Découvrez des millions d'e-books, de livres audio et bien plus encore avec un essai gratuit

Seulement $11.99/mois après la période d'essai. Annulez à tout moment.

Une TERRE ASSOIFFEE DE SENS: Vers un humanisme intégral - Préface de Jean Vanier, fondateur de l'Arche
Une TERRE ASSOIFFEE DE SENS: Vers un humanisme intégral - Préface de Jean Vanier, fondateur de l'Arche
Une TERRE ASSOIFFEE DE SENS: Vers un humanisme intégral - Préface de Jean Vanier, fondateur de l'Arche
Livre électronique414 pages4 heures

Une TERRE ASSOIFFEE DE SENS: Vers un humanisme intégral - Préface de Jean Vanier, fondateur de l'Arche

Évaluation : 0 sur 5 étoiles

()

Lire l'aperçu

À propos de ce livre électronique

Cet ouvrage propose au lecteur diverses pistes de réflexion sur des enjeux
existentiels déterminants. Tous les sujets élaborés suggèrent des voies
d’accomplissement personnel par l’élargissement de son horizon de sens.
L’auteur pose ainsi l’indépassable question du sens de l’existence – du tréfonds de laquelle émerge une soif de vivre en plénitude. Ce besoin s’ouvre sur la quête d’un Sens ultime. Aucun raisonnement, exclusivement rationnel, ne saurait jamais ni le limiter ni l’épuiser, car il paraît toujours irréductible aux promesses d’un monde par trop superficiel et unidimensionnel. Tout à l’opposé d’une science, d’une philosophie, d’une théologie dont les recherches, les interrogations, les hypothèses sont en reformulations
constantes.
Ce besoin fondamental de trouver des raisons significatives de vivre, souvent
arrachées au non-sens du néant, au non-être, exige aussi qu’on en éprouve les valeurs. Et jamais avec autant d’acuité, voire d’urgence, en ces jours où il devient vital de garder espoir. Car il faut surmonter les inévitables embûches
se dressant sur son parcours de vie, pour éviter de la voir s’engloutir parfois dans l’absurde, la folie…jusqu’au suicide – plus fréquent que jamais – tel l’ultime recours pour échapper aux tourments d’une détresse d’enfer. Alors même qu’on baigne dans une culture sans âme, se conjuguant à l’éphémère, au « toujours plus », à la marchandisation des relations et du corps, non sans creuser un dramatique déficit de sens, jusqu’à désespérer de soi-même et
d’autrui…
LangueFrançais
Date de sortie13 août 2015
ISBN9782897262068
Une TERRE ASSOIFFEE DE SENS: Vers un humanisme intégral - Préface de Jean Vanier, fondateur de l'Arche
Auteur

Paul Barrette

Paul Barrette a oeuvré dans le monde des affaires durant de nombreuses années. En 1980, il s’engagea successivement dans un conseil de pastorale paroissial, puis diocésain. Il compléta également des études pastorales. Survint alors cet appel déterminant à s’engager en tant qu’assistant dans la communauté de L’Arche-Montréal. Aujourd’hui membre spirituel de sa communauté, il est également engagé dans un bénévolat au foyer l’Esquif, à l’Atelier l’Alizé, et il fait de l’accompagnement des personnes accueillies en tant qu’assistant.

Auteurs associés

Lié à Une TERRE ASSOIFFEE DE SENS

Livres électroniques liés

Développement personnel pour vous

Voir plus

Articles associés

Catégories liées

Avis sur Une TERRE ASSOIFFEE DE SENS

Évaluation : 0 sur 5 étoiles
0 évaluation

0 notation0 avis

Qu'avez-vous pensé ?

Appuyer pour évaluer

L'avis doit comporter au moins 10 mots

    Aperçu du livre

    Une TERRE ASSOIFFEE DE SENS - Paul Barrette

    Je dédie ce livre à Philippe et Thérèse

    Ces bienheureux donnant à Jésus de prier ainsi : « Je te loue, Père, Seigneur du ciel et de la terre, d’avoir caché cela aux sages et aux intelligents et de l’avoir révélé aux tout-petits. »

    (Matthieu 11, 25)

    Préface

    En Paul Barrette se trouvent beaucoup de semences de sagesse. La sagesse est l’intégration de l’expérience personnelle, d’une réflexion humaine, d’une foi vivante et d’un accueil des conclusions des scientifiques. Ce discernement a débuté par une profonde expérience de Dieu où il s’est senti à l’intérieur de Dieu et Dieu à l’intérieur de lui… aimé de Dieu.

    Dans cet ouvrage, l’auteur nous parle de cette expérience mystique qui fut, pour lui, à ce point empreinte d’espérance qu’il ne pouvait la garder pour lui seul, d’où son besoin de la partager. C’est ainsi qu’elle devint le déclencheur, le point de départ d’Une terre assoiffée de Sens.

    Cette expérience s’est prolongée par un appel à vivre l›amour dans le concret en allant d’abord vers sa famille, et en particulier en accompagnant son frère Philippe, atteint d’une maladie psychique grave, chaque semaine, durant ses jours de repos. Puis, durant de longues années, il a œuvré comme assistant à l›Arche, à Montréal. Il y a été extrêmement attentif aux plus faibles. Son expérience spirituelle de Dieu, loin de le détourner de la réalité, l’a amené à vivre avec Dieu en aimant profondément les autres. Paul est un homme de relation. Il sait aimer les gens et comme dit Saint Jean: «Celui qui aime connaît Dieu.»

    Non seulement a-t-il aimé avec beaucoup de vérité les personnes atteintes d’un handicap, mais il a su se laisser aimer par elles. Il a découvert que les plus faibles, ceux et celles qui ont moins de capacités intellectuelles, possèdent de réelles aptitudes au plan du cœur. Elles sont ainsi un chemin vers Dieu.

    Il s’agit d’un essai humaniste…évolutif. Le titre l’indique bien : nous sommes ici à la recherche du Sens de la vie humaine. Évolutif, car on peut le lire aujourd’hui, pour y revenir plus tard et y retrouver d’autres vérités qui nous avaient échappé lors de la première lecture ou qu’on voyait différemment. Cela suppose que nous-mêmes avons évolué entre-temps. D’ailleurs, il est souhaitable de le feuilleter « à petits pas », en réfléchissant, méditant et s’inspirant des propos présentés par l’auteur, d’une crédibilité certaine par son cheminement personnel.

    C’est une occasion d’introspection, de découverte de soi-même et de l’autre — cet autre qu’on ne voit plus de la même manière après cette lecture — ainsi que de l’importance de l’interdépendance entre humains. C’est un voyage dans les profondeurs de notre propre mystère, vers notre véritable demeure.

    L’auteur pose un regard sur Jésus et son Église, portée par la présence de son Esprit, en se référant à la Bible; et aussi sur les sciences, en nous présentant de grands esprits de ce monde au travers des âges et contemporains: physiciens, mystiques, scientifiques, philosophes, neurologues…

    Mais surtout, cet ouvrage est porteur d’une grande espérance pour toute personne préoccupée par les questions d’actualité : la surconsommation, compromettant la dignité de populations entières, y compris d’enfants, et responsable de l’état pitoyable de notre précieuse planète bleue, les différentes dépendances, la prolifération d’armes de destruction massive, la menace permanente du nucléaire, du terrorisme sauvage, de plus en plus visible et cruel. Est-ce que la fin justifie toujours les moyens? À l’heure où quelque chose doit changer, allons-nous nous contenter d’être de simples spectateurs dans un monde jamais aussi fragilisé qu’à l’aube de ce troisième millénaire?

    Ce livre est un chemin vers la sagesse. Je suis heureux de pouvoir écrire cette préface avec l’espérance que beaucoup de lecteurs pourront suivre le trajet qu’il y dévoile vers le Sens de l’humain et vers Dieu.

    À lire, à méditer, à conserver…et à relire.

    Jean Vanier

    REMERCIEMENTS

    Je désire exprimer ma profonde gratitude à mes ami-e-s pour leur inestimable soutien tout le long de ce projet d’écriture. Je ne saurais tous les nommer ici et pourtant, il me faut distinguer certaines de ces personnes dont l’accompagnement communautaire ou spirituel fut empreint d’une écoute empathique et d’un accueil inconditionnel : Richard Wallot, Hortense de Villers, Isabelle Robert, Constance Létourneau, Josée Lemieux.

    Enfin, je n’oublierai pas de remercier Rudy Nanette, Louise et Robert Larivière pour leur contribution à la mise en forme de cet ouvrage.

    INTRODUCTION

    Habité par l’irréductible aspiration à trouver des raisons de vivre, un bénéficiaire d’Emmaüs disait un jour à l’abbé Pierre :  «   Si vous m’aviez donné, seulement donné, j’aurais recommencé à me tuer parce que, ce qui me manquait ce n’était pas de quoi vivre, c’était d’abord des raisons de vivre.   » Ce témoignage ne saurait mieux dire l’apport de sens que cet ouvrage entend proposer au lecteur. Dans cet esprit où l’être humain n’a jamais définitivement fait son « plein de sens », sa quête ne peut trouver son terme ici-bas, tant ses soifs de plénitude, d’absolu, sont abyssales. Il lui arrive plutôt d’être en crise de sens, en ces jours où il ne sait plus pourquoi il existe, où surviennent les tourments d’une dure épreuve, d’une détresse, avec le non-sens existentiel qu’elle charrie. Faisant dire à tant de gens  : « À quoi bon vivre si j’ai épuisé mes raisons de vivre ? »

    Du sens, nous savons combien il en faut pour faire contrepoids aux valeurs d’un monde unidimensionnel, par trop matérialiste, en lequel l’éphémère se conjugue avec le superficiel. Aveugle à la dimension spirituelle de l’être, il la refoule, mais non sans amplifier son aliénation en la gardant à la surface de lui-même, comme étranger à son propre mystère, voire en exil de son intériorité et du sacré qui s’y trouve. Bien au-delà d’une juste satisfaction de ses besoins matériels, multiplie-t-il aussi, de maintes façons, ses appétits et avec ceux-ci, autant de vaines attentes. L’être humain étant un mystère, une énigme pour lui-même, ce n’est certes pas d’un monde unidimensionnel que vont naître des raisons essentielles d’espérer, d’aimer, de s’accomplir pleinement.

    Pensons au nombre croissant d’individus que ce monde-ci accule à un isolement mortifère, les rendant incapables, dans cet état, de reconnaître la partie spirituelle d’eux-mêmes aspirant à émerger, à s’épanouir. Celle-ci se manifeste de façon éloquente par le besoin irrépressible de croire en quelque chose de plus grand que leur seule survie. Leurs cris les plus déchirants semblent exprimer les douleurs d’un enfantement spirituel, mais que le corps même semble refuser. Le seul fait d’admettre que « nous ne vivons pas seulement de pain » interdit à quiconque de nous réduire à la seule dimension corporelle. Alors que c’est un esprit qui, ayant besoin d’un corps pour pouvoir se manifester, cherche en lui-même, et avec d’autres, à trouver du sens à son histoire singulière. Et même si nos histoires portent la mémoire de nos égarements, de nos chemins tortueux, ce peut être justement ceux-là qui nous conduiront à une prise de conscience décisive, salutaire pour s’engager, corps et esprit, à libérer les beautés de notre âme.

    Suite à un événement-choc, une intuition, une vision… nombre de nos semblables deviennent alors plus intensément vivants, rayonnants, comme habités par un surcroît de sens, même un supplément d’âme. Il n’est donc pas si étonnant que certains de ceux-là puissent témoigner d’une présence indicible dans le mystère de leur âme. Thérèse d’Avila, déjà habitée à l’âge de sept ans par le désir d’« aller voir Dieu au ciel », reçut un jour cette réponse du Christ : « Thérèse, cherche-toi en moi; cherche-moi en toi. » Les mystiques, par-delà leur spiritualité, leur religion spécifique, font souvent l’expérience d’un Amour qui se révèle être Dieu au fond de Soi : Source de toute Lumière, de toute Vie et essence même de notre Identité spirituelle !

    Il n’y a que l’expérience de cet Amour-Dieu, intimement personnel, infiniment compatissant, jamais réduit à l’agitation des amours conditionnels, pour faire tomber les masques qui caricaturent son « visage », et le nôtre. Il est vrai que l’Amour-Dieu se laisse plutôt pressentir par le sentiment d’une « absence », d’un « manque »… Comme si c’était la Voie pour que l’être soit tendu vers son accomplissement intégral, sa plénitude, plutôt que de se croire trompeusement plein de lui-même. Indispensable Voie, s’il lui importe d’ouvrir assez librement son cœur à l’autre pour ne pas l’enfermer dans ses déviances et considérer avec empathie l’injustice ou la maltraitance subie. Avec suffisamment de liberté intérieure, il nous est même donné d’aimer celui qui, incapable de s’aimer lui-même, n’aime personne.

    À l’opposé d’un Dieu Jupiter dont il faut se libérer, les mystiques font l’expérience de Dieu dans ce vase fragile qu’est le cœur humain. Là où leurs soifs les tenaillent au plus creux de l’âme. Là où une « voix » les appelle à une radicale solidarité avec les laissés-pour-compte. De sorte que ceux-ci puissent se découvrir aimables, uniques, et même dépositaires d’un don personnel, d’une mission qu’aucun autre ne saurait accomplir à leur place. Il n’y a que ce Dieu, « au-dedans de Soi », pour s’identifier aux cris des assoiffés, des affamés. (Voir Matthieu 25, 40) Ces êtres qu’un certain monde enferme dans ses préjugés, pour mieux les exclure ou les écraser. Aussi, n’y a-t-il que ce Dieu, caché en Soi, pour ébranler celui-là qui s’enferme lui-même dans le confort de sa suffisance, de ses possessions, de ses vieilles habitudes...

    S’il n’eût été de l’expérience spirituelle qui inspira grandement les seize chapitres proposés ici au lecteur, je n’aurais eu ni le besoin ni l’audace nécessaires pour m’aventurer à écrire et à proposer cet ouvrage. Et en dépit, certes, de tenaces réserves liées à la suspicion, même au discrédit que de semblables expériences font planer sur ceux et celles qui en témoignent, c’est aussi en considérant son influence toujours déterminante sur ma vie, sur mes engagements, qu’il m’est apparu pertinent d’en faire le sujet du premier chapitre de cet ouvrage. Bien conscient aussi de la pauvreté des mots quand il s’agit de rendre compte d’un « état » en soi inexprimable, renvoyant le lecteur à ses expériences singulières, dont l’intensité et l’empreinte demeurent indélébiles, agissantes… Telle une vision capable de révéler ce que les cinq sens ne sauraient jamais nous faire vivre ni connaître. Comme si l’essentiel à vivre, à connaître sur Soi, appartenait aux profondeurs du cœur et de l’âme humaine, sur lesquels le passage du temps n’a finalement aucune prise.

    J’ai vécu cette expérience de nature mystique au temps de mes engagements : l’un auprès de mon défunt frère Philippe, lourdement atteint d’une maladie mentale, et l’autre dans une communauté de l’Arche, à Montréal. « Fondée par Jean Vanier en 1964, et essaimée aujourd’hui à travers le monde, l’Arche se donne pour mission d’offrir à des personnes, ayant une déficience intellectuelle, de partager leur vie avec des assistant(e)s venant de tout horizon culturel. Permet-elle ainsi à chacun (croyant ou incroyant), à travers une vie de foyer et une vie communautaire, de déployer les qualités de son don personnel et d’y développer son esprit d’appartenance. » Le « vivre-avec » des personnes très vulnérables, dont l’âme et le cœur sont naturellement transparents, authentiques, demeure pour moi une expérience humaine, spirituelle d’une valeur inestimable. Manifestement, ces êtres sont l’âme vibrante de nos vies partagées : aussi vrais dans le langage silencieux de leur cœur à découvert que celui de leur corps. Aussi vrais dans l’expression de leur bien-être que de leur mal-être.

    Dans la toute simplicité du quotidien, il apparaît clairement que ce ne sont pas vraiment les différences liées à leur handicap qui nous distinguent, mais le fait que ces personnes soient incapables de cacher leurs fragilités. Et du coup, elles deviennent de fidèles miroirs reflétant les « masques » derrière lesquels nous croyons pouvoir cacher nos propres vulnérabilités. Et dire que le monde des soi-disant « normaux » voit, en nos précieux ami(e)s, rien d’autre qu’un échec de la nature, à mépriser ou à éliminer avant leur naissance ! Au regard de ce monde, ils n’auraient pas les qualités minimales pour répondre aux critères de ce qu’il juge être la « normalité ». Mais qu’en est-il de la « normalité », le jour où une personne est atteinte d’une sévère déficience physique, mentale, d’une maladie dégénérative, d’une sénilité précoce ? Qu’en est-il alors de sa dignité humaine, si elle ne devait tenir qu’aux critères d’une soi-disant « normalité » ? On comprend le terrible effet boomerang de leurs propres critères réductionnistes, de leur relativisme éthique, lorsque certains tenants d’une normalité discriminatoire sont eux-mêmes frappés par l’inattendu d’un sévère handicap. Ce propos renvoie au chapitre sur Les différents, auquel s’ajoutent ceux faisant plus explicitement écho à mes engagements : La communauté (L’Esprit de vérité), Le pardon, La vulnérabilité humaine, L’isolement qui tue et Le don personnel.

    Le chapitre portant le titre : La conscience humaine, soulève des enjeux liés à notre quête de sens et en cela, il rejoint de diverses façons l’ensemble des chapitres de cet ouvrage. D’entrée de jeu, disons que la nature de la conscience, se révélant spécifiquement humaine, mais transcendante, reste un grand mystère pour la science. Le physicien Nick Herbert affirme: « Je crois que la conscience est le problème le plus difficile à cerner, et que la physique s’est surtout attachée à résoudre les problèmes faciles. » Alors que la conscience est impliquée dans toute introspection, dans l’acte d’aimer, de réfléchir, de créer, d’évoluer... avec ce sentiment d’être un individu singulier, perfectible ! Conscience par laquelle il est tantôt subjectif, intimement personnel, tantôt objectif, avec une distanciation sur soi. Le seul fait de rendre possible l’« examen de conscience » s’avère un affranchissement non réductible à l’égard du déterminisme propre au règne animal.

    Par prises de conscience successives, suscitant son besoin de connaître sa réelle Identité, son Origine, le sujet humain s’engage ainsi à développer son potentiel insoupçonné de conscientisation, d’humanisation, lui conférant le privilège d’écrire l’histoire d’une vie qu’aucun semblable ne saurait écrire à sa place. Sans conscience d’être, il serait incapable de poser un regard sur lui-même en tant que sujet existant. Il n’aurait ni conscience de penser, d’agir, ni celle d’être interpellé par la quête d’un sens à son existence, ou par celle d’une vision cohérente de son monde. Il ne serait pas non plus en mesure de s’interroger sur Dieu, le néant… Certes, c’est en raison de sa conscience que l’angoisse de sa mort inéluctable peut l’envahir, mais c’est aussi grâce aux lumières de sa conscience qu’il poursuit une quête d’Absolu lui donnant l’assurance d’un Devenir ! Et puisque ses origines puisent au transcendant, la conscience inspire sa capacité et le besoin d’un dépassement de Soi : que ce soit par une recherche d’authenticité, de liberté intérieure ou par la manifestation de son don, la réalisation de son idéal et de sa mission personnelle. Pour des motifs hautement humanistes, la conscience fait de lui un « objecteur de conscience » – un indigné devant tout pouvoir abusif, toute injustice, toute imposture. En accédant à des niveaux supérieurs de conscience, il se dispose à choisir des engagements par lesquels il peut se mettre au service des autres, même poser des gestes héroïques pour autrui… jusqu’à donner sa vie par compassion, porté par la conviction que la nature profonde de tout être humain est sacrée, inviolable !

    L’être engagé dans sa croissance intégrale sait que l’éveil de sa conscience génère un savoir inédit, personnalisé, impossible à obtenir ailleurs qu’en soi-même. Il reconnaît donc la nécessité d’être à l’écoute de sa « voix » qui, par les prises de conscience qu’elle suscite, rend enfin évident ce mal dont il était jusque-là inconscient, ou encore insensible, indifférent. Rendue plus audible, amplifiée, cette « voix » met en évidence qu’il s’était maltraité, rabaissé, en niant un comportement indésirable et en résistant à de nécessaires changements. Et bien qu’une surdité volontaire semble faire taire cette « voix », ce n’est pas sans déclencher des signaux d’alarme sous forme de mal-être divers et persistants, à la mesure des comportements, des conditionnements aliénants et des fausses croyances sur soi-même et sur les autres. À cause de ces mal-être en résultant, aucune surdité volontaire ne parvient donc à réduire cette « voix » au silence. Ce ne serait là que son dernier recours, car il n’y a pas de surdité sans déficit d’humanité. Ne pensons ici qu’à l’inhumanité de ces tortionnaires se faisant le bras armé d’un Dieu qu’il faut venger en massacrant leurs semblables, au nom d’une cause soi-disant juste et au prix infâme de la mort d’innombrables innocents. J’entends l’écho d’une telle « voix » dans cette confession de Paul : « Ce que je veux, je ne le fais pas, mais ce que je hais, je le fais. » (Romains 7,  15) En cet aveu si franc, si humain, j’y vois une quête de vérité sur soi et toute l’importance d’instaurer un dialogue avec notre être intégral : l’« être tout entier dans son individualité authentique », que Carl Gustav Jung désigne comme le Soi. Ce dialogue intérieur est donc rendu possible en créant une certaine distanciation avec le « moi de surface » (ego) : celui qui alimente des monologues par lesquels il s’abuse lui-même. Cette distanciation critique devient décisive, autant pour nous faire l’observateur de nos états d’âme, affectifs, émotionnels, corporels, que pour les intégrer, les conscientiser. Elle nous permet ainsi de mettre fin au cycle, ô combien piégeant, des mêmes réactions, des mêmes habitudes et des mêmes pensées erronées, sachant qu’il suffit d’une seule pour mener au désespoir celui qui l’alimente.

    Créer cette distanciation devient salutaire pour l’être submergé par des émotions, des angoisses, une honte, une culpabilité surgissant d’un passé tissé de blessures subies ou infligées. D’où son besoin d’aide afin de libérer l’énergie que ce passé garde captive, souvent captive d’un surmoi dénigrant, destructeur. Mais une fois libérée, l’énergie devient enfin disponible pour que s’ouvre un dialogue intérieur, orienté vers la connaissance de Soi et l’actualisation de son véritable moi. Et d’autant plus fécond qu’il s’appuie sur des valeurs humanistes, altruistes et sur une réflexion, une méditation, un discernement indispensables à l’établissement de dialogues expurgés de ces attitudes rigides, intransigeantes, ne laissant aucune place au cheminement personnel.

    Les deux chapitres sur La souffrance humaine et Le mal humain traitent de deux réalités qui s’inscrivent aussi dans l’esprit d’un dialogue avec Soi et avec d’autres. Réalités difficiles, certes, puisqu’elles s’avèrent des pierres d’achoppement, et même de dangereux obstacles dans notre quête de sens. Réalités aux multiples facettes, souvent inextricablement enchevêtrées l’une à l’autre, que nous esquiverions volontiers si elles n’étaient pas le propre de nos existences. Autant suscitent-elles le déploiement du meilleur de Soi, et parfois une résilience étonnante chez certains, autant font-elles ressortir les profondeurs de la malveillance chez d’autres.

    Personne n’est immunisé contre les forces obscures du mal ni contre les plus cruels malheurs que les humains peuvent s’infliger mutuellement. Ce sont ces mêmes forces qui, infiltrées au sein même d’un système économique mondialisé, sont gouvernées par le culte du gain à tout prix. Elles créent ainsi, pour des centaines de millions d’humains les plus pauvres, de fausses pénuries en denrées alimentaires de première nécessité. Ces forces-là dressent un mur devant la nécessité vitale d’une plus grande solidarité entre nous, alors que c’est là la condition indispensable pour que soit possible un partage vraiment équitable de nos richesses communes. L’iniquité, nous le savons, fait toujours peser sur notre Humanité un lourd fardeau de non-sens, de détresse, de désespoir, d’indignation, de révolte… Nous ne saurions donc faire l’économie de ce genre de constats, aussi désespérants soient-ils, mais sans perdre de vue que la première urgence est toujours de soulager le plus souffrant. Et parfois, nous le soulagerons de son plus lourd fardeau en lui partageant nos raisons de vivre les plus essentielles, éprouvées.

    Dans cet ouvrage, plusieurs références, citations nous renvoient à la science, en raison de son apport significatif à notre quête d’un surcroît de sens. Notamment les progrès de la physique quantique, de la neuroscience qui, par leurs découvertes, leurs théories, nous offrent des pistes de réflexion fort stimulantes. Comme celles auxquelles nous invitent ces éminents scientifiques ayant dépassé cette vision qui enferme l’être humain dans des mécanismes exclusivement biologiques. John Eccles, neuroscientifique et prix Nobel de médecine, est l’un de ceux-là : « Je maintiens que le mystère de l’être humain est incroyablement dévalué par le réductionnisme, qui compte sur le matérialisme de promesse pour finalement rendre compte de l’ensemble du monde spirituel en termes d’activité neurologique. Cette croyance doit être classée parmi les superstitions. » (Extrait de Du Cerveau à Dieu, par Mario Beauregard et Denise O’Leary) Alors que Bernard d’Espagnat dit ceci: « Reste au minimum qu’en ce domaine de la quête de sens (de la vie) la science d’aujourd’hui renverse, on l’a vue, les blocages de type matérialistes qu’une science moins avancée avait pu inspirer. Ce n’est pas rien ! » (Extrait de Traité de physique et de philosophie) Ces deux esprits scientifiques, et d’autres cités, nous renvoient aux possibilités encore insoupçonnées de l’esprit humain. « Cet esprit intervenant dans tous les phénomènes physiques, et sans lequel aucune compréhension ni description de ceux-ci ne serait possible. »

    Cet ouvrage entend offrir au lecteur maintes propositions, à travers les sujets déjà évoqués, et auxquels s’ajoutent : Lumière insaisissable ! En quête du vrai Dieu, Fils de l’homme, Les profondeurs de l’âme, La sexualité humaine. Ces sujets se veulent autant d’occasions de prendre position, de s’objecter ou d’affirmer ses propres convictions. Tous portés par la prémisse que le sens donné à la vie, à sa propre vie, transforme tout ! Alors que faute de trouver des raisons de vivre, ce sont des raisons de mourir qui prennent de l’expansion. En un mot, André Malraux dit la pertinence de cette quête de sens : « À quoi bon aller sur la lune si c’est pour s’y suicider. »

    Il s’agit, certes, d’un effort de synthétisation concernant des sujets substantiels, qui invitent le lecteur à prendre des pauses. Traités par nombre d’érudits, ce sont des questions ayant donné matière à remplir nos bibliothèques. Je ne suis donc pas sans ignorer l’évidente insuffisance de mon essai. Pourtant, malgré ses limites, ses maladresses, j’estime qu’il peut atteindre son but s’il contribue, tant soit peu, à témoigner de notre potentiel insoupçonné d’humanisation, de spiritualisation. Fort conscient de ce potentiel, Maurice Zundel put dire à l’un de ses auditeurs : « Vous aviez ça en vous. Si vous ne l’aviez pas eu, je n’aurais pu vous le donner. » Ce mystique témoigna ainsi de ses raisons de vivre : « Dieu est innommable. Mais le secret de Celui qui est est d’être Amour, cette présence amoureuse capable de se donner à l’autre, éperdument. »

    Mystère de dieu

    « Le mystère n’est pas l’incompréhensible qui se dresse comme un mur contre notre intelligence,

    mais l’inexprimable et l’insondable que l’on n’épuisera jamais,

    qui fait craquer les mots et les idées mais comble l’esprit par son infinité

    et qui l’illumine merveilleusement. »¹

    Maurice Zundel

    1. IMMERGÉ DANS L’AMOUR

    « Si rien ni personne n’est en dehors de Dieu,

    nous échappons au vertige du temps qui passe, à l’anéantissement de notre mémoire,

    à l’inconsistance angoissante de notre avenir :

    en Dieu rien n’est jamais irrémédiablement perdu de nos générations... »

    « Si rien de ce qui nous arrive n’est en dehors de Dieu...

    nous échappons au vertige de l’absurde et à la menace de la perte de sens. »²

    Lytta Basset

    1. IMMERGÉ DANS L’AMOUR

    Un mystère d’intériorité

    Maître Eckart parla ainsi de ses expériences mystiques : « Tout ce que j’ai écrit me semble un feu de paille comparé à ce que j’ai vu et à ce qui m’est révélé. »³ Pour sa part, saint Augustin écrivit ceci : « Que peut dire celui qui parle de vous ? Et pourtant malheur à ceux qui se taisent de vous. » Ces deux seules citations renvoient au mystère dans lequel nous plongent ces événements dits « mystiques ». Témoigner d’une semblable expérience, par nature subjective, singulière, m’a fait toucher à ce paradoxe : bien qu’elle appartienne aux profondeurs de mon être, voilà qu’elle me laisse avec des mots qui m’apparaissent trop pauvres pour partager ce que, pourtant, je connais si intimement par le « cœur ». Déjà que les mots sont insuffisants pour dire ce que nos amours humains nous font ressentir, alors qu’il s’agit ici de tenter de mettre en mots l’expérience d’un Amour indicible !

    Comme je l’ai évoqué dans l’introduction, un tel événement, si facilement associé aux fantaisies de l’imaginaire, suscite d’emblée le scepticisme, si ce n’est la suspicion. D’où la nécessité de le soumettre au discernement rigoureux d’un accompagnement spirituel et d’en mesurer les effets tangibles au quotidien de nos vies. Personnellement, c’est l’élargissement de ma liberté intérieure, de mon champ de conscience qui, finalement, m’assure de sa valeur sans équivoque. L’âme transfigurée par l’Amour donné, rien de plus révélateur n’aurait pu mettre en lumière la dignité irréductiblement sacrée de toute personne humaine.

    Pour John Eccles, cité dans l’introduction, la dimension spirituelle de l’être humain est une évidence : « Nous sommes des êtres spirituels, dotés d’âmes dans un monde spirituel, mais aussi des êtres matériels avec des corps existants dans un monde matériel. »⁴ Spirituel par l’esprit, la conscience, le lecteur peut se référer à ses expériences spirituelles singulières. De celles qui font de nous les sujets d’une « rencontre » ou d’une « présence », souvent bouleversante et transformatrice ! Or, ces expériences ne sont pas réservées qu’à des mystiques reconnus, car bien des gens en témoignent. S’il ne

    Vous aimez cet aperçu ?
    Page 1 sur 1