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La LA VIE APRES LA GUERRE
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La LA VIE APRES LA GUERRE
Livre électronique259 pages3 heures

La LA VIE APRES LA GUERRE

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À propos de ce livre électronique

Les haut-parleurs du camp de prisonniers lancent un cri de délivrance. : «La guerre est finie !» La première phrase que j’apprends à dire en français. Jamais je ne saurai la redire en chuchotant.

Dehors, il pleut abondamment. Des gouttes emperlent les têtes nues. On pleure. On danse. On s’embrasse. Mes pieds sont mouillés mais je n’en ai cure. La pluie me transporte hors du temps. Je souhaite qu’elle ne cesse jamais. Puisse cette eau envoyée par le ciel laver les barbelés dans ma mémoire et noyer à jamais mes peines passées.

Une nouvelle vie commence. Quand tout ça a débuté, j’avais cinq ans. J’en ai onze, maintenant. Je suis grand.

Ce récit, où alternent les rires et les larmes, suit la route d’un jeune ex-prisonnier de guerre qui redécouvre la paix et la liberté.
LangueFrançais
Date de sortie15 juin 2022
ISBN9782897837709
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    Aperçu du livre

    La LA VIE APRES LA GUERRE - Alain Stanké

    Catalogage avant publication de Bibliothèque et

    Archives nationales du Québec et Bibliothèque et Archives Canada

    Stanké, Alain, 1934-

    Des barbelés dans ma mémoire

    Nouv. éd.

    Autobiographie.

    Publ. antérieurement sous le titre : J’aime encore mieux le jus de betterave !.

    Montréal : Éditions de l’Homme, c1969 ; et,

    Mon chien avait un z’an. Montréal : Stanké, c1998.

    Sommaire: t. 1. Du peloton d’exécution au camp de concentration

    t. 2. La vie après la guerre

    ISBN 978-2-89783-770-9 (v. 2)

    1. Stanké, Alain, 1934- - Enfance et jeunesse. 2.Guerre mondiale, 1939-1945 -

    Récits personnels lituaniens. 3. Journalistes - Québec (Province) - Biographies.

    4. Éditeurs - Québec (Province) - Biographies.

    I. Titre. II. Titre : J’aime encore mieux le jus de betterave !.

    III. Titre : Mon chien avait un z’an.

    IV. Du peloton d’exécution au camp de concentration.

    V. Titre: La vie après la guerre.

    PN4913.S73A3 2009 940.54’814793 C2009-940409-5

    © 2009 Les Éditeurs réunis (LÉR)

    Illustration : Carl Pelletier, Polygone Studio

    Les Éditeurs réunis bénéficient du soutien financier de la SODEC

    et du Programme de crédits d’impôt du gouvernement du Québec.

    Nous remercions le Conseil des Arts du Canada

    de l’aide accordée à notre programme de publication.

    Édition :

    LES ÉDITEURS RÉUNIS

    www.lesediteursreunis.com

    Distribution :

    PROLOGUE

    www.prologue.ca

    Imprimé au Québec (Canada)

    Dépôt légal : 2009

    Bibliothèque et Archives nationales du Québec

    Bibliothèque nationale du Canada

    titre.jpg

    À tous mes amis (et amies !) de France, passés

    et actuels, et tout particulièrement Jean-Louis et

    Marcel. Je m’ennuyais tellement d’eux que je les

    ai ramenés au Québec où, comme moi, ils ont pris

    racine. À nous trois, nous avons onze enfants et,

    temporairement, quatorze petits-enfants qui vont,

    à leur tour, contribuer à l’essor de ma seconde

    patrie d’adoption.

    Avertissement

    Ce livre n’est pas un roman. Lieux et personnages ne sont pas imaginaires. Toute ressemblance avec des personnages existants ou ayant existé n’est nullement fortuite.

    Celui qui voit le présent a tout vu !

    Marc Aurèle

    Avant-propos

    Voici la suite de Des barbelés dans ma mémoire, où j’évoquais mon enfance en Lituanie, mon pays d’origine, puis dans les camps de concentration en Allemagne. Ce récit s’attarde sur mon adolescence passée en France (1945-1951).

    Faire un retour sur son passé lorsqu’on est devenu adulte n’est pas une tâche aisée, d’autant que – comme le dit très justement Lord Byron – se souvenir de la douleur est de la douleur encore !

    Puisque j’ai décidé de consigner dans les pages qui suivent les expériences que j’ai vécues, il me faut les éprouver à nouveau. Certes, la mémoire a travaillé. Il doit exister un certain écart entre ce qu’elle a enregistré il y a bien des années et ce que j’y puise aujourd’hui. Pourtant, depuis que je tourne et retourne les pages du passé dans ma tête, je suis étonné de constater combien les dérisions, les chagrins, les peines et les émotions ont peu vieilli. Non, je n’ai oublié ni les visages ni les noms ni les lieux. Je m’étonne moi-même de constater que tous ces souvenirs, je les ai retrouvés en moi, sans l’aide d’archives ni de personne. Je n’aurais pas pu faire autrement car, aujourd’hui encore, quelque chose m’empêche de demander des détails de mon passé à ceux qui pourraient m’en donner.

    D’aucuns seraient portés à penser que le fait, pour un homme, de raconter son adolescence, alors qu’il est arrivé au seuil du troisième âge, est un exercice qui relève plus de la prétention que de la littérature. En effet, pourquoi faut-il qu’après avoir passé le cap de la soixantaine un homme ressente soudain l’irrépressible besoin de raconter les expériences qu’il a vécues adolescent ? Ces expériences ne devraient intéresser que lui-même et, accessoirement, ses descendants afin qu’ils puissent se référer à ces souvenirs, si jamais un jour ils en éprouvaient le besoin.

    Explication : Jamais je n’ai voulu écrire le premier livre. Un jour, épuisé d’être questionné sur ce passé que je m’efforçais obstinément d’oublier, je me suis résolu à le figer entre deux couvertures d’un ouvrage. Accessibles à tous, ces pages m’évitent, encore aujourd’hui, la pénible corvée de me raconter de vive voix. C’est un exercice qui, même avec une cinquantaine d’années de recul, provoque infailliblement en moi un indicible déchirement.

    Les douleurs passées laissent décidément des empreintes coriaces. Ceux que la vie n’a pas épargnés me comprendront.

    À ma grande stupéfaction, Des Barbelés dans ma mémoire connut un appréciable succès de librairie tant au Canada qu’en France. L’ouvrage poursuit son chemin à travers les librairies et dans les écoles, où il est désormais inscrit dans divers programmes scolaires.

    Ce premier livre de souvenirs est un exercice de récapitulation, de recherche d’une identité. Je l’ai écrit comme je l’ai vécu : dans un irrésistible élan, une inexplicable transe, comme s’il s’était agi de quelqu’un de totalement étranger à moi. J’ignore par quelle magie le crayon de l’adulte a réussi à libérer la mémoire de l’enfant, une mémoire restée longtemps réprimée par d’invisibles barbelés. Des barbelés assurément aussi mortifiants que les vrais.

    Ce deuxième tome entend répondre aux demandes de mes lecteurs désireux de me faire exhumer d’autres souvenirs. Pourquoi vient-il si tard ? Serait-ce parce qu’il m’a fallu tout ce temps pour m’habituer à moi ? Quelle qu’en soit la raison, je souhaite que, rattachés aux tout premiers, ces souvenirs superposés dans une chronologie forcément réaménagée par les années, pleins de poussière et de trous (et narrés dans un vocabulaire que, bien sûr, je ne possédais pas à l’époque), parviennent malgré tout à combler la curiosité. En cherchant les forces et les raisons positives pour retrouver le filin des souvenirs interrompus, j’ai découvert que leur écriture allait me faire rajeunir… d’un demi-siècle ! De nos jours, vu les coûts des cures de rajeunissement, le jeu en valait peut-être la chandelle !

    Il m’est essentiel de dire aussi que j’écris ces lignes taraudé par le doute. En effet, je suis déchiré entre le désir de poursuivre le récit et l’envie, une fois la tâche terminée, de mettre toutes les pages dans une bouteille que je lancerais à la mer…

    Dernier détail avant la levée du rideau : chaque fois que je replonge dans mon passé, je me retrouve automatiquement au présent, un temps sans surprises où il m’est plus aisé de revivre les événements tels qu’ils se sont produits. Pour moi, c’est ici et maintenant que ça se passe. Lorsque je replonge dans le passé, les passés simple et composé, ainsi que l’imparfait me paraissent déplacés. Je sens que tout ce que je ne raconterais pas au présent risquerait de maquiller ma mémoire. Ce n’est qu’en répondant « présent » au présent que je peux espérer faire un vrai présent au lecteur.

    Les pages qui suivent seront donc rédigées… au présent.

    A. S.

    Introduction

    J’ai cinq ans.

    Nous sommes en 1939.

    De ma vie je n’ai encore jamais vu de fusil ni de soldat (pas même en plomb). Mon initiation se fait sans ménagement devant un peloton d’exécution improvisé par l’armée soviétique au tournant d’une route de campagne.

    Le destin me permet d’en sortir vivant. Merci destin !

    Un peu plus tard, un camion militaire soviétique s’arrête devant notre maison. On nous avait prévenus. Nous l’attendions. Et maintenant qu’il est là, je constate, avec un certain soulagement, qu’attendre est plus difficile que d’affronter la réalité. Discrètement, derrière les rideaux légèrement écartés, j’observe deux soldats qui descendent du véhicule. Nous savons qu’ils viennent nous arrêter pour nous expatrier en Sibérie. Je ne pense plus à rien, ma tête est vide. Je sais seulement que, dans quelques instants, je quitterai cette maison. Dehors, il fait très nuit. Un frisson me traverse l’âme pendant que je guette les militaires qui semblent se consulter.

    Les deux bolcheviks hésitent un long moment devant notre maison et finissent par revenir sur leurs pas. Je les vois se diriger vers la maison d’à côté. Je les entends frapper à la porte de nos voisins. Pas de doute, ils ont commis une erreur. Comme bon nombre d’entre eux, ces soldats ne savent pas bien lire, mais ils savent au moins compter jusqu’à quatre. On leur a dit de prendre quatre personnes. Comme nous, les voisins sont quatre. Le compte est bon ! Quatre personnes sont emmenées à notre place. Le père, la mère et les deux enfants. Plus tard, nous apprendrons qu’ils sont morts en Sibérie. Nous, nous sommes restés en vie.

    Encore un coup du destin.

    Après avoir vécu les occupations soviétique puis allemande, je finis par échouer en Allemagne où je suis transbahuté à travers trois camps de concentration. Pour tout bagage, j’emporte avec moi deux chapelets, celui de ma première communion et un autre, minuscule et donc facilement escamotable, pour le cas où mes tourmenteurs auraient l’idée de me confisquer le premier. Je suis convaincu que ces deux précieux objets me protégeront des malheurs à venir. Je les place dans un tout petit sac en cuir que j’accroche à mon cou, sous ma chemise. Dans le même réticule, aux couleurs de la peau, mes parents glissent une image sainte (à mon âge et dans mon état j’ai besoin de croire aux miracles). Pour compléter l’arrimage, ils y glissent aussi mon certificat de naissance au dos duquel mon père prend le soin d’inscrire qu carnet d’adresses » de ma vie.

    La route s’annonce longue.

    Dans le dernier camp – qui a réellement failli être mon der­nier puisqu’il s’agit d’un rare joyau nazi fièrement surveillé par un dénommé Eichmann –, on se prépare à m’utiliser comme cobaye. Grâce à Dieu, les assassins sont pris de court. L’armée américaine se pointe juste à temps. Je suis sauvé. Il était moins une. Je quitte la méphistophélique officine écorché, amputé de mon enfance mais… toujours vivant. Si les soldats yankees ne s’étaient pas présentés à temps dans ce laboratoire de l’odieux, j’aurais contribué de manière inestimable à la recherche scientifique du Troisième Reich, désireuse de décou­vrir la capacité d’endurance d’un enfant plongé dans une baignoire d’eau glacée. En pareilles circonstances, l’expérience ne prend généralement fin qu’avec la mort du sujet, que l’on suit avec une rigueur scientifique, chronomètre en main. Ma vie durant, les baignades en eau froide (pour lesquelles je garde une aversion viscérale) me rappelleront inévitablement cette sur la Libération, je me retrouve en compagnie de quelque deux mille prisonniers dans un gigantesque camp de triage. La région du Main finit par être envahie par l’armée américaine, mais la guerre, elle, est loin d’être terminée. Même sous la protection des Américains, il n’y a pas, pour nous, de sécurité. La mort rôde toujours. En effet, tous les soirs, un petit avion privé, piloté par un Allemand, apporte sa modeste contribution per­sonnelle aux concitoyens en déroute. Il survole notre camp et mitraille nos baraquements avec la force d’un enragé. À plu­sieurs reprises des balles venues du ciel traversent le plafond de notre abri et viennent se perdre dans le plancher à un doigt de mon grabat.

    Désolé. Encore raté.

    La mort attendra !

    À partir de ce moment précis les événements se précipitent.

    Les troupes allemandes sont refoulées sur le front de l’Est. Pendant que la bataille se poursuit en Allemagne, la France est libérée.

    Le 20 avril 1945, des convois de wagons de marchandises sont affrétés pour le rapatriement des prisonniers français. Grâce à un sous-officier de l’armée américaine d’origine lituanienne, notre famille est enfin réunie et placée sur la liste des rapatriés français plutôt que sur celle des ressortissants baltes. Il s’agit du sergent Puscius qui dirige le bataillon chargé de notre survie. Tant que je vivrai je n’oublierai jamais son nom. La possi­bilité d’échapper à une inévitable croisière en Sibérie et d’y découvrir la mort nous soulage tous.

    Pour effectuer le périple du rapatriement, on nous place dans le troisième wagon. Nous n’avons strictement aucun bagage. Nous sommes légers et libres de nos mouvements, prêts à recommencer notre vie dans un nouveau pays dont je ne connais rien encore.

    Chemin faisant, le dernier fourgon déraille. Résultat : dix corps déchiquetés. La mort sera du voyage. Le wagon précédant le nôtre commence à basculer à son tour. Sa chute finit par immobiliser le train. Après plusieurs heures d’attente, nous, les vivants, nous repartons. Quelques kilomètres plus loin, le convoi doit s’immobiliser à nouveau. Des saboteurs allemands, que les Américains appellent werewolves (loups-garous), inconsolables de nous voir quitter le pays, ont exprimé leur dépit en déboulonnant une longue section de rails. Tout le monde est sous le choc. Craignant ne pouvoir jamais revenir vivant, un de nos compagnons de route refuse de poursuivre le voyage dans ce train, source de malédictions, et part retrouver sa patrie à pied.

    Le 3 mai, à onze heures du matin, nous finissons par atteindre la France. Congratulations, visite médicale et saupoudrage d’office au DDT, la désinfection habituelle. Je passe ma pre­mière nuit, depuis longtemps, dans un vrai lit sur un vrai mate­las. La vie commence à me sourire.

    Nous avons aussi droit à un vrai repas ! Évitons de nous pin­cer, nous sommes peut-être en plein rêve. Plus tard, lorsqu’on nous installe dans un vrai train de passagers, nous sommes enfin rassurés. Nous sommes redevenus de véritables… êtres humains.

    Deux jours après, un peu avant midi, les haut-parleurs du camp de River, où mon père, ma mère, mon frère et moi som­mes parqués, annoncent la fin de la guerre. La joyeuse procla­mation, le cri de délivrance qu’on nous scande inlassablement dans le micro produit une véritable explosion dans tout mon être : « La guerre est finie ! La guerre est finie ! » La première phrase que j’apprends à dire en français. Jamais je ne saurai la redire en chuchotant.

    Dehors, il pleut abondamment. Les gouttes emperlent les têtes nues. On pleure. On danse. On s’embrasse. Mes pieds sont mouillés mais je n’en ai cure. Bientôt j’aurai des souliers neufs et peut-être même des chaussettes. Le luxe !

    La pluie me transporte hors du temps. Je souhaite qu’elle ne cesse jamais. Puisse cette eau envoyée par le ciel laver les barbelés de ma mémoire et noyer à jamais mes peines passées. En cette première journée de paix sur la France, la pluie est mon baume.

    Nous ne restons pas très longtemps à la frontière. Le dernier train de l’espoir nous dépose dans un déferlement d’enthou­siasme à la gare de l’Est, en plein cœur de Paris. Il est précisément minuit !

    Qu’elle était longue cette première route !

    A

    … comme Ailleurs

    Il est préférable d’être ailleurs

    lorsque autre part n’est plus ici.

    Pierre Dac

    Paris, gare de l’Est. Tout le monde descend. Le quai est bondé. Il y a surtout des femmes et des enfants aux yeux ha­gards qui parcourent en tout sens cette fourmilière humaine dans l’espoir de retrouver leur homme. Un va-et-vient indescriptible. Un brouhaha insoutenable. Les malheureux rapatriés ont tellement changé que leurs familles ont beaucoup de difficulté à les reconnaître. Finalement, ce sont les revenants qui, les premiers, sautent au cou de leur épouse pour l’étrein­dre de toutes leurs forces, ou de ce qu’il leur en reste. Durant l’absence des pères qui, pour certains, a duré quatre ou cinq ans, les enfants ont eu le temps de grandir. Je pense soudain aux dix d’entre nous que l’on ne retrouvera jamais sur ce quai, car ils sont morts sur le chemin du retour, lors du déraillement. On a annoncé leur libération mais a-t-on eu le temps d’annon­cer leur mort ?

    Tout le monde court, tout le monde cherche mais nous, nous ne cherchons personne car personne ne nous attend. Craignant qu’on ne se perde dans la foule, mon père nous donne la main. Collé à lui, je me contente d’observer en témoin envieux l’euphorie de ces retrouvailles collectives. Il fait bon se sentir enfin libre dans son nouveau pays d’accueil !

    La gare est envahie par un insupportable remugle auquel se mêlent la transpiration, les parfums bon marché et les exhalai­sons fétides du DDT dont les autorités n’ont pas cessé de nous asperger depuis la Libération. Avant de quitter la gare, nous sommes invités à passer près d’un vaste comptoir derrière lequel sont entassées des boîtes de carton contenant du ravi­taillement. Sur présentation de sa carte d’identité, chacun de nous reçoit un colis contenant des vivres pour trois jours : boîtes de conserve, pain d’épice et, quelle bénédiction… des paquets de cigarettes ! Le pactole !

    Aussitôt après avoir procédé à cette généreuse distribution, la Mission française de rapatriement nous prend en charge avec les laissés-pour-compte et les prisonniers étrangers. Ils vont nous conduire à un refuge d’où l’on procédera aux réinser­tions ou aux rapatriements. Ce refuge, notre premier gîte en France, est un champ de courses. Il est situé à Levallois, en banlieue parisienne. Ici, nous coucherons à la dure, sur des ban­quettes en bois destinées, en temps de paix, aux amateurs de courses de chiens. Certes, nous campons à la belle étoile mais, en cas de pluie, nous avons le grand privilège d’avoir un auvent pour nous protéger.

    Nos journées sont bien remplies. Le matin, nous nous rendons à la gare de l’Est. Là, dès l’arrivée du train des prisonniers rapatriés, nous nous mêlons discrètement à leur groupe afin de pouvoir défiler devant le comptoir magique du ravi­taillement. Et, sur présentation de notre carte, on nous remet généreusement notre boîte remplie de vivres et de… cigarettes !

    L’après-midi, tout en montant la garde pour protéger notre butin, il nous faut rester aux aguets afin que les Soviétiques, qui viennent récupérer leurs ressortissants, ne nous découvrent pas. À défaut de quoi, nous risquerions d’être renvoyés aussitôt en Lituanie d’où, sans le moindre doute, les Soviets (qui sont tout sauf nos alliés) nous expédieraient séance tenante en Sibérie. Pendant notre vigie, mon père, de son côté, s’affaire à remplir deux tâches d’une importance capitale : la recherche active des traces de notre famille française et la tournée des bistrots parisiens où il revend les cigarettes puisées dans nos

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