Les MOOCS: Cours en ligne et transformation des uiversités
Par Pablo Achard
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À propos de ce livre électronique
En replaçant ces cours dans l’histoire de l’enseignement, l’auteur évalue leur influence actuelle, future ou probable, sur les universités. Il montre en particulier que, loin d’étouffer les formations en présence d’un professeur en chair et en os, ils peuvent au contraire s’articuler avec celles-ci afin de les rendre plus personnalisées, plus séduisantes et surtout plus efficaces. Si ce phénomène touche avant tout l’enseignement, il est de plus en plus souvent associé à de nouvelles formes de recherche, dont la science participative n’est sans doute qu’une des illustrations.
Après un doctorat en physique des particules au CERN et à l’Université de Genève (UNI GE), puis cinq années de recherche en neurosciences computationnelles en France, en Belgique et aux États-Unis, Pablo Achard est revenu à l’UNI GE en 2008. Au rectorat depuis 2009, il a successivement été responsable de plusieurs domaines dont la planification stratégique et prospective, l’évaluation de la recherche et la mise en place des MOOCs.
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Aperçu du livre
Les MOOCS - Pablo Achard
PRÉFACE
Le livre que vous tenez entre vos mains est original, à plus d’un titre. Tout d’abord, parce que si un nombre sans cesse croissant d’universités dans le monde se sont lancées dans l’aventure des Massive Open Online Courses, les fameux MOOCs, très peu d’ouvrages, et encore moins en français, ont abordé ce sujet pour tenter d’en comprendre les origines, les tenants et les aboutissants. Il est particulièrement symptomatique, à ce propos, qu’il n’existe pas réellement de terme pour désigner ces cours dans la langue de Molière.
L’auteur enracine de surcroît sa réflexion dans l’histoire des universités, n’hésitant pas à remonter à leurs fondations les plus anciennes, pour tenter de replacer, dans un contexte historique, ce que d’aucuns voient comme une révolution qui va bouleverser le monde pédagogique, alors que d’autres, sans doute pour se rassurer, voient les MOOCs comme une mode passagère qui disparaîtra aussi rapidement qu’elle est apparue.
Mais l’auteur ne se contente pas de décrire un bouleversement du monde universitaire. Il bat en brèche bien des idées reçues sur les conséquences que les MOOCs pourraient avoir sur les universités et leur fonctionnement. Il montre en particulier que, loin d’étouffer les formations en présentiel, les MOOCs peuvent au contraire s’articuler avec celles-ci afin de les rendre plus personnalisées, plus vivantes et surtout plus efficaces. Il montre aussi que si ce phénomène touche avant tout l’enseignement, il est de plus en plus souvent associé à de nouvelles formes de recherche dont la science participative n’est sans doute qu’une des illustrations. Dans une autre publication, l’auteur suggère, avec le soussigné, que les MOOCs permettent de réinventer l’idéal d’une université humboldtienne 2.0.
Ce livre est aussi original parce qu’il aborde, souvent de manière quelque peu provocatrice, des questions que des universités ignorent ou feignent d’ignorer, faute d’outils nécessaires, ou omettent par méconnaissance du contexte. De ce point de vue, la particularité de ce livre tient au fait qu’il prêche la compréhension par l’exemple, tout en s’appuyant sur une solide base théorique. Il assure ainsi une saine et nécessaire complémentarité avec des livres plus théoriques. L’auteur fait œuvre d’une dialectique indispensable, entre théorie et pratique, sans que l’une l’emporte sur l’autre. En la matière, il n’y a pas de hiérarchie, n’en déplaise à ceux qui rangent, qui classent et qui divisent. Cette démarche incite Pablo Achard à extraire de cas pratiques, qu’il connaît bien pour avoir participé à leur création, des concepts, des régularités, sources de formalisation théorique, afin que ces cas ne restent pas seulement de pures anecdotes. Cela permet de faire ressortir des principes absents de la littérature sur ce sujet, mais qu’aucune université ne devrait ignorer au moment d’effectuer ses choix stratégiques.
En tant que recteur de l’Université de Genève, je me réjouis tout particulièrement de la publication de cet ouvrage parce qu’elle permet de rappeler fort à propos que, dès le départ, notre institution a joué un rôle pionnier dans le développement et la mise en œuvre des MOOCs. Elle l’a fait, comme très souvent dans les décisions stratégiques qu’elle a prises, de manière très réfléchie et systématique en dévoilant, pour chaque étape, les richesses nouvelles qu’offre ce mode de formation. Et je suis personnellement convaincu que nous n’en sommes encore qu’au début de cette évolution, la prochaine étape, déjà engagée mais encore embryonnaire, étant la formation d’étudiants sur la base de programmes entièrement conçus sous forme de MOOCs entre plusieurs universités.
Le style adopté par Pablo Achard pour présenter son argumentation rend la lecture plaisante et diablement efficace. Je ne puis qu’en recommander chaudement la lecture, non seulement à toutes les personnes concernées par les MOOCs, présidents et recteurs d’université, mais aussi évidemment à toutes celles et tous ceux qui y professent et qui viennent s’y former.
Yves Flückiger
Recteur, Université de Genève
INTRODUCTION
À l’automne 2011, quelques professeurs d’informatique de Stanford mettent en ligne leurs cours en y ajoutant des quiz et des forums de discussion. Espérant attirer quelques centaines d’étudiants, ils en enregistrent plus de 100 000. C’est l’acte de naissance public des MOOCs, les Massive Open Online Courses ou cours en ligne ouverts et massifs.
Dans les six mois qui suivent, sont créées les trois premières plates-formes de MOOCs (Udacity, Coursera et MITx, qui deviendra EdX). La croissance de Coursera est plus rapide que celle de Facebook ou Twitter. En 18 mois, elle ramasse plus de 5 millions d’inscrits et encaisse son premier million de dollars de recettes.
Le phénomène fait tourner les têtes des présidents d’université. Il en fait même tomber puisque la présidente de la prestigieuse Université de Virginie, Teresa Sullivan, est contrainte à la démission pour ne pas avoir sauté dans le train des MOOCs. Elle sera réintégrée par le conseil d’administration sous la pression de l’ensemble du campus et des diplômés de l’établissement (Selingo, 2013; Rice, 2012)1. Stanford, Princeton, Harvard, le MIT, Caltech, Duke, Berkeley… le gotha universitaire américain puis mondial semble s’être donné rendez-vous sur l’une ou l’autre de ces plates-formes. En France, ce sont l’ENS, Centrale, Polytechnique et HEC qui rejoignent, l’année suivante, le mouvement.
Les médias sont prompts à s’emparer du phénomène. Le New York Times suit le mouvement de près et titre, le 2 novembre 2012: «2012, year of the MOOCs» (Pappano). Les médias français embrayent en 2013, relayant l’arrivée des grandes écoles sur Coursera et le lancement par le ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche de la plate-forme France université numérique. Mais quel est donc ce vent de folie qui souffle sur des institutions souvent décrites sinon comme archaïques, du moins rétives au changement et lentes à s’adapter à leur environnement?
Pour certains, les MOOCs ne sont qu’une mode passagère. C’est une opinion que j’ai souvent entendue au fil de discussions informelles et qui est en général rapportée à la troisième personne. Peu ont publiquement affirmé que les MOOCs disparaîtront aussi vite qu’ils sont apparus. Dominique Boullier, professeur à Sciences Po, s’y est partiellement risqué. «Y a-t-il autre chose qu’un effet de bulle créé par les médias?», se demande-t-il (2012). Selon lui, les médias et les universités ont perdu tout sens critique devant le prestige des universités embarquées dans les MOOCs. Pire qu’une simple mode, ces cours, qu’aucun standard de qualité ne vient contrôler, sont une «guerre commerciale massive contre l’éducation». La gratuité n’est qu’une «méthode commerciale» pour attirer le public vers des services payants. «Le modèle des MOOCs est celui de la prédation plus que de la coopération, de la reproduction plus que de l’innovation, de la standardisation plus que de la diversification.» Rappelant la mode du e-learning des années 1990, il termine en appelant à «un autre modèle, responsable et pertinent pour les défis de notre époque».
Boullier n’est pas le seul à penser que les MOOCs ne sont qu’une mode. Il semble dire tout haut ce que beaucoup pensent tout bas. Ainsi, Dan Greenstein, de la Bill & Melinda Gates Foundation, rapporte les paroles de présidents d’université anonymes qui n’y verraient qu’une «tempête de battage médiatique, d’hyperbole et d’hystérie» (2013). «Tout le monde court derrière quelque chose, mais bien peu savent quoi ou pourquoi, ni ce qu’ils feraient s’ils l’attrapaient», ajoute-t-il sans que l’on sache toutefois si cette réflexion est sienne ou non.
Pour d’autres, les MOOCs sont une révolution, un «tsunami» (Auletta, 2012), ou encore «la plus importante [innovation] pédagogique depuis 200 ans» (Regalado, 2012). Dans un article publié en septembre 2012, Nicholas Carr, un journaliste américain qui s’intéresse particulièrement aux nouvelles technologies, se penche sur «la crise de l’enseignement supérieur». Le chapeau de l’article dit: «Les versions en ligne des cours universitaires attirent des centaines de milliers d’étudiants, des millions de dollars d’investissement et les éloges des administrateurs d’université. Est-ce une mode passagère ou bien l’enseignement supérieur est-il en train de voir venir la remise à plat dont il a besoin?» Carr avance un certain nombre d’arguments que nous retrouverons régulièrement dans les discours, notamment journalistiques, sur les MOOCs, par exemple chez Jeff Selingo, ancien rédacteur en chef du Chronicle of Higher Education (Selingo, 2013, The Economist, 2014).
L’un comme l’autre rappellent avant tout que l’enseignement universitaire traditionnel va mal, du moins aux États-Unis. Les raisons de ce malaise sont multiples. Tout d’abord, le coût des études supérieures a crû plus rapidement que l’inflation, que le prix de l’immobilier ou encore que le coût des assurances sociales. Rapporté à l’inflation, le prix des études a été multiplié par trois en 30 ans. Cette hausse des coûts, associée à un marketing de plus en plus agressif, a entraîné une multiplication de la dette des étudiants américains qui dépasse aujourd’hui le millier de milliards de dollars (oui, 1 000 000 000 000$!), un quinzième du PIB américain, plus du tiers du PIB français. Soixante pour cent des étudiants américains qui arrivent sur le marché du travail démarrent leur vie professionnelle avec une dette. Et celle-ci s’élève en moyenne à 26 500 dollars (Touryalai, 2013).
Or, parallèlement, le nombre d’étudiants et par conséquent de diplômés n’a cessé de croître. La «valeur» d’un diplôme sur le marché du travail a donc chuté en même temps que le coût des études augmentait. En 2010, plus de 17 millions d’Américains diplômés occupaient un emploi qui ne nécessitait pas d’avoir un bachelor: serveur, secrétaire, chauffeur, gardien de parking… Plus de 5 000 concierges ont un doctorat ou un diplôme