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Le goût du mal: Looking for Sally
Le goût du mal: Looking for Sally
Le goût du mal: Looking for Sally
Livre électronique228 pages3 heures

Le goût du mal: Looking for Sally

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À propos de ce livre électronique

- Il y a du sang, du sang partout sur tes mains papa.
- Ce ne sont pas tes affaires, Charlie, monte dans cette voiture.

La vie de James prend un tournant tragique quand sa femme Sally disparaît sans laisser de trace et qu’il décide d’embarquer Charlie, sa fille adolescente, dans un roadtrip à la destination incertaine.
Au fil des kilomètres la véritable raison de cette quête se révèle.
Une quête ou une fuite ? Et qui est ce passager qui pousse James à la destruction et au meurtre ?
Ce thriller nous embarque sur des routes sinueuses et dans l’esprit d’un homme tourmenté par le mal.
LangueFrançais
Date de sortie28 avr. 2021
ISBN9782312080734
Le goût du mal: Looking for Sally

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    Aperçu du livre

    Le goût du mal - Stéphanie Munch

    night.

    Vers l’est

    – Pourquoi par là papa ?

    – Les oiseaux reviennent toujours là d’où ils partent. Ne mets pas tes pieds sur le tableau de bord. On devrait atteindre Bismarck dans la soirée.

    James parlait sans relier les phrases, les yeux écarquillés sur la route qui semblait ne plus avoir de forme depuis plusieurs kilomètres. Il aurait sans doute du s’arrêter, prendre quelques heures pour dormir et laisser Charlie se reposer, mais quelque chose les poursuivait et il fallait laisser le plus de distance possible entre eux et la maison. Avancer.

    – Tu crois qu’elle est vivante ?

    James ne détourna pas le regard mais la question de sa fille lui vrilla l’estomac.

    – Bien sûr maman est vivante. Elle a juste eu une crise.

    Crise, c’était le mot par lequel tous les drames familiaux semblaient devoir être absous depuis que Charlie était en âge de comprendre. Une autre crise. C’est pas grave, la crise va passer. L’adolescente en avait conçu une détestation physique pour ce mot, à tel point qu’il lui refilait la nausée. Et c’était sans doute pour ça qu’elle avait cassé le nez de cette garce de Lorraine le dernier jour de cours avant les vacances d’octobre.

    Un air encore étouffant pour la saison avait rempli l’habitacle et l’adolescente fit tourner la manette du break pour faire descendre la vitre, avec juste assez de rage contenue et d’impatience pour que son père s’en aperçoive.

    – On va s’arrêter je te le promets.

    – Tu dis ça depuis deux-cent kilomètres, papa. Tu le dis depuis Seattle.

    James secoua la tête. La petite avait sans doute raison. Depuis qu’ils s’étaient engagés sur l’autoroute ce matin il n’avait eu que cette obsession, avaler l’asphalte et pousser la Ford jusqu’à ce qu’elle crache son moteur. Mais il commençait à ressentir lui aussi l’engourdissement de la fatigue, et les cernes se creusaient sous ses yeux, signe que bientôt il ne maîtriserait plus sa conduite et qu’il fallait au moins s’arrêter sur un parking, dormir quelques heures. Mais Charlie ne se contenterait pas d’un parking, et elle lui mènerait la vie dure jusqu’à ce qu’il trouve un endroit décent.

    Il restait à peu près une heure de route encore avant le Dakota, limite qu’il s’était fixée et avant laquelle il refusait de s’arrêter. Sally avait deux jours d’avance et elle pouvait tout aussi bien avoir pris l’avion pour l’Europe ou n’importe où ailleurs où il lui serait impossible de la récupérer. Faire ça quelques jours avant leurs dix-huit ans de mariage, en partant qui plus est avec la moitié de leurs économies, l’avait rendu fou. Ce n’était pas la première fois qu’elle pétait les plombs, mais jusque là elle était restée dans les limites et tout avait fini par rentrer dans l’ordre. Cette fois était différente. Une odeur acre emplit l’habitacle, et Charlie referma en hâte la vitre.

    La route vallonnée continuait de défiler, sans doute trop vite, et à plusieurs reprises James dut rattraper des écarts de trajectoire tandis que ses yeux se fermaient de plus en plus régulièrement. Charlie chantonnait à côté de lui, pensant certainement l’excéder au point où il craquerait et prendrait la première bretelle.

    Il tint bon jusqu’à quelques kilomètres après avoir dépassé la frontière de l’état, guidé par le néon bleu d’une enseigne en bordure de route qui l’avait attiré comme un papillon égaré dans la nuit. Où est-ce que tout ça était parti en vrille ? James s’extirpa de sa voiture et ouvrit la porte à Charlie, que la fatigue avait fini par mettre KO. Le film des deux derniers jours passait en boucle dans sa tête, les injonctions de sa fille, l’insupportable détachement de l’agent de police tandis qu’il l’exhortait à commencer les recherches. Et puis, à huit heures ce matin, il avait rassemblé tout ce qu’il leur restait, rempli à ras bord la gamelle du chat, et averti la voisine qu’ils s’en allaient pour la côte est, là où Sally avait menacé tant de fois de revenir dans ses épisodes délirants.

    – Tu es sérieusement en train de plier tes affaires ? On n’a pas le temps Charlie, jette tout dans un sac.

    – Papa !

    Tout lui faisait mal au cœur ; laisser la maison, ses gars à l’atelier, forcer sa fille à faire ses valises et à se jeter dans le break avant le petit déjeuner. C’était venu comme une pulsion, et malgré deux nuits sans trouver réellement le sommeil James avait su qu’il fallait partir.

    Les yeux brillants de fatigue de Charlie fixaient le néon tandis qu’ils traversaient le parking. Son gilet couvrait à peine ses épaules et elle tremblait.

    – C’est un bar ou un hôtel ? geignit-elle.

    – Je ne sais pas, on va voir.

    Il entra le premier, et la fumée lui piqua les yeux. Charlie toussota et grimaça, se cachant derrière les épaules de son père qui s’avançait vers le zinc.

    Long roads, long days of sunrise to sunset… Une musique crachée par des enceintes à bout de souffle emplissait les lieux en laissant comme un écho distordu. Tout du long des affiches de concert tapissaient les murs de ciment nu, des punaises oubliées par endroits trahissaient que certaines avaient déjà lâché l’affaire depuis longtemps.

    Un grand gaillard occupé à une partie de billard solitaire s’arrêta un instant pour les zieuter, avant de tirer une bouffée de sa cigarette et de revenir à ses occupations. Charlie sentait son regard, et elle n’aimait pas cette sensation.

    L’homme avait des mains calleuses et frappait les boules de billard sans vraiment viser, juste pour se faire entendre.

    – Papa je dois aller…

    Charlie ne finit pas sa phrase et se jeta vers la porte des toilettes. James n’eut pas le temps de la retenir et lâcha un soupir avant de se diriger vers le serveur, un gars d’à peine une vingtaine d’années qui n’avait pas l’air bien plus éveillé que lui.

    – Est-ce que vous connaissez un endroit où dormir ? Nous avons fait beaucoup de route.

    James se retint d’en dire plus. Il percevait derrière lui la respiration rauque et courte de l’homme au billard, et aussi son regard posé sur lui.

    – Vous faites deux kilomètres de plus et vous avez un motel.

    Le serveur ne lui accorda qu’un regard un peu fuyant, comme s’il était pressé qu’ils déguerpissent.

    – Vous allez boire ou pas ?

    Une volute de fumée monta juste derrière sa nuque, et James se retint de se retourner. Il était fatigué, sans doute sur les nerfs. Pas le moment de céder à l’irritation et de risquer d’engager la conversation avec un gars qui cherchait sans doute un peu d’animation.

    – Non, merci. On va repartir.

    Mais un bruit de régurgitation violente se fit entendre depuis les toilettes, et la tension monta d’un coup dans la poitrine de James.

    – Charlie ?

    Inquiet, il se pressa contre la porte pour entendre le souffle court de sa fille et une vague protestation.

    – Ça va, ça va, papa.

    – Le motel est à deux kilomètres. Tu vas tenir ?

    Charlie ne répondit pas. Le robinet coula de longues minutes puis le loquet de la porte finit par tourner et l’adolescente s’extirpa des toilettes, pâle comme la mort.

    – Ne me regarde pas comme ça.

    – Je suis désolé ma chérie.

    Charlie maugréa encore et il la fit passer devant lui marquant la direction de la sortie, mais quelque chose l’enjoignait de rester sur ses gardes. Une intuition.

    – Hey, ta fille peut passer chez moi si elle n’a pas envie de rester avec son ringard de père. Je saurais quoi en faire !

    Le barman s’arrêta de lustrer ses verres, donnant l’impression de vouloir disparaître sous le zinc. James se figea un instant, incrédule. Charlie écarquilla les yeux et se tourna vers son père, appréhendant sa réaction.

    – Allez, viens, papa, chuchota t-elle, une pointe d’inquiétude dans la voix.

    Mais James ne parut pas entendre sa supplique et son regard se planta dans celui du type au billard avec une telle détermination que Charlie s’écarta de lui instinctivement.

    – Je pense que j’ai mal entendu.

    Un rictus provocateur souleva la commissure des lèvres du gaillard.

    – Elle est jolie ta gamine, elle ne te ressemble pas.

    James jaugea assez rapidement que l’énergumène devait peser ses cent kilos, mais il n’était pas une midinette non plus et la fatigue jouait sur ses nerfs d’une façon dangereuse. Ce ne serait pas la première fois qu’il corrigerait un imbécile, et celui-là était un porc de la pire espèce. On ne touchait pas à Charlie. On ne parlait pas à Charlie. Lui défoncer sa sale gueule lui aurait fait tellement de bien, là, au milieu de ce bar miteux. Voir sa face éclatée contre la crasse du carrelage.

    – Je t’en prie, papa, laisse. Je suis crevée, et c’est un abruti.

    Charlie ne savait que trop bien ce qui allait se passer si elle laissait le paternel répondre ne serait-ce qu’un mot de plus, la veine à son cou saillait et palpitait déjà avec ce rythme régulier et soutenu. Ne dis pas un mot. Ne réponds pas, s’il te plaît.

    Mais la machine était déjà lancée sous le crâne de James, et il se saisit d’une queue de billard accrochée au mur. Le feutre se décollait du bout et le manche usé roulait entre ses mains moites.

    – Alors papa tu veux jouer une partie ? le défia l’autre.

    James ne desserra pas les dents et fonça vers l’homme sans réfléchir, en se servant de la queue de billard pour le repousser violemment jusque sur la table. Charlie recula effrayée et se heurta au coin du bar, le choc la faisant grimacer.

    James n’avait pas eu besoin de dire le moindre mot, son regard bleu acier transperçait les yeux de l’autre, enfoncés dans leur orbite comme celles d’un minuscule animal. Sa rage faisait saillir les muscles de ses avant bras qui poussèrent son arme improvisée jusqu’à sous la pomme d’Adam du type, l’acculant contre la table du billard. Le type n’était plus si bavard, pliant sous le poids de sa graisse, la gorge coincée sous un morceau de bois.

    Un silence de cimetière les entourait, comme si le temps s’était arrêté. Puis James s’aperçut qu’il y mettait tant de force que le visage du type virait au bleu fadasse, et qu’il commençait à émettre d’horribles gargouillis.

    – Papa !

    La voix de sa fille l’exhorta à renoncer, et il fit un pas en arrière. Oui il aurait pu le tuer, il ne suffisait pas de grand-chose. Une impulsion de plus. Mais pas ce soir, pas devant Charlie.

    James projeta violemment la queue de billard contre le mur, et le craquement du bois verni vint clore le débat. Derrière son bar, le jeune serveur était resté immobile comme une statue de cire.

    – Ça suffit, on y va.

    Il prit Charlie par les épaules et ils rejoignirent le parking sans un regard en arrière.

    Dans le brouillard

    James ne savait pas trop si l’établissement indiqué par le serveur méritait le titre de motel, mais ils y avaient au moins trouvé une chambre pour la nuit, et il n’était de toute façon pas en état de faire un seul kilomètre d’autoroute de plus.

    Charlie s’endormit quasiment instantanément, épuisée, et il ne garda qu’une discrète lumière allumée à côté du canapé, le temps de se vider la tête. Les images des dernières heures défilaient sous son crâne comme un manège au mécanisme enrayé, et James sut que le sommeil ne viendrait pas si facilement. Être au volant lui avait permis de rester concentré sur quelque chose, de ne pas avoir à réfléchir sur ce que serait le prochain mouvement. Mais il ignorait où se trouvait Sally, et s’il avait choisi la bonne option.

    Quelque chose, la petite voix au fond de sa tête, lui susurra que oui. Qu’il ne serait jamais trop éloigné de la maison. Que c’était là.

    Exténué, James s’allongea, les yeux fixés vers le plafond, le temps que les pensées arrêtent de tourner et que la fatigue gagne la partie. La respiration régulière de Charlie s’élevait dans la pièce, rassurante. Au moins il avait prouvé qu’il pouvait la protéger, elle. La voix de l’agent de police s’éleva dans un maelstrom de pensées, comme si du chaos allait surgir une vérité. Mais le téléphone de Sally avait cessé d’émettre deux heures à peine après sa disparition et ils avaient perdu sa trace à une centaine de kilomètres de la maison. Il n’y avait rien de plus.

    L’épuisement le clouait au fauteuil, mais son cerveau s’obstinait à tourner en boucle comme un moteur en surchauffe. Tout lui revenait, le lit vide au petit matin, l’armoire débarrassée. Son haut le cœur tandis qu’il comprenait que cette fois, Sally avait mis les voiles. Il l’avait craint souvent, sans jamais oser croire qu’elle franchirait le pas.

    Un bourdonnement désagréable s’éleva juste à côté de son oreille, réveillant l’aura de sa migraine. Dans ces moments James avait l’impression d’avoir le crâne enserré dans une clôture électrique, des minuscules fils barbelés qui s’enfonçaient un à un dans son épiderme. Il serra les dents, et finit par éteindre la lampe d’où provenait le grésillement insupportable. La route serait encore longue et il fallait qu’il dorme.

    Charlie s’était levée la première et avait passé de longues minutes enfermée dans la salle de bains. Elle n’avait pas osé vérifier les griffures depuis la veille, et plusieurs fois dans la nuit la sensation de brûlure l’avait réveillée. Les démangeaisons se calmaient et il lui était devenu plus facile de se retenir, mais de voir les stries gonflées de sang sur ses avant-bras la mettait encore en colère.

    Comment avait-elle pu se laisser faire ? Parfois elle voulait être comme lui, avoir sa force et son tempérament. Et parfois, elle en avait peur.

    Du mouvement derrière la porte la fit replacer ses manches en toute hâte, et Charlie attacha ses longs cheveux bruns avant de doucement tourner le bouton et se glisser dans l’entrebâillement. Mais son père n’avait pas bougé du canapé. Son estomac, lui, gargouillait de plus belle. Tant pis pour les nausées, la faim était trop forte.

    – Papa ? Tu dors ?

    Il y eut un premier borborygme, et Charlie dut insister un peu. Lorsque James ouvrit enfin les yeux, sa fille le fixait avec cette impatience au fond du regard, et il comprit qu’il avait dormi un peu trop longtemps.

    – Depuis combien de temps tu es réveillée ?

    – Une heure. On peut aller petit-déjeuner ?

    James allait protester mais l’odeur de café remontait jusqu’à la chambre et Charlie n’avait rien avalé depuis la veille midi.

    – Tu ne seras pas malade en voiture ?

    – Je dois manger quand même.

    James s’extirpa de sous la couverture rêche pour s’apercevoir qu’un épais brouillard recouvrait les alentours. Quitte à perdre du temps, autant reprendre des forces. L’aube n’allait pas se lever tout de suite de toute façon.

    Charlie dévora les pancakes les uns après les autres, sous le regard vaguement inquiet de son père qui se demandait sous quelle forme ils allaient réapparaître. Sa santé l’inquiétait, et la disparition de sa mère avait sans doute précipité les choses.

    – Tu ne devrais pas manger si vite ma chérie.

    – Je ne vomirai pas dans ta précieuse voiture papa, j’ai appris à ouvrir les fenêtres.

    – Je…

    Mais James n’insista pas. Il calculait déjà l’itinéraire du jour, en espérant atteindre la prochaine étape avant la soirée. Et il pensait à sa femme.

    – Toi aussi tu te demandes si elle ne s’est pas fait sauter la cervelle.

    – Arrête, Charlie.

    – Allez. Depuis combien de temps elle est comme ça ?

    Cette fois James ne leva même pas les yeux de son café. Tout ce qu’il dirait serait de toute façon retenu contre lui. Ils finirent de déjeuner dans un silence pesant, puis James fit signe à sa fille de se mettre en route.

    La brume se levait à peine lorsque la Ford s’engagea sur l’Interstate. Une dizaine de kilomètres en amont le trafic parut ralentir sensiblement, éprouvant la patience déjà limitée de James. Charlie se releva sur son siège comme un félin à l’affût, et à peine quelques secondes après les gyrophares des véhicules de secours percèrent les dernières volutes de brouillard, dissimulant derrière leur lumière changeante deux véhicules encastrés l’un dans l’autre comme après une danse de la mort ; un lourd pick up noir et une berline verte dont l’avant paraissait complètement replié sur lui-même, pareil à un insecte crevé.

    La bouche de Charlie s’ouvrit sans produire le moindre

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