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Metaphysica Pura : Tome I: Ou plutôt Metaphysica Perennis Universalis (La Métaphysique Pérenne, sagesse et science)
Metaphysica Pura : Tome I: Ou plutôt Metaphysica Perennis Universalis (La Métaphysique Pérenne, sagesse et science)
Metaphysica Pura : Tome I: Ou plutôt Metaphysica Perennis Universalis (La Métaphysique Pérenne, sagesse et science)
Livre électronique1 279 pages17 heures

Metaphysica Pura : Tome I: Ou plutôt Metaphysica Perennis Universalis (La Métaphysique Pérenne, sagesse et science)

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À propos de ce livre électronique

Le corpus de « Metaphysica Pura » contient plusieurs métaphysiques imbriquées les unes dans les autres, clairement discernables et objectivement complémentaires. En effet, les deux volumes s’efforcent de présenter et de développer les richesses prodigieuses de la Metaphysica perennis. D’une manière plus précise, dans « Metaphysica Pura », nous découvrons plusieurs expressions de la « Métaphysique pérenne ».
Il s’agit de : la métaphysique ontologique, la métaphysique réflexive, la métaphysique relationnelle, la métaphysique symbolique, la métaphysique poétique et spirituelle, la métaphysique hénologique, la métaphysique axiologique et la métaphysique théologale.
Le premier tome explicite la perspective complexe dans laquelle il faut se placer pour comprendre objectivement la métaphysique. En dépit de la séparation qu’on a accoutumé d’accentuer entre la métaphysique et la théologie, ces deux disciplines sont étroitement liées dans leur effort de réflexion totale. Ne pas séparer l’ontologie de la métaphysique. En effet, la consistance ontologique exerce sur la réflexion métaphysique une influence prépondérante. Nul existentiel n’est en dehors de la relation. Cette considération est première.
Le deuxième tome « exerce » la réflexion métaphysique en dégageant les deux versants de la métaphysique : la vérité philosophique de l’existentiel et la question de l’existence de Dieu. La métaphysique remonte à Dieu à partir de l’existence des choses, à partir de l’unicité de l’univers. Ne pas séparer la théologie de la métaphysique. Il y a interaction entre la théologie et la métaphysique. C’est pourquoi, la réflexion métaphysique est appelée à bon droit réflexion totale. Au sens intégral, la métaphysique pérenne est l’unité de la métaphysique, théologale en sa source.
LangueFrançais
Date de sortie17 nov. 2017
ISBN9782312056425
Metaphysica Pura : Tome I: Ou plutôt Metaphysica Perennis Universalis (La Métaphysique Pérenne, sagesse et science)

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    Aperçu du livre

    Metaphysica Pura - Paul-Emmanuel Stradda

    cover.jpg

    Metaphysica Pura : Tome I

    Paul-Emmanuel Stradda

    Metaphysica Pura : Tome I

    Ou plutôt

    Metaphysica Perennis Universalis

    (La Métaphysique Pérenne, sagesse et science)

    LES ÉDITIONS DU NET

    126, rue du Landy 93400 St Ouen

    © Les Éditions du Net, 2017

    ISBN : 978-2-312-05642-5

    img1.png

    « L’amour triomphe de tout »

    Illustration : « Omnia vincit amor », Emblemata amatoria, published c. 1601. Daniel Heinsius (1580-1655, philologue hollandais).

    You can find the book online at the Emblem Project Utrecht.

    Alors le père Séraphin lui dit : « Avant de parler de prière du cœur, apprends d’abord à méditer comme une montagne… ».

    Le jeune homme resta alors assis comme une montagne plusieurs semaines. Le plus dur était pour lui de passer ainsi des heures « à ne rien faire ». Il fallait réapprendre à être, à être tout simplement – sans but ni motif. Méditer comme une montagne, c’était la méditation même de l’Être, « du simple fait d’Être », avant toute pensée, tout plaisir et toute douleur. (Ecrits sur l’Hésychasme)

    L’ouvrage a été l’occasion pour moi, d’un voyage entre deux rives : l’une philosophique, l’autre spirituelle. En direction de la rive philosophique resplendit l’immense merveille de l’Être. En direction de la rive spirituelle, rayonne l’immense merveille de Dieu.

    Ce livre a été écrit pour la louange et la gloire de Celui qui est le seul Être subsistant par lui-même et le seul Être immuable et éternel.

    Gloire resplendissante, germe de tout ce qui est.

    Tout, dans l’ensemble de la Création, respire Ta Vie et rayonne TA Présence.

    Tout, dans le firmament, et sur la terre, et dans la mer et les abîmes, et dans les plaines et les déserts, les îles et les montagnes, contemple Tes merveilles et T’acclame.

    Le cosmos entier chante Ta Splendeur, le chant de Ton incommensurable Bonté et Ton incommensurable Beauté.

    Que tes œuvres sont magnifiques, O Seigneur !

    Tu les as toutes faites avec sagesse et par amour.

    Tous nous sommes le visage découvert qui reflète Ta gloire.

    Car c’est Toi, Dieu indescriptible, dont le mystère est ineffable.

    Tu es revêtu de majesté et ceint de force.

    Et la lumière T’enveloppe comme un manteau.

    Tous nous sommes l’œuvre de Tes mains et nous louons Ton Saint Nom.

    Gloire à toi qui es adoré par tous les saints et glorifié par tous les anges,

    Toi qui es l’Un. Toi qui es Seigneur. Toi qui es Père.

    Gloire à Toi qui es Vivant !

    Gloire à Toi qui es Vrai !

    Gloire à Toi qui es Saint !

    « Que cela désormais soit du plomb à tes pieds

    Pour aller à pas lents, ainsi qu’un homme las

    Vers le oui ou le non, quand tu n’y vois pas clair ».

    « Car celui-là chez les sots est bien bas

    Qui affirme ou qui nie, sans distinguer les choses,

    Qu’il ait soit l’un, soit l’autre à prononcer ».

    Dante, Paradis, Chant XIII, vv. 112 à 118.

    Conseil donné par Saint Thomas d’Aquin.

    ***************

    Felix qui potuit rerum cognoscere causas

    « Heureux qui a pu pénétrer la raison des choses. »

    Virgile, deuxième livre des Géorgiques, vers no 490

    ***************

    « Nani gigantum humeris insidentes »

    « Des nains sur des épaules de géants. »

    Bernard de Chartres

    ***************

    « Ami n’entre pas ici par hasard. »

    Paul Valéry

    Avant-propos

    Le corpus de Metaphysica pura contient plusieurs métaphysiques imbriquées les unes dans les autres, clairement discernables et objectivement complémentaires. Ces deux volumes s’efforcent de présenter et de développer les richesses prodigieuses de la Metaphysica perennis. Car le dessein est bien, avec le maximum de précision et d’exactitude, de retrouver les assises d’une vision globale et cohérente du réel. C’est la réalité objective des choses et leur signification intelligible qui donnent sens au réel. Une métaphysique forte doit toujours proclamer l’unité foncière de l’esprit et l’unité foncière de l’être.

    D’une manière plus précise, dans Metaphysica pura, nous découvrons plusieurs expressions de la Metaphysica perennis. Il s’agit de : la métaphysique ontologique qui est un « discours sur l’être et de l’être » ; la métaphysique réflexive qui s’empare de l’être par la raison ; la métaphysique relationnelle qui établit le réel en tant que relation ; la métaphysique symbolique qui nous fait découvrir une certaine densité métaphysico-symbolique du réel, selon le mystérieux rapport du monde physique et du monde sacré ; la métaphysique poétique et spirituelle qui est au service de la sagesse, philosophique ou métaphysique ; la métaphysique hénologique qui élabore une métaphysique dans la mouvance ontologique de l’être et de l’unité ; la métaphysique axiologique qui repose sur le lien quasi inépuisable entre l’esprit et l’amour. Et la métaphysique théologale qui est une métaphysique fondamentale de l’être en fonction de Dieu. Toutes ces métaphysiques récapitulent à merveille l’unité de la métaphysique pérenne. Mais l’unité métaphysique est d’abord et par-dessus-tout, l’UNITÉ de la pensée et du réel, l’UNITÉ de la vérité et de la totalité.

    Enfin, Metaphysica pura est un Traité de métaphysique fondamentale et un Essai de reconstruction et recherche des sources. La réflexion métaphysique est un moment de conscience de la réflexion totale. Plus exactement, elle se noue en conscience totale dans l’ordre ontologique et spirituel.

    En effet, une attention à l’être est déjà une attention à l’autre et une attention à l’autre contient les germes d’un consentement à l’absolu. L’absolu exprime et affirme l’unité originelle de la métaphysique. C’est aussi la richesse du réel qui anime la réflexion métaphysique en quête d’intelligibilité. La chasse à l’intelligible est le souci principal de la métaphysique.

    Introduction générale : Philosophie et Métaphysique

    « La métaphysique est, à mes yeux, la science humaine de l’absolu. Elle traduit immédiatement la saisie de notre intelligence par l’absolu, saisie qui n’est point un joug subi, mais un principe interne de vie ».

    (Joseph Maréchal, Mélanges,

    p. 289. Bruxelles-Paris, 1950)

    « Une théorie cohérente ne démontre pas sa propre cohérence ».

    (Kurt Gödel)

    1. LA RECHERCHE PHILOSOPHIQUE

    Un regard lucide sur le monde moderne nous révèle, comme le plus incontestable des faits, la disparition croissante de la pensée métaphysique. Faut-il pour autant désespérer de l’objectivité du philosophe ? Et la sagesse du philosophe est-elle devenue un idéal périmé ? Le philosophe d’aujourd’hui est-il encore de bonne foi ? Aujourd’hui, nous oscillons souvent entre deux positions extrêmes qui semblent baliser le territoire philosophique. Refus de la métaphysique d’un côté (refus qui constitue l’un des traits dominants de la culture moderne) et découverte joyeuse de la métaphysique comme on peut le voir chez un Socrate (car la philosophie, c’est Socrate, cet homme qui s’est battu toute sa vie pour que les hommes pensent). La philosophie, c’est cela, le temps de la pensée, la faculté de s’étonner ! Cela dit, la philosophie est avant tout productrice de concepts. C’est-à-dire qu’elle a pour tâche d’éclairer le monde et ce, d’une manière rationnelle. Pour cela le philosophe est nécessairement obligé d’effectuer une coupe dans le réel (ce qui signifie s’éloigner du vécu). Dès lors, il doit savoir que sa recherche est, et sera toujours partielle. Cependant, la philosophie se propose de produire des textes conformément à l’objectivité qui est l’identité même du réel et que toute pensée pense à partir de lui (de ce réel). Aussi, il ne faut pas confondre l’ordre de la connaissance avec l’ordre du réel, l’ordre de l’être, même si les deux ordres sont corrélatifs. Cela peut sembler déconcertant. Lorsque la vérité est cherchée hors des catégories du réel, la connaissance s’évanouit, il n’y a plus rien en dehors de moi. La raison du réel ne s’explique que par le réel. Le discours de la pensée logique ne doit jamais exclure la possibilité d’une ontologie. Car l’ontologie est saisie de la valeur du réel, de l’être et de la totalité, de l’objectivité des choses. Mais elle est aussi reconnaissance de la valeur du singulier, de l’étant. L’être appelle l’esprit à travers le réel, l’étant. L’être, par les êtres, stimule un éveil de l’âme. C’est dire que l’appel de l’être incite au recueillement, à l’intériorité. De plus, la philosophie a des valeurs sûres : la vie, la liberté, la sagesse, la connaissance, la vérité, l’amour, l’humain, etc. Et ces valeurs ont des racines et de nombreuses ramifications. Il importe de retrouver le terrain de leur émergence. Sans cela, elles pourront tout dire, elles ne voudront plus rien dire.

    La pensée a une réalité certaine et un grand pouvoir, elle est capable de connaître l’harmonieuse beauté des choses, d’explorer le monde concret et de saisir la vie objective. Et cette harmonie est là ; elle nous précède, elle nous dépasse, elle nous subjugue par sa force. Harmonie, beauté, absolue richesse, idéal de sagesse, noblesse de l’être, ces diverses « notes » se ramènent à celle d’intégrale pureté. Or, la pensée la plus haute, la pureté intellectuelle et spirituelle parfaite, la pureté consciente et délibérée absolue, porte le nom de DIEU. De même, l’espace intelligible est l’espace de l’intelligence. L’espace est la connaissance. Ainsi, la philosophie exprime un cheminement, elle reflète un itinéraire – l’itinéraire d’une pensée. Elle est aussi constamment animée par une théorie de la connaissance très ouverte, libre, méditante et rigoureuse. Elle témoigne d’une sorte d’allégresse intellectuelle. Il faut également souligner avec insistance l’absurdité qu’il y a à vouloir mettre la vraie philosophie en harmonie avec l’esprit de notre temps. Une vraie philosophie imprègne et informe tout le climat culturel de son époque. Mais une vraie philosophie peut avoir aussi un caractère universel et en même temps, enthousiasmer et rassurer les contemporains. Philosopher, c’est donc consentir à réfléchir ; c’est-à-dire, c’est rendre la réflexion possible, c’est affirmer l’intentionnalité de la conscience, affirmer que la pensée existe et que les choses aient un sens communicable à notre réflexion. L’être est notre première intuition-abstractive qui nous fait connaître confusément la métaphysique. La réflexion découvre l’être, elle découvre le réel qui la constitue. C’est dans ce dynamisme intense que s’élabore la pensée métaphysique.

    2. LA PENSÉE EN CRISE

    Un des signes les plus alarmants de la modernité est la crise de la pensée, c’est-à-dire en fin de compte la crise de la philosophie. En effet, la philosophie actuelle est en proie à la plus grave crise de son existence – ni plus ni moins : crise de la culture, crise de la pensée, crise des idées. Crise de vision du monde par une société qui oublie toujours le plus important pour le plus immédiat et le plus facile. La vie de l’esprit est en crise. Alors que la réflexion est l’atmosphère de la vie spirituelle. Est-ce la fin de la philosophie ? M. Heidegger en parlait déjà dans La fin de la philosophie et la tâche de la pensée. La philosophie anglo-saxonne est engluée dans la pensée analytique et la pensée continentale, dans la pensée de l’immanence. Et entre les deux, il y a la pensée ésotérique, magique, fantastique. Toutes les trois sont de nature athée. Ne parlons même pas de la métaphysique qui est devenue archaïque, démodée, une espèce de parasite de la philosophie prétendue moderne, un vieil héritage des anciens. Les programmes de philosophie dans l’enseignement sont malmenés ou supprimés. La science positive est devenue le seul paradigme du savoir. Cependant, on organise encore de nombreux colloques et congrès philosophiques et on publie de nombreux ouvrages. Mais attend-on encore de la philosophie qu’elle fournisse les bases d’un système de vie ou de sagesse dans les relations des hommes entre eux et dans les relations de l’homme avec le cosmos, avec la nature ? Les facteurs idéologiques continuent de jouer un rôle important. Et l’idéologie n’a plus rien à voir avec la science. Il ne s’agit plus d’un problème intellectuel, mais d’un problème d’ordre existentiel chargé d’une signification éthique majeure. Depuis toujours, les richesses spirituelles et culturelles apportent à l’humanité un enrichissement proprement appelé « progrès ». Mais ce qu’on perçoit aujourd’hui, c’est une menace sur l’humain, un appauvrissement dépersonnalisant de tout ce que nous pouvons vivre de beau et de grand, conduisant inexorablement à une déchéance tragique de l’humanité.

    3. MAIS DE QUOI S’AGIT-IL QUAND NOUS PARLONS DE MÉTAPHYSIQUE ?

    La métaphysique parle-t-elle de l’homme ? Oui.

    Parle-t-elle du monde ? Aussi.

    Parle-t-elle de Dieu ? Bien entendu.

    La métaphysique aime parler de la connaissance et de la vérité. Le fondement de la métaphysique est Totalité. La métaphysique n’a de sens qu’au sein du Tout : sans totalité, parler de métaphysique n’a plus de sens.

    Mais depuis, Kant, Nietzche et Marx, la modernité culturelle a effacé toute représentation métaphysique. Une pensée qui s’y réfère tombe immédiatement dans l’incompréhensible, dans l’absurde, puisque la métaphysique a perdu sa raison d’être. Ils ont proclamé à haute voix que le rationalisme était la seule vraie philosophie ! Autant d’absurdités que de théories. Ainsi, la fin de la métaphysique a engendré un comportement nouveau concernant la culture, les arts, la pensée, voire même la vie spirituelle et morale, la théologie. Car comment affirmer le définitif, l’essentiel dans une temporalité coupée de son support d’éternité. La fin de la métaphysique a également généré un processus de réduction du réel et d’effacement de Dieu. Le résultat a été digne de l’entreprise ; au lieu de la vérité on n’a trouvé que le doute ; on a eu de plus en plus de vide dans la pensée, le vide dans le cœur, le vide dans la vie et aussi le vide dans le bonheur. Cet effondrement métaphysique a ébranlé tout l’horizon philosophique de l’homme et l’a entraîné dans une spirale de la négation. La négation est obscure, c’est la nuit de la pensée. Bien entendu, quand nous parlons de philosophie, nous parlons de la vraie philosophie, la philosophie complète, celle qui cherche à révéler les secrets du monde invisible et la nature métaphysique de l’être ; du fini et de l’infini et de leur rapport. Mais la métaphysique, tel le phénix, renaît de ses cendres. Car l’oiseau sacré ne meurt jamais. La METAPHYSICA ne peut pas mourir, pas plus que la raison humaine, pas plus que la pensée profonde, parce qu’elle est pure, universelle et pérenne. La totalité est claire et lumineuse. La lumière métaphysique ne résulte jamais d’un seul terme, mais de plusieurs dont l’intelligence saisit le rapport et l’unité.

    L’idée d’unité est l’idée même de l’être, l’idée de totalité, l’idée d’infini. Mais l’idée d’unité est aussi celle d’universalité et l’universalité se fonde sur l’unicité. Tout est dans un, un est en tout. Et la raison en est bien simple : c’est que l’être est la révélation ontologique première du réel. L’être est une totalité universelle, d’une « universalité concrète ». L’être en tant qu’être est total, les étants sont particuliers. Mais comme disait Hamlet : « Il y a beaucoup plus de choses dans le monde que nous ne réussissons à en mettre dans notre philosophie ». Toutefois, c’est la vérité de l’être qui s’élève jusqu’à la lumière. Cette vérité de l’être est la vraie splendeur, elle est infinie et dont le sens complet et profond est réservé à l’éternité.

    La vérité seule est connaissance et sagesse. La vérité de l’être est donc éternelle, elle fait partie de la lumière, comme le chaud, la science, la force, la grandeur, la vie, la beauté, etc. Cette vérité de l’être soutient tout l’édifice de la raison. Elle est une recherche, une découverte, une sagesse, elle est la clef de la véritable connaissance. Elle relève continuellement la raison et élève la personnalité humaine. Ainsi, la métaphysique est toujours à la recherche de la vérité de l’être, elle aura toujours quelque chose à découvrir, à distinguer, à aimer. Une vérité découverte ne détruit jamais une vérité précédente, elle ne détruit que les erreurs et s’ajoute aux autres vérités pour continuer l’édifice. C’est pour cela que la grande métaphysique est éternelle. Ce serait une folie que de vouloir immobiliser l’intelligence humaine, elle doit éternellement monter au sommet de l’infini. Ainsi va la connaissance.

    Il importe également d’exprimer le domaine de l’immuable qui est celui de Dieu. En effet, dans l’idée immuable de l’être, de l’unité ou de l’infini, Dieu se voit. Dans la vérité de l’être, Dieu se manifeste. C’est pourquoi, la question de la vérité de l’être est première, puisqu’elle est le fondement de tout l’édifice intellectuel. Dieu sait que l’intelligence a besoin de s’exercer et il lui laisse la vérité de l’être. L’être est une unité de liaison entre l’infini et le fini, entre l’absolu et le relatif. Véritablement, l’être est relationnel et l’intelligence spontanée est une vivante relation à l’être. La pensée ne s’élève à l’absolu qu’en passant par l’être et inversement, elle n’atteint l’être en vérité qu’en l’atteignant dans l’absolu. C’est l’abstraction qui dessine la pensée, c’est l’imagination qui la colore, mais c’est l’idée de l’infini qui la vivifie.

    Aujourd’hui, la métaphysique comme dimension supra-sensible de la destinée humaine, comme projet théorique de l’essence de la vie et comme vision totale des relations de l’être, est désormais supplantée par les sciences positives appliquées. Apparaissent alors des conceptions style New Age, théosophie, astrologie… Aujourd’hui, ce déclin de la métaphysique est fatal à l’homme. L’homme moderne semble confronté à trois types de ruptures : rupture entre lui et Dieu, entre lui et la nature, entre lui et ses semblables. L’homme contemporain est même en rupture avec lui-même ! On atteint là une sorte de point de non-retour philosophique. La démarche philosophique actuelle est très réductrice. Il ne s’agit plus de s’interroger sur le grand réel, mais plutôt sur une réalité phénoménale, naturaliste ou matérialiste. Un philosophe moderne suppose qu’il n’y a rien au-delà de ce que la raison peut saisir. La métaphysique (la vraie) est une explication du (grand) réel strictement rationnelle. Son objectif est de communiquer avec toute raison y compris d’un non-croyant. Dieu, le monde et l’homme demeurent des thèmes premiers. La finalité de la métaphysique est d’expliciter, de développer ce sens initial de la totalité. Ne penser à rien et ne pas penser. Tel pourrait être le slogan de notre époque. Ce dénigrement est inacceptable ! Car si la nature même de la pensée ne peut être la passivité, elle doit être l’activité, mais une activité objective, sans préjugés et sans détour. La représentation métaphysique, parce qu’elle a prétention de globalité et d’universalité, offre un questionnement riche et fondamental à la pensée humaine, dans la double perspective du sens de l’existence et du sens de la vie. Cela dit, la métaphysique peut mourir, le métaphysique est immortel. Et les théories métaphysiques sont toujours en-deçà de la vraie métaphysique. Telle est également l’austère grandeur de la METAPHYSICA PERENNIS : jamais on ne la dépasse parce qu’on n’a jamais fini de la rejoindre. En effet, le Monde, la Philosophie et Dieu sont toujours en deçà d’une connaissance complète ou absolue et que le Monde, la Philosophie et Dieu sont toujours au-delà de toute connaissance effective. Ainsi donc, la philosophie ne sera jamais achevée. En cette matière, comme en la plupart de nos raisonnements philosophiques touchant les esprits, nous devons nous limiter aux principes généraux : par la nature même des choses, les détails nous échappent.

    4. LA RECHERCHE MÉTAPHYSIQUE

    La philosophie n’est pas d’aujourd’hui, elle était hier, elle sera demain, elle est pérenne. Quant à la métaphysique, elle est un univers fabuleux, extraordinaire, une fois entré, on n’en sort plus. En fait, la métaphysique repose sur un seul principe, l’unité dans la variété (l’un multiple ou l’unité-pluralité, l’un-autre). Ainsi, exprimer quelque chose de la grande affection qui m’unit à la métaphysique, mettre en relief toute sa richesse et sa profondeur et souligner toute son importance et sa pertinence pour la pensée philosophique comme pour la culture dans son ensemble, voilà une bonne introduction à cette « philosophie vraie, réelle et totale » qui anime toute ma recherche depuis des années. « L’arbre de la philosophie croît du sol nourricier de la métaphysique »{1} disait Martin Heidegger. En effet, comme l’avait perçu Leibniz, toute philosophie s’origine dans la question métaphysique du pourquoi : pourquoi y a-t-il quelque chose et non pas rien ? La métaphysique est donc la science des fondements qui s’efforce d’appréhender « l’être en tant qu’être »{2}. Dans sa quête de l’Être, la métaphysique se heurte à son devenir. Le réel est d’une richesse qui dépasse la prise de l’esprit humain. L’intérêt métaphysique ne porte pas d’abord vers la richesse et la complexité de l’être réel, que nul intellect humain ne peut d’ailleurs embrasser d’une seule intuition. Mais c’est dans le désir de connaître qu’il faut saisir d’abord la première révélation de la tendance métaphysique. Même si la métaphysique semble abstraite, immatérielle et aride, elle est extrêmement précieuse : elle sous-tend la connaissance de tout le dehors du réalisme matériel comme tout le dedans du réalisme spirituel. La vérité fondamentale et sans laquelle toute métaphysique est vaine, c’est l’affirmation et la richesse de l’être. Un fait est certain : l’être est libre, c’est l’esprit qui ne l’est pas. L’être est acte, l’esprit est relation. L’être concret est acte, car il implique, de soi, la réalité, la permanence, l’actualité, l’activité, la puissance d’opération, la beauté. C’est dire que la réalité de l’être concret est pénétrée de valeur. L’acte suit donc l’être concret. Il y a aussi une relation ontologique de l’esprit à l’être et de l’être à l’esprit. C’est la relation ontologique réciproque.

    Mais l’esprit qui se fait esprit comporte aussi une exigence de profondeur. Celle-ci s’annonce dans la proportion de l’esprit à la vérité, s’éclairant, se traduisant à la lumière de l’être. C’est dans la relation à la vérité que l’esprit trouve sa consistance, son unité, son intériorité. Cette préoccupation constante de la vérité est au cœur de la pensée profonde et de la dignité de l’esprit.

    La vérité métaphysique est la manifestation de l’être. Et c’est par la manifestation de l’être que nous pensons la vérité. La manifestation de l’être devient donc le sens de la vérité. Sous cet angle, la vérité devient une proportion à l’être, un rapport essentiel de l’être à l’esprit. C’est dire également que la pensée métaphysique n’est pas un abstrait de l’être, elle est la présence de l’être dans l’esprit. Il s’agit d’une véritable présence ontologique. L’esprit métaphysique s’exprime dans la conscience même que nous prenons de notre relation à l’être. La conscience est une présence, présence de l’esprit à lui-même, présence de l’être à l’esprit, présence de l’être : présence existentielle, enveloppante et signifiante, présence révélatrice de la valeur de l’être, présence toujours éclairante par elle-même. C’est dire que quand la pensée pense vraiment, c’est l’être qu’elle pense, et quand l’être se présente vraiment à la pensée, il ne le fait qu’à la pensée vraie. La conscience de l’être constitue ainsi la première expérience métaphysique. Mais c’est l’expérience du moi qui est la première découverte philosophique. C’est pourquoi, la philosophie est la science humaine de la conscience, au sens strict et intégral. Il y a un lien de la conscience à l’être ou de l’esprit à l’être. La conscience est projective, parce qu’elle est objective, parce que son intentionnalité est objective. Mais ce que la conscience vit réellement est son contenu réel. Cela signifie surtout que la conscience a prise sur la signification de l’être et par là sur l’être lui-même. Cette signification est constituée par la conscience à travers laquelle l’objectivité de l’être se manifeste ; mais de telle manière que la signification propre de l’être soit mise en valeur. La conscience projective consiste précisément à saisir l’objectivité comme un tout. Et la seule manière de rejoindre l’objectivité est de persévérer dans la recherche. Le cri de la conscience objective est toujours : l’être était là et je ne le savais pas. C’est l’oubli ou l’ignorance de l’être. C’est le scandale de la conscience ! L’homme qui ne voit pas l’être ne voit pas le monde et l’homme qui ne voit pas le monde n’a pas un grand amour de l’humanité.

    D’autre part, la question de la vérité de l’être est la question même de la métaphysique. En effet, « la vérité de l’être » : tel est le problème que doit affronter la réflexion métaphysique. Problème considérable, aussi vieux sans doute que la philosophie. Cette vérité donc, la pensée métaphysique la cherche dans l’être, avec la cohérence de l’être, qui toujours se réfère au réel, à la totalité. C’est dans la totalité que nous pouvons atteindre la vérité. Ainsi, l’essence de la vérité est d’être une révélation de l’être, une épiphanie de l’être en sa plénitude. En ce sens, la clarté intelligible de la vérité est la manifestation objective de l’unité de l’être. Il est évident aussi que la reconnaissance de l’absolu est impliquée dans la recherche de la vérité. L’absolu est implicitement la reconnaissance de Dieu. Finalement, la méditation métaphysique trouve son achèvement dans la méditation spirituelle. Car quand nous allons vers l’être dans toute sa plénitude, nous nous élevons à Dieu dans une démarche spirituelle et religieuse. Toutefois, la vérité est très tôt conçue, non pas tant comme l’adéquation, qui en est une version seconde et pour ainsi dire dégradée, que comme l’accord, le plus généralement harmonique, de la pensée humaine à ce qui est sensé se tenir comme son dehors. La difficulté, on le sait, est immédiate, puisqu’il n’y a pas d’autre moyen pour la pensée d’accéder à son dehors que la pensée elle-même. Cela se traduit aussitôt par le fait que la pensée ne peut reconnaître son dehors sans l’avoir préalablement identifié, ce qu’elle fait en le pensant comme « être » ou comme « réalité »{3}. C’est là que se situe l’intentionnalité essentielle de la pensée vers l’être. La réalité devient alors une présence dans la conscience. La conscience se retrouve dans la présence subjective et dans l’être qui lui est offert. Il s’agit là d’une présence fondamentale du moi à l’être et de l’être au moi. C’est-à-dire que la conscience remonte graduellement vers elle-même, elle dépasse la subjectivité et dans cet approfondissement, elle reconnaît son rapport à l’être, à l’autre. C’est la double présence toute pure : celle de nous-même et celle de l’être. L’être seul répond à l’exigence fondamentale de l’esprit{4}. L’exigence de l’esprit est aussi un besoin de rendre l’être présent à soi, c’est une exigence intérieure, réflexive, métaphysique. L’être nous conduit à la découverte du moi et de l’autre.

    Ainsi, l’élan métaphysique ne connaît aucune rupture de l’esprit à l’être et de l’être à l’esprit. La métaphysique ne se détourne pas du réel, elle donne sens à la présence, en reconnaissant l’être en ce qu’il a de concret, de fondamental et de spirituel. La métaphysique de l’être est aussi une métaphysique spirituelle. En effet, pour accueillir l’être dans sa richesse et sa valeur, l’esprit doit effectuer un véritable détachement à l’égard de l’immédiat, des sollicitations trop particulières du concret. Tous ces liens qui empêchent l’esprit de s’ouvrir vraiment à l’appel de l’être, de l’accueillir dans sa vérité. Le seul vrai maître est intérieur. La vérité est reconnue dans le miroir de l’être. C’est pourquoi, la recherche de la vérité est un impératif essentiel de la raison humaine. La vérité est une rationalité réelle et une réalité rationnelle. La vérité est bien relative à l’absolu mais pas un absolu détaché du réel. La connaissance est ainsi accueil de l’être mais aussi approbation. Et dans l’amour de la connaissance, la vérité de l’être est accueillie dans la plus grande amplitude. L’âme métaphysique sait reconnaître la valeur du réel, sa profondeur, sa diversité, sa véritable richesse, qu’occulte totalement l’approche réductrice de l’entendement. Assurément, la métaphysique fondamentale est éthique. Elle est recherche active de la vérité : vérité de l’être, vérité du réel, vérité de la connaissance. L’être est non seulement la demeure de l’intelligible, mais il est également la demeure de l’âme. Et c’est dans l’intériorité que nous avons la manifestation la plus haute de l’être. Car le sommet de l’être, c’est l’amour ; et l’amour est lui-même le sommet de l’éthique. L’amour, en effet, affirme à la fois la proportion de l’esprit à l’être et la nécessité de poursuivre la difficile conquête de l’être intérieur. L’amour nous livre l’être. L’amour est accueil de l’être. L’amour seul comprend l’être. C’est pourquoi, l’amour dans l’être est fondamentalement spirituel, métaphysique et religieux. Bien entendu, l’amour est également de la réalité sensible car la présence de l’être est aussi une perception immédiate que nos sens nous livrent et une révélation extérieure et intérieure. Dans cette optique, la racine de la connaissance est l’être intérieur et extérieur.

    Négliger le monde au profit de l’esprit est une erreur. Négliger l’esprit au profit du monde est une ingratitude. Car les deux sont nécessaires pour soutenir notre pensée dans l’existence. L’existence suit l’être. Elle est l’entrée dans l’être. Elle devient alors une manifestation de l’être. L’être de l’existence est donc d’être relatif à l’être.

    L’amour est un moteur : moteur de la vie, moteur de l’humain, moteur de l’intériorité. Cependant, les exigences de l’amour et celles de l’esprit ne s’harmonisent qu’en Dieu. En l’amour se rejoignent, dans la même clarté, le spirituel et le métaphysique. L’amour est alors assentiment à l’être, reconnaissance de la présence, de la consistance et de la profondeur de l’être. Ainsi donc, comme on le voit ici, la métaphysique est avant tout une science, une et indivisible ; elle est la « philosophie par excellence », la « philosophie première », comme disait Aristote, la philosophie au sens strict. Aussi, dans son effort d’interprétation du réel, la métaphysique aboutit à une théorie de la relation, de la réalité concrète ; elle ne veut négliger ni l’intimité du singulier ni l’universalité de l’être. Elle ouvre également la voie à une théorie de l’unité, de la multiplicité, de l’essence, de l’intériorité, de l’altérité. Toutes ces théories qui s’élaborent à la lumière de la grande métaphysique, ont pour objectif l’interprétation ontologique du monde physique et du monde humain, tels qu’ils sont donnés dans notre expérience. Ainsi, l’espace qui appartient à la métaphysique est l’espace de l’esprit et l’espace de l’esprit est réel, fini et infini. La vérité immuable de la métaphysique est la liberté de l’esprit. Et dans cette liberté de l’esprit s’identifie toute l’expérience humaine. Cette liberté de l’esprit est colossale, car elle est à la fois divine et humaine. Il en résulte que la raison a comme un sens de l’éthique et de la spiritualité.

    5. RETOUR À LA MÉTAPHYSIQUE : LA PHILOSOPHIE PURE, LA PHILOSOPHIE PREMIÈRE

    Le fondement de la métaphysique est « totalité ». La métaphysique n’a de sens qu’au sein du Tout : sans totalité, parler de métaphysique n’a plus de sens. Ce « Tout » est une réalité intégrale et unique parce qu’il est l’image de l’infini, image de l’être infini. D’où la nécessité pour le philosophe de ne jamais perdre le point de vue du « tout » et de « l’unité ». Or, aujourd’hui, la totalité, l’unité ont tragiquement disparu de l’horizon humain et culturel. Totalité éclatée, notre monde moderne a perdu sa profondeur et son unité qui reposaient sur la reconnaissance de la valeur de l’être. Cette valeur est révélée dans sa plénitude par l’harmonie du réel. L’unité, la diversité et la richesse de l’être précisent cette valeur, cette harmonie du réel. Cependant, qu’on le veuille ou non, le vide métaphysique caractérise notre monde contemporain.

    L’effacement de l’être est une conséquence de l’effondrement métaphysique. Cet effondrement métaphysique ébranle l’horizon philosophique de l’homme et l’entraîne dans une spirale de la négation. Remarquons également que toute conscience humaine renvoie à l’être, présent en nous comme à tout le réel. Et l’être n’est pas ce lointain, comme il pouvait le sembler immédiatement. Sa proximité réelle est révélée par le recueillement, la pensée profonde. Par celle-ci l’affirmation trouve sa précision, sa pureté, sa souplesse{5}. Dès lors, prétendre découvrir la réalité ou la vérité, l’on est tenu de philosopher. Il y a des philosophies qui élèvent la connaissance humaine et d’autres qui l’abaissent. Aujourd’hui, il y a une grande indigence philosophique : la raison ne croit plus à elle-même ! Le morcellement tient aujourd’hui la plus grande place dans le monde philosophique.

    Il s’agit donc de faire renaître la métaphysique, cette grande métaphysique que beaucoup ont voulu écarter sous prétexte qu’elle était abstraite, insensée, illusoire. Cette métaphysique fondamentale qui a été aussi bannie par la philosophie analytique. Il va sans dire que la véritable métaphysique est immortelle car il faut y voir l’étude d’un objet qui est en quelque manière « au-delà de la physique », c’est-à-dire au-delà du phénomène, du partiel et de l’apparence sensible… L’idée de métaphysique est indissociable de la pensée profonde. Aussi, c’est sur l’idée de totalité qui est, sous une autre forme, l’idée de l’infini, que repose toute la grandeur de la métaphysique. Toute l’intelligibilité de l’être, dans sa resplendissante plénitude, est une perfection du réel et une pure objectivité inscrite dans la nature universelle de l’être : c’est l’affirmation de l’universelle intelligibilité. Cette universelle intelligibilité s’établit par l’unité de l’être. Ce qui fait la valeur d’une philosophie est ce qu’elle nous fait saisir du réel. La philosophie est une explication du réel strictement rationnelle. Son objectif véritable est d’éclairer sur les mystères de la nature et de l’homme.

    C’est donc dans l’interstice entre le connu et le mystère, qu’il y a place pour la philosophie. Aussi, les grands philosophes lancent des appels à la pensée, pour préserver l’homme… et l’humain ! Car sans la préservation de l’humain la raison est insignifiante. Il s’agit d’une question essentielle pour l’avenir de la philosophie et pour celui de la société. Véritablement, la réflexion métaphysique est née lorsque des hommes ayant saisi l’unité profonde du réel en dépit de son extrême diversité apparente, ont cherché à comprendre la nature de cette unité. Le réel, c’est l’existence absolue ; c’est l’unicité et l’unicité, c’est l’identité absolue. Autrement dit, le réel est hautement philosophique et métaphysique. Toutefois, par quelque biais que nous abordions le mystère du réel, la difficulté demeure, avec toutes ses conséquences dialectiques et philosophiques. Mais quand on considère le réel dans sa globalité, on s’aperçoit que la difficulté tend à se transformer en convenance métaphysique. Cette convenance métaphysique est, en fait, originellement ou continuellement, une potentialisation métaphysique, c’est-à-dire une profondeur métaphysique. Et dans la profondeur métaphysique, on entrevoit en clair-obscur une foule de vérités, une foule de mystères. Mais le mystère a toujours quelque chose d’unique comme la vérité. En d’autres termes, la métaphysique est aussi bien lumière qu’obscurité, mais elle se distingue de l’obscurité par son atmosphère lumineuse produite par son pouvoir universel, intellectuel et spirituel. Et cette métaphysique-là, je l’aime comme une fiancée… toujours belle… toujours gracieuse… toujours pure… toujours fringante ! Oui. Car pour entrer en métaphysique, il faut être amoureux. D’abord, il faut être amoureux de la métaphysique elle-même ; ensuite, il faut être amoureux du cosmos, de l’être, de la vie, de la beauté, de la vérité, de la pensée réflexive et de la réflexion. Enfin, il faut être amoureux de tout ce qui est spirituel et universel. Et ce qui est peut-être le plus touchant, c’est qu’on aime présenter à tout le monde celle qu’on admire. En vérité, la métaphysique est une grâce de l’âme. Car même si la métaphysique est considérée aujourd’hui comme un mythe, une fiction ou comme le monstre du Loch Ness qui effraie, elle demeure l’amie de l’esprit. L’amour sert souvent de frein à la raison, il nous fait apparaître tous les dangers de la logique. La sagesse métaphysique est une sagesse d’esprit, elle embrasse tout dans son unité. Aussi, pour que la lumière soit, il faut du vide dans notre cœur, de l’espace dans notre esprit, il faut la faille et il faut le temps.

    C’est paradoxal, mais nous ne sommes jamais tant humains que quand nous ne nous protégeons pas frénétiquement de nos fragilités et de nos faiblesses. C’est une constatation lucide. Dans l’incertitude, la pensée prend toujours la forme d’un espoir. Enfin, les révoltes modernes et contemporaines contre la métaphysique sont une manifestation et un reflet de l’attitude d’une raison délestée de toute profondeur et de toute sagesse réflexive. Et quand une pensée manque de profondeur, le risque est grand de laisser lieu à l’arbitraire et de renoncer à témoigner du vrai. Il existe en effet un rapport étroit entre notre dignité personnelle et notre liberté de rechercher la vérité, qui seule peut donner son vrai sens à notre vie. Celle-ci ne serait qu’une épouvantable tragédie si elle devait en définitive sombrer dans l’inexactitude concernant l’Être. Négliger les aspects les plus fondamentaux et les plus essentiels de la vérité et de la vie, conduit immanquablement à une dislocation du sens impliquant la raison en ses trois figures fondamentales et en lesquelles se distribue l’unité de sa destination : la raison comme compréhension – du monde, de l’existence, d’elle-même, du réel en totalité –, la raison comme devoir, par rapport à la tâche d’instauration qui lui est confiée –, la raison comme espérance, c’est-à-dire par rapport à un accomplissement qui, d’une certaine manière dépend d’elle-même et qui, pourtant, en un sens plus profond, est cet espace qui lui est accordé comme le lieu de sa destinée authentique{6}. Sans oublier que la vie, la vérité et l’amour sont le pivot et l’atmosphère de notre vie spirituelle.

    Les vérités les plus fondamentales seront alors saisies par le fond le plus intime du moi afin d’en étudier la grandeur, la richesse, l’amplitude.

    Toutefois, nul ne peut nier que nous assistons à un déclin de la pensée, de la philosophie, en général. Comparée à la philosophie de Platon, d’Aristote, de Plotin, d’Avicenne, de Thomas d’Aquin ou de Descartes, la philosophie actuelle semble « du pipeau », des bulles éphémères. Cela signifie que la connaissance philosophique, la réceptivité, la profondeur d’intuition, sont abandonnées au profit des nécessités purement pragmatiques de l’existence. Je suis incapable de vous citer un « grand » nom de la philosophie actuelle. Peut-être Marcel Conche ? Une grande philosophie se caractérise par son degré de profondeur et sa qualité d’analyse, sa globalité de vision et sa cohérence d’ensemble.

    Ce qui fait la valeur d’une philosophie est ce qu’elle nous fait saisir du réel. Il est évident aussi que le monde de l’image s’est substitué au monde l’idée. Mais n’oublions pas que l’image est liée à l’idée conformément aux exigences de l’intelligence humaine. L’attitude juste, pour le philosophe, est d’interroger inlassablement la plénitude de l’être pour tenter de compléter la « thémacité » de la vérité par des mises au point, des différenciations et des découvertes nouvelles. Et cette plénitude de l’être nous conduit au-delà des phénomènes, de l’apparence, de la représentation. C’est pourquoi, la métaphysique nous aide à voir la réalité dans une lumière nouvelle et enrichie d’une pleine intelligence. Aussi, un philosophe vrai ne propose pas une « philosophie fiction », mais une philosophie qui implique une croissance et qui conduit nécessairement à un niveau supérieur d’existence, à un éveil essentiel. La métaphysique ne tend qu’à une saisie nouvelle de l’existence. Son effort tente de découvrir la réalité ultime des choses. Elle nous fait « rejoindre » ce qui est métaphysique et fondamental au principe de notre être. Elle nous permet de discerner la dimension métaphysique et spirituelle de notre être.

    6. LA RECONNAISSANCE DE LA VALEUR DE L’ÊTRE

    De toute évidence, l’humanité vit dans un climat d’inquiétude. Dans ce monde où sévissent à la fois la brutalité et la stupidité, le problème de la peur se pose. Cependant, l’humanité ne compte pas sur la sagesse. Elle ne compte pas plus sur l’intelligence. L’orgueil, qui est idolâtrie, n’y croit pas ; il est même un obstacle permanent à la connaissance, parce qu’il se glisse partout. Ce qui fait obstacle est toujours une idolâtrie dans laquelle entre de l’orgueil et par l’orgueil se glissent la méchanceté et le mépris. Ce qui manque à l’humanité, c’est une reconnaissance de la valeur de l’être vers laquelle tend l’esprit. Cette reconnaissance est une forme d’attention, de confiance et de générosité. Elle n’est accessible qu’à la réflexion, elle ne se révèle que dans la profondeur de la conscience, qu’au terme d’un cheminement intérieur. Si tout être a une valeur, une dignité, c’est qu’il est uni à notre destin ; il est notre éveil, notre avènement et, peut-on dire, notre salut. Le déchirement de l’être, notre monde morcelé est la cause fondamentale de tous nos maux. Enfin, la métaphysique n’est rien si elle n’est d’abord et avant tout une vision, un effort intérieur, un amour de la connaissance. Mais peut-être aussi que l’homme désire voir avec l’œil de Dieu, est-il alors l’audacieux idéal du métaphysicien ou est-ce tout simplement le mythe de Prométhée revisité ?

    7. L’UNITÉ MÉTAPHYSIQUE

    D’un autre point de vue, les vérités les plus profondes se mûrissent dans la réflexion bien plus qu’elles ne se démontrent par la dialectique. Et la réflexion est un effort constant. Cependant, le discernement domine « l’oubli de l’être », il est la forme de l’affirmation métaphysique{7}. L’affirmation métaphysique est la proportion de l’être à la vérité intelligible. Le discernement permet d’affirmer la vérité de l’être et de l’intelligible. C’est dire également que l’intelligence et l’intelligible ont partie liée. L’intelligible est uni au destin de l’intelligence.

    Enfin, la vérité de l’être a des implications ontologiques et métaphysiques importantes. Et au-delà de la vérité de l’être qu’y a-t-il donc sinon la connaissance de Dieu ? Et cette connaissance de Dieu est théologique parce que théologale, c’est-à-dire qu’est théologale la connaissance dont Dieu en lui-même est l’objet propre et le principe immédiat. C’est pourquoi un double principe inspire l’unité métaphysique : ne pas séparer l’ontologique de la philosophie ; ne pas séparer le théologique de la métaphysique. Finalement, c’est la pensée théologique qui rend créatrice la pensée métaphysique. Cette assomption théologique, génératrice d’une métaphysique intégrale, authentique, vise non seulement à mettre en lumière la réalité absolue de l’être, mais exprime également une somptueuse métaphysique de l’esprit. Il en va ainsi. L’unité de la métaphysique est l’unité divine en sa source, de l’emprise créatrice de l’être, de la vie se saisissant de notre esprit. Car l’éveil de la réflexion métaphysique est cette saisie vivante et vivifiante de l’esprit par l’être et de l’être par l’esprit. C’est pourquoi la métaphysique authentique révèle et renforce la vérité universelle, c’est-à-dire l’unité originelle, de la métaphysique existentielle. En fait, Dieu est au point de départ de la théologie et au point d’arrivée de la philosophie{8}.

    Le philosophe regarde le monde et, s’il regarde bien, ses yeux y découvriront la trace de Dieu ; le théologien regarde Dieu et, s’il persévère dans sa contemplation, il découvrira le monde que Dieu a créé dans son amour. La métaphysique fondamentale recherche, dans les choses, la racine du réel, une source, un principe constitutif antérieur à la nature universelle. Cette métaphysique fondamentale est théologale parce qu’inclusive et concrète. Elle recherche le mystère de la Présence créatrice. Dans cette optique, l’exercice de la raison humaine renforcée par la lumière de la foi n’est pas un exercice purement rationnel, mais théologal, parce que l’influence de la foi s’exerce à la racine même de la réflexion métaphysique. Et le théologal par excellence, c’est Dieu lui-même, « Unité originelle » de la conscience et de la vie, de la connaissance et de l’amour. Cependant, le théologal se situe également sur le plan de l’être, plus exactement sur le plan de l’être réel.

    Cela dit, le théologal précède la spécification théologique et s’achève en théologique. Parce que le théologal authentique caractérise l’exercice d’une activité spirituelle ; le théologique, au contraire, sa spécification. C’est pourquoi, la perspective théologale de la métaphysique, c’est justement de retrouver la vérité d’une métaphysique vraiment universelle, intégrale. Considérée en elle-même, la réflexion métaphysique est un acte privilégié de connaissance. Tantôt dans le sens profond de réflexion intériorisante. Tantôt dans le sens intense de réflexion sur le sens des valeurs humaines. La réflexion métaphysique est une réflexion totale sur la vie et le réel. C’est l’intelligence qui se met à penser. C’est le réel qui se fait connaître. Ce qui signifie que la connaissance n’est pas en dehors du réel, elle n’ajoute pas à lui, mais elle éclot sous son emprise. La connaissance s’éveille au sein de notre monde, elle devient alors expérience humaine, fruit de la plénitude universelle de l’être. Le cercle de la réflexion métaphysique, c’est le cercle de la connaissance s’achevant en sagesse et en liberté. C’est un « cercle » théologal de la réflexion concrète et totale. Et c’est la totalité qui fonde les principes de la métaphysique. C’est dire que la totalité joue un rôle décisif dans la métaphysique. Qu’on le veuille ou non, le fragmentaire et le dérisoire dominent le monde intellectuel et culturel marqué du signe du relatif et de l’éphémère.

    Au commencement était l’amour, car l’amour commence toute chose. L’amour mène, en quelque sorte, à la réflexion métaphysique. Mais c’est finalement Dieu que découvre la réflexion métaphysique et « en Dieu », dans la lumière de la foi, l’acte de réflexion qui prend conscience de la vie, se laisse complètement envahir par la montée de la vie ; la réflexion métaphysique est alors la vie qui, en devenant pleinement consciente, s’achève en amour. Amour de l’être. Amour de la vie. Amour de la vérité. Ainsi, « en Dieu » et dans la foi, la raison s’épanouit alors en une raison « pleinement rationnelle » et la réflexion en une réflexion « pleinement philosophique », « pleinement humaine ».

    Tout cela nous amène à tenter d’expliquer une autre question capitale : les rapports de la pensée à la connaissance. En effet, le sphinx de la destinée humaine s’est dressé devant l’homme aussitôt que l’intelligence s’est éveillée à la réflexion ; et depuis ce jour, de génération en génération, en tout temps et en tous lieux, le genre humain est venu se briser là dans le désespoir et l’impuissance. Que de théories, que d’interprétations politico-idéologiques, que de bruits, que d’enthousiasme, quelle gloire et quel néant. Quel désenchantement !

    Y a-t-il un point de l’intelligence qui n’ait été exploré, un principe dont on n’ait usé et abusé ? Matérialisme et spiritualisme, idéalisme, dogmatisme, logicisme, sensualisme, positivisme, scepticisme, déisme, athéisme, etc., tant d’autres systèmes innommables dont le souvenir encombre encore les mémoires nous défient bien de trouver dans l’esprit une profondeur qui n’ait été retournée, une certitude qui n’ait été fouillée, un argument qui n’ait été analysé. Tout a été essayé, remué, retourné, disséqué, épuisé, généralisé, affirmé et nié. Sur cet amoncellement d’efforts où l’humanité a dressé toute la somme de son génie et de son opiniâtreté, l’humanité s’attendait à voir s’élever en définitive un monument solide et inébranlable. Mais non ! Ce sont toujours les mêmes contradictions qui reviennent, les mêmes anomalies et les mêmes mouvements instinctifs qui se répètent, les mêmes absurdités qui choquent, les mêmes erreurs qui se renouvellent. Et maintenant notre intelligence ne ressemble plus qu’à une cité détruite, trop petite pour contenir le trop plein de haine et de mépris, trop petite aujourd’hui pour contenir la ruine de nos passivités et de nos passions.

    En outre, certains raisonnements et certaines pensées n’ont servi qu’à exagérer les contradictions, multiplier les antinomies, obscurcir l’évidence et à nous prouver contre l’évidence et le bon sens que la vérité est un mythe. Bien entendu, la vérité n’est pas un mythe. C’est la beauté, c’est l’amour qui nous élèvent ; c’est la beauté de l’amour et l’amour de la beauté ; c’est la beauté de la liberté et la liberté de la beauté ; c’est le sentiment même qu’il y a dans l’amour quelque chose de surhumain, de divin ; c’est dans l’amour que s’identifie l’humain et se vérifie le divin. Une conclusion s’impose. L’absence de raisonnement critique et lucide, issu d’un esprit bienveillant et libre, conduit machinalement l’intelligence à la brutalité ou à la barbarie, au fanatisme ou au fatalisme, c’est-à-dire au hasard, au chaos, au néant. Dans un monde de fous, la philosophie est inutile. L’histoire de notre intelligence commence toujours par la réflexion. C’est la réflexion qui est notre personnalité véritable, la substance indélébile de notre identité, notre résurrection incessante. Aussi, toute la difficulté de la réflexion métaphysique consiste, non pas seulement à « comprendre » mais à « reconnaître » la réalité de l’être et le réel. Mais la réflexion métaphysique fondamentale n’est autre que l’entrée dans l’ordre intérieur de l’être et de l’amour.

    8. CONSTAT PHILOSOPHIQUE

    En définitive, la vie commence avec la pensée, car l’art de penser a pour fin la recherche de la vérité. Cette recherche de la vérité est le couronnement de l’intelligence. C’est dans cette recherche en effet, que l’on retrouve le plus d’affirmations conformes au bon sens, et exprimant le mieux la philosophia perennis.

    Cela dit, là où le matérialisme domine, la confusion et le trouble règnent. L’homme se détruit lui-même faute de savoir reconnaître la vraie valeur du monde. Pour réaliser cette reconnaissance, il faut effectuer une conversion, un retour en soi. En soi, l’homme trouvera les réponses à ses aspirations, la paix intérieure et la vérité. Et la vérité s’entend dans le calme du recueillement, elle entre et reste tout entière dans notre âme ; la joie qu’elle procure est noble, pure et durable, elle agrandit notre âme et peut toujours l’agrandir sans rencontrer une limite infranchissable.

    L’homme perd sa valeur dans le futile, son approche du monde est alors artificielle, superficielle, réductrice. En voulant dominer le monde, sa vérité lui échappe. La raison orgueilleuse se ne reconnaît pas submergée par l’infini qui la dépasse. Elle se rend incapable de saisir le fond véritable de l’être. L’homme doit se libérer de cet élan vaniteux qui entrave ce retour en soi. Pourtant, une perpétuelle insatisfaction naît d’une force intérieure qui le pousse à réagir. Il s’agit donc de renoncer à un aveuglement pour retrouver une richesse profonde, une quête intérieure, une présence valorisante. Les vérités fondamentales sont saisies par le fond le plus intime de la personne enfin humble, par le cœur. La logique du cœur révèle la valeur du réel, elle ramène à l’être, à la personne.

    L’homme d’aujourd’hui est malheureux. Il est malheureux parce qu’il souffre de solitude. L’homme moderne est désespérément seul avec lui-même. L’homme d’aujourd’hui n’habite plus un univers articulé, ordonné à un autre monde invisible, référence de ses valeurs, accomplissement de ses espérances. La totalité, le monde spirituel ont tragiquement disparu de l’horizon humain. Celui-ci est limité à l’espace du sensible, de la corporéité. Rien dans notre monde moderne n’est bâti pour durer.

    La modernité est emportée dans le tourbillon incontrôlable de l’apparence et de l’éphémère qui apparaissent comme le symbole même des incohérences et des contradictions de notre société. L’éternel, le définitif échappent complètement à la vie individuelle. Ayant à vivre dans ce monde qui ne s’appuie sur aucune métaphysique, l’homme moderne ne peut qu’avoir une vision narcissique, utilitariste et névrotique des choses. Car qu’on le veuille ou non, le vide métaphysique caractérise notre monde contemporain. Pire encore, en dehors de toute transcendance, Dieu n’existe qu’en fonction de l’homme, il revêt le masque humain. En somme, l’homme contemporain est malade dans son être même. L’homme moderne est aussi comme un enfant éperdu devant la mort. De tout cela résultent évidemment trois conséquences notables.

    La première conséquence est qu’en définitive, l’homme contemporain souffre de plus en plus de solitude, comme nous le disions, et ce malgré Internet, les réseaux sociaux et la vitesse des déplacements.

    La deuxième conséquence est que l’homme est muré en lui-même, dans son pessimisme qui grandit de jour en jour. En vérité, il vit sans allégresse intérieure ; il est souvent triste et va de crise en crise.

    Enfin, la troisième conséquence est la perte du sens du sacré et du transcendant. La perte du sens du sacré est la réduction de l’être. Elle est aussi la négation d’un ordre objectif, d’une valeur objective. La perte du sens du transcendant est une ignorance de l’immuable et n’est qu’impuissance devant le flux inexorable, flux du temps, flux de l’immédiat.

    Vision pessimiste ? Difficultés à surmonter ? Dans tous les cas, il faut être un grand naïf pour ne pas constater toutes ces réalités. Cependant, l’homme a les ressources nécessaires pour renouer avec un vouloir plus profond qui est spontanément une reprise, un éveil de l’intériorité spirituelle. La forme la plus élevée de l’intériorité spirituelle est l’intériorité de la personne. Celle-ci est la manifestation concrète la plus haute de l’homme. Tout le sens de l’intériorité spirituelle trouve son achèvement dans l’expérience de l’amour de l’autre.

    Mais ce n’est pas tout. La présence des sophismes apportent un bouleversement profond, non seulement dans notre raisonnement, mais dans notre existence. En bref, les sophismes forment une « dialectique » du mensonge et de l’illusion. Comment cela ? Tout simplement parce que les sophismes nous volent la vérité. De fait, les faux prophètes nient Dieu au profit de l’homme ; d’autres nient l’homme par respect pour Dieu. Pour mieux affirmer l’homme, on arrive à supprimer Dieu. Pour mieux affirmer l’existence de Dieu, on arrive à nier la vie de l’homme. Bien entendu, ces deux extrêmes sont faux. Parce qu’il y a un juste milieu à tenir entre ceux qui nient Dieu pour mieux affirmer l’homme, et ceux qui nient l’homme pour mieux affirmer Dieu.

    L’homme ne peut pas se suffire. Il n’est pas viable s’il en vient à tout nier et à tout détruire. Dans la mesure où l’on a oublié Dieu et la conscience, on n’a plus de respect que pour la force matérielle ou les idoles. Et à ceux qui ont oublié les principes élémentaires de la morale fondamentale, il faut rappeler qu’au-delà de la matière, plus vivant qu’elle, il y a l’esprit, l’esprit de Dieu qui est amour et vérité, et l’esprit de l’homme qui fait de tous les êtres humains des êtres foncièrement égaux devant Dieu, infiniment dignes de respect et de bienveillance. L’esprit est donc commun à Dieu et aux hommes. Il n’y a donc pas de disjonction à faire : Dieu ou l’homme. Il n’y a pas à choisir Dieu ou l’homme. Dieu et l’homme constituent une vérité indissociable, une vérité immuable, une vérité absolue. Le grand mal, c’est l’oubli ou la négation de cette réalité totale et divine.

    Mais laissons cela et avançons dans notre analyse.

    La logique peut nous fait grimper jusqu’à un échelon très haut. Mais elle s’avère inadéquate à porter plus haut encore ; elle se trouve alors devant le vide. La raison nous amène jusqu’au dernier échelon, jusqu’au sommet de l’échelle. Mais arrivés là, il nous faut « sauter », « bondir », engager librement toute notre personnalité. Mais cette raison qui n’a pu que nous acheminer jusqu’au dernier échelon, nous retrouve et se remet à notre service après le « saut » qu’elle est incapable de nous faire accomplir. Cependant, la logique peut aussi nous mener à l’incertitude. Par contre, c’est l’émerveillement qui achemine une personne vers la foi et lui en facilite l’accès. Sous ce rapport, l’antique philosophie grecque avait raison, qui voyait dans « l’étonnement » la condition fondamentale de toute démarche intellectuelle vers la vérité.

    Enfin, une autre problématique existe depuis toujours.

    Qu’est-ce qui a commencé ? Est-ce l’œuf ou la poule ? Est-ce le chêne ou le gland ? Ainsi de tout. Une immense circonvolution où tout s’enchaîne de l’infiniment grand à l’infiniment petit, où chaque chose se réclame de tout le reste, où il n’y a que singularité et complémentarité, réciprocité et équilibre, où rien n’a lieu qu’à la condition d’être à la fois conséquence d’un côté et principe de l’autre, cause d’un côté et effet de l’autre, d’où rien ne peut se détacher, se séparer, s’isoler. Tout communique et rien ne se confond. Tout est solidaire et interdépendant.

    Voilà l’univers où chaque chose est liée à l’ensemble. Univers qui fait aboutir en pleine évidence l’intelligence et la vie. Univers d’identité et de pluralité, mais aussi de beauté et d’amour. Univers de la liberté, de la dignité et de la royauté humaine. Hypothèse d’une régularité, d’une identité, d’une harmonie absolues ? Hypothèse d’un univers exécuté suivant un plan préconçu et persévérant ? Hypothèse de l’infiniment petit semblable à l’infiniment grand ? Hypothèse d’un infiniment grand semblable à lui-même à travers l’indéfinie pluralité des infiniments petits ? Hypothèse d’une harmonie préétablie entre l’intelligent et l’intelligible ? Hypothèse d’une intelligence consciente ? Hypothèse d’un Dieu logique avec lui-même ? Hypothèse d’un Dieu présent en tout et partout ? Cependant, être relativiste est certainement une excroissance typique de la pensée molle. Accepter une vérité naturelle profane est déjà le signe d’une certaine humilité, mais adhérer à la vérité divine sacrée est l’âme même de l’humilité vraie. L’idéal humaniste comporte indéniablement des valeurs intellectuelles et morales et le développement de ces valeurs. Mais l’idéal divin est indiscutablement lié à une reconnaissance de la valeur spirituelle de la personne ainsi qu’à la vitalité religieuse de la foi. L’idéal humaniste et l’idéal divin sont donc très complémentaires et source de vitalité intense dans le domaine des valeurs fondamentales, principalement les valeurs morales et spirituelles.

    9. LE MONDE EST UNI À NOTRE DESTIN

    De toute évidence, l’humanité vit dans un climat d’inquiétude. Dans ce monde où sévissent à la fois la brutalité et la stupidité, le problème de la peur se pose. Cependant, l’humanité ne compte pas sur la sagesse. Elle ne compte pas plus sur l’intelligence. L’orgueil, qui est idolâtrie, n’y croit pas ; il est même un obstacle permanent à la connaissance, parce qu’il se glisse partout. Ce qui fait obstacle est toujours une idolâtrie dans laquelle entre de l’orgueil et par l’orgueil se glissent la méchanceté et le mépris. Ce qui manque à l’humanité, c’est une reconnaissance de la valeur de l’être vers laquelle tend l’esprit. Cette reconnaissance est une forme d’attention, de confiance et de générosité. Elle n’est accessible qu’à la réflexion, elle ne se révèle que dans la profondeur de la conscience, qu’au terme d’un cheminement intérieur.

    Si tout être a une valeur, une dignité, c’est qu’il est uni à notre destin ; il est notre éveil, notre avènement et, peut-on dire, notre salut. Cela veut dire que l’être touche et pénètre notre vie.

    Mais cela signifie également que tout ce qui existe en ce monde de multiplicité a été modelé dans l’unité de l’être. L’être est et restera toujours la valeur suprême du réel. Nul être n’est en dehors de la communication de l’être.

    Ainsi, le visage de tout ce qui est et de l’être en tant qu’être est dignité.

    Tout ce qui est dignité donne une valeur et mérite le respect.

    Le peuple de l’humanité est le peuple des personnes humaines et de la réalité sacrée. Car il ne peut y avoir pour les hommes qu’une espèce de monde : le monde des hommes, le monde du nous. C’est cela le monde réel, le monde philosophique, le monde religieux.

    La philosophie est marquée par son attachement à l’homme, plénitude de l’omniprésence de l’être.

    La religion est marquée par son attachement à Dieu, Plénitude de la Vérité première se révélant à nous.

    Mais philosophie et religion, c’est la complémentarité jusqu’à la plénitude ! Plénitude des vérités immortelles de l’esprit et des valeurs transcendantales de l’être. La plénitude se manifeste alors dans la réponse spirituelle à l’appel de Dieu. Toutefois, répondre à l’appel de l’être exprime déjà une plénitude en soi.

    10. LES ÉPOQUES DE L’HUMANITÉ

    Avec Platon, la caractéristique de l’homme était de contempler les Essences.

    Avec Aristote, elle était de réfléchir à la sagesse de l’Être.

    Avec l’Epoque carolingienne, elle était de légitimer les Arts et les Lettres.

    Avec l’Epoque médiévale, elle était de chercher Dieu et la Vérité.

    Avec l’Epoque de la Renaissance, elle était de découvrir l’Homme et le Monde.

    Avec l’époque du XXe siècle, elle était de vivre selon l’organisation technique et sociale.

    Maintenant, elle est de bâtir un monde meilleur avec tout ce qui précède.

    Cependant, dans l’état actuel de la modernité, un certain nombre de problèmes nouveaux ou reconsidérés se posent et qui donneront lieu à une synthèse que plus tard. Par exemple : la physique quantique, l’intelligence artificielle, le monde virtuel d’Internet, la robotisation, l’automatisation, etc. Nous vivons intensément le monde moderne en participant à toutes ses métamorphoses. Cette avancée reste pourtant ambigüe, car elle contourne la question de l’humain dans sa dimension sociale, affective, culturelle, morale et spirituelle…

    11. LES ÉVOLUTIONS DE LA VIE HUMAINE

    « L’Heure n’aura pas lieu tant que le temps ne se sera pas contracté, au point que l’année passera comme un mois, le mois comme une semaine, la semaine comme un jour, le jour comme une heure ; et l’heure s’écoulera aussi vite qu’un tison enflammé. » (At-Tirmidhi)

    En effet, les évolutions de la vie humaine sont premièrement ses années, ses mois, ses jours et ses heures. Ensuite, elles sont ses évolutions sociales, culturelles, morales et spirituelles. Mais le plus haut degré de la vie humaine est dans le contact de la vie divine. Toute grandeur, toute beauté, toute plénitude nous viennent de là.

    12. DEUX CIVILISATIONS EN RUPTURE

    La civilisation occidentale est en rupture avec Dieu, référence de ses valeurs, accomplissement de ses espérances. L’homme moderne a perdu, en quelque sorte, son environnement qui donnait du relief à ce qu’il faisait. Le sacré, le transcendant ont tragiquement disparu de l’horizon humain. La modernité consacre donc l’émancipation de l’homme, elle signifie que l’homme est coupé de ses assises religieuses et métaphysiques. Il est évident que la crise du monde occidental

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