Comme le phénix...
Par Claude Nativel
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Avis sur Comme le phénix...
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Aperçu du livre
Comme le phénix... - Claude Nativel
Comme le phénix…
À tous ceux qui souffrent et désespèrent de retrouver une vie normale, je dédie cette fiction. Je souhaite sincèrement que « comme le phénix » ils renaitront de leurs cendres !
C.N.
Claude Nativel
Comme le phénix…
Roman
LES ÉDITIONS DU NET
22, rue Édouard Nieuport 92150 Suresnes
© Les Éditions du Net, 2015
ISBN : 978-2-312-03011-1
I
L’histoire de HISAN commence au bord de la mer, une mer qui est couleur émeraude, toujours calme, toujours tiède. Un océan dans lequel la petite fille se baigne, juste en face de la maisonnette de ses parents.
Son père est un homme fluet, vêtu d’une espèce de short en coton blanc, raccommodé un peu partout, et d’une petite chemise à col droit, elle aussi rapiécée. Il a élevé deux oiseaux, sa fortune, affirme-t-il, puisqu’ils pêchent pour lui et sa famille les poissons de l’immense océan. La mère d’HISAN, HAHO est une toute petite femme qui porte un chapeau de bambou tressé, attaché par une ficelle qui lui passe sous le menton. Elle ne s’arrête jamais de travailler, elle lave les pauvres vêtements de son époux, fait cuire les repas, prépare le lit de sa fille qui dort dans une sorte de petite cabane adossée à la leur. Les journées défilent et la maman d’HISAN ne s’aperçoit pas du temps qui passe.
HAKIAVE gâte ses oiseaux, les caresse, leur parle comme s’ils étaient des humains qui peuvent le comprendre. Sa fille pense, elle, que son papa est une sorte de cormoran qui a pris forme humaine, c’est pourquoi, il s’entend si bien avec les siens. Tous les jours, en allant à l’école, elle passe devant une grande maison, une maison de riches sûrement, on le devine rien qu’à voir le portail imposant, et surtout le garde armé et le monstrueux chien qui l’accompagne, postés devant les deux battants majestueux et décorés du portail.
La vie quotidienne n’apportait aucune joie, aucune satisfaction à HISAN : après l’école qui finissait à quinze heures, elle redescendait vers la mer, en courant presque, sauf lorsqu’elle passait devant le garde. Celui-ci semblait encore plus sévère, à moins que ce fût un autre qui l’avait remplacé. Le dogue grondait toujours et HISAN ne respirait que lorsqu’elle était hors de portée de la sentinelle.
Un matin, alors qu’elle arrivait près de la maison aux toits vernis et aux tourelles dorées, elle remarqua un remue-ménage inhabituel : le garde s’était placé au milieu du chemin de terre battue, le majestueux portail s’était ouvert lentement et, tiré par deux hommes musculeux, un pousse-pousse en était sorti. HISAN, cachée derrière un buisson, avait vu toute la scène mais elle n’avait pas eu le temps d’apercevoir le passager du petit véhicule, dissimulé par un voile richement brodé. Une fois la voiturette disparue, le portail se referma, le garde et son chien reprirent leur place. La fillette continua sa route en rasant presque le mur d’en face, tant elle craignait de les déranger.
Qui donc pouvait demeurer dans ce château ? Un grand seigneur, sûrement. Rien qu’à observer l’extérieur de la construction, on devinait la richesse des peintures, la finesse des sculptures, la beauté des jardins à travers lesquels coulaient de petits ruisseaux. HISAN qui vivait misérablement avec sa mère, aurait aimé pénétrer dans ce domaine enchanté pour découvrir les plantes rares qui y poussaient, les fleurs dont elle ne connaissait même pas le nom et les oiseaux qui chantaient continuellement. Elle pensait avoir un jour la chance de visiter cette habitation princière, elle aurait aimé devenir domestique pour avoir accès aux salons, aux chambres ou plus simplement servir le thé et les repas à des hôtes de rêve, habillés de vêtements de luxe, de robes scintillantes, des jeunes filles invitées pour leur premier bal, ainsi que les décrivaient de vieux journaux qu’elle lisait le soir, dans sa misérable cabane, à la lueur d’une lampe à huile.
Les soldats qui remontaient HAHO arrivaient. Ils posèrent le corps de la vieille femme sur une sorte de canapé, enlevèrent le drapeau qui le recouvrait et le général fit une courte allocution où il était question de bravoure, de courage, de philanthropie. HISAN ne finissait pas de pleurer. L’instant était solennel ; à un moment des obsèques le général vint vers elle, la salua et s’inclina devant les autres femmes qui étaient présentes. Les moines marmonnaient leurs prières, et le cortège passant, dans une trouée du feuillage, arriva devant l’ouverture d’une caverne immense qui contenait de nombreux cercueils.
C’est une maison minuscule dont les volets ont été mangés par les embruns qui déferlent sur elle, au moment où la tempête rugit au large. Mais ses parents sont habitués aux caprices des typhons et prennent quelques précautions : mettre de gros rochers sur la tôle du toit pour qu’elle ne s’envole pas, encorder les bascules des volets de bois ajourés, rentrer le petit matériel dont le père a besoin pour pêcher. Il faut dire que HISAN redoute les coups de butoir de la grande bleue qui l’empêchent de dormir mais qui n’affolent ni papa, ni maman.
Quand elle ne va pas à l’école là-haut, dans la montagne, elle aide sa mère qui est malade et qui peut à peine se déplacer. C’est HISAN qui balaie tout autour de la maison, qui lave les vêtements sales, qui fait cuire à manger, qui s’occupe de sa maman. Jamais un pleur, jamais une plainte, la petite fille est très courageuse.
Pendant ce temps, papa est à la pêche une fois de plus : le père de HISAN n’a pas d’autre travail, prendre des poissons pour ensuite les revendre, c’est ce qui lui rapporte un peu d’argent, surtout pour les médicaments dont a besoin sa femme qui est très malade.
Papa a une étrange manière de pratiquer la pêche : il ne se sert ni d’un hameçon ni d’une épuisette ni d’un filet, il utilise deux oiseaux pêcheurs, des cormorans. En Asie, où habite HISAN, beaucoup de personnes attrapent comme cela des poissons. Elles capturent des oiseaux sauvages, les dressent à pêcher en eau douce, les nourrissent parce qu’ils n’ont pas l’habitude de prendre des poissons dans l’eau des rivières. HAKIAVE, le papa de HISAN n’a pas la même manière de faire, lui, il demeure au bord d’un golfe où la mer est rarement rude.
HAKIAVE préfère élever des oisillons : il pourra les dresser, quand ils sont encore tout petits. D’abord, acheter des œufs récemment pondus, puis assurer la couvaison de deux œufs au moins, les bichonner et surveiller la poule sous laquelle on les met à couver même si elle pousse des caquètements de colère, les retourner tous les jours, attendre plus de vingt et un jours et dès que les oisillons sont nés, les enlever du nid et les soigner comme des bébés. Leur repas fait l’objet d’un soin particulier : les oiseaux prennent le vieux pêcheur et sa fille pour leurs parents.
A la nuit presque tombée, le papa les rentre, leur donne une sorte de pâté de poissons et de farine mélangés : ils sont gourmands et quand leur maître tarde trop à leur apporter leur pitance, ils poussent des cris sans discontinuer.
HISAN, quand elle a du temps devant elle, va aider son père à nourrir les cormorans, ils ont pris du poids et la fillette peut à peine les porter jusqu’au bac métallique où leur repas est entreposé. Ils grossissent rapidement et leurs cris sont devenus rauques, ils ont maintenant l’habitude de voir HISAN et, quand la petite fille s’approche d’eux, ils dandinent, un peu comme des canards.
Le plus difficile pour le père, c’est de les amener à ne pas avaler le poisson qu’ils pêchent : aussi, HAKIAVE use-t-il du même procédé que les autres pêcheurs. Il a posé à la base de la gorge de ses oiseaux une ligature faite d’une corde souple mais solide, ce système permet aux volatiles de laisser les petits poissons passer dans leur estomac mais les empêche d’avaler les plus gros que HAKIAVE récupère, quand les oiseaux remontent du fond de la mer, et viennent se reposer sur la proue du canot, à portée de main de leur maître.
Il a fière allure quand, le matin, il s’embarque avec ses deux cormorans, sa tête couverte d’un chapeau chinois, par crainte du soleil. HISAN admire son papa et se dit prête à aller pêcher, elle aussi, quand elle sera plus grande.
Une bonne journée pour HAKIAVE, c’est une bonne dizaine de poissons, quelquefois la pêche est moins fructueuse, mais la famille a de quoi se nourrir et ne manque de rien. Le père de HISAN est un homme très sage, il rejette à la mer les tout petits poissons, il protège ainsi les récoltes du futur et ne laisse pas ses cormorans prendre plus qu’il ne leur en faut.
Les deux oiseaux ont chacun un nom, c’est la petite fille qui les a trouvés : BEWAN et BETWO, deux patronymes basés sur un anglais parlé par un vieux Chinois qui avait beaucoup voyagé, et qui chantait en anglais lorsqu’il avait bu trop d’alcool de riz. A chaque fois qu’elle l’entendait, la fillette éclatait de rire et s’essayait à chanter, elle aussi, les mêmes paroles, prononciation non garantie, bien sûr !
Avant que ceux-ci ne deviennent adultes, le vieux pêcheur leur apprend à prendre leur envol, après qu’ils ont bien battu leurs ailes pour les rendre souples et commencer à prendre l’air tout seuls. Le plus difficile, c’est d’utiliser la ficelle attachée à leur cou et qui joue le rôle de piège à poissons. Pendant des jours et des jours, HAKIAVE les fait atterrir et s’envoler : si cet exercice ne devient pas automatique, les poissons pêchés tombent tous dans l’énorme estomac du cormoran, la ficelle qui le coince risque aussi de l’étouffer, si l’on ne sait pas comment la manier. Cette phase d’apprentissage dure, au moins, six longs mois.
Mais quelle joie, quand le papa de la petite fille lance dans les airs ses grands oiseaux, auparavant, sagement posés sur l’avant de sa pirogue ! BEWAN surtout est très habile : d’abord, il monte plus haut que son frère BATWO, puis il redescend comme une flèche, à la manière d’un avion à réaction qui piquerait sur l’ennemi, tout droit. Quand l’oiseau remonte, il faut alors faire vite, tirer sur la ficelle pour bloquer les poissons, avant qu’il ne les avale.
Pour la première fois, HAKIAVE n’a pas voulu fatiguer ses cormorans : à eux- deux ils ont rapporté à leur maître dix-huit maquereaux, dix pour BEWAN, huit pour BATWO, une belle pêche qui a mérité une récompense. Chacun des oiseaux a reçu quatre poissons, les plus gros, qu’ils ont avalés d’un coup. La ficelle et le matériel de pêche ont été soigneusement rangés. Le maître leur a ensuite servi à boire une potion fabriquée localement, qui donnerait, lui avait-on dit, plus d’énergie à ses oiseaux, pour le lendemain. Enfin, il les a enfermés, comme d’habitude, dans le vieux bac qui les a vus naître. Après les avoir caressés et leur avoir parlé, HAKIAVE est revenu dans sa petite maison où l’attendaient, pour dîner, sa femme HAO et sa fille HISAN.
Le vieil homme raconte alors à sa famille sa première journée de pêche, et la manière dont les cormorans se sont comportés. La mère et la fille rient aux larmes, tant les mimiques du pêcheur reproduisent, avec vérité, la façon d’agir des oiseaux. « Il faut rendre grâce aux dieux, dit HAO, ce sont eux qui donnent cette agilité dont tu parles, dit-elle à son mari, à nos oiseaux. » HAKIAVE ne répond pas, se contente de sourire : lui, il sait que c’est l’amour qu’il porte à ses deux pêcheurs qui les fait travailler, avec cette force. Pour lui, les cormorans ne sont plus des volatiles, mais des enfants qu’il aime autant que sa fille HISAN.
Le repas, ce soir-là, fut un vrai festin de roi : HAHO qui était une excellente cuisinière avait accommodé le poisson de cinq manières différentes et, pour finir, HISAN avait cuit des petits gâteaux aux haricots rouges, un véritable délice ! Les poissons qui restaient, vivaient encore : juste devant la porte de la masure, le vieux pêcheur avait aménagé un vivier, dans lequel il gardait les maquereaux jusqu’au lendemain, jour où il allait les livrer aux clients qui en avaient passé commande. De plus, il avait eu droit à un petit verre d’alcool de riz, du shoum âgé de cinquante ans !
AHKIAVE, quelque peu abasourdi, sortit pour observer l’état de la mer : demain, serait-elle agitée ou non ? De toute manière, c’était un pêcheur prudent, si l’océan grondait au loin, les vaguelettes qui venaient lécher le mur de protection se gonfleraient, ballotant la pirogue qui danserait de plus en plus vite. Le pêcheur l’amènerait alors vers sa cabane, vers une petite plage de sable blanc où elle serait à l’abri. Mais ce soir, l’océan était bien plat, une véritable mer d’huile, brillant sous la lumière de la pleine lune qui se levait. La nuit se passa sans incidents. De temps en temps, on entendait les cormorans couiner, de plus en plus fort, à un point tel que HISAN qui ne dormait pas encore, sortit pour aller les calmer. Rien alentour, mais le brouillard s’était levé et il faisait plus frais que d’habitude : même la mer avait changé, les vaguelettes étaient devenues de véritables vagues et parfois on serait cru au milieu d’un typhon, à cause des embruns.
D’habitude, les oiseaux de HAKIAVE après une visite qu’il leur faisait quand ils étaient agités, restaient tranquilles jusqu’au lever du jour Mais