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Théorie de l'un multiple
Théorie de l'un multiple
Théorie de l'un multiple
Livre électronique1 253 pages18 heures

Théorie de l'un multiple

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L’ouvrage Théorie de l’un multiple s’articule autour de trois grandes parties : la première intitulée L’être relationnel porte son attention avant tout sur « l’être total et l’être intelligible » et traite ensuite de la vérité de l’être, de la pluralité, de la totalité et de la transcendance. L’ontologie ne peut qu’affirmer et explorer l’unité comme étant le reflet de la multiplicité et de l’intelligibilité. Ainsi, l’unité et l’intelligibilité sont premières dans l’être et se définissent l’une par l’autre. La vérité de l’intelligence est une profondeur d’être qui présuppose une disposition potentielle à l’intelligible. C’est de l’être que la raison reçoit ses lumières, c’est en lui qu’elle pense. Tout commence par l’affirmation de l’être qui s’offre à l’intelligence et s’impose à elle dans l’acte d’intelligible. L’être sera donc une réalité plénière, multiple et intelligible. L’être sera toujours une relation. Que l’unité soit une exigence, une vérité ; le multiple n’en reste pas moins une réalité, une totalité. La seconde partie L’un multiple présente à la fois les deux données que sont l’être et l’unité et montre leur lien nécessaire. Ainsi, la multiplicité est une loi universelle de l’être. Les êtres sont multiples et chacun d’eux est multiple en lui-même. Cependant, la multiplicité suppose l’unité ; elle n’est multiple jusqu’au bout que si elle s’accorde à l’unité. Sans unité, pas de multiplicité. La multiplicité n’est et ne peut être que multiplicités d’unités, car une multiplicité qui ne serait pas une multiplicité d’unités serait multiplicité de rien. La troisième partie L’unicité de l’être s’inscrit dans le prolongement de l’être et de l’unité. En effet, par rapport à l’être et l’unité, l’unicité semble constituer l’une des premières valeurs de l’être. C’est la richesse de l’être qui transparaît dans l’unicité et c’est la pluralité qui se lit à travers l’unicité. Si la pluralité est distinction, la distinction est identité. Il faut reconnaître que le rapport entre l’être et l’unité est la condition nécessaire de la connaissance, la voie ouverte vers la vérité. « Personne, dit Taul
LangueFrançais
Date de sortie18 juin 2015
ISBN9782312034102
Théorie de l'un multiple

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    Théorie de l'un multiple - Paul-Emmanuel Stradda

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    Théorie

    de l’un multiple

    Paul-Emmanuel Stradda

    Théorie

    de l’un multiple

    (Parallélisme épistémologique)

    OPUS TRIPARTITE

    LES ÉDITIONS DU NET

    22, rue Édouard Nieuport 92150 Suresnes

    © Les Éditions du Net, 2015

    ISBN : 978-2-312-03410-2

    « Au commencement était le Verbe et le Verbe était auprès de Dieu et le Verbe était Dieu. Il était au commencement auprès de Dieu. Par lui tout a paru, et sans lui rien n’a paru de ce qui est paru ».

    (Jean 1, 1-3)

    Sommaire

    Sommaire

    Présentation générale et atmosphère

    Partie 1. L’Être relationnel

    Partie 2. L’un multiple

    Partie 3. L’unicité de l’Être

    Conclusion générale

    Présentation générale et atmosphère

    Le grand oublié (impensé) de la philosophie de ces dernières décennies, marquées surtout par le nihilisme et l’idéalisme allemands, c’est L’ÊTRE. D’où vient alors que l’homme ait oublié ce primat de l’exister ? Alors que l’ÊTRE est réellement présent à l’homme, et que l’homme ne pense et n’agit efficacement que par sa rencontre avec l’être. Celui-ci est comme la lumière à sa raison, une force dans le penser comme dans l’agir. L’être est donc une vérité universelle, absolue de ce monde, toujours présent, il constitue l’ontologie, il est le principe initial des idées et de la connaissance. Ainsi l’être est comme le premier philosophique, il est une réalité qui s’exprime dans cette formule « L’être est la signification directrice et intelligible du réel ». C’est en ce sens que la pensée métaphysique est toujours en quête de l’être. Cette vérité de l’être implique non seulement la métaphysique, mais également la philosophie traditionnelle, l’ontologie, l’éthique, l’esthétique, l’expérience spirituelle, la mystique, et même la théologie. Tous ces « secteurs » touchent de près ou de loin le savoir métaphysique.

    Qu’est-ce donc la métaphysique ? Et en quoi consiste-t-elle ? Il existe toutes sortes de questionnements, scientifiques, économiques, culturels, artistiques, sociaux, éthiques, religieux, politiques etc. Cependant, le questionnement métaphysique s’ouvre sur un horizon immense qui enveloppe toutes choses sans exception, sans préjugés et sans exclusive. La métaphysique n’est pas une fiction, elle appartient au domaine des réalités. « Et quoi, dira-t-on, repenser le sens de la métaphysique, alors que notre siècle la considère comme caduque depuis Feuerbach, Marx, Nietzsche et Freud, et qu’elle appartient donc au passé ! » A la vérité, il n’y a pas lieu de manifester cette surprise réprobatrice. Pourquoi ? Parce qu’on ne peut véritablement parler de « métaphysique » que dans la mesure où elle correspond à cette idée fondamentale que l’homme ne se suffit pas à lui-même, qu’il dépend de principes qui le dépassent. En effet, dès que l’homme commence à réfléchir, il se trouve posé devant le réel comme devant une redoutable et prodigieuse énigme. Il voit l’être, il est conscient de l’être, il perçoit l’être. Il pense l’être dans son inépuisable richesse et dans ses valeurs diverses. D’ailleurs, l’intelligence objective et concrète ne voit pas comment sortir de l’être pour poser une « chose » ou un « réel ». Ainsi, cette « évidence » objective de l’être manifeste non seulement une nécessité de fait, mais également une nécessité de l’intelligence.

    Dans la consistance de l’être, la pensée n’est pas vaine, elle est fondée sur du réel et laisse ouverte une porte sur l’infini. Au demeurant, la sphère ontologique du réel représente la densité de l’être. Par conséquent, l’ordre des intelligibles se trouve dans le réel, dans la totalité de l’être. L’efficacité de la connaissance intelligible est donc bien la conséquence directe de la valeur tout à fait singulière, originale et profonde de l’être.

    La théorie de l’intelligible est un ouvrage qui s’envisage comme une étude qui met en relief le sens de la profondeur, le sens de l’être, le sens de l’intelligible, le sens qui forme, en dépit de tout, la maîtresse pièce de l’intelligence discursive. De ce biais, le présent exposé vise à fonder l’idée de l’être sur les trois grandes réalités fondamentales que sont l’unité, l’intelligibilité et la relation. En ce domaine, la métaphysique n’a de sens qu’au sein du Tout : sans totalité, parler de métaphysique n’a plus de sens. D’où la nécessité pour le philosophe de ne jamais perdre le point de vue du « tout » et de « l’unité ». Pourtant, l’être apparaît comme le grand « refoulé » de ce XXIe siècle naissant.

    Néanmoins, en raison de son importance, ou plus exactement de son évidence objective, l’affirmation de l’être se présente comme raisonnable. Son infinité positive rassasie l’effort intellectuel. Et cela, parce que l’être est réellement présent à l’homme, comme concept et comme réalité. Cependant, sa concision extrême déconcerte la pensée de l’homme. À cause de cela, à cause de sa vertigineuse profondeur et de son empreinte abstractive, l’être demeure depuis toujours en butte à des incompréhensions, que dis-je, à des animosités acharnées qui annihile son importance ontologique et gnoséologique. Et cette difficulté de comprendre pleinement le réel dans sa manifestation de l’être arrête l’effort de la pensée. En d’autres mots, l’homme se pare d’étrangeté et celle-ci exprime une certaine négativité vis-vis de l’être. Car il ignore la nature profonde ou l’essence de l’être, mais cependant n’imagine pas qu’il puisse exister ou subsister hors de l’être et sans l’être. Celui-ci le sous-tend sans que l’homme ne puisse deviner d’où il vient et où il le conduit. Aussi, à partir du lien entre l’être et l’intelligence, la connaissance serait-elle encore plus qu’un lien banal : la connaissance serait essentiellement une visée. Il y aurait ainsi comme un enveloppement, une étreinte de la part de l’intelligence.

    En effet, l’inépuisable richesse de l’être livre à l’intelligence toutes sortes de significations et de sens, tout en gardant son principal mystère. Et cependant leur rencontre suffit à découvrir une vérité authentique. L’homme qui rejette l’être est blessé, il ne sait plus retrouver l’équilibre. Enfin, l’être est un socle, un point d’appui pour s’élever plus haut, à l’immuable, à l’absolu. En l’être se trouvent toute la profondeur et toute la solidité du réel. L’être est tout ce qu’il y a de positif dans le réel, tout ce qu’il y a d’intelligible dans le vrai, tout ce qu’il y a de fondamental dans l’universalité. L’être en tant qu’unité du multiple, en tant que multiplicité intelligible apparaît comme un miroir de l’absolu, imprégné par le sens de la transcendance. Tandis que l’unité ne peut pas avoir de multiple en dehors de soi, mais en soi ou être l’unité du multiple. C’est-à-dire que le multiple n’est lui-même que par l’unité dont il participe. L’être est non seulement la connaissance empirique du réel, mais il est aussi la raison des choses ; il se nourrit de la lumière de la vérité.

    L’être est la beauté du réel dans la beauté intelligible. Le multiple, la diversité, la variété sont la dérivée ontologique de l’être, tandis que l’être est la dérivée métaphysique de l’ÊTRE un. L’ÊTRE un est l’ÊTRE pur ; il est celui qui est le tout de la totalité des êtres et des totalités partielles qui font partie de la totalité des êtres. N’entrant pas dans un tout, l’ÊTRE un n’est pas un tout, mais un hyper-tout, un tout par excès. L’ÊTRE un est la source fondatrice de tous les intelligibles. L’ÊTRE pur, mystère philosophique, est la vérité fondatrice de toutes les vérités de l’ÊTRE. L’unité de l’ÊTRE, commun, analogique et intelligible trouve son fondement en l’unicité suprême qui est Dieu. En clair, la diversité est la manifestation de l’être et l’être est l’expression de la volonté de Dieu.

    Une part de l’effort philosophique consistera donc nécessairement à étudier les fondements de la vérité. Or, sur quoi repose la vérité ? Le fondement de la vérité, c’est le réel, la réalité. En fait, la vérité est la qualité d’un discours, d’un raisonnement qui ressemble à la réalité, qui en est la copie.{1} Ainsi donc, la logique de la vérité est inséparable de la logique du réel, si bien que la vérité même est inscrite dans le réel.

    La logique de la vérité se dégage immanquablement de l’absolue nécessité du réel et de la réalité. Si le réel s’impose à nous irrésistiblement, de même la vérité s’impose à nous d’une manière irrésistible dans la mesure où elle se greffe sur le réel d’une manière inséparable. Le réel n’est pas une simple limite idéale, c’est la totalité de l’être qui anime la réflexion quand elle aspire à comprendre, à déchiffrer la réalité complexe qui nous entoure. S’il est vrai que la réalité représente le sens du présent, le sens objectif du concret. L’être, l’unité, l’objectivité sont parmi les notions premières, expressives du réel. Quant à la vérité, elle marque la relation de l’être à l’intelligence ; l’objectivité, celle de l’être au réel ; l’unité, celle de l’être à l’intelligibilité. Il s’agit donc ici des réalités du monde intelligible qui présentent des affinités profondes avec notre esprit. En fait, le monde intelligible exprime le mieux la véritable attitude métaphysique. Le mystère de l’intelligence n’est-il pas le mystère de l’être ? Et le mystère de l’être n’est-il pas le mystère du réel ? Le réel, c’est « tout-être ». Et l’idée d’être est la plus fondamentale, et, en ce sens, (elle est) la première idée du réel. L’être revient en propre au réel, à l’existence.

    L’être, avons-nous dit, est la base du réel. Il se trouve au fond de l’existence même. Par conséquent, l’être est premier dans le réel, c’est-à-dire qu’il en est l’essentiel et le fondamental. Et le réel est ouvert à la pensée. Le réel est l’impératif de la connaissance. C’est pourquoi la connaissance se trouve dans le monde intelligible.

    L’idée fondamentale de l’intelligible, c’est l’unité ; et l’unité, c’est l’idée de la force sublime de l’être. A la base du sens de l’intelligible, il y a un sens du rapport de l’unité de l’être à la vérité. Ainsi, le fondement de l’intelligible est l’unité de l’être, celle-ci est la valeur philosophique de l’ontologie métaphysique. Et ici la vérité de l’être est l’intelligibilité de l’unité de l’être. L’unité de l’être et la vérité de l’être étant données dans l’ordre intelligible, une valeur de connaissance qui en découle s’impose. L’intelligibilité de l’être est donc une valeur du réel et une valeur de connaissance.

    Le réel est la cause de la vérité et la vérité éclaire la pensée. La vérité devient ainsi le sens du réel vers la pensée. Le réel est, et dans le réel, l’homme cherche la vérité.

    L’homme cherche la vérité dans le réel dont il fait partie. Bref, l’être est aussi riche que le réel. Assurément, l’être est la signification essentielle du réel. De même que la vérité de l’être est l’unité et la vérité de l’unité est le réel, de même la vérité de l’être réel est Dieu. Dieu et la vérité sont donc une chose éternelle ; et la vérité et Dieu sont éternels de la même manière. Le bien et le vrai adhèrent nécessairement à l’être, l’être et le vrai à la connaissance de Dieu. Bien et vrai, beau et être procurent à l’esprit son authentique bonheur. La connaissance de Dieu est la joie et le bonheur de l’esprit. Pourquoi ? Parce qu’avant tout, il y a le fait que tout ce qui est, a l’être. Que tout ce qui est, est bon, mais limité. En effet, tout être qui est, toute réalité qui est, mais qui devient et qui n’est pas par soi, exige donc un autre que soi et en rendra compte au regard de l’intelligence. En d’autres termes, l’être a de quoi être et cela ou par soi ou par un autre. Nous dirons donc que tout ce qui est a de quoi être, c’est-à-dire a sa raison d’être ontologique et sa raison d’intelligibilité en soi ou par un autre. En résumé, le devenir comme tel dépend d’une raison ontologique. L’être qui devient, qui apparaît à l’existence, ne s’explique, n’est intelligible que par cette relation même…Une fois ce principe compris et assimilé, nous avons tout ce qu’il faut pour remonter jusqu’à Dieu, même sans sortir du moi.

    Ainsi, la vérité logique implique et suppose l’objectivité : ni elle ne l’a fait, ni elle ne l’a constitue. L’être est l’objet formel de l’intelligence ; il est un objet intellectuel, il est conçu sous la forme intellectuelle. C’est le réel qui laisse transparaître cette inévitable idée de l’être, ens, ce qui est. Cependant l’être concret, le réel, ne diffère pas de l’être abstrait, logique, car l’être logique est ontologique, ce qui ne revient pas du tout à dire que l’être logique est l’être ontologique. Il s’ensuit que dans l’ordre logique, Dieu est le monde intelligible dans lequel l’intelligence appréhende et affirme quoi que ce soit comme connaissance. Dans l’ordre de l’être, Dieu est l’absolu vers lequel tend l’intelligence humaine. Comprenons bien et comprenons d’abord qu’il n’y a pas possibilité de comprendre. Comment Dieu est totalité de la valeur d’être ? Dieu n’est pas dans l’être, l’être est en lui. C’est de là qu’il convient de partir pour comprendre la raison dernière des choses qui est DIEU.

    Partie 1. L’Être relationnel

    L’unité profonde de tous les êtres et des choses, la non-étrangeté ou la fraternité ontologique

    – Je suis Pierre donc je suis, dit la pierre.

    – Je suis Plante donc je suis, dit la plante.

    – Je suis Animal donc je suis, dit l’animal.

    – Je suis Homme donc je suis, dit l’homme.

    – Je suis Cosmos donc je suis, dit le cosmos.

    – Je suis Ange donc je suis, dit l’ange.

    – Je suis Dieu donc je suis, dit Dieu.

    Mais avant d’être Pierre, Plante, Animal, Homme, Cosmos, Ange, Dieu ou n’importe quoi qu’autre, ils sont d’abord de l’Être.

    Un est l’Être, Infinies ses expressions.

    Jalday Iduska (1935-2008)

    Les infinies expressions de l’Être, in Aphorismes de l’Être et du Non-Être.

    Toute affirmation intelligible implique l’être comme tel, c’est à savoir dans le cas l’être qui comprend dans sa confusion objective, la totalité de l’être. Or, cet être, l’affirmation intelligible le pose comme un, nécessaire, universel, absolu ; il ne vaut, il n’est tel qu’en tant qu’il implique l’infini, l’absolu, l’un comme tel et l’intelligence ne conçoit donc et ne pense qu’en tant que ce même infini, qui est impliqué dans l’intelligible comme tel, se trouve impliqué dans le dynamisme a priori de notre intelligence en tant qu’intelligence. En définitive, un intelligible n’est constitué intelligible que dans la mesure où il est référé à l’être infini, bien suprême de l’intelligence et de l’être. Ainsi, l’exhaussement d’un être analogique à l’infini, loin de produire la confusion de sa valeur en produit l’accentuation. En Dieu la connaissance est si élevée qu’elle se trouve formée uniquement de l’être intellectuel même, de la pure existence de la pensée.{2}

    L’être nous fait voir que Dieu est la vérité ou que la vérité est Dieu, et montre en quelque manière que l’un est l’autre. Cette vérité première et éternelle n’est-elle pas le sens profond du Grand réel ? Ce sens : « Deux incommensurables », Dieu et la vérité au sein de la plus haute valeur immuable. Il est évident que cette valeur admirablement signifiante englobe l’unité des fondements métaphysiques qui embrasse l’unité de l’ensemble du réel existant selon ses conditions ontologiques absolues. Et en ce sens, cette absolue valeur, qui est la vérité de Dieu, va laisser apparaître la signification métaphysique profonde de la totalité : « La substantialité du réel » qui est principalement la portée ontologique de l’unité multiple, de l’unité simple et de l’unicité du réel. C’est là aussi la thèse la plus fondamentale de toute la métaphysique.

    Les intelligibles sont faits pour les intelligences aptes à les comprendre. Du rapport de l’intelligible à l’intelligence se tire la notion même de la connaissance. C’est dire que l’intelligible se trouve dans les catégories de l’être ou de la réalité. L’intelligence concerne donc l’être pris en toute son amplitude. Par conséquent, l’ordre des intelligibles est au-dessus de l’ordre des intelligences. L’intelligence est réceptive de tout l’être, de toute la réalité. Et cet objet intelligible : « être » est universellement communicable, nous le retrouvons partout : partout lui-même et partout varié, il imbibe toutes choses.

    Aussi, cette réceptivité de l’être tout à fait essentielle marque la profondeur et la force de notre besoin de tout l’être ou de toute la réalité dans la connaissance. Cet accueil de l’être mène l’esprit à son épanouissement, à sa plénitude. Ainsi, si connaître c’est être à l’absolu, le terme de la connaissance ne sera-t-il pas fatalement l’être porté à l’absolu, à la totalité ? L’idéal de la pensée digne de nom, l’idéal au moins, ne sera-t-il pas justement la totalité explicité de l’être, sans subjectivisme, sans limite, sans restriction, suivant une totalité parfaite ?

    La réceptivité de l’intelligence métaphysique

    L’unité est indispensable dans le domaine de la connaissance. Elle est inséparable de la notion d’être. Elle est le fond de la multiplicité des choses. Elle est la forme de toute beauté (saint Augustin) et la plénitude de toute vérité. Elle est plus que tout le réel. Car rien ne peut exister sans l’unité. De même que la vérité de l’être est l’unité et que la vérité de l’unité est la multiplicité, de même la vérité de l’être réel est l’unicité. L’unité est l’intelligibilité révélée, c’est-à-dire qu’elle est la valeur ontologique première. Quant à l’être, il inonde le monde, le cosmos et domine le réel fait pour lui.

    D’un point de vue ontologique, l’unité appartient à l’être et à l’intelligibilité. L’être désire l’unité sans laquelle il ne peut pas exister. L’unité, c’est « l’exister ». Car aucune réalité ne possède l’être sinon autant qu’elle est une. De là vient que l’être de la multitude est gouverné par l’unité. L’unité n’exprime rien de plus que le caractère positif de l’être. C’est-à-dire qu’il n’y a rien dans l’être que l’unité n’enveloppe, ni rien dans l’unité que l’être aussi n’enveloppe. C’est la fameuse adéquation ontologique de l’être et de l’unité.

    L’être est divers. Cette diversité constitue sa richesse. Mais si la diversité ne s’accompagne pas d’unité, elle sombre dans la division et l’éclatement. A l’inverse, l’unité est une force, une référence, un rayonnement d’intelligibilité. Ce n’est donc pas l’unité qui s’appuie sur la diversité : c’est la diversité qui s’appuie sur l’unité. Il va de soi que la diversité est perçue comme une disparité, une variation, une multiplicité. On peut remarquer à ce propos que la nature de la multiplicité contient en soi la division, alors que la nature de l’unité consiste dans l’indivisibilité. Mais l’unité ne s’oppose pas à la multiplicité.

    Au contraire, toute multiplicité est d’une certaine façon unité. La multitude est une conséquence de l’unité et la suit. Il n’est donc pas de multiplicité qui ne participe de l’unité. C’est pourquoi l’unité est posée dans la définition même de la multiplicité, alors que la multiplicité n’est pas posée dans la définition de l’unité. Car dans l’absolu, l’unité est antérieure à la multiplicité. Ainsi, l’unité de la pensée intelligible trouve sa richesse et sa profondeur dans la positivité de l’être. La pensée est faite pour l’être. Et dans l’être intelligible l’unité est première. C’est donc dans l’unité qu’apparaît l’intelligibilité de l’être. Parce que l’unité est première dans l’intelligibilité de l’être. L’intelligibilité de l’être est donc une force de l’unité, une expression de l’unité. La multiplicité, d’autre part, c’est la richesse, la variété, la complexité. Dès lors l’être et l’unité, l’être unité, cela se module ; l’être de l’unité, l’être à l’unité, ces évaluations, facilement habillées en autant de systèmes sont le jeu d’une ontologie métaphysique à l’état pur. L’unité est un universel pur, elle est l’épanouissement du réel.

    D’un point de vue métaphysique, l’homme est intéressant, plus que tout le reste du cosmos mais le reste l’est aussi, sinon autant. L’horizon du philosophe est plus vaste : il est universel, illimité, c’est-à-dire qu’il comprend ou plutôt englobe tout ce qui est. La totalité, ce mot fameux est un peu oublié en philosophie, et pourtant il est vrai, tout au moins en ce sens qu’il exprime l’ambition caractéristique, constitutive du métaphysicien : connaître l’être et les êtres, les êtres quant à leur être et le tout de l’être.{3} La nécessité objective du réel est ainsi la clef de toute métaphysique : elle est donc au cœur des choses. L’homme voit partout l’un, le simple et le multiple. Cette prodigieuse multitude des êtres, c’est le monde, totalité et unité. Ainsi, toute métaphysique développée se réduit, en dernière analyse, à l’une de ces deux conceptions cardinales : franchir l’hiatus qui sépare l’ontique de l’ontologique, d’une part, théorie de l’être analogique, de l’autre. Toute expérience humaine comporte une part d’intelligence : c’est l’homme tout entier qui recherche la vérité de l’être et s’en approche. L’expérience est pensée en même temps que vécue. Eclairer et exprimer l’intelligibilité de l’être. Faire apparaître un intelligible et le dégager de l’expérience.

    Concilier l’un et le multiple, alors oui, on entre dans l’ordre métaphysique. Le passage des choses à l’être, de l’être à l’intelligible ou de l’être à la totalité, paraît essentiel à tout effort métaphysique. Cependant, on ferait preuve de sagesse en reconnaissant qu’entre l’intelligible (l’expérience-la connaissance) et l’intelligence (la raison) les rapports sont extrêmement complexes, et que, partant, toute conception simple risque fort d’être simpliste. Considérons donc la valeur de l’intelligence, en ce qui concerne l’appréhension du réel. Ainsi, la métaphysique se propose avant toutes choses de rechercher la vérité de l’être. Si la métaphysique n’est pas vaine, il faut bien que la vérité de l’être s’affirme ou se pose. En fait, l’unité de l’être est l’assise permanente de la vérité de l’être. L’unité est aussi l’âme de la totalité. Ainsi, l’unité qui est totalité est aussi vérité. D’autre part, la raison, si elle est bien conduite, conclut à l’existence de Dieu, et la pensée, toute abstraite qu’elle soit, le saisit comme personne. C’est dire que le Dieu des philosophes est un Dieu vivant, avec qui des relations personnelles sont possibles. Mais en tout cas, la pensée métaphysique s’achève normalement en actes intérieurs, d’amour, de sagesse, de contemplation et d’espérance. Si l’être est au principe et au terme de la pensée humaine, Dieu en est l’absolu. En un mot, Dieu porte la connaissance à sa pleine actualité intelligible. En Dieu tout se trouve surmonté, transfiguré, illuminé. Métaphysique et théologie restent en fin de compte complémentaires et comme ivres de transcendance.

    En fait, le propre de la réflexion humaine, c’est la possibilité de nous faire accéder à l’intériorité véritable. La réflexion est la voie d’accès vers les certitudes premières. Elle est toujours accès à une certitude philosophique, à une vérité première. On se rend bien compte qu’en parlant ainsi, on manie de l’ombre. On ne peut prétendre à rien éclaircir, car les « principes des choses sont cachés dans un mystère impénétrable », et nous sommes bien ici au cœur des « principes ». Mais le fait de la connaissance est là, et sans prétendre à l’expliquer, il convient d’en poser les termes, d’en marquer les requêtes, et de « ceci doit être, la connaissance de l’être » conclure à « ceci est, tel est l’être ».{4} L’être est précisément le caractère qui fait que les choses sont des choses.

    Tout ceci revient à dire que la connaissance immédiate des choses découle du fait de l’être. Disons qu’à ce stade, l’être est un tout universel, il possède une potentialité qui le tient pour ainsi dire ouvert à tous les modes du réel. De même, « quand elle vise l’être, la conscience ne va pas vers un arrière-monde de l’apparaître où l’on serait censé découvrir de l’être sans apparaître. L’être en effet habite le phénomène et le phénomène habite l’être. Le phénomène, c’est l’être en son apparition. Dans son apparition, l’être se tient « en personne », mais il ne se manifeste pas pour autant de manière uniforme. Dans l’étant, il arrive de multiples manières au paraître et, plus encore, il s’ajuste à celui qui le reçoit jusqu’à pouvoir se dérober, dans la mesure où il est encore là même quand on n’y porte aucune attention. Je vois ces fleurs. J’admire leur couleur, leur forme ou au contraire je me plains de leur manque de fraîcheur. Je les mets dans un vase sur une table. Déjà, je les instrumentalise… je peux aller jusqu’à en oublier leur gratuité d’être ».{5} Ainsi, parmi tous les aspects sous lesquels les choses se présentent à la conscience, il y en a un qui est fondamental : l’aspect intelligible de l’être. A la vue toute chose se manifeste comme couleur ; à l’ouïe comme son ; à l’odorat, comme odeur : diversité nombreuse suivant les sens. Pour l’intelligence, tous les aspects se réduisent à l’être : couleurs, sons, odeurs sont « quelque chose » et « sont ». Tout est de l’être pour l’esprit qui connaît. Rien n’est saisi par lui que sous l’aspect « d’être », tout est forme ou manifestation d’être.{6} Toute la spéculation humaine est donc imprégnée de l’idée d’être. C’est aussi à l’unité de l’être que se ramènent les innombrables aspects clairs et distincts du monde. Creuser et expliciter cette notion fondamentale est l’objet propre de la métaphysique fondamentale. Et penser cela est la tâche de l’intelligence.

    Effectivement, l’être, qui est à la fois immanent et transcendant à notre raison intégrale n’est pas éloigné de nous. En toute objectivité, la raison peut nous conduire à la connaissance concrète de l’être.

    La raison peut nous aider à rencontrer l’absolu. L’idée de l’être et de l’infini est indispensable pour comprendre l’absolu. Car l’absolu implique l’être et l’infini. L’être est l’évidence même simplement parce que l’être est lumière et que l’être est obscurité. L’être est lumière parce qu’il est connaissance et sagesse. L’être est obscurité parce qu’il est un concept général mais que l’intelligence va utiliser pour élaborer une certaine connaissance du réel. Lien d’abstraction et de combinaison, l’être forme déjà comme une attente, comme une assise de l’intelligence. L’être est profondeur, il est abîme et présence vibrante. Et l’homme se présente, grâce à cette « béquille » qu’est la raison, devant la lumière de l’être, devant la vérité de l’être. Car finalement l’être prévaut, l’être triomphe, l’être – intervalle entre l’homme et Dieu. Le visage de Dieu se cache dans le beau, qu’il soit l’être ou l’idée humaine ; qu’il soit la synthèse harmonieuse entre la pensée et l’être : la connaissance.

    Le temps n’est plus opportun pour la philosophie, dit-on…La littérature est riche sans doute en travaux, mais non la philosophie. Les livres abondent, mais que nous donnent-ils ? Notre temps a une sorte de clarté superficielle, une apparence sophistique grossière qui flattent le plus grand nombre et qui n’a jamais cessé d’entraver la marche de la philosophie par ses contradictions perturbatrices, toujours croissantes et toujours retournées. La théorie de la passivité de l’intelligence humaine constitue l’un des grands scandales de la pensée moderne. Cette passivité réelle de l’intelligence se situe fatalement dans la réduction du réel. Ce réel qui constitue l’origine du fait de comprendre se trouve de plus en plus éclaté, divisé, instrumentalisé par la pensée courante. La fragmentation ontologique est nécessairement une ouverture à toutes les interprétations débridées de l’être et à toutes les absurdités. Penser le réel, c’est parvenir à saisir ce qui est effectivement et ontologiquement dans la « biosphère de l’intelligible », c’est-à-dire dans l’unité du réel. C’est bien le propre de la philosophie de rendre compte de la réalité globale, là où l’intelligible sera considéré sur son véritable terrain.

    Le vrai philosophe se soucie surtout de la cohérence et de l’exigence d’unité qui est inhérente à toute réflexion authentiquement philosophique, même si cette exigence n’y sera sans doute pas remplie d’une manière adéquate.

    Cette perspective unitaire exige de la philosophie qu’elle se présente non pas comme une sagesse qui se suffirait à elle-même, mais comme une pensée ouverte à la diversité du réel. L’idée de réel répond ainsi à un postulat d’harmonie, à un postulat de « cohérence ». L’unité du réel est telle qu’elle rend possible la conscience réflexive de l’être.

    Tant et si bien que la pensée philosophique est inséparable du réel et de la conscience de l’être. Le dynamisme de la pensée sera le dynamisme même de l’être et des intelligibles. Mais, au fait, qu’est-ce que la pensée globale ? Elle est l’ensemble des « intégrants intelligibles ». C’est-à-dire tout ce qui tombe sous l’expérience du réel est véritablement philosophique. Mais le réel ne s’identifie pas toujours à l’intelligible. Il peut déboucher sur l’irrationnel, l’incompréhensible. Le réel nous renvoie alors au « mystère ». Ce sens quasi mystique d’un réel qui nous déborde ne serait-il pas la définition de l’intelligence philosophique ? Cette dernière se caractérise par une attitude de réflexion qui se cherche et qui se maintient dans l’intention de la totalité, même si nous ne pouvons dire celle-ci absolument assurée.{7}

    On pourrait dire que le réel a une unité intelligible dans la mesure où chaque élément est inséré dans le sens total : totalement dissocié, il perdrait toute intelligibilité. Cette unité du réel est la clef de toute existence et de toute connaissance. L’unité est la seule chose dont ne puisse se passer le réel. L’être réel est identiquement l’être intelligible.

    Ainsi, si le réel est unité, toute unité sera un indice de réalité et la ligne de dégradation dans l’être sera une ligne de dissociation. Et dans la mesure où l’être est être, il est unité. Aussi, les mots sont infirmes et tâtonnants dès que l’on essaie d’atteindre ou de comprendre le grand Réel. Néanmoins, essayons quelques précisions.

    La révélation de l’être, c’est aussi l’être qui est présent à notre conscience, à notre pensée, à notre cœur, à notre vision intérieure. En fait, l’être enveloppe l’affirmation d’une présence, d’un sens. Il est le tremplin d’une affirmation intelligible. Le réel est ouvert indéfiniment à l’analyse réflexive, dont la loi profonde est de s’inscrire dans l’intelligible, de consentir pleinement à la valeur de l’intelligible.

    Chaque intelligible est une perspective originale sur l’infini de l’être. La connaissance constitue une existence intelligible par mode de forme pure. L’existence intelligible permet de concevoir toute l’intensité de l’être de la connaissance. La connaissance est ainsi une plénitude parente de l’existence intelligible, un de ses modes. L’existence intelligible comme telle est connaissance. Ainsi, l’existence intelligible, même envisagée comme représentation, constitue déjà la plus solide des connaissances. La connaissance se réalise selon que le connu de l’existence intelligible est dans le connaissant de l’intelligence. Sans doute aussi que la teneur de l’intelligence peut venir du côté de l’existence intelligible et de ce biais l’existence intelligible serait pour l’intelligence source de sa profondeur même.

    A chaque valeur d’existence intelligible correspond donc une valeur dans la connaissance ou le degré de profondeur intellectuelle.

    De même, il est possible de saisir le réel dans sa primauté si l’on revient à une attitude d’appréhension première. Cette appréhension première est d’abord intuition de l’être, présence de l’être, révélation de l’être. Il est donc possible de parler d’intelligibilité du réel à partir de la primauté de l’être dans le réel. Par conséquent, on pourra bien dire encore en un sens que tout ce qui est être est connaissable par l’intelligence. Et tout ce qui est connaissable par l’intelligence me rapproche de l’être, me relie à lui.

    Ainsi, la problématique du réel se définit d’abord par l’être, l’être qui est la totalité du possible et du pensable, et la présence toute pure. Le réel est cela même : la totalité de l’être, l’événement de l’être. C’est la totalité extérieure qui renvoie à tout ce qui existe à l’extérieur. La totalité du réel est indivisible. Cette acception est une vérité essentielle qui renvoie alors à la notion d’unité et d’unicité du réel.

    Ce que nous pouvons savoir du réel dépend de notre accueil. Une déchirure entre soi et l’autre, entre soi et le réel, engendre une déchirure de l’être. Le réel devient alors subjectivité, « dans le sens de soi », conflit, assemblage, fiction. La relation de l’être est la plénitude de l’être.

    En réalité, la relation n’a de sens que là où il y a présence. Sens et présence, par là l’ontologique s’affirme. Le sens est à la valeur de l’être ce que la présence est à la plénitude l’être. Sens et présence sont donc relationnels et symétriques.

    C’est dire également que l’être ne disparaît jamais de l’horizon du réel : c’est là, en résumé, le secret de l’intuition ontologique, de la connaissance concrète. C’est pourquoi le mouvement de connaissance, envisagé du côté du réel, est une aspiration à l’être – disons-le nettement – à la vérité de l’être et celle-ci est toute pénétrée de signification ontologique. C’est toujours la vérité de l’être que la connaissance significative vise. Dans ce sens, la vérité est l’écho de l’être. Cette conception du réel pourrait s’exprimer ainsi : le réel est spécifiquement ontologique. C’est dire que le réel, en son mouvement propre et inépuisable, « imite » le mouvement de l’être. Autrement dit, sur le plan du réel la dimension ontologique emporte tout.

    Le réel est vérité. Respecter le réel ne doit pas mener à des conclusions erronées, mais à la vérité de l’être. Pour saint Thomas d’Aquin, la vérité se découvre à l’intelligence qui ne la crée pas ; elle n’est pas réductible à la raison humaine. La vérité de l’être est la vérité issue de Dieu. Plus précisément, l’être est une manifestation de Dieu. Dieu est pleinement la cause de l’être. Et c’est une vérité que la raison peut percevoir.

    L’objectif du vrai philosophe est ainsi de retrouver cette vérité de l’être. Cela ne supprime donc pas l’effort rationnel qui doit mener à la reconnaissance du vrai, qui est l’objectif du philosophe. Le sage philosophe cherche à retrouver la vérité du réel. Ainsi, la vérité de l’être est intimement présente à la conscience philosophique, métaphysique, qu’elle éveille mais qui permet son aboutissement. La philosophie s’intègre dans un élan métaphysique qui la dépasse de toutes parts, la stimule et l’achève. C’est dire que la métaphysique comble adéquatement l’élan philosophique fondamental.{8} La métaphysique est une interprétation rationnelle de ce que l’on peut connaître au sujet du monde, de l’homme, de Dieu ou de l’être.

    L’objectif de la métaphysique est de répondre à une aspiration spontanée du sujet qui concerne l’être, l’existentiel. Le souci de l’intelligible ; la volonté de la raison de rendre compte du réel et, notamment, contre les approches négatives et réductrices ; l’application à réconcilier l’unité et la diversité sont autant de manifestations de la démarche métaphysique. Là est toute sa valeur. Mais rendre raison du réel, c’est aussi aller au-delà des choses sensibles et des phénomènes, transcendant le temps, à la recherche d’une réponse, qui revêt pour notre vie une importance existentielle. C’est dire que l’objet de la métaphysique n’est pas seulement le monde de l’universel connu de la manière la plus générale, mais également le monde du suruniversel, le monde spirituel qui offre un champ d’intelligibilité au monde de l’expérience. L’être et l’esprit n’apparaissent disjoints que si nous les pensons dans une traduction imparfaite et superficielle.{9}

    En vérité, tout est, hors de l’être, il n’y a rien ; tout participe d’une manière ou d’une autre, de l’être. Ainsi, l’être, tout être, s’il est et pour autant qu’il est, est intelligible. C’est dire que l’être réel est identiquement l’être intelligible. Il n’y a donc aucune différence entre le réel, l’intelligible et l’être. Cependant, si le réel est intelligible et unique par l’être dont il est dit participer, l’être est intelligible par lui-même et conséquemment unique par lui-même. L’être est donc formellement intelligible, c’est-à-dire ordonné, capable d’être compris et pénétré. L’être intelligible est donc l’objet naturel de la pensée. Car l’être est un objet fondamentalement philosophique pour ne pas dire, avec Aristote, que c’est l’objet même de la philosophie. Il est écrit en effet au livre Z de la Métaphysique : « Et, en vérité, l’objet éternel de toutes les recherches, présentes et passées, le problème toujours en suspens : qu’est-ce que l’ÊTRE ? ».{10} Mais l’unicité de l’objet ne signifie pas du tout l’unicité des conceptions philosophiques. En effet, si tous les philosophes s’accordent aisément pour affirmer que l’être est « ce qui est », les accords disparaissent lorsqu’il s’agit de déterminer qu’est ce « ce qui est », et pourquoi, par quoi est « ce qui est ». L’être est certes ce qui est, mais cette proposition a engendré, engendre des pensées distinctes. Ces différences, rapidement occultées par l’apparente unicité de l’objet, tiennent à l’aspect le plus obscur de toute philosophie particulière que nous nommerons le « sens initial de l’objet ».{11}

    Le propre du sens est de manifester, de révéler. Le sens initial pose l’être dans le monde intelligible. Aussi, l’unicité de l’être n’empêche pas la diversité. Tout le réel manifesté est diversité dans l’unité. Tout le réel doit être intelligible, vrai ; au-delà de l’intelligible, il n’y a rien. Le réel et l’intelligible sont unifiés, relationnels. L’unité du réel, c’est la vérité ; et la vérité est dans l’unité de l’être intelligible. L’intelligible permet la reconnaissance de toute la richesse, de la valeur du réel.

    C’est dans l’unité de l’être et du réel que la pensée doit chercher la connaissance. L’unité est la vérité de l’être. L’unité est aussi celle du tout. La pensée et l’être constituent l’être intégral. L’objectif du métaphysicien est de saisir l’être dans toute sa richesse et dans toutes ses relations. L’être doit être respecté dans tous ses sens. L’unité est fondamentale dans l’intelligibilité de l’être. L’unité est à tous les niveaux de l’être. L’unité analogique permet de penser sans réduction toutes les caractéristiques de l’être, l’unité, la diversité et la richesse du singulier.{12}

    L’étant vaut par son inépuisable richesse qui le rend unique et irréductible à tout autre, mais aussi par son unité. Il vaut en outre par son intégration dans l’unité du réel. Parce que cette unité n’est pas chaotique. Elle est ordonnée. Le réel est une totalité ordonnée. Cet ordre, cette harmonie, est la valeur du réel. Cet ordre, cette harmonie, qui est la valeur du réel, renforce l’étant dans sa valeur. Ce spectacle de l’harmonie est celui de la totalité ordonnée. La reconnaissance de la valeur du réel mène donc à une reconnaissance plus profonde de la valeur de chaque étant qui est lié à un autre, à tous les autres.{13}

    Chaque étant, ainsi relié à tout autre, trouve sa place dans le tout ordonné. Sa valeur est révélée dans sa plénitude par cette situation dans l’harmonie qui signifie ainsi que chacun fonde la valeur de tout autre, de tous les autres.

    C’est aussi un refus de l’isolement qui serait en quelque sorte une mutilation du réel. ÊTRE une unité qui respecte la diversité est encore une manifestation de la valeur du réel.

    Les choses du réel s’organisent, s’ordonnent ; leur diversité n’est pas seulement maintenue mais par là même fondée. Tout communique dans le réel sans que rien ne se confonde. L’étant vaut par son unicité et son unité.{14} Cependant, il est impossible de rendre pleinement raison de l’être sans penser à Dieu. L’irréductibilité de l’existence à l’essence pose nécessairement la question de l’origine de l’acte d’être. On pourrait donc dire en ce sens que penser l’être, la diversité, la singularité, c’est penser Dieu.{15}

    Ainsi, au problème philosophique toujours en suspens, à la question sans cesse reposée : « Qu’est-ce que l’être ? », nous répondons : la réalité concrète, c’est-à-dire la totalité, la diversité et l’unicité de l’existant. L’être se déploie vers le multiple en l’un qui inclut tout. Cette unité du multiple, riche et féconde, détermine et fait apparaître les forces vives, la valeur unique et les qualités multiformes de ce qui existe. La connaissance est donc un mode de l’être. Dans la connaissance et dans les choses, il n’y a d’unité que par rapport à l’être (entendez l’esse), auquel ils sont ordonnés. Donc l’être intelligible est nécessairement connaissance.

    La pensée et l’être

    La pensée constitue l’extension souveraine et directe de l’être. Bien plus, la pensée réalise l’épanouissement privilégié de l’être. L’être, par l’unité, montre l’intelligible ; l’intelligible montre l’unité dans l’être. Le point de vue de l’unité de l’être permet de l’envisager comme intelligibilité et vérité.

    La seule « ontologie » légitime sera une connaissance première : un discours sur l’unité de l’être en tant qu’intelligibilité et vérité. La pensée ontologique demande toujours à rester fidèle au réel. En ce sens, la vérité de l’être et celle de la pensée sont garanties l’une par l’autre. Sans l’objectivité et la vérité de l’être, les conquêtes mêmes de la réflexion seraient compromises. Je crois, en effet, que l’idée de l’être présente un caractère définitif, c’est « l’être relation à ». Comprendre profondément cet « être relation à », ce jaillissement relationnel, qui est le jaillissement même de la révélation de l’être. Cette « relation à » est aussi le flambeau de la pensée philosophique. C’est donc sur l’être lui-même que porte la pensée de l’être. Et la connaissance est sans cesse centrée sur l’être, vise l’être. Par là, l’univers de notre connaissance est un univers de natures intelligibles, immanent à l’univers de l’existence réelle. Perdre le contact avec l’être, c’est perdre le contact avec l’existant, avec l’universel, avec la connaissance. A ce point de vue, tout le réel, toute la plénitude de l’être et tout le connaissable ne forment qu’un seul monde de l’intelligible et de l’intelligence. C’est dire encore que l’être est du domaine de la pensée et donc forcément de la recherche philosophique. Il s’agit ici d’affirmer l’être sans nier la pensée et d’affirmer la pensée sans nier l’être, puisque aussi bien l’un s’impose à nous comme l’autre. A nous de ne pas être des « abstracteurs de l’être », mais des personnes aimant l’être réel. C’est vrai aussi que l’être existe dans une diversité et une complexité toujours nouvelle, ça n’en demande pas moins un approfondissement, une considération, une appréciation de l’être lui-même, dans le mystère de sa subsistance. Et cette découverte de l’être est plutôt une « sagesse », dont le progrès consiste dans la recherche et la conciliation. L’aspect ontologique de la conciliation, c’est la participation entre les êtres.

    La référence à l’altérité est fondamentale ici, elle est des plus significatives. Car elle est au cœur de l’être et de l’humain. L’altérité fondamentale ou même transcendantale est l’altérité de Dieu. Autrement dit, l’altérité fondamentale consent à l’affirmation de l’ÊTRE absolu, identiquement Vérité et Valeur absolues, condition de toute existence, de toute pensée, de toute liberté, de tout amour.{16}

    Ainsi, tout ce que nous pouvons concevoir de plus profond sur l’être au sens le plus plein, c’est qu’il est une relation de lui-même à lui-même et à l’autre, toujours existentielle et toujours nouvelle cependant, toujours actuelle, toujours adéquate.

    L’homme métaphysique

    A la question qui touche le fond : « Pourquoi y a-t-il quelque chose ? »

    Quand quelqu’un demande : « Qu’est-ce que l’être ? » – « L’être est pourquoi ? » – L’être est à la fois un objet de l’ontologie et un critère de la connaissance métaphysique. Il peut être une chose réelle, une chose intelligible ou une chose pensée.

    Dans les structures mentales ontologiques, c’est-à-dire proprement philosophiques et existentielles, la connaissance de « l’ÊTRE » a trouvé ses sommets en Aristote, Thomas d’Aquin, Leibniz, Hegel, Heidegger. Ainsi, l’ÊTRE serait par exemple l’intelligibilité de Platon et d’Aristote, l’Un de Plotin, le Dieu Vérité de S. Augustin, la substance de Spinoza ou même le noumène de Kant, l’esprit de Hegel.

    « L’ÊTRE » – entendons par là que tout est dérivé de l’être. Il est le réel. Il est la vérité, il la fait et cette vérité est à la racine, au principal de l’explication intelligible. C’est dire que l’être porte très haut le débat philosophique et métaphysique. Et pourtant l’être, sur le plan ontologique et existentiel, apparaît comme le grand absent du monde de la philosophie actuelle. Car paraît-il, trop abstrait ou trop général. Si loin qu’on puisse aller dans l’explication de l’être par le réel, c’est toujours par l’être, en définitive, que nous comprenons ou expliquons le réel lui-même. Il n’y a de vérité, de réalité, que de l’être. Le fait est là. Les choses sont là. L’être est là, l’être est ce qu’il est, l’être n’est pas sa négation. C’est tout. C’est là proprement le problème philosophique majeur, le problème dans son ensemble, des origines premières et des fins dernières, en passant par tous les aspects du réel. Il n’y a de perfection que dans la vérité, il n’y a de vérité que dans le respect de la réalité : or celle-ci n’est pas simple, mais essentiellement complexe et il importe extrêmement de s’en rendre compte.

    Ainsi, l’être, en tant qu’il est donné dans l’existence ou dit relation dans l’existence, est apte à être connu par l’intelligence, dit relation à l’intelligence, s’impose nécessairement à l’intelligence. C’est dire que l’être, par sa positivité, son objectivité et son dynamisme, doit pouvoir s’expliquer dans la ligne de l’intelligibilité.

    D’un point de vue théologique, l’être est une perfection analogique et non spécifique, c’est-à-dire qu’il n’apporte aucune détermination spécifique supplémentaire. Il est ainsi d’autres perfections analogiques, l’un, le vrai, le bien, fondamentalement extrinsèques aux réalités qui ne leur sont reliées que par participation. Les perfections analogiques renvoient à Dieu, principe de toute réalité, possible ou réelle mais toujours participée. C’est donc par l’idée de participation aux perfections analogiques et notamment à l’être, hors de quoi rien ne peut être de quelque manière que ce soit, que l’unité du réel pourrait être comprise, avec sa force propre, sa dynamique et sa causalité.{17}

    Au risque de revenir à l’antique maxime : « Rien de la matière n’explique, ne justifie l’esprit ; rien de l’esprit n’explique, ne justifie la matière ». Dans cette optique, il n’y a plus qu’un parti à prendre. Si l’on supprime la matière en disant que tout est esprit et c’est l’idéalisme pur, ou supprimer l’esprit en disant que tout est matière, et c’est le matérialisme intégral. Il y une réalité sensible qui est cette fleur que je tiens et il y a une réalité intelligible qui est celle de l’idée que je prends de cette fleur. Qui ne voit aussitôt l’allusion de transfert ou la similitude des mots affirmant l’existence et l’unicité de l’être ? Cette unicité de l’être est une spécificité du réel. Elle s’enracine dans la splendeur du multiple. Le seul vrai problème du multiple est celui de sa relation. Nous sommes plongés dans le réel, soumis au multiple. La beauté est dans l’un ; le multiple est beauté dans la mesure de son unité. Ainsi, si la beauté ressort du réel, c’est parce que l’accord de l’être avec d’autres augmente sa richesse par l’harmonie d’une multiplicité. Tout cela dans le multiple où nous plongeons. Le réel est multiple ; il est parfait dans la mesure où il est un, c’est-à-dire où sa multitude est ramenée à l’unité sans que la multiplicité qui fait la richesse, soit sacrifiée.

    Aussi, la valeur du réel est inséparable de sa signification ontologique. Liaison donc, et liaison intrinsèque, entre réel et être. Tout l’ordre des choses ne prend son sens véritable que dans la perspective ontologique. Tout est intelligible par l’être. C’est-à-dire que tout être, par le fait qu’il existe, est donc connaissable ou intelligible. L’ordre est une propriété de l’être. Il se définit unité dans la multiplicité. Et là où manque totalement l’ordre, l’unité, et donc l’être, font totalement défaut.

    L’être est donc le fondement métaphysique de l’intelligibilité des choses. Mais l’unité est absolument nécessaire, non seulement parce qu’elle exprime un ordre, une harmonie, un équilibre, une multiplicité mais aussi parce que l’unité est le seul mot où la pensée et l’être s’épousent.

    Mais aussi, en raison de son importance, ou plus exactement de son évidence objective, l’affirmation de l’être se présente comme raisonnable. Son infinité positive rassasie l’effort intellectuel. Et cela, parce que l’être est réellement présent à l’homme, à la fois comme idée, et comme réalité. Cependant, sa concision extrême déconcerte la pensée de l’homme. Et cette pensée d’abord l’arrête. Car il ignore la nature profonde ou l’essence de l’être, mais n’imagine pas qu’il puisse exister ou subsister hors de l’être et sans l’être. Celui-ci le sous-tend sans que l’homme ne puisse deviner d’où il vient et où il le conduit. En effet, l’inépuisable richesse de l’être livre à l’intelligence toutes sortes de significations et de sens, tout en gardant son principal mystère. Et cependant leur rencontre suffit à découvrir une vérité authentique.

    Ainsi, l’être peut être pressenti ou aperçu dans une méditation. Il nous apporte une part de vérité et nous aide à pénétrer la réalité infinie, et par là même, à nous unifier ; d’acheminer l’esprit vers une forme de connaissance, une connaissance dans l’épanouissement et la liberté. L’être se situe au centre du Tout et des sphères du réel et du savoir. Une pensée authentiquement réelle porte inévitablement l’empreinte de l’être.

    Et l’homme a la dignité de l’être et du savoir. Penser l’être est l’existence même de l’homme, parce que l’homme séparé de l’être, est inconcevable et inintelligible. C’est une contradiction qui s’accompagne d’ironie. L’être a une place centrale dans le Tout et dans l’homme – L’homme face à l’être – Comment l’homme peut-il se situer et comment peut-il comprendre l’être ?

    En somme, il se demande (l’homme) comment doit-il vivre à la lumière de l’être, quand il a conçu l’être, et comment pourrait-il connaître l’être et être en relation avec lui, en accord mutuel ? Tel est l’objet de cette éthique première.

    Du point de vue métaphysique, une autre question subsiste et non des moindres – Si Dieu existe, alors qui est Dieu ? Ici commence la profondeur du mystère ; l’homme se trouble et les voiles s’abaissent. Dieu est un profond mystère : l’homme, créé à son image, est pareillement incompréhensible. Le mystère de Dieu et de l’homme, le mystère de la vie, semblent résider éternellement dans leurs profondeurs sacrées. Ainsi, par la raison, nous pouvons nous élever à une certaine connaissance de Dieu, mais il nous est impossible d’en pénétrer les profondeurs.

    De plus, l’être est un double mystère : mystère pour la raison métaphysique, mystère plus obscure encore pour le réel. Le vouloir être est vraiment le fond du réel. Car tout ce qui est, révèle une poussée en avant, un instinct naturel et ontologique. Or, c’est à l’unité de l’être que se ramènent les innombrables aspects clairs et distincts du monde.

    De même, l’unité donne à l’être son caractère d’intelligibilité et son objectivité. L’unité est même la propriété la plus caractéristique de la vérité intelligible. Ainsi, la vérité intelligible suppose l’unité de l’être. L’unité de l’être entraîne celle de la vérité. A cette limite idéale, l’unité et la vérité s’égalent et s’identifient l’une à l’autre. L’idée de vérité traduit cette unité rigoureuse de l’être et de l’intelligible. De même, la vérité devient la réalité substantielle de l’être, l’appréhension unitive de l’esprit, l’ouverture à la donnée de l’éternité. Aussi, la vérité est un concept qui appartient à la sphère de l’intellectualité et de l’existentiel.

    La vérité est totalité par essence, avons-nous dit. La vérité est attachée est unie à la totalité. Elle entretient un rapport véritable et organique avec le Tout. La vérité, c’est la totalité existentielle, et la totalité existentielle, c’est la vérité, la pure réalité. Dans ce contexte, la vérité est une connaissance immédiate et unitive, et cette connaissance immédiate et unitive est identique à la manifestation de l’être, à l’être-fait existentiel.

    Ainsi, la vérité a sa demeure dans la Totalité : une totalité toute vive au sein du mystère de l’être et de l’unité. La vérité nous conduit au Tout, au cœur de l’être.

    Ce qui revient à dire que la vérité est une totalité présente dans le temps et dans l’éternité, elle est une communion profonde de l’infini et du présent, une relation à partir de l’être et de l’homme. Ce qui revient à dire que l’essence de la vérité est ontologique et que la profondeur de l’ontologique relève du transcendant. D’un point de vue métaphysique, la vérité se rattache à l’appréhension unitive et totale de l’être en tant que l’être est la réalité telle, l’existence telle. L’être est le fait central et significatif de l’existence. Au sens réel, l’existence est construite autour de l’être. L’existence suppose donc l’être. Hors de l’être, l’existence devient métaphorique. Et l’être nous ramène à l’homme, et l’homme est métaphysique. La métaphysique est dans l’homme comme l’irréductible être, être de la liberté et de la pensée. La métaphysique est d’abord une vision, une vision centrée sur le Tout et unie à lui. La vérité métaphysique est une proportion à l’être se révélant en elle-même. Mais la voie intérieure est la voie métaphysique par excellence. C’est dire que le lien spirituel est le principe de tout élan métaphysique, la raison de tout progrès de l’intelligence spirituelle. La recherche de la vérité fait également partie de la quête métaphysique et de la qualité de la pensée philosophique.

    L’homme et la vérité

    La cause majeure du chaos général de l’homme, de son appauvrissement moral et intellectuel, de son égarement spirituel, de la dégénérescence de sa liberté, bref de la maladie de tout son être, c’est la perte de la relation, de l’unité, de la totalité. Relation entre lui et « l’autre », unité en lui-même, totalité du monde réel plongé dans une plénitude extraordinaire.

    En fait, l’homme moderne, plein de contradictions et de paradoxes, s’éloigne de plus en plus de la vérité de l’être. Il est même ouvertement indifférent aux réalités profondes et supérieures, au point de perdre de vue, le sens même de son existence, qui est ouverture au monde, aspiration à l’essentiel et à la vérité.

    Si l’idée de réel, de l’être ou de l’existence apparaissent comme des vérités objectives, absolues, universelles, la métaphysique est alors une réflexion sur le sens de la totalité qui nous renvoie à la liberté de l’esprit. Et cette liberté de l’esprit implique aussi la vie de l’esprit.

    Celle-ci est fondamentalement mouvement vers l’altérité, vers l’être. En fait, l’être est la certitude de l’esprit. De même, et plus profondément encore, le véritable mouvement vers l’être suppose un départ du sensible vers l’intelligible, de l’apparence vers l’ontologique, du sens vers l’intime.

    L’expérience de l’être, c’est l’expérience d’une présence, à la fois comme relation, et comme connaissance. L’esprit fait résonner l’être dans le « je suis » de la personne et le « je suis » de l’être dans l’esprit de la personne. Comme on a pu dire du sage que celui à qui la sagesse manque (l’imbécile lui ne manque de rien), le mystique est celui à qui l’être manque (le religieux, lui, ne manque pas d’êtres plus ou moins bien déifiés) et cela n’est-il pas au plus propre de l’homme : un étant à qui l’être manque ?{18}

    L’être est ainsi l’ouvrier de la certitude, il agit dans la conscience, où il se manifeste, dans la pensée, où il s’affermit, dans la vie, où il fleurit. Et ce que l’on appelle « le réel » est la pluralité actuelle des êtres. De fait, le réel se donne comme étant la Présence sous la forme de l’être multiple.

    Dans le sens d’un affaiblissement, l’homme moderne ne sait plus se donner entièrement à l’autre, à l’être. L’homme n’est-il donc pas le contenu de l’être, lorsque l’autre est le cœur de l’être ? L’homme d’aujourd’hui est trop tourné vers le monde, où il dissipe toutes ses forces, entraînant une coupure de communication sur le plan métaphysique et spirituel, conduisant la personne de déception en déception, dans le cadre de sa quête d’une réalité « réduite » et « rétrécie » et purement « naturelle », « psychologique » et « humaniste ». La sagesse métaphysique et spirituelle vise surtout à nous faire saisir les choses en leur signification. Elle est saisie intuitive du sens profond de la vérité ontologique. Cette saisie est aussi contemplation.

    L’homme n’est « homme véritable » que s’il a un regard ascendant sur l’infini, sur le mystère dans lequel il est plongé totalement.

    L’homme moderne n’a plus la santé de l’intelligence, il a perdu le sens du réel, lien de la vérité et base lumineuse de la connaissance. Il ne porte plus la transcendance et sa beauté ; il étouffe le besoin de métaphysique et ne sait plus s’ouvrir à la vérité de l’être, flambeau du réel.

    Le réel va à l’unité et la constitue, mais sous la condition de la diversité. L’unité rentre dans la définition du multiple. La reconnaissance du multiple signifie la diversité et le différent. Il suppose que chaque multiple est en soi une unité. Car le multiple qu’est-ce sinon une multitude d’unités ? L’idée d’unité est donc nécessaire à celle de multiple. Le réel est aussi la réalité des relations du multiple de l’existence et de l’existence des unités ou des particuliers. D’où cette conséquence importante : l’unité est plus rigoureusement liée à l’être que le multiple ; de soi, l’être est unité ; l’unité est première en lui. Ainsi, nous pouvons affirmer que l’unité et la multiplicité sont premières et se définissent l’une par l’autre.

    Le réel suscite la personne et la personne suscite le réel

    Au fond, le problème que l’on touche ici est celui de l’unité et de la diversité du réel et de la connaissance, de cette connaissance ou l’inconnue reste toujours l’homme lui-même. L’aptitude de notre intelligence à atteindre le réel (pensable et connaissable), à reconnaître plus ou moins rapidement la vérité, nous ordonne au sens, à l’infini. Le réel est certainement beaucoup plus large que ce qui est connu. Mais néanmoins, la découverte du réel, la découverte de la vérité de l’être est un chemin, une route. Remarquons ici la proximité de ces trois mots : chemin, vérité et être. Ils s’éclairent mutuellement : il n’y a pas de vérité et d’être en dehors d’un chemin à parcourir.{19} Vérité qui ouvre un registre d’existence, non seulement de l’être, matériel et immatériel, mais de la réalité de l’esprit, de la réalité de la foi et de l’univers spirituel de Dieu, Principe et Source non seulement de l’homme, mais de l’univers lui-même.

    Ici, c’est la foi et la sagesse qui découvrent la présence attirante et mystérieuse de Dieu. Pour elles, Dieu se perçoit en nous, dans ce qui nous entoure, dans ce que nous voyons, vivons et expérimentons. La vérité divine se reflète dans la réalité du monde et dans notre propre réalité. Le monde manifeste Dieu, pour qui sait le regarder. Dieu se découvre dans sa création, dans le cosmos et dans l’être humain. Dieu est notre plus intime vérité. Le plus vrai de nous-mêmes est un mystère de grâce, don de l’amour de Dieu.

    Ainsi, pour la foi et la sagesse, c’est la reconnaissance de la présence de Dieu, Créateur et Seigneur de l’univers, qui embrasse et comprends tous les temps, qui lit dans les plus secrets replis du cœur humain : en Lui le sublime existe de soi-même. La sagesse, l’intelligence, la foi permettent de l’approcher et de le connaître.{20}

    Se connaître ! Connaître Dieu ! Voilà la vraie connaissance de l’homme. Qui connaît dans la vérité, désire infiniment Dieu. Et qui désire Dieu recherche d’abord une unité de vie impliquant une ouverture fondamentale à l’autre. Cet « autre » qui est ineffable est l’ÊTRE. Et si la métaphysique est, en ce sens, un langage – et un langage de l’ineffable – alors elle est un art.

    Le mystère nous étreint

    En réalité, devant le mystère et la complexité de ce qui est, devant le monde qui nous entoure, nous sommes originellement dans l’impasse. Néanmoins, nous essayons de comprendre en sachant que nous allons vers un bouleversement qui résultera d’un heurt avec le mystère qui nous porte. Car ici le mystère nous étreint tout entier et plonge notre esprit dans l’étonnement, l’émerveillement… Mystère du monde, mystère de l’existence humaine, mystère de la vie, mystère partout présent. Par-delà la vérité, ce qui nous bouleverse, nous étreint et nous émeut jusqu’au frisson ontologique, c’est l’ÊTRE, car l’ÊTRE - c’est TOUT. Autrement dit, l’ÊTRE, c’est la vie. C’est le réel. C’est l’existant. C’est notre propre existence. C’est l’altérité.

    Ainsi, la redécouverte du « mystère de l’ÊTRE » inaugure une « philosophie intégrale » ; loin de refuser les apports d’autres sciences, celle-ci les intègre et les oriente, sans les dénaturer, en fonction d’une « valeur de l’ÊTRE » ou d’une « sagesse de l’ÊTRE ». Ce n’est que par rapport à cette « vérité de l’ÊTRE » que devient vraiment pensable une participation humaine personnelle, effective : communauté dans le Réel et communion dans l’ÊTRE, sans lesquelles une ontologie authentique ne serait pas possible. On peut considérer l’ontologie authentique comme orientée vers le sens et la vérité de l’ÊTRE. Et comme dans l’ontologie platonicienne, la vérité de l’ÊTRE s’avère toujours indissociable de son unité. En fait, ce qu’on appelle « vérité de l’ÊTRE » comporte un dégradé qui va de la présence « objective » à la communion de l’ÊTRE. La vérité de l’ÊTRE signifie aussi l’être vrai de l’ÊTRE. On peut donc dire que la vérité de l’ÊTRE est le domaine du Sens, de la plénitude, du plérôme ; vérité dans laquelle est impliquée l’unité de l’ÊTRE. Disons même que cette unité est requise pour l’approche de la vérité de l’ÊTRE.

    La vérité de l’ÊTRE est l’être véritable des choses, au sein de la propre intelligibilité du réel.

    De même, le rapport ontologique exige à la fois l’unité et la pluralité. C’est la relation qui établit ce rapport, en tant qu’elle est la synthèse du multiple et de l’unité.

    Les notions premières et fondamentales

    L’être, l’unité, la

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