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Gouvernance et planification collaborative: Cinq métropoles canadiennes
Gouvernance et planification collaborative: Cinq métropoles canadiennes
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Livre électronique440 pages5 heures

Gouvernance et planification collaborative: Cinq métropoles canadiennes

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Comment se prennent les décisions à l’échelle des régions métropolitaines et par qui sont-elles prises ? Quels sont les moyens utilisés par les parties pour arriver à établir et mettre en oeuvre des politiques et des projets communs pour leur ville et leur agglomération ? Et quelle est la place de la participation publique dans ces décisions ? Bref, comment se déroulent les processus de planification à l’ère de la gouvernance et de la collaboration ? En mettant en parallèle cinq métropoles canadiennes – Québec, Montréal, Ottawa-Gatineau, Toronto et Vancouver –, cet ouvrage jette un regard neuf sur la construction de l’action publique territoriale et les régimes urbains. Issu des travaux conjoints de chercheurs canadiens en aménagement et en urbanisme, il illustre clairement les similitudes, les contrastes et les particularités des dynamiques de gouvernance et de planification de ces cinq régions. Il révèle finalement la nature des relations politiques qui lient les échelles d’action en matière d’aménagement et de développement, et analyse les rapports de force, les jeux de pouvoir et la nature des conflits qui en découlent.
LangueFrançais
Date de sortie10 mars 2016
ISBN9782760635586
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    Aperçu du livre

    Gouvernance et planification collaborative - Michel Gariépy

    INTRODUCTION

    Michel Gariépy et Olivier Roy-Baillargeon

    Cet ouvrage traite de trois éléments, soit la planification territoriale, la participation publique et la gouvernance, en les abordant sous l’angle de l’interaction entre eux et en situant principalement le propos sur le plan métropolitain. Ces trois termes courants du vocabulaire de l’aménagement du territoire contemporain recouvrent trois notions qui renvoient à ses pratiques, mais dont l’articulation dynamique n’a que rarement été traitée.

    Au cours des années 1990, la planification métropolitaine a été beaucoup analysée, sur le plan théorique, sous l’angle de ses rationalités, de la globalisation des enjeux urbains, de la complexité du système d’acteurs et du développement d’une citoyenneté métropolitaine, puis, dans les années 2000, sur celui des conditions concrètes de sa mise en œuvre.

    Dans la planification, outil essentiel à une gouvernance adaptée à la réalité des grandes régions urbaines, l’échelle métropolitaine s’est imposée progressivement comme le palier indispensable d’un développement urbain durable. Une caractéristique de cette planification métropolitaine, tout comme de la planification urbaine, est de s’accompagner de participation publique, en réponse au contexte de crise des méthodes de la planification rationnelle et de méfiance envers la capacité à agir des acteurs publics, en réponse aussi aux injonctions procédurales du développement durable. Si, au palier municipal, la pratique de la participation a donné lieu à une consolidation des approches, présentant des spécificités tout comme des forces et des faiblesses, au palier métropolitain, les dispositifs mis en place jusqu’à maintenant semblent plus aléatoires. L’intégration de la participation publique à la planification, avec la remise en question de l’approche technocratique centralisée et rationnelle qui prévalait depuis les années 1960, s’est effectuée progressivement, mais a soulevé dès ses débuts des problèmes de compatibilité entre deux processus aux finalités et aux acteurs différents (Gariépy et Hamel, 1989).

    Cet ouvrage prend sa source dans les travaux que mène, depuis plusieurs années, un groupe de chercheurs formé de Michel Gariépy, de Mario Gauthier, de Florence Paulhiac-Scherrer et de Franck Scherrer, sur des questions reliées à cette intégration. Les premières collaborations remontent aux années 1990. Un numéro thématique de Techniques, Territoires et Sociétés (Bonneville, Gariépy et Scherrer, 1995) s’était d’abord penché sur les incidences du développement durable en aménagement urbain et régional, en confrontant les points de vue de chercheurs français et nord-américains. Ensuite, l’ouvrage Ces réseaux qui nous gouvernent (Gariépy et Marié, 1997) abordait la question de la participation publique dans la planification des réseaux techniques, même s’il portait essentiellement sur leur inscription dans le territoire. À l’instar du présent ouvrage, il privilégiait la perspective du regard croisé – dans ce cas, entre chercheurs français et québécois.

    Enfin, par deux publications plus récentes, les perspectives théoriques, objets d’analyse et démarches de ce groupe de chercheurs se sont cristallisés. La première (Gauthier, Gariépy et Trépanier, 2008) regroupait une série d’interrogations à partir de deux colloques et d’un projet de recherche1 sur la triangulation de trois notions: la planification territoriale, le débat public et le développement durable. En prenant appui sur des expériences concrètes, l’ouvrage explorait la question du renouvellement de la planification territoriale qu’elles auraient pu susciter, ainsi que les questions de la participation publique et du développement durable. La seconde (Combe et coll., 2012), également produite dans la foulée d’un projet de recherche international2, poursuivait l’interrogation sur la transformation, par une meilleure intégration du débat public, des façons d’aménager deux villes françaises, Grenoble et Lyon, ainsi que Montréal.

    Plusieurs des enjeux au cœur du présent ouvrage et qui le structurent s’y retrouvaient: le foisonnement des dispositifs de débat public, qui permettent des débats de qualité variée; l’évolution des approches de planification territoriale vers le courant communicationnel; la question de l’impact du débat public sur la planification métropolitaine et celle de l’adéquation problématique des dispositifs de consultation à cette échelle; les tensions et les difficultés inhérentes à l’harmonisation intersectorielle (en particulier entre le transport et l’urbanisme), à l’adaptation interscalaire (entre les paliers de production de l’action publique), et temporelle (dans les différents moments de l’action publique, entre autres dans l’étape de transition entre la planification et la mise en œuvre); ainsi que l’efficacité de l’approche empirique avec appui sur des cas concrets pour analyser les procédures en action, dans l’articulation de leurs dimensions tant procédurales que substantielles. Les deux ouvrages concluaient à la nécessité de mener des recherches additionnelles sur le temps long en raison à la fois de la complexité des objets et surtout de leur caractère mouvant au fil du temps résultant d’ajustements conjoncturels ou politiques qui leur sont apportés.

    C’est à la suite de ces deux ouvrages qu’a été lancé en 2011 un projet de recherche3 ayant pour objet les paliers de planification et de gouvernance, cette fois exclusivement dans la région de Montréal. Ce projet était orienté explicitement sur la question de la cohérence et cherchait à approfondir l’hypothèse selon laquelle la participation publique constitue bien un facteur de cohérence, mais en l’explorant dans son déploiement et son lien entre les paliers de gouvernance et de planification. Dans cette foulée, un séminaire a été organisé en mai 2014, au cours duquel l’équipe de chercheurs a livré ses premiers résultats et les a comparés à ceux d’autres chercheurs qui se penchaient sur des questions similaires au sein de quatre autres régions métropolitaines du Canada: Québec, Ottawa-Gatineau, Toronto et Vancouver. Les échanges ont permis de comprendre certains aspects du fonctionnement de chacune des agglomérations métropolitaines étudiées, de lever le voile sur des aspects majeurs de la planification métropolitaine, de voir ce qu’elle génère et de la caractériser dans ses grandes lignes, d’avoir un aperçu du jeu et des relations interscalaires, sinon de l’échelle à laquelle se matérialisent les conflits. Le présent ouvrage collectif regroupe les contributions des participants à ce séminaire.

    Un constat en ressort clairement: il y a une forte variation entre les thèmes abordés dans les présentations, tout comme une grande disparité dans le niveau de traitement dont ils ont fait l’objet. La question de la cohérence, avec les différentes dimensions qui peuvent la caractériser, figurait au cœur de l’invitation initiale au séminaire, mais elle s’est révélée trop pointue ou en porte-à-faux, dans la majeure partie des travaux présentés. Il a donc été convenu que chacun privilégierait un ou des angles d’analyse, selon les recherches qu’il effectuait, et que nous miserions sur la diversité de ces angles pour apporter des éclairages potentiellement complémentaires sur la question. Une telle position avait montré son efficacité dans les travaux cités précédemment. L’objectif de l’ouvrage devint alors de permettre de jeter un regard croisé sur les régions métropolitaines.

    C’est ainsi qu’ont été produits sept textes traitant de cinq régions métropolitaines. Le premier, de Michel Gariépy et Olivier Roy-Baillargeon, analyse la participation publique à la planification, à différentes échelles, dans la région de Montréal. Le deuxième, de Florence Paulhiac-Scherrer, vérifie si, par rapport à la mobilité (urbaine) durable, un nouveau référentiel de l’action collective est en marche au Québec. Le troisième, de Francis Roy et Guy Mercier, traite de l’aménagement du territoire en fonction du défi de la gouvernance métropolitaine, à partir du cas de l’agglomération urbaine de Québec. Le quatrième, de Mario Gauthier, Guy Chiasson et Lynda Gagnon, aborde la planification du centre-ville de Gatineau dans la métropole interprovinciale et fragmentée d’Ottawa-Gatineau. Le cinquième, de Caroline Andrew, se penche sur les innovations démocratiques de la gouvernance métropolitaine du côté d’Ottawa. Le sixième, de Pierre Filion, traite de réalisations partielles et d’une participation chancelante à l’aménagement dans le Grand Toronto métropolitain. Le septième, enfin, d’Ève Arcand et Emmanuel Brunet-Jailly, s’interroge sur la planification à Vancouver et la participation citoyenne, à partir du cas de la société de transport collectif TransLink.

    Deux collaborateurs de longue date aux publications et aux travaux de recherche mentionnés ci-dessus, Franck Scherrer et Marie-Odile Trépanier, ont bien voulu livrer, en postface, leurs réactions et leurs impressions sur l’ensemble des textes produits. Leur analyse prend la forme d’une conversation, d’un échange à haute voix, que nous avons choisi de maintenir ainsi, plutôt que de lui donner un caractère plus littéraire, comme celui des contributions, qui procèdent d’analyses argumentées. En ressort un va-et-vient passionnant entre les deux, dans le cadre duquel ils prennent un recul très riche par rapport aux contributions des divers auteurs. Ils jettent leur propre regard croisé sur le sujet, qu’ils observent sous trois angles: d’abord, la géographie, comparant l’Europe avec l’Amérique du Nord; ensuite, le temps, observant des horizons temporels limités et faisant un long retour historique; enfin, les cultures aménagistes, les instruments, les lois et le sens des concepts. En émerge un bilan pertinent de la planification métropolitaine dans le système fédéral canadien ainsi que de l’application et de la portée de la Loi sur l’aménagement et l’urbanisme (LAU) au Québec et même, pour des formateurs en urbanisme, des pistes de réorientation des programmes.

    Métropoles et aires métropolitaines à l’étude

    Les cinq agglomérations urbaines sur lesquelles se penche l’ouvrage peuvent d’emblée être qualifiées de régions métropolitaines. L’appellation «métropole» s’impose d’elle-même par la taille de la population des quatre plus grands centres urbains canadiens, qui excède le seuil mythique, ou retenu dans l’opinion courante, d’un million d’habitants. La situation peut paraître moins évidente pour Québec, qui a une population de 800 000 habitants, mais ce qualificatif est de mise en vertu de son statut de capitale provinciale – elle se définit dans les débats actuels comme une capitale, en comparaison avec la métropole québécoise qu’est Montréal4 – et de pôle d’attraction pour la région qui l’entoure.

    La définition traditionnellement retenue dans le monde de la recherche en aménagement et en études urbaines quant à la dénomination «région métropolitaine» est celle de Statistique Canada, selon laquelle une région métropolitaine de recensement (RMR) est un territoire «formé d’une ou de plusieurs municipalités voisines les unes des autres qui sont situées autour d’un noyau», qui «doit avoir une population totale d’au moins 100 000 habitants» et dont le noyau «doit compter au moins 50 000 habitants». En 2011, le Canada en comptait d’ailleurs 33 dont la population variait de plus de 6 millions d’habitants (Toronto) à moins de 125 000 habitants (Peterborough). Selon cette définition, toutes les agglomérations traitées dans cet ouvrage correspondent donc à des RMR.

    De plus, il nous a semblé pertinent et fructueux de réunir des textes traitant des deux métropoles québécoises (Montréal et Québec) et ontariennes (Ottawa-Gatineau et Toronto) afin de les comparer pour dégager leurs particularités locales, au-delà des différences qui subsistent entre les contextes provinciaux. Les RMR de Montréal et de Québec regroupent 58% de la population du Québec; celles de Toronto et de la partie ontarienne d’Ottawa-Gatineau comptent 51% de la population de l’Ontario (Statistique Canada, 2011a). Ce sont donc des métropoles en interaction, mais aussi en concurrence.

    La définition du concept de «métropole» que nous retenons et utilisons dans cet ouvrage n’est pas celle de Statistique Canada, administrative et démographique, mais surtout celle, fonctionnelle et évolutive, qui en fait la matérialisation du phénomène de métropolisation, soit la manifestation territoriale de la globalisation économique, qui naît d’un paradoxe: concentration à l’échelle mondiale, mais dispersion à l’échelle locale (Bassand, 2007). Des travaux québécois récents sur la question, nous retenons que ce phénomène généralisé articule et met en tension constante les enjeux politiques, économiques, sociaux et environnementaux ainsi que les territoires pluriels sur lesquels ils se manifestent (Bherer et Collin, 2011).

    Nous concevons donc la métropole non pas comme un territoire délimité par des institutions qui l’administrent ou le gouvernent ou disposant du statut de global city (Sassen, 2001), mais plutôt comme une nouvelle échelle de matérialisation de l’action collective résultant du phénomène de métropolisation, c’est-à-dire un espace discursif et délibératif (Boudreau et Collin, 2009) dépourvu de légitimité et de limites claires et attestées (Bherer et Sénécal, 2009). En effet, les limites du phénomène ne sont pas fortement fixées, la «confrontation permanente d’échelles diverses» caractérisant particulièrement les métropoles (Bourdin, 2014: 14). Cette mise en tension d’enjeux et de territoires, et cette confrontation d’échelles génèrent de nouvelles responsabilités qu’elles doivent assumer, en décalage avec les compétences et les outils traditionnels dont elles disposent, en raison de l’incapacité des institutions à s’adapter en temps réel à ce contexte mouvant. Le corollaire de cette position adoptée par rapport au concept est que ces enjeux présentent une certaine similitude d’une métropole à l’autre, mais que leur nature et leur ampleur sont différentes de celles des enjeux des villes qui les composent et que les outils et les méthodes de traitement utilisés sont éminemment variables – d’où notre propos à venir sur la standardisation, la différenciation et la spécification de l’action publique locale (Douillet et coll., 2012). Porter un regard croisé sur les diverses contributions de cet ouvrage quant au concept de métropole et à la position que nous adoptons à son égard permet de faire émerger un ensemble de nouvelles questions qui débouchent sur les autres concepts dont nous traitons.

    Premièrement, si la métropolisation est un phénomène généralisé, assiste-t-on malgré tout à une importante spécification de ses répercussions sur les territoires locaux, comme le porte à croire le texte de Roy et de Mercier sur l’aménagement métropolitain dans la région de Québec? Le cas échéant, cette spécification serait-elle attribuable à la grande particularité des territoires métropolitains et locaux, comme celui d’Ottawa-Gatineau mis en lumière par Gauthier, Chiasson et Gagnon?

    Deuxièmement, si la métropole constitue une nouvelle échelle, conditionne-t-elle une nouvelle logique de planification et d’aménagement, comme Roy et Mercier le sous-entendent, toujours à partir de l’étude du cas de Québec? S’accompagne-t-elle d’une nouvelle structure et d’un nouveau mode de fonctionnement des institutions existantes, et génère-t-elle une nouvelle nature d’enjeux, comme Filion le souligne en prenant exemple sur le cas de Toronto? Définit-elle une nouvelle nécessité de coopérer et de collaborer pour relever de nouveaux défis, donc une nouvelle gouvernance ni plus ni moins, comme l’avancent Arcand et Brunet-Jailly à propos de Vancouver?

    Enfin, troisièmement, si la métropole fait l’objet d’une plus grande variété d’enjeux, est-ce à cause du nombre d’acteurs et d’intérêts en cause, comme le laisse croire Paulhiac-Scherrer pour ce qui est de la propagation du référentiel de mobilité (urbaine) durable à l’échelle provinciale? Est-ce en raison de la variété de règles du jeu et de comportements des acteurs qui les suivent, révélée par la mise en contraste des contributions de Roy et Mercier sur la Communauté métropolitaine de Québec (CMQ) et de Gariépy et Roy-Baillargeon sur celle de Montréal (CMM)? Est-ce aussi en raison de la variété des configurations territoriales (démographie, périmètres institutionnels, rivalités historiques, [inter]dépendances, etc.), mise en lumière dans le cas d’Ottawa et de Gatineau par Andrew, d’une part, et Gauthier, Chiasson et Gagnon, d’autre part?

    La participation

    Comme nous l’avons mentionné, en réponse au contexte de crise des méthodes de planification rationnelle et de méfiance envers la capacité à agir des acteurs publics, ou aux injonctions procédurales du développement durable (Gauthier, Gariépy et Trépanier, 2008; Gauthier et Lepage, 2005), «l’impératif délibératif» (Blondiaux et Sintomer, 2002) est maintenant bien établi au sein des démarches contemporaines de planification. Une réserve s’impose, d’emblée, dans le regard croisé porté sur les divers textes, à l’égard du concept de participation. Si la participation publique représentait l’angle sous lequel la recherche avait été abordée et si le dialogue avec les chercheurs d’autres régions métropolitaines avait été lancé initialement, la consigne de départ n’était pas de dresser un tableau des dispositifs et des pratiques de participation publique dans chaque contexte, mais de présenter seulement des dossiers ayant comparé la participation publique, la planification territoriale et les enjeux de gouvernance métropolitaine. Ainsi, la contribution d’Arcand et Brunet-Jailly sur Vancouver, en dépit de son titre, accorde une place nettement plus restreinte que les autres à la participation publique. Il n’est donc pas possible d’établir un bilan catégorique sur ces éléments. Alors que la tradition de participation publique aux processus d’aménagement est plus ancienne au Canada qu’en France, par exemple, l’enjeu ici ne constitue plus celui de l’institutionnalisation de «l’impératif délibératif». Le regard croisé que permettent les textes fait toutefois émerger un portrait fort contrasté de la participation publique, tant en ce qui concerne l’échelle territoriale, les outils et les dispositifs mobilisés que les effets de la participation et de la culture qui s’instaure à son égard, selon les cas, et suggère des hypothèses que des recherches subséquentes permettront d’approfondir.

    D’abord, plusieurs des contributions abordent le lien entre les échelles territoriales – locale, régionale, métropolitaine, et même nationale (Paulhiac-Scherrer). Dans son analyse, Filion effectue, à partir des travaux de Swyngedow, de Newman et de Brenner sur l’approche scalaire, une transposition de cette approche à l’aménagement. Il y formule des hypothèses quant à la nature de la participation, à l’importance et à la force de la mobilisation qui seraient fonction de l’échelle à laquelle la participation prend place. Déjà, le contraste est fort entre les analyses. Pour Toronto, Filion fait état d’une mobilisation de la société civile qui diminue au fur et à mesure qu’augmente l’échelle territoriale: sur le plan métropolitain, ce seraient les lobbys bien organisés des fédérations de mouvements locaux ainsi que les experts qui auraient joué un rôle prépondérant. Dans la même veine, selon la contribution d’Arcand et Brunet-Jailly, la mobilisation de la société civile a été absente à Metro Vancouver, du moins dans le dossier du SkyTrain, les arbitrages ayant été exercés entre les élus locaux et le gouvernement provincial. Pourtant, à Montréal, à Québec, à Gatineau et à Ottawa, le palier métropolitain a suscité une forte mobilisation: la participation a été forte aux consultations publiques institutionnalisées en lien avec l’élaboration des plans métropolitains d’aménagement et de développement (PMAD) des communautés métropolitaines de Québec et de Montréal. Il en a été de même à Gatineau, dans l’élaboration du programme particulier d’urbanisme (PPU) pour le réaménagement de son centre-ville, et pour la mise en œuvre de deux projets locaux qui devaient le concrétiser. L’«impératif délibératif» n’a donc pas la même importance partout. Ainsi, dans les contributions qui traitent de cas québécois, en plus de la forte mobilisation, tant sur le plan métropolitain que local, la participation publique est bien institutionnalisée et intégrée à l’action urbaine et métropolitaine. Les choses se passent différemment en Ontario.

    Les démarches de consultation décrites se sont appuyées sur des dispositifs, un cadre et des règles de procédure de natures différentes, soit des instruments d’action publique variés au sens de Lascoumes et Le Galès (2004)5, confirmant ce constat de foisonnement des dispositifs déjà émis par Gauthier, Gariépy et Trépanier (2008). Deux catégories s’y retrouvent: les démarches régies par des dispositifs institutionnalisés, avec des règles formelles de déroulement, puis les démarches ad hoc, dont la configuration est particulière. Dans la première catégorie, on trouve d’un côté, pour les cas québécois, les démarches régies par la LAU. C’est la voie qui a été empruntée dans les démarches d’élaboration de plans, de PPU ou de projets urbains, à Montréal, à Québec et à Gatineau, abordées successivement dans les contributions de Gariépy et Roy-Baillargeon, de Roy et Mercier et de Gauthier, Chiasson et Gagnon. On trouve également, dans la contribution de Gariépy et Roy-Baillargeon, trois dossiers qui ont été assujettis à des audiences de l’Office de consultation publique de Montréal (OCPM), un tiers-organisateur disposant d’une haute crédibilité, mais dont l’approche va au-delà de ce que la LAU requiert et qui a été calquée sur celle du Bureau d’audiences publiques sur l’environnement (BAPE). Son encadrement est souvent réclamé par la population, quand transparence, rigueur et prévisibilité de la démarche sont en jeu. Il est alors question d’une évolution vers une approche collaborative.

    Quant aux dispositifs ad hoc, Paulhiac-Scherrer fait état de la démarche structurée par le ministère des Transports du Québec (MTQ) pour l’élaboration de sa Stratégie nationale de mobilité durable (SNMD). Roy et Mercier évoquent une commission consultative créée expressément par la CMQ pour étudier son projet de Plan métropolitain d’aménagement et de développement (PMAD). Gauthier, Chiasson et Gagnon comparent une première consultation selon les lignes directrices de la consultation institutionnalisée menée dans le cadre du PPU du centre-ville avec une consultation ad hoc qu’a menée Gatineau sur un projet découlant de ce PPU, avec des résultats mitigés cette fois. De l’autre côté de la rivière des Outaouais, à Ottawa, Andrew compare elle aussi, d’un côté, les démarches de planification urbaine qui ne semblent donner lieu qu’à un engagement limité et procédural du public, une situation qu’elle attribue essentiellement à la frilosité du Service de l’urbanisme et de la gestion de la croissance, par crainte que ses documents ne soient l’objet d’appels devant la Commission des affaires municipales de l’Ontario (CAMO), avec, de l’autre côté, une approche beaucoup plus collaborative auprès des organisations communautaires pour l’élaboration de politiques sociales. Au caractère très constructif qu’auraient donc eu les consultations liées à l’élaboration des politiques chez Paulhiac-Scherrer et chez Andrew, la démarche s’est révélée plus problématique dans le cas de projets urbains, illustrant, comme le mentionnent Gauthier, Chiasson et Gagnon, à partir de Pinson (2006), la difficulté des villes à tirer profit de ces projets urbains pour transformer leur planification en la rendant collaborative et stratégique.

    Quelques hypothèses sur le thème de la participation émergent de ces constats. Alors que la présence de dispositifs institutionnalisés pilotés par un tiers-organisateur est réclamée dans des dossiers controversés à l’échelle locale à Montréal – on invoque les règles de procédure et l’examen systématique par une commission impartiale –, le même dispositif qui a été utilisé et décrié à cause de ses règles plus floues et limitées, soit celui d’audiences formatées selon les exigences de la LAU, n’a pourtant posé aucun problème à l’échelle métropolitaine, pour le PMAD de la CMM. Une autre hypothèse est ainsi validée de la perspective scalaire de Filion selon laquelle les enjeux de projets locaux se prêtent davantage à une opposition que des enjeux d’échelle métropolitaine, d’où la requête, pour les projets locuax, d’un cadre plus strict et prévisible par le public. Par contre, dans certaines des consultations menées selon les exigences de la LAU (celle pour le PMAD de la CMQ et celle pour le PPU du centre-ville de Gatineau) revient l’avis selon lequel la consultation a été minimale et l’instance consultative a interprété de façon restrictive ces exigences. Il en va de même à Toronto où, selon Filion, sous l’égide de Metro Toronto (1953-1998), la consultation publique prescrite par la loi se serait limitée essentiellement à une «transmission unidirectionnelle d’information». La deuxième catégorie, celle des démarches élaborées ad hoc, laisse poindre des problèmes de trois natures: de suivi et d’accessibilité à l’information d’abord, dans le cas de la SNMD (Paulhiac-Scherrer); ensuite, de dérapage du dialogue initié par la Ville de Gatineau pour les deux projets de mise en œuvre du PPU causé par un manque d’attention au dispositif (Gauthier, Chiasson et Gagnon); enfin, de minimalisme de la consultation menée par la commission de la CMQ (Roy et Mercier).

    Devrait-on en déduire la nécessité de généraliser les démarches institutionnalisées et pilotées par un tiers-organisateur? On ne peut répondre à cette question sans traiter des effets qu’ont les consultations publiques, un enjeu qu’abordent diverses analyses. Ainsi, Gariépy et Roy-Baillargeon parlent d’une efficience limitée mesurée à l’enseigne de la satisfaction substantielle des requêtes formulées par les participants, ce qu’Innes et Booher (2010) qualifient de retombées ou d’effets de premier niveau. Devant la constance des requêtes formulées par les participants récurrents, ils confirment toutefois l’interprétation déjà avancée dans Gariépy et Gauthier (2009), et selon laquelle les participants utilisent la tribune qu’offrent les audiences pour diffuser leur point de vue et surtout s’insérer dans les processus de planification, soit des retombées de deuxième niveau. C’est sur cette base qu’ils voient une évolution vers une approche collaborative et avancent l’idée d’une coconstruction des documents d’urbanisme, dont l’OCPM serait une partie prenante. Si elle s’avérait, cette hypothèse ne serait pas sans conséquences pour la stabilité de cette institution, à cause des tensions ou même des conflits qui pourraient en découler avec les instances dont la production de ces documents est le mandat premier.

    Le déplacement de la participation vers les phases d’amont de la planification des politiques et des projets, lorsque la configuration des actions publiques n’est pas encore figée et que leur contenu peut être infléchi, témoigne d’une certaine efficience de la participation publique (Combe et coll., 2012). Dans cette veine, Gariépy et Roy-Baillargeon font ressortir le caractère constructif de la consultation d’amont sur le PPU Griffintown 2, même si beaucoup de projets de construction avaient déjà été lancés sur ce territoire. L’OCPM, le tiers-organisateur, tout comme de multiples intervenants, recherchent cet engagement en amont. Pour Paulhiac-Scherrer, la démarche de consultation inusitée qui a pris place à un stade précoce de l’élaboration de la SNMD a permis son enrichissement, même si elle ne peut être qualifiée d’aide à la décision. Par contre, Gauthier, Chiasson et Gagnon soulèvent que les attentes générées par la participation au PPU du centre-ville de Gatineau ont par la suite été frustrées dans la mise en œuvre de projets qui devaient matérialiser ce PPU. Les contributions de Paulhiac-Scherrer et de Gariépy et Roy-Baillargeon font clairement ressortir la transformation des participants, du moins des groupes récurrents, en parties prenantes qui s’apparentent alors à des lobbys, une appellation qui n’est pas nécessairement péjorative, selon le propos de Trépanier en postface, où elle les définit tout simplement comme des citoyens organisés. Dans cette veine, une convergence peut donc s’observer dans le rôle des lobbys de ce genre dans la fabrication de l’action publique et de la gouvernance entre Montréal, où il y a passage par l’intermédiaire de dispositifs institutionnalisés de participation publique, et Toronto, où les lobbys sont actifs depuis les débuts de la planification métropolitaine, selon Filion. Dans ce cas, ainsi que le soulève Trépanier, le rôle des dispositifs ne serait-il que transitoire? Quel sens faut-il alors donner à la participation publique?

    Enfin, cette insertion des participants, en particulier chez les récurrents, dans le processus de planification est en convergence avec la professionnalisation des participants que notait Nez (2015) dans l’urbanisme français. Si nous situons la réflexion à un niveau plus global, les cas québécois se distinguent par le rôle du ou des publics et l’appui important qui semble être pris sur leur apport par les instances planificatrices – d’où l’argument de Gariépy et Roy-Baillargeon, ainsi que de Gauthier, Chiasson et Gagnon quant à l’évolution vers une planification collaborative. À tout le moins, la participation publique est clairement devenue une composante de l’urbanisme.

    Néanmoins, de ce regard croisé sur la participation, outre la spécificité des régimes publics, il importe de se garder de certains postulats implicites. Ainsi, en parlant de l’«impératif délibératif», on peut se demander si un idéal de démocratie participative aussi large que possible et de recherche d’une planification collaborative intégrale n’est pas véhiculé implicitement. À cette enseigne, on pourrait être porté à déduire des commentaires de Filion sur la place limitée de la participation publique et, à l’inverse, de la place plus importante des experts dans la planification métropolitaine et la gouvernance de Toronto, de même que de ceux d’Arcand et Brunet-Jailly sur Vancouver, quant aux transformations organisationnelles apportées par le gouvernement provincial à TransLink, qu’il existe un déficit démocratique dans ces deux régions métropolitaines. Or, il ne faut pas perdre de

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