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Livre électronique525 pages9 heures

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À propos de ce livre électronique

De lui, Sarah n’a rien oublié, ses gestes, ses regards, son sourire. Elle l’aime, l’a toujours aimé, chaque jour qui passe elle pense à lui. Ce qu’elle éprouve pour lui n’a rien à voir avec ce qu’elle ressent pour son mari. Pourtant si celui-ci venait à lui demander, Sarah irait au bout du monde pour lui. Depuis quinze ans celle-ci n’a plus de nouvelles de Vincent. Où est-il ? Que fait-il ? A-t-il trouvé la paix recherchée dans sa fuite ? Sarah a terriblement besoin de lui, le temps presse l’horloge tourne. Alors, dans un dernier instinct de survie, elle l’appelle, faisant vibrer toutes les cordes du lien qui les unit. Vincent viendra, elle en est convaincue, mais avec lui la peur, la terreur, referont leurs apparitions. Vincent aura-t-il la force de se défendre, de s’expliquer pour trouver la paix de son âme et être un homme comme les autres...
LangueFrançais
Date de sortie27 déc. 2012
ISBN9782312006994
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    Aperçu du livre

    Le lien - Marilyn Badel

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    Marilyn Badel

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    Les éditions du net

    70, quai de Dion Bouton 92800 Puteaux

    © Les Éditions du Net, 2012

    ISBN : 978-2-312-00699-4

    Montpellier

    Fin Juin 2011

    « Vous avez une leucémie. » Ces mots avaient fait l’effet d’une bombe dont le souffle raisonnait encore à travers les murs du bureau. À partir de ce moment-là, elle n’écoutait plus le médecin. Sa vie défilait devant ses yeux, ses enfants son mari. Comment allait-elle faire pour leurs dire, leurs annoncer cette terrible nouvelle. Quelles étaient les solutions, allait-elle mourir. Toutes ces questions se bousculaient dans sa tête, ne sachant plus très bien où elle en était. Elle avait l’impression de flotter, ses jambes étaient en coton heureusement qu’elle n’avait pas à se lever immédiatement sinon, Sarah serait retombée sur sa chaise. La première idée qui ressortie était combien de temps il lui restait, mais déjà le praticien la rappelait.

    – Madame ADLER je sais que c’est difficile mais s’il vous plait écoutez-moi.

    – Je suis forte je vais me battre. Le choix, je ne l’ai pas. Je veux connaître toutes les solutions, je veux essayer tous les traitements. Je suis prête à partir à l’étranger s’il le faut.

    Elle avait prononcé ces mots pour mieux se rassurer, ayant toutes les raisons d’engager une lutte sans merci contre la maladie. En tant que mère, cette dernière était au centre de sa famille. Si Sarah n’était plus là comment son mari allait-il faire pour s’en sortir. Sa confiance en lui était pleine et entière, mais ils avaient toujours géré les problèmes à deux, son époux avait besoin de sa présence pour se rassurer. David était souvent stressé, et se faisait du souci pour la moindre bêtise. Elle devait le préparer si le pire arrivait pour qu’il soit prêt à prendre le relais à faire face à toutes éventualités. Il s’occupait de beaucoup de choses à la maison, surtout des enfants. Son travail lui permettait de se dégager plus de temps, ainsi qu’organiser son planning comme il le voulait, mais malgré tout ce dernier se reposait beaucoup sur elle pour les décisions importantes. Sarah se rassura la médecine faisait des progrès tous les jours, il devait y avoir un traitement efficace. Partout dans le monde des médecins ainsi que des chercheurs travaillaient sans relâche pour soigner des milliers de malades, elle devait avoir confiance en ces personnes.

    – Je vais tout vous expliquer. Pour le moment nous allons vous faire des examens complémentaires pour savoir quel protocole mettre en place. Dès aujourd’hui je vais vous mettre en arrêt maladie.

    Sa patiente refusa catégoriquement l’arrêt de travail, se sentant en état de continuer à faire son métier. Même si, Sarah ne voulait pas l’admettre la sensation d’être fatiguée l’avait gagné ces derniers temps, mais surtout faisait preuve de moins de patience. De plus beaucoup d’enquêtes en cours s’entassaient sur son bureau et puis les effectifs étaient justes à la brigade. Tout le monde était à cran, et la hiérarchie s’en moquait, ceux-ci demandaient toujours plus avec peu de moyens. Au travail un malaise général était en train de s’installer, de plus en plus de ses collègues étaient en arrêt maladie pour dépression. Il y avait moins d’entrain le matin pour venir au bureau, la justice semblait ne pas reconnaitre leurs efforts. La jeune femme n’était pas égoïste, mais pour la première fois Sarah devait penser à elle avant son emploi ce qu’elle semblait avoir du mal à faire. Partir à l’étranger pour se soigner était une chose mais fallait-il encore qu’elle ait la force de le faire. S’arrangeant avec le service pour rester au bureau et faire ses procédures quitte à faire celles des autres pour leurs donner un peu d’aide et les soulager. Elle resta polie avec le médecin même si celui-ci insista fortement pour lui donner des jours de repos.

    – Vous ne pouvez pas continuer à travailler et en même temps suivre le traitement. Il va vous fatiguer.

    – Faites-moi un arrêt maladie, je ne l’utiliserai que si j’en ressens le besoin.

    – Très bien mais dans votre situation, il vous faut privilégier le repos.

    Le médecin ne pouvait pas comprendre, toute sa vie n’avait été qu’un combat, pour en arriver où elle en était. Mais surtout elle avait fait d’innombrables sacrifices dont ce dernier ne pouvait mesurer l’importance ni même comprendre. Sarah était forte du moins c’était son impression. Ce boulot était une revanche sur la vie, ne souhaitant pas y renoncer. Être gendarme avait failli lui coûter sa famille mais finalement tout s’était arrangé. Oh bien sûr, Sarah avait dû faire des concessions, mais aujourd’hui tout allait pour le mieux. Arriver à conjuguer son travail et sa vie de famille était une lutte de chaque jour. Parfois encore ses enfants disaient que leur mère n’était pas souvent à la maison, mais c’était le propre des enfants de faire des reproches à leurs parents, mais dans l’ensemble tout allait pour le mieux. Depuis que sa tribu avait déménagé, Sarah avait redécouvert son mari. Ne s’étant pas rendu compte de tout ce qu’il accomplissait. Ce dernier gérait entièrement la maison, au début elle s’était un peu culpabilisée, cela aurait dû être sa place. Puis Sarah avait vu que son époux y prenait un réel plaisir, ne désirant pour rien au monde le lui enlever, alors elle avait fini par trouver sa place.

    – La seule solution pour une complète guérison c’est la greffe de moelle osseuse.

    – C’est à dire.

    – Il faudrait que vos parents ainsi que vos frères et sœurs viennent faire des examens. S’ils sont compatibles on pourrait envisager une greffe. C’est le meilleur des traitements et le seul qui garantisse un rétablissement complet.

    – Je viens de l’assistance publique, je ne connais pas mes parents.

    – Oh je suis….

    – Vous n’avez pas à être désolé. Il y a longtemps que je n’en souffre plus.

    – Et vous n’avez aucun frère aucune sœur.

    – Non.

    Deux mensonges en moins d’une minute, mais cacher la vérité était nécessaire. Comme à chaque fois ça lui brisait le cœur, mais peu à peu ces leurres étaient devenus une réalité. Toute sa vie, celle-ci avait appris à cacher ses sentiments derrière une armure invisible. Ressentant tout mais ne montrant jamais rien, ne parlant surtout pas de ce qui la préoccupait. Jamais il ne fallait montrer la moindre faiblesse. Un instant elle pensa à lui, envisagea de lui lancer un appel au secours et se ravisa aussitôt. Sarah ne pouvait pas faire ça, ils s’aimaient plus que tout mais avaient appris à se passer de l’un de l’autre.

    Le médecin finit par lui expliquer la procédure à suivre. Sa patiente ne l’écoutait qu’à moitié, son esprit vagabondait entre le monde réel et ses pensées les plus secrètes. Commençant à énumérer toutes les choses qu’elle aurait aimé faire, sans jamais en trouver le temps. Il y avait aussi des personnes qu’elle avait envie de voir mais dont elle n’avait plus de nouvelles, la vie avait fait son œuvre. Le docteur l’informa qu’il allait mettre en place un protocole de soins basé sur de la chimiothérapie. Si celle-ci était efficace, il continuerait avec, sinon il en essaierait un autre beaucoup plus virulent. Le médecin aurait aimé lui conseiller d’aller voir un psychologue pour parler de ses peurs de ses doutes pour qu’elle se confie. Mais la femme qu’il avait en face de lui n’était pas prête pour cette démarche, il fallait que cela vienne de sa propre initiative, pourtant celui-ci sentait qu’elle avait beaucoup de choses à dire.

    En sortant de l’hôpital, une soudaine envie de fumer une cigarette la saisit alors qu’elle ne l’avait jamais fait de sa vie. Sarah comprit qu’elle avait besoin de s’occuper l’esprit. Elle ralluma son téléphone portable, par principe et politesse, à chaque fois qu’elle avait un rendez-vous celui-ci était éteint. Ne supportant pas qu’une personne étrangère vienne déranger la conversation c’était un rituel pour tous ses rendez-vous. Une dizaine de messages tombèrent en flèche, c’était plutôt rare. Subissant le téléphone au travail, dans sa vie privée, cette dernière n’en avait qu’un usage très limité. Celle-ci ne les consulta pas, mais regarda juste le nom de l’appelant. Son mari l’avait contacté quatre fois, ils s’appelaient plusieurs fois par jour, c’était comme une habitude. Si l’autre était occupé, il ne répondait pas, ce petit jeu s’était installé entre eux, elle adorait ces petites attentions quotidiennes. Sarah n’avait pas envie de lui parler pour le moment, voulant rester un peu seule avec elle-même. Les autres messages provenaient d’amis mais elle n’y prêta pas d’importance. L’unique message qu’elle daigna écouter provenait de l’école de ses fils. La directrice lui annonçait que l’un deux avait causé une bagarre mais elle ne savait pas lequel. Et aucun des deux ne voulaient se dénoncer. En temps normal, la mère se serait mise en colère. Mais pas cette fois, pas aujourd’hui, il y avait des choses plus graves. Sarah angoissait souvent de voir ce lien jumelai si fort entre ses enfants mais elle trouvait cette relation très belle. Aucun de ses deux fils ne dénoncerait jamais l’autre, elle avait écouté le message car son instinct de mère avait pris le dessus. Ayant toujours peur qu’il arrive quelque chose à ses enfants, bien que la plupart du temps, ils soient à l’origine des bêtises qui pouvaient être faites. Leurs imaginations étaient débordantes mais surtout sans limite. Ses petits n’avaient aucune conscience du danger qu’ils couraient de l’angoisse qu’ils faisaient endurer à leur mère.

    Sarah regagna sa voiture sur le parking, la trouvant facilement, la couleur était bien particulière, un peu comme elle. C’était une mini Cooper S, de couleur bleue nuit avec un toit à damiers de couleur rouge et blanche. Elle avait toujours adoré, cette voiture, mais avait mis des années avant de pouvoir l’avoir. Son mari l’a lui avait offerte pour ses trente ans. Une folie pour une mère de famille, mais bon celle-ci passait plus de temps au travail qu’avec ses enfants, lorsqu’elle la conduisait c’était un véritable plaisir. D’ailleurs en grandissant ceux-ci avaient commencé à lui faire des reproches en plus de son mari quant à sa conduite sportive. Une fois de plus elle se promit de faire un effort, tout en sachant que ce serait difficile. La vitesse était un sentiment de liberté, mais Sarah ne prenait jamais de risques.

    La jeune femme monta dans sa voiture et s’assit sur le siège baquet. Pour la première fois depuis quinze ans, elle pleura. Sarah resta plus de vingt minutes à sangloter, n’arrivant pas à se retenir, toute la pression était en train de se relâcher. Cette fois si, c’était trop dur, personne n’était là pour la voir ou la juger, Sarah se libérait complètement, laissant couler les larmes sans même prendre le soin de les essuyer. La peur de l’avenir et de ce qui pouvait se produire venait de l’envahir. Tant de choses n’étaient pas réglées dans sa vie, tant de questions auxquelles elle n’avait pas trouvé de réponses. Toute sa vie, cette dernière avait refusé d’affronter la réalité. Mais aujourd’hui elle se rendait compte qu’il lui manquait beaucoup de choses. Comment avaient-ils pu survivre aussi loin l’un de l’autre, aucune réponse ne lui vint, elle n’en avait pas. Pour le moment le point rassurant était qu’elle pouvait mettre un nom sur son ennemi.

    D’un seul coup Sarah se calma, réussissant à faire le vide. Elle ne pouvait pas pleurer, ne devait pas montrer sa tristesse sa faiblesse. Si ce dernier la ressentait, il viendrait. Il était toujours venu, elle ne pouvait le mettre en danger. Il avait toujours été là, Sarah ne pouvait pas lui faire çà. Pour la première fois, celle-ci ressentait son absence qui lui pesait terriblement. Se demandant à quoi, il pouvait ressembler après toutes ces années, mais elle était sûre d’une chose, elle pourrait le reconnaître au milieu d’une importante foule d’inconnus. Une question la tenait, pensait-il de temps en temps à elle et surtout que faisait-il ? Mais surtout elle espérait qu’il avait trouvé le bonheur dans sa nouvelle vie, comme elle, jusqu’à aujourd’hui elle était heureuse d’avoir fondé une famille avec David.

    Sortant de la ville, Sarah prit l’autoroute en direction de PERPIGNAN. Là, elle fit parler la puissance du moteur, tout en allumant la radio. Des enceintes sortaient la chanson mondialement connue de Flashdance. Comme à chaque fois où Sarah conduisait et qu’elle était seule, celle-ci appuya sur la pédale d’accélérateur entrainée par la musique. L’aiguille du compteur kilométrique dépassa les cent quarante puis atteint les cent quatre-vingt kilomètres heures sa vitesse de croisière. Ne craignant pas les radars, son téléphone portable avait une application communautaire qui lui permettait d’être avertie en temps réel. Pour l’instant ce système était légal, mais dans l’avenir elle se doutait bien que le gouvernement y mettrait fin, il y avait une trop grande perte d’argent. Comme à chaque fois cette dernière se mit à sourire et se dit qu’elle n’était décidément pas une bonne gendarme, mais son caractère un peu révolté était inchangeable. Heureusement qu’un de ses amis lui avait téléchargé cette application. C’était grâce à lui qu’elle avait encore tous ses points sur son permis de conduire. S’en servant aussi dans son travail, tout en sachant que tôt ou tard, elle se ferait rappeler par la patrouille. L’asphalte défilait à grande vitesse et déjà au loin se dessinait le Canigou avec PERPIGNAN à ses pieds. Sarah aimait cette région, elle en était partie à la fin de ses études, pour mieux y revenir, connaissant beaucoup de monde. Passer incognito dans les villages sans qu’une personne ne l’interpelle était une mission devenue impossible, surtout avec ses enfants, ils avaient le don pour se faire remarquer.

    Elle prit la décision d’aller chercher ses fils à l’école, Sarah n’en n’avait pas parlé à David mais il ne lui en ferait aucun reproche bien au contraire. Ensuite la petite famille rentrerait pour qu’elle puisse leur préparer un bon dîner. Il y avait une éternité qu’elle n’avait pas cuisiné, étant un véritable cordon bleu, mais n’ayant jamais beaucoup de temps pour ces choses-là. Soudain, Sarah comprit qu’elle était passée à côté de beaucoup de choses et d’évènements importants. Désirant rattraper le temps perdu, profitée de chaque journée. Être présente uniquement pour les anniversaires n’était plus suffisant, Sarah voulait plus. Elle voulait vivre, peu importe si le temps était compté, l’essentiel était d’en profiter un maximum.

    Venant de passer trois heures en réunion avec l’une des familles les plus riches d’Australie, le chef d’entreprise était épuisé de tous ces discours. Surtout qu’il n’avait pas écouté un seul mot de ce qui s’était dit. Vincent détestait ces gens bourgeois, prétention supérieure et pourtant cela faisait partie de son monde, espérant n’avoir rien de comparable avec eux. Ce devait être cela, le prix de la gloire quand on est l’un des meilleurs architectes navals au monde. Vincent avait tout, il était au sommet de sa carrière. Les trophées, les récompenses s’accumulaient les uns après les autres en même temps que son compte en banque grossissait. Son majordome remisait tous les souvenirs de ses exploits dans un carton au fond de son garage.

    Oh bien sûr, comme à son habitude, il avait écouté leurs exigences d’une oreille distraite, faisant semblant de prendre des notes. Pour faire diversion, ce dernier avait appelé sa secrétaire avec son téléphone portable. Et posé l’appareil sur une chaise, dans son bureau son assistante entendait leur conversation, pouvant ainsi prendre des notes pour ensuite lui faire un résumé de tout ce qui c’était dit. En place, sur son carnet, celui-ci avait dessiné, la jeune assistante du couple, malheureusement il n’avait qu’un stylo bille, ayant oublié son crayon de papier, et s’en voulant énormément. Depuis qu’elle était entrée dans son bureau, ce dernier ne l’avait pas lâché du regard. Elle lui plaisait, il l’avait dessinée nue, en laissant parler son imagination. Vincent n’arrivait jamais à résister à l’attirance d’une jolie femme. Il imaginait un corps mince, mais musclé par des heures de jogging sur la plage. Lui avait donné des courbes généreuses au niveau des seins et des hanches. Portant des lunettes, derrière lesquelles elle pouvait se cacher et dissimuler son magnifique visage. La jeune femme était timide, mais faisait ses premiers pas dans un monde de vipères où tous les coups étaient permis. Ses gestes étaient encore maladroits, ne prenant aucune initiative. L’assistante ne le savait pas encore mais ses principaux ennemis seraient la rumeur et les commérages. Tous les gens comme elles, étaient avides de réussites, de pouvoir et d’argent. Ils useraient de tous les coups mêmes les plus bas pour l’écraser, tous étaient pourvus d’un élément qu’elle n’avait pas encore pour le moment de sens moral. Vincent était prêt à lui apprendre, à lui donner les armes nécessaires pour se défendre, celle-ci semblait le mériter, pourtant il ressortait d’elle une sensibilité qu’elle ne devait pas perdre.

    Vincent savait se maîtriser, chaque regard chaque geste était calculé. Ce n’était pas sa première chasse, étant même plutôt doué à ce jeu. Sa réputation n’était plus à faire. Vincent lui faisait son numéro de charme, mais la jeune femme ne le voyait pas. Qui regarde une assistante, alors que sa patronne éblouie la pièce de sa sensualité et de sa grande assurance, mais des deux femmes de la pièce c’était elle la plus belle. Pour l’autre femme l’inconvénient était qu’elle était mariée, le chef d’entreprise ne jouait pas avec ses contrats surtout quand le montant dépasse les six chiffres et puis les femmes mariées étaient une source de problèmes qu’il voulait à tout prix s’éviter. Des ennuis, il en avait déjà assez comme cela, sans en chercher volontairement d’autres Justement, Vincent jouait de tout cela et tout doucement l’assistante tombait dans son piège telle une colombe innocente. Intérieurement son instinct de chasseur lui disait que le tour était joué, mais il n’avait pas terminé son numéro, la première partie allait se finir dans peu de temps. Si, elle refusait, il ne lui en voudrait pas, ne se sentirait pas blessé, désirant juste s’amuser un peu. Vincent était assez respectueux pour accepter d’être éconduit, aimant assez ce retour à la réalité où il comprenait qu’il n’était pas irrésistible.

    – Et bien nous sommes d’accord sur les matériaux à utiliser pour l’intérieur ainsi que sur le montant et l’agencement multimédia que nous avons choisi, je veux que tout soit électrique et de dernière génération avec une pointe d’écologie. Quand pouvons-nous espérer la livraison de notre yacht ?

    – Il faut compter encore quatre mois, tout en travaillant sans relâche sans parler des week-ends. Nous n’avons pas encore reçu tous les bois précieux, mais je sais qu’ils sont sur le point d’entrer dans le port, une fois qu’ils seront arrivés nous les travaillerons, puis nous les assemblerons sur le bateau.

    – Allons Vincent faites un effort trois mois grand maximum et je vous verse une rallonge. Il va y avoir une régate à laquelle, je veux absolument assister. Votre tarif sera le mien, faites le nécessaire.

    Vincent construisait des bateaux magnifiques uniquement pour que leurs propriétaires puissent se pavaner et briller dans la société mondaine tout en étalant leur richesse. Aucun d’eux ne comprenait le sens véritable de son travail. Tous ses clients n’utilisaient qu’à moitié les capacités de ces monstres des mers que son esprit créait. Vincent recherchait à chaque construction le trais parfait, les courbes en cohésion avec son monde. Autant que la rapidité et la mobilité, il voulait l’harmonie et la beauté avec la nature. Pour lui la mer était un monde rude, exigeant qui ne tolère pas la moindre erreur et qu’il fallait à tout prix respecter. Vincent adorait se promener le matin avant que le soleil ne se lève sur le port, pouvant ainsi discuter avec de vrais marins, qui appréciaient la valeur de son art. Souvent ses hommes rudes lui demandaient où il en était de ses projets. Pour se faire respecter mais surtout accepter, celui-ci avait pendant un temps partagé leur quotidien. Cette expérience avait été difficile, mais lui avait appris beaucoup de choses sur le monde marin. Vincent avait fini par gagner le respect de ceux qui vivent de la mer. Cela lui avait permis de comprendre que l’informatique était très éloignée de ce qu’il recherchait. D’ailleurs depuis cette période, ce dernier travaillait toujours sur le papier avec son crayon de bois, ensuite il passait à l’ordinateur. Se fournissant toujours dans la même papeterie, elle était située dans un des vieux quartiers de Sydney. C’était une toute petite boutique où tous les artistes de la ville venaient s’y fournir. À l’intérieur de véritables trésors s’y cachaient. Vincent était devenu un habitué, faisant venir de loin, les fournitures dont il avait besoin. Ce qui était agréable avec le vendeur était qu’il ne posait jamais de questions sur son travail. Son client était un homme connu qui respectait les autres cela lui suffisait. Une fois Vincent lui avait dit qu’il estimait que l’informatique enlevait l’âme de ses réalisations, pouvant moins les corriger que sur le papier.

    Depuis des années, celui-ci dessinait à temps perdu son bateau, tout avait commencé avec une ébauche sur une serviette un soir de fête un peu trop arrosé. Aujourd’hui il en était à calculer les masses de charges et dimensions diverses et variées. Toutefois, il n’était toujours pas prêt à le construire, souhaitant le faire lui-même, sans aucune aide. Retrouver le plaisir de travailler le bois, matière noble, mais pour le moment, il ne s’en sentait pas dans l’état d’esprit, le moment n’en n’était pas encore venu. Pourtant des centaines de plans commençaient à s’entasser dans son bureau, c’était une stratégie pour tout avoir sous les yeux.

    – Va pour trois mois, mais il faudra que nous fixions un rendez-vous pour les derniers détails comme les meubles, le multimédia et l’agencement de la vie à bord. Il y a plusieurs fournisseurs que je pourrais vous présenter qui sont de très bons collaborateurs.

    – Voyez ça avec Amy. Elle sait exactement ce que nous voulons et puis nous ne serons pas là nous partons en voyage d’affaires.

    Le couple se leva, commençant déjà à partir. Pour lui se fut un soulagement enfin le supplice prenait fin. Vincent ne savait même pas quelle était leur profession, et s’en moquait cela ne l’intéressait pas. Tout ce que celui-ci se rappelait, c’était de les avoir croisés lors d’une soirée mondaine, mais ne savait plus laquelle. Par la suite leurs secrétaires respectives s’étaient mis en relation pour convenir d’un rendez-vous. Son agenda était bien rempli, mais Vincent ne se rappelait plus qu’il avait un entretien aussi important aujourd’hui. Au départ, ce dernier avait protesté auprès de son employée pour finalement se raviser en voyant la superbe assistance de ses clients. Mais de toute façon sa secrétaire avait toujours le dernier mot, le remettant souvent à sa place.

    L’assistante du couple s’avança vers lui, pour la première fois. Celui-ci sentit son parfum, elle portait parisienne d’Yves SAINT LAURENT. Décidément elle lui plaisait de plus en plus, ayant beaucoup de goût. La jeune femme avait le teint légèrement bronzé, un grain de beauté juste sous son oreille droite très discret. Ce ne devait pas être une adepte du bronzage, Amy devait juste aimer les longues balades sur le bord de mer en solitaire. Plus Vincent la regardait plus son regard la détaillait, et plus celui-ci sentait l’adrénaline montée. Si elle n’avait pas été si timide, il l’aurait prise dans ses bras, lui aurait fait l’amour sur le bureau. Mais, l’assistante n’avait pas le caractère pour ce genre de chose, aimant qu’on lui fasse la conversation, il devait agir avec tendresse et délicatesse. Elle chercha dans son sac et lui tendit sa carte de visite, tout en étant gênée de faire cela. Un instant le stress, l’avait assaillit ne trouvant ce qu’elle cherchait. Il lui la prit des mains, Vincent sentit la douceur de ses paumes. Avec une grande habileté, ce dernier avait fait exprès de la toucher mais avec beaucoup de respect et de discrétion. La jeune femme devait prendre soin de son corps, mais dans une toute petite mesure pour ne pas provoquer ou choquer, sa timidité qui dictait sa vie.

    – Je vous laisse mes coordonnées, vous pouvez me contacter à n’importe quel moment.

    – Disons ce soir, chez vous vingt heures.

    – Je ne comprends pas.

    – Disons que c’est un repas d’affaires. Je m’occupe du restaurant, j’espère que vous n’êtes pas difficile. Veuillez m’excuser j’ai un rendez-vous important.

    Vincent avait juste eu le temps de reprendre discrètement son téléphone et sortit de son bureau, avec un air victorieux. L’assistante était timide et réservée à contrario, il était très sûr de lui. Un fin stratège voilà comment son entourage le définissait, avançant ses pions comme sur un échiquier sauf que pour lui son objectif c’était la dame. L’envie de se retourner était là pour voir son visage rosir de surprise mais n’en fit rien, rester discret sur ses intentions étaient primordiales. Sa secrétaire avait entendu la conversation, elle allait faire le nécessaire pour s’occuper de tout. Mais ne put s’empêcher de le foudroyer du regard, il n’y avait aucun reproche mais le connaissant depuis de nombreuses années. En tant que principale collaboratrice, cette dernière savait que son patron avait un grand cœur derrière ses airs d’amant en recherche perpétuel d’une nouvelle conquête. Mais pour le moment, Vincent avait d’autres obligations que d’essuyer les reproches de son assistante. Il voulait descendre dans ses hagards, plusieurs bateaux en construction étaient en train de prendre forme. Ses employés travaillaient sans relâche pour que les délais de livraison soient respectés parfois même certains venaient les fins de semaine pour combler le retard. En général, une récompense considérable était à la clef. Quand un yacht était terminé et livré, ceux-ci touchaient tous un chèque très important en plus de leur salaire et des nombreux avantages dont ils bénéficiaient. Vincent ne se considérait pas comme un patron exceptionnel, ce dernier s’intéressait juste à la vie des gens qui l’entouraient, hormis les femmes avec qui il couchait.

    Tout le monde était au travail, il discuta avec ses chefs de chantier, les yachts commençaient à prendre forme. Il leur donna les plans avec les modifications à apporter. Une cargaison de bois venait d’arriver. Comme à chaque fois, se fut lui qui l’inspecta tout était parfait. Passa sa main sur les planches qui venaient d’être délignées. Vincent aimait le contact lisse et doux de cette matière, la véritable noblesse et chaleur qui s’en dégageaient. Son imagination pouvait lui donner n’importe quelle forme, le bois était souple et solide en même temps. Il félicita son personnel pour le travail accompli, si les délais étaient respectés, ils auraient tous une prime exceptionnelle, c’était la première fois qu’il construisait quatre bateaux en même temps et son carnet de commandes était plein.

    Pour ce projet, il avait dû acheter les hangars voisins des siens, avait même embauché du personnel et augmenté les salaires ce qui avait surpris et satisfait tout le monde. Le chef d’entreprise avait pris un énorme risque, mais finalement tout cela s’avérait payant, un maximum d’argent entrait chaque jour sur ses comptes en banque, et les commandes pleuvaient. Par souci d’égalité, il voulait donc que tout le monde profite de cette ascension. Vincent était au sommet de sa carrière, et commençait à étendre son activité à d’autres secteurs boites de nuit, restaurants. Il devait être paré à toute éventualité, si son activité principale venait à moins rapporter, bénéficiant d’autres solutions de secours pour entretenir son niveau de vie. Ce n’était pas lui qui avait eu cette idée de placement, il était ouvert à toutes les propositions intéressantes, mêmes les plus fantasques, adorant prendre des risques. À présent plus rien d’important n’exigeait sa présence sur son lieu de travail. Pour l’heure d’autres choses à faire l’attendaient, il était déjà en retard pour son autre rendez-vous, mais celui-ci était personnel.

    – Maman !

    Hurlèrent deux garnements en cœur tout en courant vers elle. Leurs cartables se balançaient de part et d’autre de leurs dos, leurs cravates volaient à cause de leurs courses folles. Leur mère reconnue tout de suite celui qui s’était battu. Chemise déchirée ainsi que le pantalon sauf que cette fois la chemise était irrécupérable, ses talents de couturière avaient atteints leurs limites. Pour le pantalon ce serait plus simple, ses stock de tissus n’étaient pas encore vides. Ne faisant aucune remarque, Sarah ne voulait pas enlever ce superbe sourire de leurs visages, à la place elle serra ses fils très fort dans ses bras. Ils étaient surpris de sa visite, mais ne pouvaient cacher leurs bonheurs de la voir. Par contre une lutte s’était engagée pour ne rien leur révéler. Sarah leur expliquerait mais pas sans David.

    – Maman, ce n’était pas prévu que tu viennes nous chercher à l’école.

    – Et bien disons que c’est une surprise.

    Elle vit au loin la directrice s’avancée vers eux d’un pas décidé et sévère, mais éviter cette conversation lui était impossible. Un instant la tentation de prendre par la main ses garçons et de partir en courant l’avait saisi juste pour l’embêter et retrouver un peu d’insouciance. Sarah se souvenait des maitresses d’école qu’elle avait eu, en réalité cette dernière avait été une enfant terrible tout comme ses fils. Toujours prompte à la moindre bêtise ou incartade, avec le temps, celle-ci était devenue plus réfléchie et sérieuse. Comprenant que le seul moyen de s’élever dans la société et de réussir passait par les bancs de l’école. À l’inverse Sarah avait toujours été bonne élève. Mais voulait que ses fils grandissent en conservant le plus d’insouciance possible, ce que cette femme ne semblait pas du tout prête à comprendre. Ce qui sauvait un peu ses fils, était le fait qu’ils avaient de bons résultats, Sarah était intransigeante de ce côté-là, peut-être plus que David. Elle inspira profondément pour faire le calme dans son esprit.

    – Madame ADLER, je vous ai laissé un message sur votre téléphone.

    – Oui je l’ai eu merci.

    – Puisque je ne connais pas l’auteur de la bagarre je n’ai puni aucun d’eux. Toutefois si cela venait à se reproduire, je punirai les deux sans aucune hésitation.

    Faisant la tête de la maman consternée par l’attitude de ses enfants, mais en réalité au plus profond d’elle-même, Sarah riait. Les autres avaient peut-être des problèmes pour les différencier, mais pas leur mère. Sarah connaissait la moindre expression de ses fils, et savait ce qu’ils aimaient et détestaient, en réalité elle les trouvait très différents. En dehors de l’école où ils portaient un uniforme, elle les habillait de manière distincte en fonction des goûts de chacun. Ses fils avaient tous les deux des occupations extrascolaires différentes. L’un avait plus des occupations artistiques alors que l’autre avait plus des activités sportives. Pourtant elle les poussait l’un et l’autre à s’ouvrir au monde et à de nouvelles expériences.

    – Je comprends tout à fait.

    – Cela nous faciliterait la tâche si vous inscriviez le prénom de vos fils sur leurs vestes. Nous pourrions plus facilement les distinguer.

    – Je ferais le nécessaire, mais vous savez ils peuvent toujours intervertir leur uniforme.

    – Oui, mais ils sont identiques à un point que même après une année passée dans l’établissement, je ne les reconnais toujours pas, il en va de même du corps enseignant. Je vous donne la circulaire qui concerne la fête de l’école.

    – Je vous remercie.

    Regardant d’un air amusé, ses deux petits bambins qui étaient encore une fois de plus en train de préparer une bêtise, avec un autre de leur camarade. Le bonheur de les voir plein de vie était immense, même si parfois ceux-ci étaient épuisants. Les fins de semaine, elle les emmenait faire du vélo, de la randonnée et pleins d’autres activités en pensant les fatiguer. Pourtant le soir en rentrant ces derniers continuaient encore et toujours à s’amuser et à réclamer de l’attention. Ses fils lui ressemblaient plus qu’elle ne voulait l’admettre, Sarah était comme eux, faisant souvent des plaisanteries à son mari ou ses collègues. Physiquement ses fils ressemblaient beaucoup à leur père, mais leurs comportements étaient identiques au sien. Parfois, la surprise de voir la même réaction qu’elle aurait eu fasse à une situation la surprenait beaucoup. Étant enfant, elle avait fait des bêtises, parfois plus importantes que celles de ses enfants. Aucune excuse ne lui venait pour ses actes, juste le fait qu’elle n’avait jamais eu de parents pour la guider dans sa vie. Sarah savait que ses enfants la testaient, cherchant ses limites. Il n’y avait rien de grave à cela, avec le temps ceux-ci trouveraient une activité qui les calmerait et dans laquelle ses fils s’épanouiraient pleinement.

    – Allez, les monstres en voiture.

    – On va où m’man ?

    – On rentre à la maison.

    – T’avais dit que tu nous emmènerais à la plage ?

    Sarah fit mine de réfléchir un instant, ils avaient plus de mémoire qu’elle ne le pensait. Le souvenir d’en avoir parlé la semaine d’avant lui revenait à sa grande surprise, ses garçons n’avaient pas oublié. Il faisait beau, c’était une belle journée d’automne. David devait rentrer tard du travail, ils pouvaient s’accorder un petit moment de plaisir, rien que tous les trois. La plage n’était qu’à une dizaine de minutes en voiture de l’endroit où ils se trouvaient. Sarah avait envie de profiter d’eux, ne cédant pas facilement à leurs demandes, mais mettait un point d’honneur à toujours honorer ses promesses. Il était temps pour elle d’appliquer ses principes même si aujourd’hui ses enfants ne l’avaient pas vraiment mérité. Les questions qui tournaient dans sa tête la faisaient agir différemment.

    – Bon d’accord.

    – Et tu pourras nous acheter une glace ?

    – Benjamin, on ne peut pas passer sa vie à manger. Il me semble que votre père vous a donné des gâteaux pour votre goûter.

    – Oui mais on les a tous mangé.

    Elle prit la direction de la plage, cette fois sa conduite fut plus prudente. Sarah avait anticipé la demande des garçons et avait emporté tout le nécessaire de plage. Au moment où elle l’avait fait, celle-ci n’était pas sûre de les y emmener. Ce qu’il y avait de bien avec eux, c’était qu’ils avaient besoin de peu de choses pour les amuser ou les rendre heureux. Un rien les émerveillait, adorant se courir après en se lançant des boules de sable mouillées. Elle aussi adorait la plage, surtout l’hiver quand il n’y a pas de touristes, tout devenait plus calme. Se promener tranquillement, jouer avec ses enfants était un bonheur simple et réel pour la personne qu’elle était. Il y avait d’autres possibilités comme hurler sa douleur et sa peine dans le vent sans que personne ne vous entende. Chaque individu à ce moment-là respecte l’autre.

    Ils passèrent deux heures à jouer ensemble, elle avait finalement cédé en leur achetant les glaces tant demandées. Sarah en avait même pris une pour elle, saveur chocolat, elle craquait toujours. Aussitôt offertes les deux garnements les avaient déjà avalé, dans n’importe quelle situation, ces derniers arrivaient à la surprendre. Il y avait longtemps qu’elle n’avait pas joué avec ses deux monstres préférés. Ils avaient grandis, mais elle ne l’avait pas remarqué déjà huit ans qu’ils étaient entrés dans sa vie. Au départ ce n’était pas prévu, et puis finalement ce fut le beau plus cadeau que la vie lui avait donnée. Où étaient passées toutes ces années, bien entendu il n’y avait pas eu que du bonheur mais dans l’essentiel elle était heureuse, c’était le sourire de ses deux garçons qui comblait de joie son cœur. Bien évidemment David n’était pas étranger à ce bonheur, son mari en était au centre, se reposer sur lui était une évidence.

    La fatigue l’avait rattrapé, Sarah s’était assise sur le sable tout en regardant ses enfants jouer au bord de l’eau, n’arrivant plus à les suivre. Elle prit son téléphone portable, composa le numéro de sa meilleure amie. Elles se connaissaient depuis une éternité, il y avait un moment qu’elles ne s’étaient pas vues, mais l’envie d’entendre sa voix était devenue insoutenable. Les deux femmes n’avaient rien en commun et pourtant tout les rapprochait. Bien sûr Sarah ne lui avait pas tout dit, n’ayant pas eu besoin de le faire, son amie savait lire entre les lignes. Camille ne lui en tenait pas rigueur, la sonnerie retentie plusieurs fois puis elle tomba sur le répondeur. Laisser un message était inutile, avec elle il fallait faire preuve de patience, mais tout cela en valait la peine. Égale à elle-même, elle était injoignable, Sarah attendit un instant puis répéta l’opération.

    – Haie.

    – Salut toi. Alors comment tu vas ?

    – Super, écoutes je suis en Inde dans un bidonville. C’est super il y a plein d’enfants qui ont besoin de moi et je me sens utile. Comment tu vas ? Et comment vont mes filleuls préférés, et ton adorable mari ?

    – Écoutes, ils m’épuisent, ils débordent d’énergie, quant à David je l’aime comme au premier jour, il est merveilleux. Et ton mec comment il va ?

    – On a rompu, il retournait en Europe et moi je ne voulais pas rentrer avec lui, avant de partir j’étais perdue mais là, je sens que je me suis vraiment trouvée et que ma vie à vraiment un sens. Je vous ai envoyé une carte vous l’avez reçu ?

    – Oui, elle nous a fait très plaisir, surtout les garçons tu penses.

    – Bon tu vas me dire ce qui se passe ?

    À chaque fois c’était pareil, et le système fonctionnait dans les deux sens. Rien qu’au son de sa voix, Camille pouvait dire si, elle allait bien ou non. À force de connaître, une personne on peut distinguer chaque intonations chaque phrases inhabituelles, l’autre vous connaît mieux que vous même. La personne peut alors vous faire prendre conscience des choses avec douceur. Son amie avait senti que la voix de Sarah était moins sûre d’elle qu’à son habitude. En parlant de David en disant qu’elle l’aimait ce qui était chose rare, même si c’était le cas, les indices d’un souci étaient devenus évidents. La dernière fois, qu’elle avait entendu son amie prononcer de tels mots, leur couple était au bord du gouffre. À ce moment précis Sarah avait tort sur toute la ligne, ne comprenant pas les besoins de son époux ni même les craintes qu’il avait.

    – Rien.

    – Tu veux jouer à ce jeu avec moi ?

    – Non, je perds à chaque fois tout comme toi.

    – On est devenue experte à ce petit jeu depuis le temps qu’on joue.

    – Tu me manques.

    Sarah ne s’exprimait pas beaucoup sur ses sentiments. L’idée qu’on n’avait pas besoin de dire aux gens qu’on les aime, que seules les preuves d’amour ou d’amitié comptent étaient encrées au plus profond de son être. Souvent Camille lui avait fait ce reproche, pas pour elle cette étape était dépassée. Mais pour les autres personnes qui voulaient la connaître et que sa meilleure amie ne laissait pas entrer dans sa vie où difficilement. La plupart des gens s’arrêtaient à la première impression mais ceux-ci devaient chercher plus loin, plus profondément. Allez au-delà des apparences ce que peu d’entre eux savaient faire, mais surtout réussissaient. Aujourd’hui, Sarah avait décidé de lui dire, il y avait longtemps que les deux amies ne s’étaient pas vues, n’avaient pas vraiment discuté autour d’un bon verre de vin. Sarah avait ressenti le besoin de lui dire ce qui lui passait par la tête à ce moment précis et cela lui faisait peur.

    – Bon ok j’arrive. Je prends le premier avion qui part de Dehli et je serai dans une dizaine d’heures à tout casser.

    – Et avec quel argent, tu vas payer le billet d’avion ?

    – Le tien, tu me fais une avance.

    Comme toujours Camille ne parlait qu’avec son cœur sans se préoccuper des aspects autrement plus techniques. Les deux femmes savaient qu’elles pouvaient compter l’une sur l’autre. Même si tout se résumait à d’importants sacrifices. Leur amitié ne dépendait plus du domaine du possible, l’autre pouvait demander n’importe quoi sans attendre de questions. L’une avançait sans réfléchir emportant tout ce qui se trouvait sur son passage, alors que Sarah réfléchissait, analysait chaque élément mais à la fin de la route le résultat était identique.

    – Je suis malade.

    – Développes.

    – J’ai une leucémie.

    Pendant une minute, Camille ne prononça aucun mot. Ne sachant pas quoi dire à la personne qui avait toujours été là pour elle, qui l’avait soutenue dans tous ses projets. Celle qui lui avait dit de réaliser tous ses rêves. Un jour en Afrique, Camille avait eu besoin de son amie. Elle avait composé son numéro et huit heures plus tard Sarah était là, à lui remonter le moral. À prendre les problèmes les uns après les autres et à trouver des solutions pour les résoudre. Si elle avait réussi à réaliser ce projet, c’était grâce à Sarah, elle était restée dans l’ombre mais lui avait apporté un réel soutien. Son amie avait laissé sa famille et était partie quinze jours à l’autre bout du monde pour lui sauver la vie. Là, pour la première fois depuis longtemps elle ne savait pas quoi dire ni quoi faire. Camille était émotive, et laissa couler les larmes sur son visage, mais ne voulait pas que Sarah le sache alors que celle-ci venait de comprendre. Etre si loin à des milliers de kilomètres était maintenant une souffrance. Elle voulait agir, même si son amie ne demandait rien.

    – Quelles sont les solutions ?

    – Chimio, peut être rayons.

    – Tu le sais depuis quand ?

    – Aujourd’hui.

    – Qui est au courant.

    – Toi c’est déjà bien. Je ne sais pas comment l’annoncer aux enfants et encore moins à David. Bon le seul avantage c’est que je vais faire des économies de coiffeur et d’esthéticienne.

    Camille reconnaissait bien là son amie. Dans les moments difficiles, elle voulait protéger au mieux ceux qu’elle aimait le plus quitte à en souffrir. Sarah mettait beaucoup de temps à se confier aux autres. Son amie avait un énorme problème d’assurance, qui remontait à son enfance. Elle avait grandi dans un orphelinat, en étant abandonnée par ses parents. En grandissant, elle avait traduit cette souffrance, par une protection presque pathologique. Sarah avait peur d’aimer, et que la personne l’abandonne, elle avait fait une importante remise en question avec son mari. Le problème ne venait pas de l’amour qu’elle lui portait, tout était devenu simple le jour où elle avait décidé de lui faire confiance et de lui donner sa vie. David ne l’abandonnerait jamais, il l’aimait bien trop mais surtout les épreuves les avaient rapprochés.

    – Fermes-la. Ne fais pas cet humour avec moi. Ça ne marche pas.

    – J’ai peur.

    – Je sais. Tu veux que je vienne moyennant le gîte et le couvert.

    – Pas tout de suite. Mais si j’ai besoin de toi je t’enverrai un billet d’avion. Je dois te laisser. Les enfants ont besoin de leur mère.

    – Je te déteste.

    – Moi, aussi.

    Ce soir-là, Sarah prépara le dîner, David était rentré plus tôt que prévu du travail. Mais elle avait quand même eu le temps de se s’occuper de leurs fils. Les enfants étaient allés au lit de bonne heure, fatigués après une longue journée. Mais voulaient tout de même qu’un de leurs parents leurs lisent une histoire avant d’aller se coucher. Sarah voulait leurs donner tout ce qu’elle n’avait pas eu dans son enfance, tout l’inverse de son époux. De l’amour bien sûr, mais aussi un certain confort matériel. Avec son mari, ils gagnaient plutôt bien leurs vies, et se faisaient vraiment plaisir. Les enfants avaient finalement cédé à l’épuisement, leur mère savait qu’ils les laisseraient tranquilles au moins pour la nuit. Mais au petit matin, ces derniers seraient de nouveau en pleine forme. À chaque fois qu’ils ne travaillaient pas, leurs fils se levaient tôt le matin, entraient telles des fusées dans leur chambre sautant sur le lit jusqu’à qu’ils se réveillent. Comme à chaque fois le jeu finissait en bataille d’oreillers qu’ils perdaient volontiers parfois même au prix de ceux-ci.

    David était rentré, mais n’avait rien dit sur le fait que le repas était prêt, les enfants déjà au lit. Il était allé embrasser ses enfants, tout en laissant Sarah finir de raconter l’histoire du temps qu’il prenait une bonne douche. Son épouse avait débouché une bonne bouteille de vin de sa cave personnelle. Ils discutaient de tout de rien, des vacances, du travail bien évidement des enfants. Profitant de ce moment pour observer, ses gestes, ses regards, il était toujours le même homme, aucun changement pendant toutes ces années. Sarah se mit à regretter de lui avoir caché des choses, David n’avait jamais posé de questions, mais surtout n’avait jamais cherché à savoir. Rien que pour cela, elle le respectait et l’aimait d’autant plus. David était fort mais ne le montrait jamais, juste pour la laisser faire. Son mari était le calme, Sarah la tempête sur qui elle pouvait se reposer. Sans aucune crainte sa femme se confiait sur ses doutes, ses angoisses. Jamais ce-dernier ne la jugeait quand elle ouvrait son cœur, sinon leur couple aurait fini en lambeaux. Elle était tombée amoureuse de lui sans s’en rendre compte comme une évidence qui lui éclata à la figure, avec lui tout était si évident, si transparent.

    Sans même s’en rendre compte la nuit avait fait son apparition depuis un moment. Ils prirent la décision d’aller se coucher, David remarqua que son épouse était fatiguée plus que d’habitude. Ses yeux se fermaient, elle bayait sans pouvoir se retenir. En homme bien veillant, il proposa

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