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Metaphysica Pura : Tome II: Ou plutôt Metaphysica Perennis Universalis (La Métaphysique Pérenne, sagesse et science)
Metaphysica Pura : Tome II: Ou plutôt Metaphysica Perennis Universalis (La Métaphysique Pérenne, sagesse et science)
Metaphysica Pura : Tome II: Ou plutôt Metaphysica Perennis Universalis (La Métaphysique Pérenne, sagesse et science)
Livre électronique1 259 pages16 heures

Metaphysica Pura : Tome II: Ou plutôt Metaphysica Perennis Universalis (La Métaphysique Pérenne, sagesse et science)

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À propos de ce livre électronique

Le corpus de « Metaphysica Pura » contient plusieurs métaphysiques imbriquées les unes dans les autres, clairement discernables et objectivement complémentaires. En effet, les deux volumes s’efforcent de présenter et de développer les richesses prodigieuses de la Metaphysica perennis. D’une manière plus précise, dans « Metaphysica Pura », nous découvrons plusieurs expressions de la « Métaphysique pérenne ».
Il s’agit de : la métaphysique ontologique, la métaphysique réflexive, la métaphysique relationnelle, la métaphysique symbolique, la métaphysique poétique et spirituelle, la métaphysique hénologique, la métaphysique axiologique et la métaphysique théologale.
Le premier tome explicite la perspective complexe dans laquelle il faut se placer pour comprendre objectivement la métaphysique. En dépit de la séparation qu’on a accoutumé d’accentuer entre la métaphysique et la théologie, ces deux disciplines sont étroitement liées dans leur effort de réflexion totale. Ne pas séparer l’ontologie de la métaphysique. En effet, la consistance ontologique exerce sur la réflexion métaphysique une influence prépondérante. Nul existentiel n’est en dehors de la relation. Cette considération est première.
Le deuxième tome « exerce » la réflexion métaphysique en dégageant les deux versants de la métaphysique : la vérité philosophique de l’existentiel et la question de l’existence de Dieu. La métaphysique remonte à Dieu à partir de l’existence des choses, à partir de l’unicité de l’univers. Ne pas séparer la théologie de la métaphysique. Il y a interaction entre la théologie et la métaphysique. C’est pourquoi, la réflexion métaphysique est appelée à bon droit réflexion totale. Au sens intégral, la métaphysique pérenne est l’unité de la métaphysique, théologale en sa source.
LangueFrançais
Date de sortie17 nov. 2017
ISBN9782312056432
Metaphysica Pura : Tome II: Ou plutôt Metaphysica Perennis Universalis (La Métaphysique Pérenne, sagesse et science)

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    Aperçu du livre

    Metaphysica Pura - Paul-Emmanuel Stradda

    cover.jpg

    Metaphysica Pura : Tome II

    Paul-Emmanuel Stradda

    Metaphysica Pura : Tome II

    Ou plutôt

    Metaphysica Perennis Universalis

    (La Métaphysique Pérenne, sagesse et science)

    LES ÉDITIONS DU NET

    126, rue du Landy 93400 St Ouen

    © Les Éditions du Net, 2017

    ISBN : 978-2-312-05643-2

    img1.png

    « L’amour triomphe de tout »

    Illustration : « Omnia vincit amor », Emblemata amatoria, published c. 1601. Daniel Heinsius (1580-1655, philologue hollandais).

    You can find the book online at the Emblem Project Utrecht.

    Alors le père Séraphin lui dit : « Avant de parler de prière du cœur, apprends d’abord à méditer comme une montagne… ».

    Le jeune homme resta alors assis comme une montagne plusieurs semaines. Le plus dur était pour lui de passer ainsi des heures « à ne rien faire ». Il fallait réapprendre à être, à être tout simplement – sans but ni motif. Méditer comme une montagne, c’était la méditation même de l’Être, « du simple fait d’Être », avant toute pensée, tout plaisir et toute douleur. (Ecrits sur l’Hésychasme)

    L’ouvrage a été l’occasion pour moi, d’un voyage entre deux rives : l’une philosophique, l’autre spirituelle. En direction de la rive philosophique resplendit l’immense merveille de l’Être. En direction de la rive spirituelle, rayonne l’immense merveille de Dieu.

    Ce livre a été écrit pour la louange et la gloire de Celui qui est le seul Être subsistant par lui-même et le seul Être immuable et éternel.

    Gloire resplendissante, germe de tout ce qui est.

    Tout, dans l’ensemble de la Création, respire Ta Vie et rayonne TA Présence.

    Tout, dans le firmament, et sur la terre, et dans la mer et les abîmes, et dans les plaines et les déserts, les îles et les montagnes, contemple Tes merveilles et T’acclame.

    Le cosmos entier chante Ta Splendeur, le chant de Ton incommensurable Bonté et Ton incommensurable Beauté.

    Que tes œuvres sont magnifiques, O Seigneur !

    Tu les as toutes faites avec sagesse et par amour.

    Tous nous sommes le visage découvert qui reflète Ta gloire.

    Car c’est Toi, Dieu indescriptible, dont le mystère est ineffable.

    Tu es revêtu de majesté et ceint de force.

    Et la lumière T’enveloppe comme un manteau.

    Tous nous sommes l’œuvre de Tes mains et nous louons Ton Saint Nom.

    Gloire à toi qui es adoré par tous les saints et glorifié par tous les anges,

    Toi qui es l’Un. Toi qui es Seigneur. Toi qui es Père.

    Gloire à Toi qui es Vivant !

    Gloire à Toi qui es Vrai !

    Gloire à Toi qui es Saint !

    « Que cela désormais soit du plomb à tes pieds

    Pour aller à pas lents, ainsi qu’un homme las

    Vers le oui ou le non, quand tu n’y vois pas clair ».

    « Car celui-là chez les sots est bien bas

    Qui affirme ou qui nie, sans distinguer les choses,

    Qu’il ait soit l’un, soit l’autre à prononcer ».

    Dante, Paradis, Chant XIII, vv. 112 à 118.

    Conseil donné par Saint Thomas d’Aquin.

    ***************

    Felix qui potuit rerum cognoscere causas

    « Heureux qui a pu pénétrer la raison des choses. »

    Virgile, deuxième livre des Géorgiques, vers n° 490

    ***************

    « Nani gigantum humeris insidentes »

    « Des nains sur des épaules de géants. »

    Bernard de Chartres

    ***************

    « Ami n’entre pas ici par hasard. »

    Paul Valéry

    Avant-propos

    Le corpus de Metaphysica pura contient plusieurs métaphysiques imbriquées les unes dans les autres, clairement discernables et objectivement complémentaires. Ces deux volumes s’efforcent de présenter et de développer les richesses prodigieuses de la Metaphysica perennis. Car le dessein est bien, avec le maximum de précision et d’exactitude, de retrouver les assises d’une vision globale et cohérente du réel. C’est la réalité objective des choses et leur signification intelligible qui donnent sens au réel. Une métaphysique forte doit toujours proclamer l’unité foncière de l’esprit et l’unité foncière de l’être.

    D’une manière plus précise, dans Metaphysica pura, nous découvrons plusieurs expressions de la Metaphysica perennis. Il s’agit de : la métaphysique ontologique qui est un « discours sur l’être et de l’être » ; la métaphysique réflexive qui s’empare de l’être par la raison ; la métaphysique relationnelle qui établit le réel en tant que relation ; la métaphysique symbolique qui nous fait découvrir une certaine densité métaphysico-symbolique du réel, selon le mystérieux rapport du monde physique et du monde sacré ; la métaphysique poétique et spirituelle qui est au service de la sagesse, philosophique ou métaphysique ; la métaphysique hénologique qui élabore une métaphysique dans la mouvance ontologique de l’être et de l’unité ; la métaphysique axiologique qui repose sur le lien quasi inépuisable entre l’esprit et l’amour. Et la métaphysique théologale qui est une métaphysique fondamentale de l’être en fonction de Dieu. Toutes ces métaphysiques récapitulent à merveille l’unité de la métaphysique pérenne. Mais l’unité métaphysique est d’abord et par-dessus-tout, l’UNITÉ de la pensée et du réel, l’UNITÉ de la vérité et de la totalité.

    Enfin, Metaphysica pura est un Traité de métaphysique fondamentale et un Essai de reconstruction et recherche des sources. La réflexion métaphysique est un moment de conscience de la réflexion totale. Plus exactement, elle se noue en conscience totale dans l’ordre ontologique et spirituel.

    En effet, une attention à l’être est déjà une attention à l’autre et une attention à l’autre contient les germes d’un consentement à l’absolu. L’absolu exprime et affirme l’unité originelle de la métaphysique. C’est aussi la richesse du réel qui anime la réflexion métaphysique en quête d’intelligibilité. La chasse à l’intelligible est le souci principal de la métaphysique.

    Introduction et atmosphère : la conscience métaphysique

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    1. LA SAGESSE MÉTAPHYSIQUE

    La sagesse acquise est la philosophie première, appelée aussi théologie philosophique ou métaphysique. La sagesse métaphysique commence par accueillir le réel en se mettant à l’école de l’être. La métaphysique est donc sagesse, mais elle est aussi et d’abord sagesse spirituelle. C’est pourquoi la métaphysique est essentiellement une « science de la relation », une « science amoureuse ». Non seulement elle s’achève, en se dépassant, par l’amour, mais elle dépend de l’amour. Sans l’amour, la réflexion métaphysique tourne à vide. Ainsi, si la métaphysique est une science rationnelle, elle est d’abord et avant tout, une « science de l’amour » : amour de l’être, amour de la vérité, amour de l’esprit. C’est pourquoi la connaissance métaphysique « s’achève en » amour et en contemplation. La connaissance métaphysique est donc une connaissance totale, dans le « cercle » de l’intelligence et de la vie. Ce n’est donc plus en concepts que s’explicite, que s’exprime, la méditation métaphysique comme telle. Au-delà du concept d’être, elle s’explicite en amour, en contemplation réelle, en acte réel. C’est pourquoi le rapport essentiel de l’être à l’esprit, d’une présence ontologique à l’esprit, et non seulement de l’être comme fait, mais de l’être comme valeur, comme amour, comme don, tout ce vinculum universel qui exprime l’union de la conscience à l’être, qui nous lie à nous-mêmes et aux autres, ainsi qu’à tous les êtres, constitue l’horizon primordial de la réflexion métaphysique. À partir de là, une métaphysique de l’esprit peut être déployée.

    2. CHERCHER LA VÉRITÉ

    Ici, le deuxième tome aborde la perspective complexe de l’existence de Dieu. Le foyer par excellence de la réflexion métaphysique, c’est l’absolu. Le monde est en quelque sorte un écho de l’infini, une fragmentation ou un détachement de l’absolu. Voilà pourquoi le monde n’est pas le Tout, sinon il serait lui-même l’absolu. Mais la métaphysique, c’est aussi découvrir l’évidente réalité de la révélation de l’être. On ne peut comprendre objectivement la métaphysique sans tenir compte de la présence créatrice de l’être. Découvrir l’universelle vérité de l’être est la vérité métaphysique première. En fait, le monde est une métaphysique. L’homme est une métaphysique. Nous possédons même selon Platon, Descartes, une capacité métaphysique, un « instinct de l’esprit » qui nous projette vers une réalité qui dépasse tous nos systèmes. Notre recherche ne peut aboutir que dans l’absolu{1}.

    L’âme tout entière est ouverte sur l’Infini et l’absolu. Telle est, non pas la chimère d’un certain romantisme sans frein, mais l’une de nos plus vastes expériences humaines.

    Reconnaître l’absolu, c’est le réaliser en nous, donc aussi nous unir à lui.

    La présence de l’absolu, c’est l’être lui-même offert au réel.

    Cette présence au monde et à chacun de nous est constante, universelle et multiforme. Elle peut s’analyser sous deux aspects fondamentaux. Une présence constituante qui donne substance, existence et sens à un monde privé sans elle de toute raison d’être, de toute cohésion et même de toute réalité. C’est d’ailleurs ce que nous observons dans la pratique : un monde complètement inconsistant et déboussolé qui s’évertue et s’acharne en vain à trouver en elle-même signification, valeurs et projets.

    Une présence immanente au monde, permanente et qui forme la texture même du réel.

    Aujourd’hui, un signe certain de la pensée postmoderniste est la « fracture ontologique ». La réalité est intelligible, mais son intelligibilité concrète n’est pas tenue de s’adapter aux simplifications ontologiques d’un intellect appauvri. La rage réductrice de l’être constitue un spectacle souvent constaté et déploré. La négation de l’être déflore le réel : il n’est plus possible d’ontologiser le monde après qu’on a « déraciné » l’être. En effet, le mouvement postmoderne avec son rationalisme froid et impersonnel se caractérise surtout par son anthropocentrisme, son relativisme, sa vision productiviste et sa conception fragmentée de la réalité. Les valeurs de la post-modernité sont ancrées dans une immanence absolue. On dit que la post-modernité a désenchanté le monde (la formule est de Max Weber).

    Le monde ne se présente plus aux yeux des hommes comme un texte à déchiffrer mais comme un espace à mesurer. « Le silence des espaces infinis m’effraie », disait Pascal dans une célèbre pensée{2}. Autrement dit, il n’y a rien qu’une déprimante laïcisation, une perte complète du sens métaphysique, un bourbier de négation et de confusion. Or, chercher et vivre la vérité constitue la vraie liberté de l’homme. Assurément, la grandeur de la liberté de l’homme réside précisément dans la possibilité qui lui est donnée de répondre à l’exigence des valeurs objectives indépendamment des vicissitudes du présent, des circonstances, des humeurs, des instincts et autres obstacles. « La vérité vous rendra libre », selon la formule célèbre dans l’Évangile de saint Jean 8,33. C’est donc la vérité qui donne sens à la liberté. Une illusion qui nous fait perdre le contact avec le réel nous prive de cette liberté qui n’existe pas en dehors de la vérité. On a dit, il y a longtemps, qu’il n’y a rien de plus fort que la vérité ; et cela se doit entendre principalement de la vérité de Dieu. La raison grandit dans la foi, c’est à cette source qu’il faut puiser pour comprendre la pure vérité.

    Telle est également la grande loi du philosophe : poursuivre toute critique et toute vérité ; tout acte, tout geste naturel et normal de la pensée mérite d’être achevé{3}. C’est pour cela que la philosophie est une sagesse.

    En fait, nous pouvons partir à la découverte du monde intelligible par le questionnement physique et métaphysique, l’expérience spirituelle ou esthétique nous relient quant à elles à un monde plus global et nous permet de vivre ce monde à défaut de le penser complètement. Car l’homme possède un pouvoir très grand : celui de penser. Grâce à cette faculté, il peut regarder au-delà du monde sensible, au niveau du monde intelligible de Platon{4}. En ce sens, l’intelligence est aussi la connaissance des vérités évidentes. L’homme est fait pour connaître la vérité, en cela réside sa dignité et son bonheur. La philosophie n’est donc pas un savoir que l’on devrait apprendre, mais une tension vers la connaissance, une recherche de la vérité, un appel au sens, une ouverture au monde, une poursuite permanente de la réflexion. La philosophie ne s’apprend pas, elle se construit, elle honore l’intelligence par son attitude d’ouverture qui est déjà une posture de l’âme métaphysique. Mais la recherche de la vérité est première. La recherche de la vérité est la philosophie première, la réflexion première. La connaissance et la vérité expriment la profondeur de l’être. La vérité est la vérité de l’être et la vérité de l’être est la vérité issue de Dieu. La raison ne gagne rien à s’obstiner à refuser ce fait. Le souci de la vérité exprime la vraie philosophie. Ce souci de la vérité ouvre la voie de la sagesse intégrale et implique une reconnaissance de la rationalité intrinsèque.

    Alors que tant de philosophes, tant d’intellectuels, parfois même des grands esprits, ont trahi leur vocation à la vérité, saint Thomas d’Aquin rappelle avec son infatigable dynamisme que « le but de la philosophie n’est pas de savoir ce que les hommes ont pensé, mais bien quelle est la vérité des choses ». Il proclamait admirablement et courageusement :

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    3. LA CONSCIENCE MÉTAPHYSIQUE

    La réflexion philosophique n’est pas un spectacle, elle se laisse envahir par la montée de la vie ; elle est la vie qui, en devenant consciente, s’achève en sagesse.

    Cela dit, entre Dieu et la liberté humaine, il y a une complicité vitale. La vérité plénière conduit l’homme à la connaissance de Dieu en soi et à la connaissance de soi en Dieu. L’élan métaphysique et spirituel est impossible sans l’amour de l’être. L’amour de l’être est d’abord une tension vers l’altérité. L’altérité prend sa signification achevée quand elle devient celle de la personne. Mais surtout, l’amour de l’altérité mène à reconnaître Dieu en tant que principe de l’être et perfection de l’amour, sans lequel il ne peut y avoir d’amour. En effet, comme au-delà du singulier, il y a l’absolu ; au-delà de l’amour de l’être et de l’altérité, il y a l’amour de Dieu. Comme au fondement du singulier, il y a l’absolu ; au fondement de l’amour de l’être et de l’altérité, il y a l’amour de Dieu. Dès lors, une spiritualité qui reconnaît ainsi l’existence de Dieu et qui s’achève dans un amour de celui-ci est profondément religieuse. La connaissance de Dieu est ainsi l’épanouissement de la quête métaphysique et spirituelle.

    Le sens de l’étonnement est de se rendre compte que le monde est plus profond, plus vaste, plus riche en mystère qu’il n’apparaît à la raison quotidienne. L’orientation interne de l’étonnement atteint son accomplissement dans le sens du mystère qui nous entoure. Il n’a pas comme but de produire le doute, mais de réveiller la connaissance du fait que l’être, en tant qu’être, est incompréhensible et mystérieux{5}. C’est pourquoi la réflexion métaphysique a deux aspects : c’est de l’être qu’elle résulte ; c’est elle qui résulte de l’être. L’idée positive de l’être, qui est implicitement l’idée de l’unité et de l’infini, est comme un pivot inébranlable planté au milieu d’un bouillonnement des pensées.

    Ainsi, la réflexion métaphysique est un grand moment de conscience parce qu’elle est une vraie plénitude de conscience – et son caractère concret consiste en une exigence de consentement libre, personnel, dynamique, à l’être, à son emprise créatrice et à son évidence « intellectuelle ». Parce que l’être « dirige », la réflexion métaphysique aura un aspect « noétique », nécessaire, conceptuel, abstrait. Parce que la réflexion métaphysique découle de l’être, elle aura un aspect ontologique, existentiel, libre, ouvert, concret. Cependant, seul un libre consentement au réel qui me constitue et se révèle à moi, rendra le réel concret, c’est-à-dire pleinement réel pour moi. Auparavant, le réel est vrai, mais il reste abstrait (pour moi…){6}.

    De même, la pensée à la lumière de l’être, ne peut être qu’existentielle. La pensée est en relation étroite avec l’essence de l’existence. Cela veut dire que l’essence de la pensée est l’essence de l’existence. La pensée est l’existence même de l’être ; et l’être, l’existence même de la pensée. La pensée est l’être, par essence ; et l’être est la pensée, par existence. L’essence du « je suis », c’est donc l’être. C’est le moi dans l’être et le moi dans le monde qui, lui aussi est dans l’être. Mais ce qui est plus important encore, le cogito en me révélant l’être en moi et le moi en tant qu’être, me révèle aussi, par le biais fameux de l’idée d’infini (qui n’est d’ailleurs pas une idée) l’être tout court.

    La métaphysique est une pensée de l’être ou un accueil de l’être capable de donner à l’homme une certaine contemplation – ce qui, me semble-t-il, requiert une vertu principale : la vertu d’humilité, fondement de la sagesse ; et une ouverture à l’être qui doit être totale. L’intelligence de la recherche métaphysique présuppose une rectitude intellectuelle faite de simplicité et d’interrogation, d’ouverture et d’accueil. Le métaphysicien est dans la position du mendiant sachant accueillir le don de l’être, et dont toute la pensée est orientée vers une pénétration de plus en plus compréhensive de l’être. En d’autres termes, dans la conscience métaphysique, l’homme se révèle à lui-même comme une intelligence réflexive cheminant lentement vers l’acquisition plénière de l’être et du vrai.

    En fait, la réflexion métaphysique a deux dimensions, l’une personnelle et l’autre universelle. Le premier aspect s’applique à la réflexion profonde, totale, objective : je suis, moi, un avec le monde. C’est-à-dire, la réflexion métaphysique, en découvrant ce que c’est que penser, découvre ce que c’est d’être vraiment soi, exister vraiment dans la réalité même du monde. L’aspect universel de la réflexion métaphysique commande et explique son aspect personnel : la réalité première, celle qui se révèle d’emblée dans la réflexion, c’est l’appartenance de la personne au monde. Cette appartenance, cette corrélation a un sens intelligible, une vérité indéniable : elle exprime implicitement et analogiquement l’unité transcendantale de l’être. Elle énonce la souveraine et essentielle unité de l’être dans sa portée ontologique.

    Le métaphysicien voit le monde à une telle profondeur de l’être qu’il est tout naturellement disposé à la contemplation de l’être ou de la vérité. Le rapport de l’homme à l’être doit être considéré comme le rapport de l’homme à la vérité. La vérité consiste à atteindre l’être par la pensée. Seulement la question qui préoccupe le métaphysicien est de savoir quelle est la mesure de vérité dont l’homme est capable, et quelle est finalement la structure et le sens de l’être en tant qu’il contient la possibilité de se révéler, ou, pour parler avec Sartre, en tant qu’il comprend la double région de l’en-soi et du pour-soi.

    La signification de l’être métaphysique est totale, enveloppante, englobante, universelle à la fois et singulière. C’est pourquoi la notion d’être représente l’intelligible premier par excellence. C’est dire encore que le transcendantal « être » est considéré comme le suprême concret. S’il est vrai que le propos de la pensée métaphysique est de faire la « reconquête du concret », d’élucider le sens des étants du point de vue de l’Englobant dernier, c’est-à-dire de l’unité de l’« être-dans-son-ensemble ». Il faut dire que la métaphysique est par essence transcendantale, elle fait appel à des concepts transcendantaux et analogiques.

    L’intelligence de l’être permet de connaître et de comprendre. L’être, ens [étant], est le premier objet « qui tombe dans l’intelligence ».

    L’être est un et que cette unité n’est pas celle d’une somme. L’idée que, sous la multiplicité des étants et des manifestations qui révèlent les étants, il y a l’unité de l’être, constitue l’âme de toute métaphysique en tant que pensée transcendantale. La tâche du métaphysicien sera de préciser cette unité.

    L’un suppose la connaissance de l’être : on ne peut donc pas vraiment le saisir si l’on n’a pas d’abord saisi l’être. Dans ces conditions, il n’est pas question de parler d’une métaphysique de l’un qui irait plus loin que la métaphysique de l’être et dépasserait l’être pour s’enfoncer dans le mystère de l’Un{7}. L’un et l’être sont intimement liés. Et si la pensée humaine ne se tourne plus vers l’être, que deviendra l’homme ?

    Malheureusement, telle une ville assiégée, la métaphysique est cernée de tous côtés par les erreurs et les sophismes de notre temps. Les détracteurs de la métaphysique opposent l’être aux abstractions et se donnent beaucoup de mal, en conséquence, pour démolir la « vérité abstraite », c’est-à-dire les « principes », afin de propager une « vérité pragmatique ». Les fossoyeurs de la métaphysique se leurrent quand ils se prennent pour d’authentiques réalistes, par opposition aux philosophes qui se meuvent, selon eux, dans l’irréalisme et l’abstraction. Le vrai réalisme, en effet, implique une prise de conscience de la situation métaphysique de l’homme, une exploration et interrogation des réalités ultimes qui forment la base de notre univers spirituel et de notre vie. Le vrai réalisme consiste précisément à ne pas se laisser submerger par les nécessités purement pragmatiques de l’existence{8}. En fait, la plus lumineuse des révélations du réel est le mystère de l’être. Mais dans le mystère de l’être se trouve toute certitude substantielle, vivante, lumineuse, qui enrichit et anime notre réflexion au-delà de tout concept.

    En fait, le miracle essentiel de la métaphysique, c’est d’avoir réalisé la synthèse des catégories de « haut » et de « bas ». Ce prodige, elle l’accomplit merveilleusement et avec lucidité où se conjuguent toute sa profondeur et tout son enthousiasme. Sous cet angle, la théorie de la sécularisation apparaît inévitablement comme la doctrine de l’euthanasie universelle. Tout ceci pourrait se résumer schématiquement de la manière suivante : le commencement de la connaissance est de découvrir l’être ; l’aboutissant de la connaissance est de retrouver Dieu.

    La valeur de la métaphysique est vraiment une valeur absolue. La transcendance de l’être, c’est l’être même considéré dans sa valeur absolue et génératrice. L’être est sans doute « manifestation ». Il est davantage encore, il est aussi « présence créatrice », plénitude et richesse existentielles. « L’exister » est la valeur primordiale à laquelle se réfère, inévitablement, toute modalité de l’être. De « l’exister » à l’esprit, la relation est droite et essentielle et ne peut être compromise par l’oubli de l’être.

    L’être, objet positif de l’intelligence, apparaît donc comme l’intelligible par excellence, commun à tout ce qui est ou peut être. L’être du réel est ainsi une valeur intellectualisée en tant qu’intelligible en acte. Tout intelligible est en rapport avec l’intelligence. Et l’intelligence vise l’intelligible en tant que positivité fondamentale de l’être. L’intelligible est donc quelque chose qui peut être saisi par l’intelligence. C’est le fait que quelque chose peut être saisi par l’intelligence. Cela signifie que l’intellect humain procède par abstraction et c’est l’intelligible qu’il recherche.

    Aussi, l’être n’est pas seulement ce qui est, il est ce qui sera et ce qui a été. De la formule dont se sert Homère pour qualifier le savoir du devin Calchas à la devise inscrite sous la statue de l’Isis voilée dans le sanctuaire de Saïs : « Ce qui a été, ce qui est, ce qui sera », la totalité du temps dit poétiquement l’être en sa totalité. (Homère, Iliade, I, 70){9}. Parce que toute réalité est incluse dans l’être, la métaphysique ne peut être qu’une science spéculative et ne peut pas être une science purement spéculative. La science spéculative de l’être s’achève en amour et cet achèvement est essentiellement théologal.

    Enfin, l’unicité du réel se reflète dans l’unicité de l’être. Chaque réel est donc aussi unique que l’être même dont il est le réel. En d’autres termes, l’unicité du réel constitue une source précieuse de profondeur et de richesse ontologique. Tertullien parlait en ces termes : « Ce sont des cris de l’âme en présence de la majesté du réel, c’est-à-dire des élans vers la vérité, car le réel donne la leçon, l’âme la répète ».

    4. HASARD ET CONNAISSANCE

    Le hasard n’existe pas. Il n’est qu’un mot pour exprimer notre ignorance d’une logique qui nous échappe.

    Pour le philosophe, tout est observation. Tout est interrogation.

    Pour le croyant, tout est providence. Tout est grâce.

    Pour le poète, tout est signe. Tout est don.

    Pour le mathématicien, tout est nombre. Tout est mesure.

    Pour le scientifique, tout est événement. Tout est phénomène.

    Pour le physicien, tout est énergie. Tout est information.

    Pour l’astrophysicien, tout est cohérence. Tout est relation.

    Autrement dit, l’idée même de hasard implique celle de connaissance. C’est dans cette connaissance qui ne s’arrête jamais que consiste notre ignorance. Nous comprenons et ne comprenons pas tout à la fois ce qui nous est explicite et implicite, expliqué et pas expliqué. Ainsi donc, l’implication du hasard dans la connaissance implique la potentialisation d’une réalité fortuite, imprévisible. En d’autres mots, le hasard potentialise l’imprévu. Le hasard n’est plus un hasard.

    Carl Gustav Jung a étudié le phénomène des coïncidences qui « tombent vraiment bien » et qu’il appelle des « synchronicités ». Mais Jung est avant tout un médecin psychiatre, et pour lui, l’intuition joue un rôle important au niveau de la compréhension. L’intuition est alors la tendance profonde de l’intelligence. Cependant, les différents thèmes qu’un philosophe, un métaphysicien ou un théologien analysent selon leur propre optique, Jung ne veut les voir qu’en psychologue. Bien entendu, la pensée de Jung apparaît diverse et riche. Mais en fait, Jung rejoint en quelque sorte les poètes : tout est signe. Tout est don ou cadeau. Et une affinité spéciale se trouve en chaque poète…en chaque artiste.

    Tout est unifié. Tout est distinct. L’Un-Tout, le monde, tout est, hors de l’être, il n’y a rien. Tout participe d’une manière ou d’une autre, de l’être. Tout signifie parfaitement et pleinement. L’être est pour ainsi dire l’incarnation et le sacrement du beau, du bien et du vrai. Au-delà de l’être, il y a Dieu. L’être est donc une manifestation de Dieu. C’est-à-dire que la vérité de l’être est la vérité issue de Dieu. La vérité de l’être rattache le fini à l’infini. Mais l’être sans la grâce est un étrange monstre métaphysique.

    5. CROIRE ET COMPRENDRE

    La foi n’est pas un acte de pure intelligence cérébrale mais elle est un acte purement personnel et libre. Elle s’oppose contradictoirement à la logique, à la « science ». Cependant, la foi n’est pas un acte irrationnel, elle a un contenu et ce contenu n’est pas d’abord quelque chose mais quelqu’un. Dieu et la « foi » ne se bornent pas à nous ouvrir le domaine de l’invisible ; ils nous disent le sens de tout le réel, de toute la vie et de tout l’humain. La foi nous donne une interprétation du monde : elle nous le fait voir comme l’œuvre d’un Dieu d’amour. La foi nous donne une interprétation de notre vie : elle nous invite à nous regarder comme les enfants d’un Dieu qui ne cesse de nous aimer et de nous pardonner. Dieu est fou, mais fou d’amour ! Mais il nous demande deux choses : notre amour et notre confiance. De là suit que la foi est comme un saut dans une sphère « métanaturelle » ou comme une conversion. La vie de la foi est une vie de liberté, de confiance et d’espérance. Elle est une vie spirituelle et une recherche de Dieu. Toute la personne y est engagée.

    La foi nous permet de connaître Dieu. La foi est donc indispensable pour parvenir à une véritable connaissance de Dieu. Cependant, l’humain s’écarte de plus en plus du chemin de la sagesse, du chemin vers Dieu. Il ne cesse de se détourner de son but principal : aimer Dieu et aimer son prochain. Or, voici qu’avec les temps modernes, l’image de Dieu se brouille et la foi s’efface. L’infidélité à Dieu parcourt et divise les hommes. Et l’infidélité à Dieu est la marque de l’apostasie et le péché capital : indifférence à Dieu, rejet de Dieu. La grande urgence de notre temps est de retrouver cette grande vérité de Dieu, cette vérité première qui parle la vie, la foi, l’amour. La grâce est justement cette présence de Dieu, marquant notre savoir et notre vouloir.

    Dieu agit librement au cœur de l’homme, l’homme agit librement en son âme et conscience. Cela veut dire que l’action de Dieu ne s’additionne pas avec la volonté de l’homme. Autrement dit, dans l’agir humain, tout est de l’homme et tout est de Dieu.

    6. LA FOI FACE AU RATIONALISME MODERNE

    Dans la controverse moderne est apparu le discours « imbécile » de dire que la foi doit être reléguée dans la vie privée et limitative comme si Dieu n’occupait qu’un aspect de l’existence. Alors que le projet du croyant se dessine véritablement dans une relation différentielle à Dieu et aux autres. De toute évidence, le projet du croyant ne peut aucunement se limiter à sa seule personne. Une foi vraie est communicative, elle est un témoignage vivant. Assurément, la foi n’est pas une sorte de déisme, une simple croyance, elle est plus qu’une théorie philosophico-théologique. À vrai dire, une foi muette est une foi morte ou stérile. Par exemple, sans le témoignage, le christianisme n’existerait pas ! Bien entendu, le prosélytisme forcené et irrespectueux est à bannir. C’est tout simplement un témoignage négatif. Quant au discours « imbécile » il signifie tout simplement que la foi n’est pas une neutralité. Pour le croyant, aucun projet de vie autonome n’est pensable. Le rapport à Dieu se détermine dans la relation interhumaine. Évidemment que la foi-religion entre dans la sphère personnelle, mais elle se tisse également et surtout dans la sphère « communautaire », « fraternelle », c’est-à-dire que la réalité de la foi est fondamentalement une expérience d’amour total : amour pour Dieu qui mobilise toute la personne et le prochain. L’amour y est donc principe. Ce qui veut dire que la foi englobe donc tout ce qu’est la personne, ses gestes, son attitude, sa vie. Elle dit comment la personne se comporte. C’est pourquoi l’attitude croyante vraie est un témoignage. Le témoignage écrit l’attitude croyante, libre et sincère. C’est aussi dans cette écriture que se prononce Dieu. Dans cette optique, l’existence croyante ne se scinde pas en religieuse et profane. Elle est cohérente, pleine et relève de l’œuvre de la foi. De ce qui précède, nous pouvons maintenant comprendre que la foi revêt non seulement une dimension d’intériorité, mais également une dimension d’extériorité.

    7. L’ARBRE PHILOSOPHIQUE

    Au sommet de l’arbre philosophique est placée la vérité, source qui arrose l’arbre et propage la sève à travers les branches et les rameaux. La vérité est la première manifestation de l’infini. C’est par elle que le non-être devient être et unité. C’est par elle aussi que le sacré pénètre dans l’existence et dans le merveilleux de la vie. Et qu’au cœur du sacré de la vie surgit l’homme. L’homme est fait pour connaître la vérité, en cela réside sa dignité. La sagesse est la plus précieuse des perles, car elle est la base de la vérité.

    La vérité est le point initial, la lumière primordiale, le principe originel d’où émane toute lumière.

    De la vérité naissent deux principes puissants et vivifiants : le principe du bien qui est feu d’une existence profonde et le principe de l’intelligible qui est fleur de la connaissance. C’est à partir du bien et de l’intelligible que se développe la rectitude ingénieuse, la profondeur du vrai. Unis à la vérité, le bien et l’intelligible forment le paradis sacré de la connaissance où vertu, sagesse et piété se rencontrent.

    Deux splendeurs émanent du bien et de l’intelligible : la sagesse qui est source de toute mesure et la connaissance qui est réceptivité accueillante au réel. La sagesse et la connaissance sont les substances intelligibles de la contemplation de l’être, les deux lampes qui forment la parure de la beauté. La beauté est peut-être avant tout la symphonie de chaque chose. La beauté est accord. Accord de l’être avec lui-même. Accord de l’être avec l’autre que lui-même. Accord des êtres entre eux. Accords des accords. La beauté est comme une fenêtre ouverte sur le mystère. Et le mystère était au commencement. Mystère des origines dont tout naît.

    En fait, la beauté est une dignité spirituelle car elle parle de l’immensité et des merveilles de Dieu. Depuis le Commencement sans commencement jusqu’à la Fin sans fin. Et qui est Dieu, Mystère de Communion et de Don. Et qui est l’homme avec sa liberté d’accueillir ou de ne pas accueillir le Don.

    Dieu est la profondeur immortelle de la vérité, la première de toutes les vérités, Celui qui est la Vérité absolue, sur laquelle se fondent nos vérités ; Il est l’essence de la vérité, de laquelle découlent toutes les vérités. La vérité fondamentale se trouve en Dieu. C’est par la lumière que nous voyons la lumière. C’est par Dieu que nous connaissons Dieu. Dieu veut se faire connaître de nous et nous conduire dans la vérité. Tel est le signe de la vérité transcendante.

    La transcendance de Dieu se « présentifie » (se rend présent au monde) et se fait connaître par la création. Autrement dit, la création nous aide à connaître Dieu tout en gardant l’infinie distance entre Lui et nous. La création entière a un sens en Dieu. C’est Dieu qui regarde de l’infini vers le fini, alors que la personnalité de l’homme regarde du fini vers l’infini. Toute créature Le révèle, par l’être même qu’elle Lui emprunte, en criant qu’elle n’est pas Lui{10}.

    Le sens premier de la création est la gloire de l’amour Dieu. Tout ce que nous sommes, tout ce que nous possédons, tout ce qui existe, est un don de Dieu, dont il nous faut rendre grâce et louange.

    La vision de Dieu est l’acte le plus noble de l’esprit. Ainsi, l’homme est un être noble, à l’image de Dieu. C’est pourquoi, au cœur de la dimension sacrale se tient l’homme. L’homme est un être sacral.

    Le chemin spirituel vise à laisser transparaître cette image, cette noblesse, dans toute sa vie. L’homme spirituel est l’homme qui a trouvé au fond de lui-même Dieu. En réalité, la Grâce est avec l’être. La Grâce a une relation organique à l’être dont elle fonde l’unité. C’est elle qui incarne l’esprit dans la vie et nous enracine dans tout ce qui est. À partir d’elle et par elle, la réalité surgit en son inexprimable authenticité, tant en nous qu’en dehors de nous.

    La vérité de Dieu fait la vérité de l’homme. La gloire de Dieu, c’est l’homme vivant, disait saint Irénée de Lyon. L’homme est né pour la relation, pour la connaissance. Ainsi, des connaissances, la connaissance de Dieu est la plus haute. Et cette connaissance de Dieu est la vie et la plénitude de l’homme.

    Tel est l’arbre philosophique : ses racines et ses branches incarnent la vérité, la connaissance, la sagesse. C’est aussi l’arbre qui pointe ses racines vers le ciel et déploie son branchage sur terre. Car cet arbre indique l’origine céleste de l’homme et l’invite à se libérer de ses superficialités inutiles, à redécouvrir en lui, derrière le voile de l’illusion, la profondeur sans mesure de son être.

    8. HONNEUR À TOI, PHILOSOPHIE…

    Le métaphysicien est un admiratif du réel, un contemplatif de l’être dans les êtres. Ainsi le véritable métaphysicien excelle à faire éclater la beauté de l’être. Il met l’unité de l’être en valeur, la vérité de l’être en lumière et la profondeur de l’être en plénitude. La philosophie sans la proportionnalité métaphysique est une contradiction, elle aura toujours un caractère d’insuffisance.

    Voilà le dessein de la métaphysique, elle accorde les êtres, mais c’est l’amour qui unit les êtres. La métaphysique est ce temple où l’intelligence cherche en esprit et en vérité, temple qui exalte l’émotion religieuse, et où le silence des espaces infinis ne l’effraie pas, parce que la musique de l’être l’emplit d’un chant divin.

    Toutefois, si la pensée métaphysique mérite pleinement le non de « philosophie totale », c’est en raison de son caractère d’intégralité ou d’universalité qui lui permet de transcender toutes les différences ontologiques, différence entre la conscience elle-même et l’être qui transcende la conscience, différence également par rapport à l’infinitude de l’être. La conscience ou l’être représente ici la réalité « horizontale », c’est-à-dire la totalité du monde fini de l’expérience. Mais cette réalité « horizontale » se fonde à son tour sur une réalité de type « vertical » qui lui donne tout son sens. Quant à la réalité « verticale », elle se fonde dans l’Être absolu et pose l’existence de Dieu comme affirmation de l’esprit humain dans sa totale densité et dans ses rapports avec le monde et avec autrui.

    En ce sens, la métaphysique est une philosophie de la conscience transformée en philosophie de l’être, elle-même transformée en philosophie des fondements d’être ultimes : philosophie de la conscience et de l’être dans l’absolu. L’aspect d’intériorité n’est évidemment pas absent de la réflexion métaphysique. Dans ce contexte, la métaphysique se rapproche des mathématiques dont l’objet apparaît comme « substantiel » et « analogique ».

    Ainsi, au sommet de la philosophie plane la métaphysique, mais encore plus haut se suppose la mystique elle-même. Car, derrière la Mystique apparaît l’Humanité éternelle, solidaire et identique à elle-même, et avec le sentiment de cette solidarité l’idée morale et spirituelle qui nous fait remonter jusqu’à Dieu, gloire de l’homme. Car l’enrichissement de l’homme, l’élévation spirituelle et religieuse de l’homme, c’est la gloire de Dieu.

    La passion de la raison ne doit pas être une négation de Dieu, mais un respect, une compréhension, une reconnaissance, une acceptation, une affirmation active, une relation à l’amour de Dieu. La foi n’est certes pas un sacrifice de la raison, mais un bienfait enrichissant de toute la raison, dans ce qu’elle a de plus profond et de plus lucide. L’intelligence vient de Dieu pour nous communiquer Dieu, pour nous donner Dieu, nous faire découvrir l’origine divine de notre être, de notre vie, de notre personne. Dieu est la révélation première du réel, la profondeur de notre âme, la véritable richesse de notre vie. Divin, divinisant.

    Le monde devient par le miracle de l’être significatif de l’action extraordinaire de Dieu, il révèle aux hommes l’intervention spéciale de Dieu. Un lien d’amour a été établi entre Dieu et l’homme qui surpasse tout rêve humain. Le levain ne peut se passer de la pâte, matière qu’il a à travailler ; la pâte a besoin du levain, son principe de croissance.

    Ainsi la grâce et la liberté, la foi et la raison sont étroitement solidaires les unes des autres ; c’est dans la grâce que la liberté s’élève au-dessus d’elle-même et par là trouve son équilibre ; c’est dans la foi que la raison se dépasse elle-même et par là conquiert sa pleine valeur d’intelligence. Voilà toute une philosophie de la vie, toute une théologie de l’homme.

    Honneur à toi, philosophie, énergie d’espérance obstinée où l’intelligence humaine contre l’ignorance, en face de l’inconnu insondable, dresse en une hypothèse sublime sa foi en la vie, en la sagesse, en la vérité, en la sincérité de l’intelligence qui s’achève dans la sincérité de la vie.

    Honneur à toi, philosophie qui, fière et consciente de ses destinées immortelles, nous met dans le cœur le germe de l’harmonie, nous rend sensible à la symétrie des choses et à l’accord régnant entre l’idée et le fait.

    Honneur à toi, philosophie, quand tu t’abstrais pour entendre la voix de l’Absolu qui proclame en toi la suprématie de l’Idée maîtresse de la liberté, des événements et des choses ; de l’Idée âme, méthode et communication de l’Univers ; et ainsi recevoir le coup d’aile vainqueur de la pensée et de l’intuition. Et, grâce à elles, tu t’élargis à la faculté de création et de prescience qui, seule en amont du progrès technique et scientifique, cherche constamment à guider l’esprit humain sur la route de ses destinées, là où règnent la tolérance et la vérité, la droiture et la charité, la joie et la paix, la justice et la fraternité, la liberté et la dignité.

    Pas d’intelligence sans tolérance. Pas, non plus, de vérité sans tolérance. Intelligence, vérité et tolérance ont donc partie liée. Le synonyme le plus proche de tolérance est : respect. De même, amour et vérité se distinguent-ils mais ne se séparent pas et forment un couple indissoluble. L’amour sans la vérité est source de confusions. La vérité sans l’amour est source d’intolérances et de violences.

    Et c’est par la connaissance de ces liens qui les unissent que la philosophie prend conscience de sa grandeur et de ses destinées ; qu’elle apprend ce qu’elle est, c’est-à-dire personnification de la sagesse humaine ; et ce qu’elle doit être, c’est-à-dire un principe cherchant ses applications. Ces liens sont l’unité de vie qui renferme en soi la méthode suivant laquelle la démarche vers le bonheur de l’homme doit s’organiser.

    Récusant les approches trop partielles, la philosophie opte pour une considération complexe de la vérité : celle-ci n’est pas seulement du côté de l’intelligence et du savoir, mais aussi du côté de l’éthique et de l’esthétique, du spirituel et du religieux. Elle n’est pas un trésor que l’on peut posséder, elle est une attitude à promouvoir, une quête incessante, une intériorité croissante.

    En un mot, la philosophie ne méprise jamais, accepte ses propres responsabilités, rayonne à l’infini et parfois à travers des obscurités et des désordres apparents de l’humanité. Et surtout, elle a un sens élevé de la sincérité intellectuelle et humaine, premier pas, premier degré, humble encore mais nécessaire, dans la marche vers la sincérité totale. Il y a une sincérité de l’intelligence devant elle-même qui consiste à ne se soumettre qu’à la vérité perçue, à ne pas permettre que des motifs inférieurs déterminent l’adhésion de l’esprit, à ne pas préférer l’inquiétude, l’angoisse, la souffrance à une adhésion même justifiée. En tout, qu’elle recherche la sagesse, celle qui est faite de modération et qui empêche toutes les impulsions fanatiques. Car l’homme est responsable de ce qu’il fait de son intelligence et de sa vie. Une philosophie qui tienne compte également de ce que l’homme est membre de la grande humanité.

    Si la philosophie veut échapper intelligemment aux doutes qui l’assaillent, qu’elle cherche plus de lumière en devenant meilleure encore ; qu’elle s’efforce de vivre tout ce en quoi elle croit et elle saisira par toute son âme la vérité. Qu’elle étudie, qu’elle examine, qu’elle discute, c’est bien. Nous ne lui enlèverons aucune de ses libertés critiques. Mais surtout, qu’elle fasse généreusement et respectueusement la vérité. Non pas pour se suggestionner et entraîner l’esprit par des automatismes naturels, mais pour se donner la vraie compétence qui vient de l’homme, unifié et ennobli.

    Honneur à toi, philosophie,

    Quand de toi jaillit une immensité, une vibration enthousiaste, une vitalité débordante, forte et grande ; un élan vers l’infini, une prière qui fait descendre jusqu’à nos cœurs le recueillement et la paix.

    Honneur à toi, philosophie,

    Quand tu mets en lumière le dynamisme de l’esprit. Quand tu nous donnes une vie plus riche, plus pleine, plus vraie.

    Quand tu nous donnes une vérité plus complète, plus lumineuse, plus transcendante.

    Quand tu ouvres, à notre réflexion et à notre intelligence, des possibilités plus larges et plus fécondes. Car l’enrichissement de l’homme, l’élévation de l’homme, ne sont pas seulement intellectuels ou culturels, mais aussi moraux et spirituels et ainsi deviennent « argument intérieur » en réponse aux aspirations de l’homme.

    Quand tu guides toutes nos facultés vers la conception métaphysique d’un absolu et vers la découverte du divin.

    C’est la plénitude de l’intelligence que de connaître la vérité comme elle est.

    C’est la plénitude de l’homme que de connaître le bonheur, conséquence de la vérité.

    C’est la plénitude du monde que d’être unique et fécond.

    C’est la plénitude du monde que d’être « mystère de relations ».

    C’est la plénitude du monde que de manifester et révéler l’Être, à travers le Réel.

    C’est la gloire de la philosophie de rester cohérente, unie, compacte.

    C’est la gloire de la philosophie de nous introduire de façon toujours renouvelée au mystère infini de l’Être, mystère de beauté, mystère de vérité, mystère d’unité. C’est aussi l’unité de l’Être qui nous inspire l’harmonie, l’universel, l’infini. C’est la pleine révélation des choses qui guide la conscience philosophique, mais c’est l’esprit contemplatif qui y découvre ou y inscrit la vérité et la beauté.

    Honneur à toi, philosophie,

    Quand, de toi, sort une voix qui crie éperdument son espoir, son amour et sa communion.

    Oui, philosophie, il faut que toi-même vive, bourgeonne, fleurisse, prie et sanglote !

    Il faut que tu exploses vers la vie, vie consciente, énergique et solidaire !

    Il faut que tu t’épanouisses autour de la sagesse et de la vérité !

    Il faut que tu sois l’expression de la vie, de la réalité, de la sincérité, dans leur souplesse, leur dignité, leur énergie et leur grâce suprêmes !

    Il faut que tu cherches partout en ce monde les reflets d’éternité.

    Oui, philosophie, laisse courir ta pensée partout où aucun obstacle ne l’arrête. Poursuis toute recherche et toute critique, toute sagesse et toute méditation, car tout acte, tout geste naturel et normal de la pensée mérite d’être achevé.

    Oui, philosophie, il faut que de tes entrailles sorte cette chaleur rayonnante, qui exprime la lumière de ta propre conscience et l’intelligence où tous se comprennent, se solidarisent et s’aiment à la chaleur de ton enthousiasme !

    Car il faut que l’intelligence réalise toute sa finalité en tendant vers Dieu-Amour de son être le plus intime et, alors seulement, elle pourra concevoir tout le reste dans la vraie lumière.

    La pensée, c’est nous, c’est moi. C’est la force de l’Être.

    La foi, c’est notre trésor, c’est l’unité et l’équilibre de notre « moi ». C’est le don de l’Être. En haussant d’un degré notre intelligence spirituelle, nous grandirons en sincérité, nous conquerrons davantage notre vrai « moi » intellectuel.

    L’intelligence est spirituelle parce qu’elle transcende la matière. Elle est la capacité de faire le lien entre les choses. Le mot intelligence vient du latin « intus-legere » qui signifie « lire à l’intérieur » des choses. L’intelligence est dans la vérité quand elle est adéquation avec la réalité. Elle doit être fécondée par le réel. Ainsi, l’intelligence spirituelle brille là où elle rencontre la quête du sens et de l’infini, là où elle s’unit à la bonté du cœur pour préserver et cultiver la beauté du monde et la dignité de la personne humaine. L’intelligence spirituelle est don de l’éternité.

    Enfin, honneur à toi, philosophie,

    Quand tu recherches avec désintéressement la vérité, toute la vérité, et que tu la proclames pleinement dans le respect et l’amour. Mais pour approcher la vérité, il faut demander aux êtres tout ce qu’ils disent de Dieu. Car la pleine vérité est un reflet de l’éternel, un écho de l’absolu. Parce ce que pour, toi, philosophie, ce qui compte, c’est de capter dans un monde insaisissable, des reflets d’infini qui nous parlent de l’absolu.

    Cependant, comment bien agir, si l’on ne sait tout d’abord bien penser ? Et comment bien penser, si l’on ne sait tout d’abord rectifier, au nom de l’idée pure, les idées d’une longue habitude et une paresse d’esprit jamais complètement vaincue ? Dans la mesure où nous avons le courage d’être vraiment des esprits éclairés, nous nous rendons aptes à engendrer la pensée claire et profonde, d’où suit le bien vivre.

    Oui, honneur à toi, philosophie, car tu es la Pensée, l’esprit lui-même, la raison elle-même, la conscience elle-même, la liberté elle-même. Ta curiosité inlassable te promène au travers et dans tous les sens de la connaissance. Mais des choses les plus sûres, la plus sûre est la SAGESSE.

    À la fin de la tragédie de Shakespeare, Hamlet demande à Horatio d’aller raconter son histoire au monde, mais il ajoute : « Le reste est silence ». Un tel « reste » est l’essentiel ; il se confond avec le silence auquel retournent toutes les philosophies dans leurs quêtes de l’Être dont elles ne sont que de lointains échos{11}.

    Mais voici un aveu que les hommes ont gâché l’œuvre de Dieu. Comment contempler encore l’Infini si les créatures l’ont renié ?

    9. « NOUS RÉCOLTONS CE QUE NOUS AVONS SEMÉ »

    Nous avons chassé Dieu de nos cultures, de nos écoles, de nos universités, de nos hôpitaux, de nos tribunaux, de nos gouvernements, de nos familles et de nos vies. Et comme Dieu est respectueux de notre liberté, il s’est humblement retiré. Aujourd’hui, « Dieu, le fondateur du monde, se voit tenu à l’écart, oublié à la porte de tous les conseils où se décident les affaires de ce monde. Il ne figure pas parmi les grands. Il est relégué dans l’ombre comme inutile ou inexistant. Croire en Dieu est devenu une infirmité grave, voire un obstacle à la liberté de l’homme. Les têtes pensantes proclament même, avec une fière conscience, d’ouvrir une ère nouvelle pour l’humanité : celle où l’homme lui-même refera le monde. Et Dieu, l’oublié, se tait. Son silence n’est pas un repli sur lui-même. Le fondateur du monde se laisse volontiers dépouiller de tout signe de puissance. Il n’y a en lui aucune volonté de domination ou de possession. Son silence exprime sa vérité, sa vraie grandeur. » (Éloi Leclerc, Le silence de Jeanne Jugan, le désert et la rose). Certains écrivains et philosophes ont même construit tout un courant de pensée qu’ils ont appelé : l’absurde. Il est donc assez normal qu’une philosophie de l’absurde se trouve accordée à un monde absurde, une philosophie du désespoir à un monde sans espoir, une philosophie de l’angoisse à un monde angoissé. Il y là comme une transposition qui ne manque pas de séduction pour notre monde contemporain.

    Sommes-nous bien informés en ce qui concerne le droit à la vérité, le droit à la connaissance, le droit à la vie, le droit à la différence, le droit à la religion, le droit à la liberté, le droit au bonheur ? Tous ces droits incitent à la réflexion, à un questionnement. Aujourd’hui, toutes les grandes valeurs et les grandes vérités sont bafouées. Les commandements de Dieu sont méprisés ou refoulés. Les soucis de l’immédiat et de l’utile nous paralysent. La techno-science est devenue l’idéal de notre culture pratique. Aujourd’hui encore, nous promouvons l’impiété, la violence, la force, le pouvoir et l’argent, la drogue, les plaisirs tous azimuts et les thèmes sataniques. Nous ne savons même plus discerner le bien du mal. Le comble du paradoxe, c’est que nous accusons Dieu de tous nos malheurs et douleurs, de notre destin malheureux ! Mais orienter autrement notre vie nous semble impensable. Sans doute, « nous récoltons ce que nous avons semé ».

    10. LA MÉTAPHYSIQUE

    La métaphysique apparaît comme la forme la plus profonde de la pensée comme la plus totale, ne laissant rien en dehors de son domaine. Elle n’est pas seulement une forme de pensée ; elle est une forme de vie ou plus encore une manière d’être, qui implique toute une vision du monde et de la vie, de l’être et de l’existentiel et qui s’infiltre dans toutes les actions de la personne. Elle cherche à découvrir la vérité sur ce-qui-est, sur l’homme considéré en ce qu’il a de plus profond, de plus vrai, de plus radical. Elle est attentive au bonheur de l’homme dans sa finalité et dans sa recherche du transcendant. La métaphysique est donc une forme très profonde et très totale de réflexion et de vision. Et pour ce motif, en beaucoup de ses manifestations, elle apparaît étrange ou même drôle et presque insensée. Et cependant, la réflexion métaphysique est un acte éminemment raisonnable. Celui qui n’ayant qu’une main libre veut emporter deux vases de différentes grandeur doit mettre le plus petit dans le plus grand et prendre le grand avec la main, mais si sa main s’attache obstinément au petit vase, le grand ne pouvant entrer dans le petit, il est obligé de l’abandonner. L’idée de l’être est une porte ouverte sur l’infini et l’infini peut contenir le fini, peut le contenir mais non être contenu en lui au sens où il l’engloberait. Le fini est subordonné à l’infini. Voilà l’harmonie, la concordance, la convergence, la métaphysique.

    11. LA SOLITUDE MÉTAPHYSIQUE

    Toute solitude est difficile à vivre, surtout quand elle est non désirée. Toutefois, une solitude choisie ou acceptée est différente d’une solitude subie ou forcée. Toute solitude est silence et tant de choses belles existent dans les moments de silence, si nous savons les accueillir avec respect et reconnaissance. Et serait-ce conclure trop hâtivement que de dire que toutes les œuvres les plus gracieuses, les plus délicates, les plus aimées, les plus rares, les plus spirituelles de l’intelligence humaine, ont été pensées et conçues dans le silence et les formes si diverses du silence : humilité, douceur, sérénité, détachement, liberté, fantaisie, création. Et ne seraient-ce pas là des grâces de l’âme ?

    C’est pourquoi, il ne faut pas confondre la solitude et l’isolement. L’isolement est la triste réalité de se sentir désespérément seul, en rupture avec l’environnement extérieur. L’isolement est aussi le sentiment profond et douloureux de se sentir abandonné, délaissé, incompris, écarté, rejeté.

    Cela étant, la solitude existentielle ou métaphysique dégrade insensiblement l’âme de ses teintes délicates et subtiles. Elle évoque l’angoisse de l’être qui se voit courir au néant. C’est le vide ou la tristesse de l’âme qui va droit à la crise. C’est l’être qui se tait ou l’incertitude de la raison silencieuse ou impuissante. C’est la nuit noir de l’âme ou la souffrance de la pensée pure. C’est la souffrance du désespoir qui est ressentie comme un échec de la vie.

    La solitude métaphysique, c’est aussi une solitude morale et intellectuelle qui est l’une des plus grandes épreuves qu’une personne puisse affronter. Elle est encore la pensée rationnelle qui se désintéresse de la quête de la vérité. Mais elle exprime surtout le vide intérieur, vide spirituel, vide de sens, qui s’affirment et orientent tout le propre devenir du sujet et toute sa personnalité condamnée à l’immanence. Enfin, elle désigne une vie sans la foi qui signifie l’expérience humaine sans la relation ou la rencontre avec Dieu. La solitude métaphysique se trouve accordée à un monde sans espoir, un monde triste, sans grandeur et sans certitude. L’ignorance et le doute radical constituent l’état de malheur de la solitude existentielle ou métaphysique.

    Le bonheur, c’est une espérance forte et indéfectible ! Le bonheur, c’est Dieu ! « Noverim me, noverim Te », « Que je me connaisse et que je Te connaisse » (Saint Augustin).

    Il est évident que nous vivons dans un monde multi-culturel et multi-religieux où la rencontre des opinions et des convictions les plus diverses est devenue une nécessité quotidienne. C’est dire que toutes les relations humaines se font chaque jour plus complexes et plus difficiles. Une seconde caractéristique de notre temps est l’expansion prodigieuse d’internet et des réseaux sociaux. Elle représente le grand événement qui est au point de départ de notre époque moderne. Du point de vue culturel et social, le monde moderne est maintenant organisé sous le signe de la dualité : la distinction entre le religieux et le profane. En tous cas, comme l’a dit le philosophe français Henri Bergson (1859-1941) dans les Deux Sources, le monde de demain, sous peine de sombrer dans le matérialisme, aura besoin d’un « supplément d’âme ». Il va de soi que « vivre par la foi » ou « vivre une spiritualité profonde » pourrait être ce « supplément d’âme » dans le monde de demain. « Ame », c’est-à-dire vie, force et esprit.

    Livre I. Théorie de la causalité métaphysique. Métaphysique de la causalité de l’être

    1. INTRODUCTION À LA CAUSALITÉ

    D’une façon philosophique, le principe de causalité renvoie au principe de l’être. Le rapport causalité-être constitue le fondement de la métaphysique ontologique.

    Mais en fait, quelle est la caractéristique de l’être comme tel, ce qui est commun à tous les êtres ? – C’est l’existence (le fait de « se trouver là », la présence objective et concrète, la capacité d’être perçu et connu par tout esprit fonctionnant normalement). Ou plutôt – l’existence équivalant à la manifestation de l’être, ce qui exclut les possibles non-manifestés – c’est l’ETRE. Cependant, l’esprit ne peut se mouvoir indéfiniment dans l’idéal. La réalité avec laquelle il est perpétuellement en relation veut être creusée jusqu’à ce qu’elle ait livré son ultime principe réel. Pourquoi le monde est-il toujours en changement ? Pourquoi offre-t-il cette variété d’êtres ? L’on a bien l’intuition, à poser de telles questions, que l’idée de principe s’enfonce au cœur de la réalité. Il ne s’agit pas de vagues commencements, d’initiatives imparfaites, ni non plus de relations purement conceptuelles. Nous venons d’atteindre la véritable idée de la causalité. Par ailleurs, une pensée philosophique qui va au-delà des mots se rend vite compte que, malgré le bien-fondé de certaines de ces formules, l’esprit risque de s’immobiliser en elles et de laisser s’échapper d’importantes nuances{12}.

    Ainsi, l’être nous conduit plus loin que lui-même ; au-delà des réalités qui changent nous pouvons découvrir l’Immuable ; au-delà du relatif, l’Absolu ; au-delà de l’ensemble composé, le Tout simple : le Tout, en ce sens que cet Absolu est « tout être, suprêmement, éminemment et virtuellement ».

    L’Être absolu est donc Celui qui – en tant qu’Être – n’est pas conditionné, pas relatif. Car une condition détermine et modifie : c’est un lien{13}. C’est pourquoi l’Être absolu transcende le temps et l’espace. À l’inverse de l’être relatif qui est nécessairement dans le temps et dans l’espace. Les êtres relatifs naissent, se développent et meurent, c’est le devenir. Mais les êtres relatifs sont aussi ceux qui existent à cause d’autres êtres. À proprement parler, ils ne sont pas ; ils existent, c’est-à-dire qu’ils proviennent d’autres êtres. Autrement dit : leur « existence » n’est qu’une synthèse de rapports, un faisceau de relations. Sans ces rapports ils n’existeraient pas. C’est pourquoi ces êtres sont dits « relatifs ». Ainsi, un être relatif est celui dont l’existence est un équilibre de divers facteurs. Mais l’Être absolu est simple, parce qu’il est absolument, c’est-à-dire plénièrement, sans conditions ni restrictions d’aucune sorte{14}.

    À partir de là, nous pouvons définir le principe de causalité : tout être fini, conditionné, composé, imparfait et relatif, trahit une indigence, une dépendance ou une relativité totale vis-à-vis d’une réalité qui transcende le fini, c’est-à-dire vis-à-vis d’une réalité non-finie ou infinie, immuable, absolument simple, parfaite et nécessaire{15}. Il y a donc un appel essentiel de l’imparfait au Parfait, des êtres relatifs à l’Être absolu. Il est donc nécessaire que la causalité apparaisse comme une notion primitive formée par l’esprit dans sa relation au réel.

    Mais plus significatifs encore sont les points de vue ontologiques et théologiques. Effectivement, aucun des êtres n’est infinis ou éternels, ni non plus, a fortiori l’ensemble des êtres. Pour la théologie philosophique, l’Absolu (Dieu) – crée du relatif. Car si tout change, c’est en vertu d’une loi permanente. Si les êtres naissent, varient et disparaissent, mais que, cependant, il ne cesse pas d’en naître – pour, à leur tour, varier et disparaître – c’est qu’il est une Source unique et profonde à qui tous doivent leur jaillissement. Cependant, ne disons pas qu’elle trône dans l’espace, même en le remplissant tout entier, parce qu’il n’y a d’espace que par rapport aux choses. Cette Source unique et profonde – c’est DIEU. C’est pourquoi tous les êtres proviennent de Lui et ont en Lui tout ce qu’ils ont d’être. Finalement, il n’y a d’Être que Dieu et de Dieu. Dieu est donc suprême source d’existence universelle : non pas « être », si on veut parler en toute rigueur, mais principe ineffable de l’être. Il est notamment la source où nous puisons notre propre réalité ; il est en nous inspiration réalisante{16}.

    En résumé, l’être relatif n’est qu’un reflet de l’être absolu et cette affirmation signifie deux choses : l’être est pris dans la profondeur mystérieuse de Dieu et dans la profondeur émergente du réel. De sorte que, l’être est divin dès le principe. Et l’homme est le centre de l’être. Telle est la plus profonde révélation métaphysique faite sur l’être en tant qu’être. Tel est aussi le sens de l’être, le sens de l’universel, le sens du réel.

    2. TOUT CE QUI COMMENCE A UNE CAUSE

    Parmi tous les aspects sous lesquels les choses se présentent à la conscience, il y en a un qui est fondamental : l’aspect intelligible de l’être. À la vue, toute chose se manifeste comme couleur ; à l’ouïe, comme son ; à l’odorat, comme odeur : diversité nombreuse suivant la multitude des sens. Pour l’intelligence, tous les aspects se réduisent à l’être : couleurs, sons, odeurs sont « quelque chose » et « sont ». Tout est de « l’être », tout est forme ou manifestation d’être.

    Toutes les différences sont encore de l’être. C’est pourquoi l’être ne s’applique pas à telle ou telle catégorie de choses, mais absolument à tout ce qui est : il est ce qui embrasse et contient tout, l’infinité qui attire l’intelligence. Ainsi, tout ce qui apparaît dans la conscience, tout ce qui existe dans la réalité est de l’être.

    Le principe de causalité tire donc sa valeur de l’être : il est un principe d’être, il est métaphysique. Sur ce principe se greffe donc la théorie de la causalité métaphysique.

    Plusieurs choses sont ici à comprendre.

    Tous les corps, parce que composé de matière, se transforment continuellement, s’altèrent, s’éparpillent, se divisent, évoluent. La matière s’étend dans l’espace et se développe dans le temps. Au sens ontologique, tout ce qui existe est chose, essence. Tout ce qui existe est déterminé. L’essence ou la nature d’un être, c’est ce qui lui appartient nécessairement, ce qui fait qu’un être est ce qu’il est, ce qui définit son identité, sa permanence,

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