Un « phantom » dans le placard…: Roman
Par Koko Lierinn
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Aperçu du livre
Un « phantom » dans le placard… - Koko Lierinn
Chapitre 1
Le voyage
Enfin le 1er août ! La grande migration de l’année pouvait commencer. Chacun savait à l’avance qu’il lui faudrait une bonne dose de « self control » pour affronter la lenteur d’un convoi de voitures entravées au milieu d’une cacophonie de klaxons annonçant une possible rupture de courtoisie.
Pour tempérer l’ardeur de ce départ en masse, au-dessus des têtes enfiévrées, quelqu’un avait oublié de fermer le robinet céleste ! De fait, une pluie généreuse retardait quelque peu le départ de la famille Kestell. Donc, grognant autant que l’orage très démonstratif, Camille, Pierre et leurs enfants, Bernard, Denis et Alex, se tenaient à l’abri dans leur maison, attendant une accalmie pour s’engouffrer dans leur grosse voiture.
Pour la première fois cette année, ils partaient à l’étranger, précisément en Écosse. De l’avis général, ce long voyage, de leur Bretagne chérie jusqu’aux confins d’une Écosse sauvage, s’annonçait comme une grande et belle aventure.
— Pierre, s’il te plaît ! Il faut y aller, sinon on va finir par être en retard et tu sais qu’on a une longue route avant le départ du bateau.
— OK, OK ! Camille, tiens, prends le parapluie et nage jusqu’à la voiture, lui dit-il en riant. J’appelle les garçons.
— Bernard, Denis, Alex, on se secoue, les gars, on y va !
— Où est le chien ? demanda Bernard, surgissant derrière son père, un énorme sac accroché sur le dos.
— Qu’est-ce que tu crois, il dort encore, lui répondit du fond du couloir son jeune frère Denis.
— Tudor, allez, viens, mon chien !
Denis tirait péniblement une laisse au bout de laquelle un gros toutou freinait de ses quatre pattes.
Traînant deux gros sacs à dos, le jumeau de Denis, Alex, fermait le cortège.
Les jumeaux se ressemblaient à un détail près : leur tignasse. Denis avait des cheveux brun foncé dressés sur le crâne, tandis que celle d’Alex s’auréolait de boucles indisciplinées d’un blond mordoré, ce qui lui donnait un petit air angélique.
— Quel entrain ! dit Pierre, en admirant le ralenti contrôlé de cette parade. On ne va pas y arriver comme ça. Portez-moi ce chien ! Dans la voiture ! Allez, ouste !
Quelques minutes plus tard, tout le monde s’entassait au mieux dans la voiture. Le voyage pouvait commencer. Contrairement aux autres années, on ne partait pas au bord du lac dans le chalet jurassien de l’oncle Henri. Une grand-tante jusqu’alors inconnue avait lancé une invitation à toute la famille Kestell. Pierre et Camille, en parents responsables, avaient longtemps hésité. Dans un premier temps, cette grand-tante, Faustine MacFileod, leur parut un peu suspecte. L’oncle Henri, un peu déçu de ne pas les voir cet été, avait quand même sorti son arbre généalogique pour éclairer un peu ce mystère. Pas facile à trouver, la grand-tante ! Je vous fais grâce de tous les noms accrochés aux branches de l’arbre familial. Indubitablement, la grand-tante Faustine faisait bien partie de la famille, enfin, de la plus éloignée des branches quand même.
Donc, après pas mal de réflexions, une correspondance bien étudiée et quelques appels téléphoniques avec l’Écosse, on décida d’accepter l’invitation de cette lointaine grand-tante.
Elle vivait sur une petite île, très exactement, l’île de Darunn, près des côtes écossaises. Fantastique, de l’avis des garçons. Sa maison était assez grande pour accueillir la famille au grand complet, leur avait-elle assuré. Le long voyage se ferait en voiture, bateau et train, on allait profiter de tout. De quoi réjouir les cœurs trépidants, assoiffés d’aventure, des jumeaux âgés de treize ans. Bernard, plus vieux de deux ans, restait plus pondéré. Une grande question se posait tout de même : fallait-il emmener le chien ? De mémoire familiale, jamais on n’était parti sans Tudor. Donc, pour éviter trop de drame, le brave toutou serait du voyage.
Le plus dur fut sans aucun doute la traversée en bateau. La mer, d’une houle profonde, finit par verdir l’enthousiasme des passagers. À part l’équipage et Tudor qui ne se réveilla qu’à l’arrivée, la plupart des estomacs dansaient la gigue.
Un peu plus tard, à bord d’un train confortable, la famille Kestell reprit quelques couleurs. Les paysages défilèrent depuis l’Angleterre jusqu’en Écosse.
Leurs yeux contemplaient enfin le fameux paysage écossais qui s’imprimait dans une majorité de vert.
— C’est vachement vert, l’Écosse ! remarqua judicieusement Alex.
— Vu ce qui tombe depuis qu’on y est, pas étonnant ! lui dit son grand frère.
— On s’en fout de la pluie, répliqua Denis, j’ai lu dans le guide touristique qu’il y avait de vrais châteaux hantés. Il paraît qu’on peut voir des trucs pas croyables. Bonjour, fantômes et compagnie. Hou hou hou…
— Haha, ai-je entendu le mot fantôme ? s’exclama leur père, en relevant le nez de son journal. Écoutez-moi les garçons, ces histoires-là ne sont que des attrape-touristes, tous les scientifiques dignes de ce nom le confirment.
— Mais papa, si le guide en parle, c’est que c’est vrai, ça existe les fantômes ! argumenta Alex.
— Les guides sont faits pour vendre des séjours et tous les moyens sont bons. Maintenant, arrêtez avec ces histoires de fantômes ! Camille, chérie, passe-moi la carte que je voie un peu où nous sommes.
Les trois garçons, les yeux brillants de rêves fantastiques, replongèrent dans l’humidité du paysage qui défilait.
Camille ne disait rien, drapée dans une étole d’un rouge flamboyant, s’accordant merveilleusement au noir brillant de ses cheveux, elle pensait à ces vacances inhabituelles. À quoi ressemblait vraiment la grand-tante Faustine ? Et s’il pleuvait tout le temps, que ferait-on ? Elle poussa un grand soupir, mais bien vite retrouva son sourire devant les mines réjouies de ses trois enfants.
Le train se mit à ralentir, on arrivait enfin. Pierre, en bon chef de famille, prit en main le débarquement.
Camille descendit la première pour trouver le chauffeur de la grand-tante qui devait les attendre. Comment s’appelait-il déjà ? Ah, oui ! Duncan.
Sur le quai de la minuscule petite gare, il n’y avait qu’un seul homme. Mais quel homme !
Taillé comme un bûcheron, les mollets ronds enrobés dans des chaussettes montantes, les reins sertis d’un kilt chatoyant agrémenté d’une minuscule pochette poilue, le buste ajusté sous une veste sombre, le sourire carnassier enfoui dans le creux d’une barbe peignée, le regard éclairé de mille éclats bleutés, l’homme de poils et de cheveux roux répondait trait pour trait à l’idée que l’on se faisait d’un pur Écossais.
Camille, bien qu’intimidée, s’approcha du personnage.
— Monsieur, heu, sir… are you mister Duncan ?
— Oui, madame. Soyez les bienvenus.
Duncan s’exprimait dans un parfait français à peine teinté d’un léger accent qui lui faisait rouler les « r » de façon appuyée. Il lui prit le bagage des mains et leur indiqua le chemin vers la sortie.
— Chéri, voyons… et vous aussi, les garçons, je compte sur vous. De la tenue ! Arrêtez de ricaner !
Camille, elle aussi, avait bien du mal à réprimer son envie de rire devant la tête de son mari et de ses enfants contemplant l’extravagant personnage.
Pierre affichait un air perplexe en dévisageant l’homme qui paradait devant eux. Les yeux rivés sur ses mollets musclés, il se promit de profiter du séjour pour faire un peu de sport. Les garçons, marchant légèrement pliés, tentaient d’admirer les dessous du costume de Duncan.
Ce dernier leur expliqua la suite du voyage. Après quelques kilomètres en voiture, ils allaient embarquer sur un bateau faisant la navette entre le continent et l’île de Darunn pour une traversée qui s’annonçait tranquille, au grand soulagement de tout le monde. Peu après, la petite troupe embarqua et se blottit vite fait dans la cabine. Bien sûr, il pleuvait. Heureusement, la traversée fut rapide et la mer, cette fois, assez sympathique.
À travers le fin rideau de pluie, l’île de Darunn se dessinait peu à peu. Surplombant un pan escarpé d’une petite falaise, on apercevait quelques collines. Sur les hauteurs, une floraison de broussaille, du vert le plus tendre au plus noir, picotait le paysage endormi. Parfois, de gros rochers paresseux protégeaient de minuscules plages. Pour l’instant, on ne voyait pas grand-chose sur cette île, pas l’ombre d’un petit village ou d’une quelconque habitation. À bord du bateau, la famille Kestell regardait cet îlot de terre sauvage avec suspicion et inquiétude.
Au détour d’une pointe rocheuse, le bateau amorça un virage et, sous l’œil effaré des passagers, la silhouette d’un château apparut dans toute son authenticité.
— Waouh ! Regardez le château, il est magni… msdcrefff, commença Camille. La suite se perdit dans un murmure inaudible. Elle regarda son mari droit dans les yeux, ils pressentaient la même chose.
— Attendons de voir, mais si c’est ça, sa grande demeure à la tante Faustine, nom de nom, elle aurait dû nous prévenir !
— C’est géant ! C’est géant ! crièrent ensemble les jumeaux surexcités. Un vrai château, waouh quel pied, on va bien s’amuser !
— Vous croyez vraiment que c’est là qu’on va ? demanda Bernard abasourdi.
— Madame Faustine va être ravie de vous voir enfin, dit Duncan en souriant devant l’air stupéfait des uns et des autres. Le temps est un peu frais, mais ne craignez rien, le château est confortable et bien chauffé. Bienvenue chez les MacFileod.
Pierre souffla tout l’air de ses poumons, Camille était sans voix, les trois garçons poussèrent un hurlement de joie.
Chapitre 2
Le château et ses secrets
À peine débarqués sur un petit ponton quelque peu branlant, Duncan les fit monter dans la large cabine d’une vieille camionnette. Les vacances pouvaient commencer.
Comme des gardiens oubliés, quelques grands blocs de pierre ouvraient le chemin. Par-ci par-là, on apercevait de gros moutons.
Tudor semblait tout d’un coup très réveillé.
Plus on approchait et plus le château devenait impressionnant.
De hauts murs sculptés par le vent, une tour massive habillée d’un chemin crénelé, des tourelles comme suspendues dans les airs, des meurtrières transformées en minuscules fenêtres, tout cela formait un étonnant assemblage venu d’une autre époque.
Quelques minutes plus tard, la camionnette franchit l’entrée principale de l’antique château.
Dans la cour centrale se tenait une femme à l’allure majestueuse, Duncan leur présenta madame Faustine MacFileod.
En retrait, derrière elle, une gouvernante, toute en rondeur, affichait un air sévère.
— Soyez les bienvenus, ah mes chers enfants, si vous saviez le plaisir que vous me faites ! leur dit la grand-tante Faustine en les rejoignant les bras grands ouverts. Grande, belle encore, les yeux rieurs illuminant un visage à peine ridé, la grand-tante Faustine en jetait.
Sans plus de façons, elle serra Camille dans ses bras.
— Bonjour, grand-tante Faustine, dit Camille les joues aussi rouges que son châle, nous aussi, nous sommes ravis… Les enfants, venez ici ! Et tout d’abord, permettez-moi de vous présenter mon mari, Pierre.
S’ensuivit la présentation de la famille au grand complet. Perturbant joyeusement la mise ordonnée de tout le monde, Tudor, encore émoustillé par la découverte des moutons, sautillait dans tous les sens.
La grand-tante leur présenta ensuite Moïra, la femme de Duncan, qui occupait la fonction de gouvernante et cuisinière du château. Puis, elle les fit entrer dans un hall aux dimensions gigantesques et les accompagna dans une salle encore plus grande.
— Grand-tante, pourquoi ne pas nous avoir dit que vous habitiez un château ? lâcha Pierre. La question lui brûlait les lèvres depuis un bon moment.
— Oh ! Voyez-vous, ce château, comme vous dites, est une très vieille demeure et puis à vrai dire, je craignais que cela… comment dire… vous impressionne. Toutefois, cela n’est qu’une question de point de vue. Maison, château, manoir… peu importe, je pense que vous devez être fatigués après ce long voyage, aussi, si vous voulez vous installer et vous reposer un peu avant le dîner, Duncan va vous montrer vos chambres… Ma joie est immense de vous recevoir.
— Merci, grand-tante pour cette invitation. Oui, nous sommes effectivement un peu fatigués, si vous le permettez, nous allons suivre Duncan, lui dit Camille en la remerciant chaleureusement.
— S’il vous plaît, faites-moi plaisir, appelez-moi simplement tante Faustine, le « grand-tante » ne me rajeunit pas. Allez les enfants, vous êtes chez vous maintenant,