Lydie Salvayre « Nous avons un besoin vital de ce qui n’existe pas »
« Il y a en moi un Don Quichotte qui rêve d’un monde plus juste »
Brillante romancière, par ailleurs psychiatre, Lydie Salvayre a obtenu le prix Goncourt 2014 pour Pas pleurer, où elle croisait l’histoire de sa famille, prise dans la guerre d’Espagne, et celle de l’écrivain Georges Bernanos, soutien des franquistes qui dénonça tout de même leurs massacres. Un texte extraordinaire, universel par sa façon de montrer l’élan d’une révolution et sa ruine présente en germe dès l’origine, mais également très personnel – on y entendait la mère de Lydie Salvayre raconter son histoire dans son français truffé d’espagnol. Dans Rêver debout, à paraître dans dix jours, la romancière s’intéresse au plus célèbre idéaliste inventé par la littérature : le grand Don Quichotte, qui va confronter ses belles valeurs chevaleresques aux réalités de l’Espagne du Siècle d’or. Sa lecture du classique de Cervantès, où l’exaltation et l’intelligence se pondèrent l’une l’autre, lui ressemble en tout point.
Lydie Salvayre, à votre avis, en quoi peut-on encore croire aujourd’hui ?
En Dieu ? En la révolution ? En l’utopie d’un monde meilleur ? Juste avant notre entretien, j’ai entendu à la : un véritable désastre ! Comment, dans ces conditions, croire en l’utopie d’un monde où la nature et toutes les formes de vie ne seraient pas menacées ? Comment croire en l’utopie d’un monde plus juste alors que les inégalités sociales se sont encore dangereusement creusées ? Comment croire en l’utopie d’un monde plus libre alors que nous avons accepté sans broncher, pendant le confinement, de rétrécir nos libertés et que se multiplient les régimes autoritaires exerçant un contrôle de plus en plus drastique sur leur population ? Comment croire du reste en quoi que ce soit lorsqu’on voit, sur les réseaux sociaux, les croyances les plus délirantes et les plus imbéciles s’ériger en vérités incontestables ? Cependant, en dépit de tout ce que je viens de vous dire, quelque chose en moi, de très déraisonnable sans doute, et peut-être de très naïf, quelque chose en moi m’amène, à l’instar de mon cher Pascal, à faire le pari de croire, non pas en Dieu, mais en un avenir encore désirable.
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