Je me sens si ingrate. Bastian était l’un de mes prétendants. Le seul qui ait véritablement retenu mon intérêt. Il a été bon, généreux et attentif avec moi. La culpabilité se fraie un chemin dans mon cœur alors que je constate avoir oublié et délaissé Bastian dans les dernières semaines. Tout ça parce que Blaireau occupait mes pensées. Je me rappelle soudain la proximité dans laquelle se tenaient nos visages, ce soir-là où j’ai eu l’impression qu’il allait m’embrasser, où j’ai cru qu’avoir dévoilé nos visages signait le début d’une situation nouvelle, excitante et passionnante entre nous. Je ne peux pas croire que je commençais à développer des sentiments pour un Birckham… Ce même soir, je m’étais dit que peu importe le nom qu’il portera, Blaireau sera toujours Blaireau pour moi. Je constate maintenant que ce n’est pas vrai, pas lorsqu’il s’agit de ce nom de famille.
Par ailleurs, j’ai jadis soupçonné Blaireau d’être Bastian. J’ai ensuite rejeté l’idée, puisqu’à mes yeux, Blaireau ne pouvait venir d’une classe sociale élevée. Je n’ai jamais cru que Blaireau était pauvre, mais il me semblait tout à fait impossible qu’il soit riche ! Son ouverture d’esprit, sa compassion, son attitude familière et détachée, son aptitude à rire et à s’amuser à tout moment… Tout semblait le désigner comme membre de la classe ouvrière. Une classe qui pouvait se permettre d’amasser un pécule en plus du nécessaire, mais seulement lorsque les contrats étaient payants. Enfin, son apparence m’avait lancé sur la piste d’un travailleur manuel, à en juger par sa stature musclée, ses mains rugueuses et la rudesse de ses traits… Maintenant que je connais sa véritable identité, loin de toutes professions ouvrières, je me dis qu’il doit forcément pratiquer un sport ou un loisir particulièrement physique. Seule cette hypothèse peut expliquer son apparence si différente des délicats bacheliers de la haute société.
Tous ces signes que j’ai cru voir et qui pouvaient prouver l’appartenance de Blaireau à la classe ouvrière n’étaient que des mauvaises interprétations, conclus-je. Tout a été construit dans ma tête. Je ne connais rien de Michael Birckham. Seulement ce que les rumeurs en racontent, des rumeurs dont le peu de fiabilité est illustré par le fait qu’elles se sont méprises sur sa simple apparence physique. Je sais qu’il a passé son enfance dans le château des Birckham, que nous avons volé ensemble au nom de la Société, et qu’il est rarement venu à Londres en dehors des moments où ses activités interlopes l’appelaient. Lorsqu’il séjournait en ville, il demeurait loin des objectifs et des journaux, loin des yeux du public.
Blaireau cachait habilement sa véritable identité, autant la nuit que le jour. Dire qu’il fait partie de la Société depuis plus longtemps que moi ! Ces derniers temps, j’ai pu réfléchir à notre organisation secrète. Tous ses membres détestent les Birckham. Que diraient-ils de la situation ? Mais je ne peux pas trahir l’identité de Blaireau sans me trahir moi-même. Tout le monde saurait que nous avons brisé les règles du Code en nous révélant nos identités respectives. Bref, je serais affectée par cette vérité autant que lui. À moins que Renard, notre chef, soit déjà au courant de ce secret… Impossible ! Jamais il n’aurait accepté qu’un Birckham se joigne au groupe. Blaireau a dû lui donner une fausse identité lorsqu’il a rejoint les rangs de la Société… Et si Blaireau caressait l’ambition secrète d’infiltrer l’organisation afin de la démanteler ? me demandé-je soudain. Non, ce ne peut être cela. Il aurait amplement eu le temps et les opportunités de nuire dans les dernières années. Mais alors, pourquoi un Birckham a-t-il voulu s’allier avec la Société ?
De toute façon, sans même savoir qui est vraiment
