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L'unicité de l'Être
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L'unicité de l'Être
Livre électronique604 pages9 heures

L'unicité de l'Être

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À propos de ce livre électronique

Il est question de l’unicité de l’être. En effet, l’unicité de l’être s’inscrit dans le prolongement de l’être et l’unité. (1) Il s’agit d’un essai de philosophie première et étude approfondie de questions ontologiques. Ainsi, par rapport à l’être et l’unité, l’unicité semble constituer l’une des premières valeurs de l’être. C’est la richesse de l’être qui transparaît dans l’unicité et c’est la pluralité qui se lit à travers l’unicité. Si la pluralité est distinction, la distinction est identité. C’est dire avec force que l’unicité affirme la vérité et la pluralité du réel. L’unicité, de fait, est mitoyenne du réel et de l’être, de l’identité et de l’altérité, de la pluralité et de la diversité. Si l’être est la source de l’existence, l’unicité s’unit à l’existant, à la vie, à l’existence consciente. L’unicité de l’être renvoie donc, comme à sa plénitude, à l’unicité de l’homme, et plus fondamentalement encore, à l’unicité de Dieu. (1) Cf. L’être et l’unité, tome 1 : L’être relationnel, tome 2 : L’un multiple, Paul-Emmanuel Stradda, Ed. l’Harmattan, 2014.
LangueFrançais
Date de sortie26 févr. 2015
ISBN9782312033297
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    L'unicité de l'Être - Paul-Emmanuel Stradda

    cover.jpg

    L’Unicité de l’Être

    Paul-Emmanuel Stradda

    L’unicité de l’Être

    img1.jpg

    LES ÉDITIONS DU NET

    22 rue Édouard Nieuport 92150 Suresnes

    © Les Éditions du Net, 2015

    ISBN : 978-2-312-03329-7

    Essai de philosophie première

    Sommaire

    Essai de philosophie première

    Sommaire

    Présentation générale et atmosphère

    Section 1 : L’Unité de L’Être

    Section 2 : La multiplicité de l’Être

    Section 3 : L’intelligibilité de l’Être

    Conclusion Générale

    J’ai regardé dans mon propre cœur :

    C’est là que je L’ai vu.

    Il n’est nulle part ailleurs.

    Je ne suis ni chrétien, ni juif, ni parsi, ni même musulman.

    Je ne suis ni d’Orient ni d’Occident, ni de la terre, ni de la mer.

    J’ai abdiqué la dualité, j’ai vu que les deux mondes ne sont qu’un.

    Un Seul je cherche, Un Seul je contemple, Un Seul j’appelle.

    Il est le premier, Il est le dernier, l’extérieur et l’intérieur.

    Je ne sais rien d’autre que « Ô Toi », « Ô Toi qui est ».

    Je suis enivré par la coupe de l’Amour.

    RUMI

    Présentation générale et atmosphère

    L’évidence première de l’Être

    Le grand oublié (impensé) de la philosophie de ces dernières décennies, marquées surtout par le nihilisme et l’idéalisme allemands, c’est L’ETRE. D’où vient alors que l’homme ait oublié ce primat de l’exister ? Alors que l’Être est réellement présent à l’homme, et que l’homme ne pense et n’agit efficacement que par sa rencontre avec l’Être. Celui-ci est comme la lumière à sa raison, une force dans le penser comme dans l’agir. L’Être est donc une vérité universelle, absolue de ce monde, toujours présent, il constitue l’ontologie, il est le principe initial des idées et de la connaissance. Ainsi l’Être est comme le premier philosophique, il est une réalité qui s’exprime dans cette formule « L’Être est la signification directrice et intelligible du réel ». C’est en ce sens que la pensée métaphysique est toujours en quête de l’Être. Cette vérité de l’Être implique non seulement la métaphysique, mais également la philosophie traditionnelle, l’ontologie, l’éthique, l’esthétique, l’expérience spirituelle, la mystique, et même la théologie. Tous ces « secteurs » touchent de près ou de loin le savoir métaphysique.

    Qu’est-ce donc la métaphysique ? Et en quoi consiste-t-elle ? Il existe toutes sortes de questionnements, scientifiques, économiques, culturels, artistiques, sociaux, éthiques, religieux, politiques etc. Cependant, le questionnement métaphysique s’ouvre sur un horizon immense qui enveloppe toutes choses sans exception, sans préjugés et sans exclusive. La métaphysique n’est pas une fiction, elle appartient au domaine des réalités. « Et quoi, dira-t-on, repenser le sens de la métaphysique, alors que notre siècle la considère comme caduque depuis Feuerbach, Marx, Nietzsche et Freud, et qu’elle appartient donc au passé ! » A la vérité, il n’y a pas lieu de manifester cette surprise réprobatrice. Pourquoi ? Parce qu’on ne peut véritablement parler de « métaphysique » que dans la mesure où elle correspond à cette idée fondamentale que l’homme ne se suffit pas à lui-même, qu’il dépend de principes qui le dépassent. En effet, dès que l’homme commence à réfléchir, il se trouve posé devant le Réel comme devant une redoutable et prodigieuse énigme. Il voit l’Être, il est conscient de l’Être, il perçoit l’Être. Il pense l’Être dans son inépuisable richesse et dans ses valeurs diverses. D’ailleurs, l’intelligence objective et concrète ne voit pas comment sortir de l’Être pour poser une « chose » ou un « réel ». Ainsi, cette « évidence » objective de l’Être manifeste non seulement une nécessité de fait, mais également une nécessité de l’intelligence. Dans la consistance de l’Être, la pensée n’est pas vaine, elle est fondée sur du réel et laisse ouverte une porte sur l’infini. L’existence de l’Être est la première donnée du réel : c’est une affirmation ontologique. Le réel est donc nécessairement « ouvert », sa limitation (par la raison) est une erreur.

    Le réel est ainsi la principale voie d’accès vers l’Être. Il va de soi que le réel est le Tout, le tout-être, l’existence totale. C’est pourquoi, le réel est consubstantiel à l’Être, c’est-à-dire à l’Être intelligible des choses.

    L’unicité de l’Être est un ouvrage qui s’envisage comme une tentative visant à fonder l’idée de l’Être sur les trois grands concepts fondamentaux que sont l’unité, la multiplicité et l’intelligibilité. En ce domaine, la métaphysique n’a de sens qu’au sein du Tout : sans totalité, parler de métaphysique n’a plus de sens. D’où la nécessité pour le philosophe de ne jamais perdre le point de vue du « tout » et de « l’unité ». Pourtant, l’Être apparaît comme le grand « refoulé » de ce 21ème siècle naissant. Néanmoins, en raison de son importance, ou plus exactement de son évidence objective, l’affirmation de l’Être se présente comme raisonnable. Son infinité positive rassasie l’effort intellectuel. Et cela, parce que l’Être est réellement présent à l’homme, comme concept, et comme réalité. Cependant, sa concision extrême déconcerte la pensée de l’homme. Et cette pensée de l’Être d’abord l’arrête. Car il ignore la nature profonde ou l’essence de l’Être, mais n’imagine pas qu’il puisse exister ou subsister hors de l’Être et sans l’Être. Celui-ci le sous-tend sans que l’homme ne puisse deviner d’où il vient et où il le conduit. En effet, l’inépuisable richesse de l’Être livre à l’intelligence toutes sortes de significations et de sens, tout en gardant son principal mystère. Et cependant leur rencontre suffit à découvrir une vérité authentique. L’homme qui rejette l’Être est blessé, il ne sait plus retrouver l’équilibre. Il est clair, en tout cas, que l’Être est d’une grandeur qui dépasse la prise de l’intelligence humaine. Enfin, l’Être est un socle, un point d’appui pour s’élever plus haut, à l’immuable, à l’absolu. En l’Être se trouvent toute la profondeur et toute la solidité du réel. L’Être est tout ce qu’il y a de positif dans le réel, tout ce qu’il y a d’intelligible dans le vrai, tout ce qu’il y a de fondamental dans l’universalité. L’Être en tant qu’unité du multiple, en tant que multiplicité intelligible{1} apparaît comme un miroir de l’absolu, imprégné par le sens de la transcendance. Tandis que l’unité ne peut pas avoir de multiple en dehors de soi, mais en soi ou être l’unité du multiple. C’est-à-dire que le multiple n’est lui-même que par l’unité dont il participe. L’Être est non seulement la connaissance empirique du réel, mais il est aussi la raison des choses ; il se nourrit de la lumière de la vérité. L’Être est la beauté du réel dans la Beauté absolue. L’Être est la dérivée ontologique de l’unité, tandis que l’unité est la dérivée métaphysique de l’Être un. L’Être un est l’Être pur ; il est celui qui est le tout de la totalité des êtres et des totalités partielles qui font partie de la totalité des êtres. N’entrant pas dans un tout, l’Être un n’est pas un tout, mais un hyper-tout, un tout par excès. L’Être un est la source fondatrice de tous les intelligibles.

    L’Être pur, mystère philosophique, est la vérité fondatrice de toutes les vérités de l’Être. L’unité de l’Être, commun, analogique et intelligible trouve son fondement en l’unicité suprême qui est Dieu. Une part de l’effort philosophique consistera donc nécessairement à étudier les fondements de la vérité. Or, sur quoi repose la vérité ? Le fondement de la vérité, c’est le réel, la réalité. En fait, la vérité est la qualité d’un discours, d’un raisonnement qui ressemble à la réalité, qui en est la copie.{2} Ainsi donc, la logique de la vérité est inséparable de la logique du réel, si bien que la vérité même est inscrite dans le réel. La logique de la vérité se dégage immanquablement de l’absolue nécessité du réel et de la réalité. Si le réel s’impose à nous irrésistiblement, de même la vérité s’impose à nous d’une manière irrésistible dans la mesure où elle se greffe sur le réel d’une manière inséparable. Le réel n’est pas une simple limite idéale, c’est la totalité de l’être qui anime la réflexion quand elle aspire à comprendre, à déchiffrer la réalité complexe qui nous entoure. S’il est vrai que la réalité représente le sens du présent, le sens objectif du concret. L’être, l’unité, l’objectivité sont parmi les notions premières, expressives du réel. Quant à la vérité, elle marque la relation de l’être à l’intelligence ; l’objectivité, celle de l’être au réel ; l’unité, celle de l’être à l’intelligibilité. Il s’agit donc ici des réalités du monde intelligible qui présentent des affinités profondes avec notre esprit. En fait, le monde intelligible exprime le mieux la véritable attitude métaphysique. Le mystère de l’intelligence n’est-il pas le mystère de l’être ? Et le mystère de l’être n’est-il pas le mystère du réel ? Le réel, c’est « tout-être ». Et l’idée d’être est la plus fondamentale, et, en ce sens, (elle est) la première idée du réel. L’Être revient en propre au réel, à l’existence. L’Être, avons-nous dit, est la base du réel. Il se trouve au fond de l’existence même. Par conséquent, l’Être est premier dans le réel, c’est-à-dire qu’il en est l’essentiel et le fondamental. Et le réel est ouvert à la pensée. Le réel est l’impératif de la connaissance. C’est pourquoi la connaissance se trouve dans le monde intelligible. L’idée fondamentale de l’intelligible, c’est l’unité, c’est l’idée de la force sublime de l’être. Le réel est la cause de la vérité, et la vérité éclaire la pensée. La vérité devient ainsi le sens du réel vers la pensée. Le réel est, et dans le réel, l’homme cherche la vérité. L’homme cherche la vérité dans le réel dont il fait partie. Bref, l’être est aussi riche que le réel. Assurément, l’être est la signification essentielle du réel. De même que la vérité de l’être est l’unité et la vérité de l’unité est le réel, de même la vérité de l’être réel est Dieu. Dieu et la vérité sont donc une chose éternelle ; et la vérité et Dieu sont éternels de la même manière. Aussi, tout le mystère de l’être repose sur le mystère de Dieu.

    Le bien et le vrai adhèrent nécessairement à l’être, l’être et le vrai à la connaissance de Dieu. Bien et vrai, beau et être procurent à l’esprit son authentique bonheur. L’unité est connaissance, car l’unité est au cœur du réel et rayonne la lumière de l’être dans sa vérité. La connaissance de Dieu est la joie et le bonheur de l’esprit. Ainsi, l’être nous fait voir que Dieu est la vérité ou que la vérité est Dieu, et montre en quelque manière que l’un est l’autre. Cette vérité première et éternelle n’est-elle pas le sens profond du Grand réel ? Ce sens : « deux incommensurables », Dieu et la vérité au sein de la plus haute valeur immuable. Il est évident que cette valeur admirablement signifiante englobe l’unité des fondements métaphysiques qui embrasse l’unité de l’ensemble du réel existant selon ses conditions ontologiques absolues. Et en ce sens, cette absolue valeur, qui est la vérité de Dieu, va laisser apparaître la signification métaphysique profonde de la totalité : « La substantialité du réel » qui est principalement la portée ontologique de l’unité multiple, de l’unité simple et de l’unicité du réel. Plus précisément, la notion d’unicité de l’être est indissociable de celle de la multiplicité. Si l’être est unité, il l’est dans la différence, dans la pluralité et dans l’existence. Ce concept d’unicité implique également une idée de transcendance et renvoie à Dieu. Retrouver la Vérité, retrouver Dieu ; se retrouver. C’est là aussi la thèse la plus fondamentale de toute la métaphysique. De même si l’être est compris comme un perpétuel présent, il est aussi capable d’offrande et d’accueil, d’appel et de réponse, parce qu’il porte un nom et qu’il est unique, il est une valeur originale et irremplaçable, une liberté, une vérité, une réalité, une personne. Ainsi, l’être n’est pas l’univers du quelconque ou de l’anonyme mais l’univers de l’être véritable, individuel et singulier, parce que l’être est nécessairement réel et authentiquement concret. Ainsi encore, si la connaissance est au cœur de l’être et si le réel possède la plus haute valeur ontologique, alors l’être est sagesse et le réel est amour.

    C’est donc dans la profondeur de l’unité que se manifeste l’être. En fait, la multitude elle-même émane nécessairement de l’unité, âme de la multiplicité. Car en ajoutant des zéros, on peut élever le chiffre « un » à n’importe quelle valeur, mais ces mêmes zéros ne vaudront rien par eux-mêmes si ce chiffre « un » est omis. De même, l’être sans l’unité est sans valeur et sans multitude. En définitive, la synthèse de l’expérience ontologique se noue et prend un sens au-delà de l’être, dans l’affirmation de l’infini. Mais l’être ne peut être infini car il est être. L’être se défini et se représente dans le limité, le temporel et dans l’espace. L’infini ne peut se représenter et se définir. C’est par analogie que nous passons de l’être fini à l’être infini, de l’être relatif à l’être nécessaire. Cependant, l’être, plein d’ombre dans sa lumière, demeure une harmonie mystérieuse et reste le mieux approprié à notre raison cognitive. Le mystère est intrinsèque à l’être. Le mystère de l’être a un rapport avec la beauté car il est immanquablement fixé par de l’intelligible. Unité, beauté et intelligibilité constituent le « mystère ontologique » que les choses portent en elles.

    Section 1 : L’Unité de L’Être

    Entrer dans la pensée métaphysique

    D’un point de vue métaphysique, l’homme est intéressant, plus que tout le reste du cosmos mais le reste l’est aussi, sinon autant. L’horizon du philosophe est plus vaste : il est universel, illimité, c’est-à-dire qu’il comprend ou plutôt englobe tout ce qui est. La totalité, ce mot fameux est un peu oublié en philosophie, et pourtant il est vrai, tout au moins en ce sens qu’il exprime l’ambition caractéristique, constitutive du métaphysicien : connaître l’être et les êtres, les êtres quant à leur être et le tout de l’être.{3} La nécessité objective du réel est ainsi la clef de toute métaphysique : elle est donc au cœur des choses. L’homme voit partout l’un, le simple et le multiple. Cette prodigieuse multitude des êtres, c’est le monde, totalité et unité. Ainsi, toute métaphysique développée se réduit, en dernière analyse, à l’une de ces deux conceptions cardinales : franchir l’hiatus qui sépare l’ontique de l’ontologique, d’une part, théorie de l’être analogique, de l’autre. Toute expérience humaine comporte une part d’intelligence : c’est l’homme tout entier qui recherche la vérité de l’être et s’en approche. L’expérience est pensée en même temps que vécue. Éclairer et exprimer l’intelligibilité de l’être. Faire apparaître un intelligible et le dégager de l’expérience. Concilier l’un et le multiple, alors oui, on entre dans l’ordre métaphysique. Le passage des choses à l’être, de l’être à l’intelligible ou de l’être à la totalité, paraît essentiel à tout effort métaphysique.

    Capacité du réel, l’intelligence est donc, par là même, capacité des relations dans le réel. C’est dire que l’affirmation fondamentale est celle du réel. Le réel a donc une signification fondamentale pour la pensée humaine, il constitue une valeur objective et dominatrice pour la pensée. La conscience humaine se nourrit du réel qui s’impose à elle. Le réel est donc la mesure de la connaissance. Une pensée parfaite se définit par rapport au réel, uniquement. Mais le réel est aussi au principe et au terme de la pensée humaine. L’être constitue avec la pensée la subsistance de l’homme. Ainsi, tout ce qui est donné comme « réel » est élément de conscience, objet d’expérience et d’affirmation. Le réel est une représentation parfaitement objective du donné d’expérience. Il est la représentation adéquate de tout ce qui existe. Son extension est transcendantale. En effet, il est clair que le réel ne saurait comporter aucune illusion, contradiction ou déformation, car il représente une valeur qui dépasse toutes les confusions, toutes les particularités. Le contenu du réel constitue donc une valeur parfaitement objective par rapport à la fonction de connaître. Ainsi, connaître apparaît d’emblée comme affirmer le réel, consentir au monde de l’être.

    Cependant, on ferait preuve de sagesse en reconnaissant qu’entre l’intelligible (l’expérience-la connaissance) et l’intelligence (la raison) les rapports sont extrêmement complexes, et que, partant, toute conception simple risque fort d’être simpliste. Considérons donc la valeur de l’intelligence, en ce qui concerne l’appréhension du réel. Ainsi, la métaphysique se propose avant toutes choses de rechercher la vérité de l’être. Si la métaphysique n’est pas vaine, il faut bien que la vérité de l’être s’affirme ou se pose. En fait, l’unité de l’être est l’assise permanente de la vérité de l’être. L’unité est aussi l’âme de la totalité. Ainsi, l’unité qui est totalité est aussi vérité. D’autre part, la raison, si elle est bien conduite, conclut à l’existence de Dieu, et la pensée, toute abstraite qu’elle soit, le saisit comme personne. C’est dire que le Dieu des philosophes est un Dieu vivant, avec qui des relations personnelles sont possibles. Mais en tout cas, la pensée métaphysique s’achève normalement en actes intérieurs, d’amour, de sagesse, de contemplation et d’espérance. Si l’être est au principe et au terme de la pensée humaine, Dieu en est l’absolu. En un mot, Dieu porte la connaissance à sa pleine actualité intelligible. En Dieu tout se trouve surmonté, transfiguré, illuminé. Métaphysique et théologie restent en fin de compte complémentaires et comme ivres de transcendance. En fait, le propre de la réflexion humaine, c’est la possibilité de nous faire accéder à l’intériorité véritable. La réflexion est la voie d’accès vers les certitudes premières. Elle est toujours accès à une certitude philosophique, à une vérité première. On se rend bien compte qu’en parlant ainsi, on manie de l’ombre. On ne peut prétendre à rien éclaircir, car les « principes des choses sont cachés dans un mystère impénétrable », et nous sommes bien ici au cœur des « principes ». Mais le fait de la connaissance est là, et sans prétendre à l’expliquer, il convient d’en poser les termes, d’en marquer les requêtes, et de « ceci doit être, la connaissance de l’être » conclure à « ceci est, tel est l’être »{4}. L’être est précisément le caractère qui fait que les choses sont des choses. Tout ceci revient à dire que la connaissance immédiate des choses découle du fait de l’être. Disons qu’à ce stade, l’être est un tout universel, il possède une potentialité qui le tient pour ainsi dire ouvert à tous les modes du réel. De même, « quand elle vise l’être, la conscience ne va pas vers un arrière-monde de l’apparaître où l’on serait censé découvrir de l’être sans apparaître. L’être en effet habite le phénomène et le phénomène habite l’être. Le phénomène, c’est l’être en son apparition. Appelons donc phénomène tout ce qui nous apparaît, de quelque façon que ce soit. Cependant, dans son apparition, l’être se tient « en personne », mais il ne se manifeste pas pour autant de manière uniforme. L’être fait référence à une pluralité de choses singulières.

    Dans l’étant, il arrive de multiples manières au paraître et, plus encore, il s’ajuste à celui qui le reçoit jusqu’à pouvoir se dérober, dans la mesure où il est encore là même quand on n’y porte aucune attention. Je vois ces fleurs. J’admire leur couleur, leur forme ou au contraire je me plains de leur manque de fraîcheur. Je les mets dans un vase sur une table. Déjà, je les instrumentalise… je peux aller jusqu’à en oublier leur gratuité d’être ».{5} Ainsi, parmi tous les aspects sous lesquels les choses se présentent à la conscience, il y en a un qui est fondamental : l’aspect intelligible de l’être. A la vue toute chose se manifeste comme couleur ; à l’ouïe comme son ; à l’odorat, comme odeur : diversité nombreuse suivant les sens. Pour l’intelligence, tous les aspects se réduisent à l’être : couleurs, sons, odeurs sont « quelque chose » et « sont ». Tout est de l’être pour l’esprit qui connaît. Rien n’est saisi par lui que sous l’aspect « d’être », tout est forme ou manifestation d’être.{6} Toute la spéculation humaine est donc imprégnée de l’idée d’être. Ainsi, s’il y a connaissance, il y a forcément phénoménalisation de l’être. En gros disons que la connaissance est révélation et que le phénomène est l’être révélé. Néanmoins, on ferait preuve de sagesse en reconnaissant qu’entre l’être et le phénomène les rapports sont extrêmement complexes, et que, partant toute conception simple risque fort d’être simpliste.{7} C’est aussi à l’unité de l’être que se ramènent les innombrables aspects clairs et distincts du monde. Creuser et expliciter cette notion fondamentale est l’objet propre de la métaphysique fondamentale. Et penser cela est la tâche de l’intelligence.

    La raison et la métaphysique se définissent chacune en elle-même, par leur commun souci d’unité, de totalité. C’est l’universalité même du réel que l’intelligence et la pensée métaphysique veulent atteindre. C’est dire également que dans le fait de conscience se trouve le fondement authentique de la métaphysique. La conscience repose entièrement sur la vie. La première condition de la conscience, c’est la conscience elle-même. C’est l’existence de la conscience. C’est l’être. La conscience proprement dite est le privilège de l’être. Du reste, il y a une action, c’est la pensée. Penser, c’est dépasser la sphère subjective et objective pour entrer dans la sphère de l’être. Tout converge à nous indiquer que l’acte constitutif de la pensée porte sur le mouvement perpétuel de l’être. Le sens de l’être appartient essentiellement à la vérité du réel. Le sens est lié au monde. Il est strictement existentiel et ontologique.

    Plus je m’ouvre au réel, plus je l’accueille, plus je deviens accessible à l’être, et plus je retrouve le sens de la valeur ontologique. En réalité quand on parle de valeur ontologique, il s’agit de la valeur d’être, ou d’existence, ou de réalité. En effet, le réel est objectivement une manifestation de la présence, une communication de l’être. L’unicité de l’être est le semblable absolu, tandis que l’unicité du réel est le dissemblable absolu. Il y a un règne de la multiplicité, de la quantité, qui se prête à la preuve objective se basant sur les mesures objectivables de l’espace et du temps. Il en résulte que le règne de la multiplicité est synthèse, mais synthèse évocatrice. Il y a aussi le règne de l’être, qui est une présence concrète, indivisiblement objective et réflexive, réelle et intelligible avec laquelle on communie. Les deux règnes se fondent sur un ordre : mais, dans le premier cas, cet ordre est étalé sur le plan horizontal et global qui est le monde ouvert devant nous et qui peut être pensé ; dans le second cas, cet ordre est foncièrement ontologique, manifesté ou révélé en sa complexité existentielle. La logique se rapportant au premier cas est de l’ordre de la dénomination « extrinsèque », tandis que la logique du second cas est essentiellement de l’ordre « intrinsèque ». On passe insensiblement d’une perspective globale à une perspective unique dont les méandres sont complexifiés à l’infini. Nous pouvons exprimer tout ceci en nous servant des termes classiques de totalité et d’unicité qui s’entrelacent d’une manière inextricable dans tout le réel. Et selon P. Decoster, l’ordre est « une relation parmi d’autres relations », il est donc une forme qui nous ramène à l’essence.{8}

    C’est aujourd’hui une évidence reçue, un topos de notre modernité : notre connaissance du réel est devenue décousue, discontinue, fragmentée. L’effort vain pour disséquer la réalité du réel est la démonstration sans équivoque de la faiblesse de notre raison « rationnelle ». La conscience de l’impossibilité de connaître dans sa totalité l’éventail varié des choses rappelle à l’humilité l’homme de science qui cherche l’intangible et qui par ailleurs se méfie des embûches de la subjectivité. Il est évident que le drame du monde moderne consiste dans la perte du sens de l’être, avec comme prix à payer la perte du sens de l’infini et du mystère humain. C’est pourquoi, bien que l’essence de la philosophie soit de rechercher la vérité de l’être à travers le temps, les grandes philosophies modernes se sont généralement bornées à dévoiler l’absence de l’être dans le temps ou dans une totalité morte ! Il ne reste plus qu’un relativisme total, qu’une vanité absolue !

    C’est un fait, nous remplaçons souvent et spontanément le mot « être » par le mot « chose ». En parlant de « tous les êtres », nous disons volontiers « toutes choses ». Mais l’aspect commun à toutes choses est l’aspect « être » : chaque chose « est », chacune est « de l’être » ; la synthèse transcendantale est donc comprise dans l’idée universelle d’être, entendue comme l’idée de l’ensemble des choses.{9} Aussi, l’être est une affirmation métaphysique fondamentale qui s’impose à la raison. L’être est une perfection relationnelle qui respecte la diversité dans son unité spécifique. En outre, l’homme se pose en face du réel pour le considérer dans toute son unicité. Toute son activité est imprégnée de ce caractère « réel ». Mais aujourd’hui, la coupure s’instaure entre l’homme et l’être. L’homme a perdu la belle certitude ontologique, il fait des zigzags dans un itinéraire axé sur l’absurde, l’angoisse, l’écartèlement, l’oubli, sans être sûr à aucun moment de toucher le but.

    L’être, qui est à la fois immanent et transcendant à notre raison intégrale n’est pas éloigné de nous. En toute objectivité, la raison peut nous conduire à la connaissance concrète de l’être. La raison peut nous aider à rencontrer l’absolu. L’idée de l’être et de l’infini est indispensable pour comprendre l’absolu. Car l’absolu implique l’être et l’infini. L’être est l’évidence même simplement parce que l’être est lumière et que l’être est obscurité. L’être est profondeur, il est abîme et présence vibrante. Et l’homme se présente, grâce à cette « béquille » qu’est la raison, devant la lumière de l’être, devant la vérité de l’être. Car l’être prévaut, l’être triomphe, l’être – intervalle entre l’homme et Dieu. Le visage de Dieu se cache dans le beau, qu’il soit l’être ou l’idée humaine ; qu’il soit la synthèse harmonieuse entre la pensée et l’être : la connaissance. Le temps n’est plus opportun pour la philosophie, dit-on…La littérature est riche sans doute en travaux, mais non la philosophie. Les livres abondent, mais que nous donnent-ils ? Notre temps a une sorte de clarté superficielle, une apparence sophistique grossière qui flattent le plus grand nombre et qui n’a jamais cessé d’entraver la marche de la philosophie par ses contradictions perturbatrices, toujours croissantes et toujours retournées. Aujourd’hui, l’homme a introduit le dérèglement et le désordre dans le cœur du monde et n’a pas cru en l’être.{10}

    La valeur de l’ontologie est la valeur essentielle du rapport entre l’être et le monde. L’ontologie véritable réside donc, non pas dans l’opposition de l’être et du monde, mais dans le rapport du monde à l’être considéré à sa source, c’est-à-dire à l’être universel. Sans l’être, le monde du réel ne s’expliquerait pas. Ainsi, le monde du réel est une expression ontologique et intelligible. Le monde réel est fait d’êtres et de relations. La totalité du réel est un faisceau de relations. Il n’y a pas de coupure entre le réel et l’intelligible.

    – Le monde, c’est de la présence effective, de l’être en état de communication. Cette présence ne peut être qu’accueillie ou refusée, voire même ignorée. Ainsi se demander ce qu’est le réel, c’est se demander qu’est ceci, qui nous apparaît ? Vieux problème philosophique. Il en découle naturellement que l’ontologie fondamentale vient de la métaphysique. De même, la métaphysique fondamentale est ontologie. L’ontologie métaphysique reflète a priori le caractère absolu du réel pour lui-même, tandis que l’ontologie épistémologique reflète l’expérience humaine du réel. L’épistémologie métaphysique considère la valeur absolue du réel comme condition de la valeur de la « connaissance » ou de la « conscience ». Pour le dire brièvement, l’ontologie métaphysique reflète le réel. L’ontologie épistémologique reflète la connaissance. La véritable ontologie ne doit-elle pas être celle de la présence plutôt que celle du néant ?

    – L’être est l’incarnation ontologique, logique et gnoséologique – le « concret » de ce qui se donne à penser positivement comme la signification, le sens, la valeur. D’ailleurs, l’être pourrait s’appeler « réel », « étant », « existant », « chose », « mystère ». C’est pourquoi l’être est plénitude. Et pareillement, l’être est la négation même du néant. L’être se manifeste comme la réalité de toutes choses, source de vérité. Aussi, la recherche de l’Être peut-elle nous mener à trouver, en notre propre être, la Voie, la Vérité, la Vie – Dieu ! De ce point de vue, la connaissance de soi ouvre la possibilité de la connaissance de Dieu.

    La révélation de l’être, c’est aussi l’être qui est présent à ma conscience, à ma pensée, à mon cœur, à ma vision intérieure. En fait, l’être enveloppe l’affirmation d’une présence, d’un sens. Il est le tremplin d’une affirmation intelligible. Le réel est ouvert indéfiniment à l’analyse réflexive, dont la loi profonde est de s’inscrire dans l’intelligible, de consentir pleinement à la valeur de l’intelligible. Chaque intelligible est une perspective originale sur l’infini de l’être. De même, il est possible de saisir le réel dans sa primauté si l’on revient à une attitude d’appréhension première. Cette appréhension première est d’abord intuition de l’être, présence de l’être, révélation de l’être. Il est donc possible de parler d’intelligibilité du réel à partir de la primauté de l’être dans le réel. Par conséquent, on pourra bien dire encore en un sens que tout ce qui est être est connaissable par l’intelligence. Et tout ce qui est connaissable par l’intelligence me rapproche de l’être, me relie à lui.

    Ainsi, la problématique du réel se définit d’abord par l’être, l’être qui est la totalité du possible et du pensable, et la présence toute pure. Le réel est cela même : la totalité de l’être, l’événement de l’être. C’est la totalité extérieure qui renvoie à tout ce qui existe à l’extérieur. La totalité du réel est indivisible. Cette acception est une vérité essentielle qui renvoie alors à la notion d’unité et d’unicité du réel.

    Ce que nous pouvons savoir du réel dépend de notre accueil. Une déchirure entre soi et l’autre, entre soi et le réel, engendre une déchirure de l’être. Le réel devient alors subjectivité, « dans le sens de soi », conflit, assemblage, fiction. La relation de l’être est la plénitude de l’être. En réalité, la relation n’a de sens que là où il y a présence. Sens et présence, par là l’ontologique s’affirme. Le sens est à la valeur de l’être ce que la présence est à la plénitude de l’être. Sens et présence sont donc relationnels et symétriques. C’est dire également que l’être ne disparaît jamais de l’horizon du réel : c’est là, en résumé, le secret de l’intuition ontologique, de la connaissance concrète. C’est pourquoi le mouvement de connaissance, envisagé du côté du réel, est une aspiration à l’être et, disons-le nettement, la vérité de l’être est toute pénétrée de signification ontologique. C’est toujours la vérité de l’être que la connaissance significative vise. Dans ce sens, la vérité est l’écho de l’être. Cette conception du réel pourrait s’exprimer ainsi : le réel est ontologique. Le réel est vérité. Respecter le réel ne doit pas mener à des conclusions erronées, mais à la vérité de l’être. Pour saint Thomas d’Aquin, la vérité se découvre à l’intelligence qui ne la crée pas ; elle n’est pas réductible à la raison humaine. La vérité de l’être est la vérité issue de Dieu. Plus précisément, l’être est une manifestation de Dieu. L’objectif du vrai philosophe est ainsi de retrouver cette vérité de l’être. Cela ne supprime donc pas l’effort rationnel qui doit mener à la reconnaissance du vrai, qui est l’objectif du philosophe. Le sage philosophe cherche à retrouver la vérité du réel. Ainsi, la vérité de l’être est intimement présente à la conscience philosophique, métaphysique, qu’elle éveille mais qui permet son aboutissement. La philosophie s’intègre dans un élan métaphysique qui la dépasse de toutes parts, la stimule et l’achève. C’est dire que la métaphysique comble adéquatement l’élan philosophique fondamental.{11} La métaphysique fondamentale est réalisée dans la vision totale du réel, dans laquelle l’intelligence voit non seulement sa propre existence, mais tout ce qui est et tout ce qui peut être. L’être, l’unité, la diversité, la totalité sont parmi les notions premières, expressives du réel. Unité et pluralité, harmonie et complémentarité convergent dans l’être. Par tout ce qu’il est, l’être s’impose comme relation dans ses conditions d’existence.

    L’objectif de la métaphysique est de répondre à une aspiration spontanée du sujet qui concerne l’être. L’être intelligible est l’objet naturel de la pensée. Car l’être est un objet fondamentalement philosophique pour ne pas dire, avec Aristote, que c’est l’objet même de la philosophie. Il est écrit en effet au livre Z de la Métaphysique : « Et, en vérité, l’objet éternel de toutes les recherches, présentes et passées, le problème toujours en suspens : qu’est-ce que l’Être ? ».{12} Mais l’unicité de l’objet ne signifie pas du tout l’unicité des conceptions philosophiques. En effet, si tous les philosophes s’accordent aisément pour affirmer que l’être est « ce qui est », les accords disparaissent lorsqu’il s’agit de déterminer qu’est ce « ce qui est », et pourquoi, par quoi est « ce qui est ». L’être est certes ce qui est, mais cette proposition a engendré, engendre des pensées distinctes. Ces différences, rapidement occultées par l’apparente unicité de l’objet, tiennent à l’aspect le plus obscur de toute philosophie particulière que nous nommerons le « sens initial de l’objet ».{13} Le propre du sens est de manifester, de révéler. Le sens initial pose l’être dans le monde intelligible. Aussi, l’unicité de l’être n’empêche pas la diversité. Tout le réel manifesté est diversité dans l’unité. Tout le réel doit être intelligible, vrai ; au-delà de l’intelligible, il n’y a rien. Le réel et l’intelligible sont unifiés, relationnels. L’unité du réel, c’est la vérité ; et la vérité est dans l’unité de l’être intelligible. L’intelligible permet la reconnaissance de toute la richesse, de la valeur du réel. C’est dans l’unité de l’être et du réel que la pensée doit chercher la connaissance. L’unité est la vérité de l’être. L’unité est aussi celle du tout. La pensée et l’être constituent l’être intégral. L’objectif du métaphysicien est de saisir l’être dans toute sa richesse et dans toutes ses relations. L’être doit être respecté dans tous ses sens. L’unité est fondamentale dans l’intelligibilité de l’être. L’unité est à tous les niveaux de l’être. L’unité analogique permet de penser sans réduction toutes les caractéristiques de l’être, l’unité, la diversité et la richesse du singulier.{14} En fait, l’intelligence et l’intelligible forment l’armature essentielle de la métaphysique. L’étant vaut par son inépuisable richesse qui le rend unique et irréductible à tout autre, mais aussi par son unité. Il vaut en outre par son intégration dans l’unité du réel. Parce que cette unité n’est pas chaotique. Elle est ordonnée. Le réel est une totalité ordonnée. Cet ordre, cette harmonie, est la valeur du réel. Cet ordre, cette harmonie, qui est la valeur du réel, renforce l’étant dans sa valeur. Ce spectacle de l’harmonie est celui de la totalité ordonnée. La reconnaissance de la valeur du réel mène donc à une reconnaissance plus profonde de la valeur de chaque étant qui est lié à un autre, à tous les autres.{15}

    Chaque étant, ainsi relié à tout autre, trouve sa place dans le tout ordonné. Sa valeur est révélée dans sa plénitude par cette situation dans l’harmonie qui signifie ainsi que chacun fonde la valeur de tout autre, de tous les autres. C’est aussi un refus de l’isolement qui serait en quelque sorte une mutilation du réel. Être une unité qui respecte la diversité est encore une manifestation de la valeur du réel. Les choses du réel s’organisent, s’ordonnent ; leur diversité n’est pas seulement maintenue mais par là même fondée. Tout communique dans le réel sans que rien ne se confonde. L’étant vaut par son unicité et son unité.{16} Cependant, il est impossible de rendre pleinement raison de l’être sans penser à Dieu. L’irréductibilité de l’existence à l’essence pose nécessairement la question de l’origine de l’acte d’être. On pourrait donc dire en ce sens que penser l’être, la diversité, la singularité, c’est penser Dieu.{17} Ainsi, au problème philosophique toujours en suspens, à la question sans cesse reposée « qu’est-ce que l’Être ? », nous répondons : la réalité concrète, c’est-à-dire la totalité, la diversité et l’unicité de l’existant. L’être se déploie vers le multiple en l’un qui inclut tout. Cette unité du multiple, riche et féconde, détermine et fait apparaître les forces vives, la valeur unique et les qualités multiformes de ce qui existe. La voie rationnelle de l’ontologie proposée ici à l’homme concerne la question de l’unité de l’être et sa valeur. C’est dans l’unité que s’enracine la conception ontologique de l’être. Car l’unité de l’être renvoie à la pluralité, universalité de l’être et unité du réel. Chaque étant s’achève dans le rapport à tous les autres. En fait, tout ce qui n’est pas unité de l’être ou du réel est contradiction ou division. Cependant, une ontologie est toujours relative à une métaphysique, voire à une théologie. La question fondamentale « qu’est-ce que l’Être ? » suppose nécessairement « d’où vient l’Être ? » autrement dit celle de l’origine, du principe, quelle que soit la réponse qu’on lui donne d’ailleurs. Car au fondement de tout élan métaphysique agit un certain sens initial de l’être. Cette intuition est inséparable de la question du principe qui est donc, elle aussi, fondamentale.{18} C’est dire que le fondement d’une ontologie est une métaphysique, voire une théologie. La vérité est de l’être, elle ne peut être contradictoire. Le mépris de l’être est d’ailleurs l’expression d’une impuissance latente. Ainsi, pour accueillir l’être dans sa richesse et sa valeur, l’intelligence doit vraiment s’ouvrir à l’appel de l’être, de l’accueillir dans sa vérité. L’être appelle l’intelligence à travers le réel, l’étant. L’accueil du réel est éminemment métaphysique.{19}

    La plénitude de l’être est due à la force de l’affirmation ontologique.{20} La plénitude de l’être se manifeste alors révélante, source de connaissance. L’être, par les êtres, stimule un éveil de l’esprit.{21} L’appel de l’être s’achève dans l’expérience de la présence de l’être, dans une saisie immédiate du vrai qui nous fait pénétrer les véritables richesses de l’être.

    La pensée et l’être

    La pensée constitue l’extension souveraine et directe de l’être. Bien plus, la pensée réalise l’épanouissement privilégié de l’être. L’être, par l’unité, montre l’intelligible ; l’intelligible montre l’unité dans l’être. Le point de vue de l’unité de l’être permet de l’envisager comme intelligibilité et vérité. La seule « ontologie » légitime sera une connaissance première : un discours sur l’unité de l’être en tant qu’intelligibilité et vérité. La pensée ontologique demande toujours à rester fidèle au réel. En ce sens, la vérité de l’être et celle de la pensée sont garanties l’une par l’autre. Sans l’objectivité et la vérité de l’être, les conquêtes mêmes de la réflexion seraient compromises. Je crois, en effet, que l’idée de l’être présente un caractère définitif, c’est « l’être relation à ». Comprendre profondément cet « être relation à », ce jaillissement relationnel, qui est le jaillissement même de la révélation de l’être. Cette « relation à » est aussi le flambeau de la pensée philosophique. C’est donc sur l’être lui-même que porte la pensée de l’être. Et la connaissance est sans cesse centrée sur l’être, vise l’être. Par là, l’univers de notre connaissance est un univers de natures intelligibles, immanent à l’univers de l’existence réelle. Perdre le contact avec l’être, c’est perdre le contact avec l’existant, avec l’universel, avec la connaissance. A ce point de vue, tout le réel, toute la plénitude de l’être et tout le connaissable ne forment qu’un seul monde de l’intelligible et de l’intelligence. C’est dire encore que l’être est du domaine de la pensée et donc forcément de la recherche philosophique. Il s’agit ici d’affirmer l’être sans nier la pensée et d’affirmer la pensée sans nier l’être, puisque aussi bien l’un s’impose à nous comme l’autre. A nous de ne pas être des « abstracteurs de l’être », mais des personnes aimant l’être réel. C’est vrai aussi que l’être existe dans une diversité et une complexité toujours nouvelle, ça n’en demande pas moins un approfondissement, une considération, une appréciation de l’être lui-même, dans le mystère de sa subsistance. Et cette découverte de l’être est plutôt une « sagesse », dont le progrès consiste dans la recherche et la conciliation. L’aspect ontologique de la conciliation, c’est la participation entre les êtres. La référence à l’altérité est fondamentale ici, elle est des plus significatives. Car elle est au cœur de l’être et de l’humain.

    L’altérité fondamentale ou même transcendantale est l’altérité de Dieu. Autrement dit, l’altérité fondamentale consent à l’affirmation de l’Être absolu, identiquement Vérité et Valeur absolues, condition de toute existence, de toute pensée, de toute liberté, de tout amour.{22} Ainsi, tout ce que nous pouvons concevoir de plus profond sur l’être au sens le plus plein, c’est qu’il est une relation de lui-même à lui-même et à l’autre, toujours existentielle et toujours nouvelle cependant, toujours actuelle, toujours adéquate.

    L’homme métaphysique

    A la question qui touche le fond : « Pourquoi y a-t-il quelque chose ? »

    Quand quelqu’un demande : « Qu’est-ce que l’Être ? » - « L’Être est pourquoi ? » - L’Être est à la fois un objet de l’ontologie et un critère de la connaissance métaphysique. Il peut être une chose réelle, une chose intelligible ou une chose pensée.

    Dans les structures mentales ontologiques, c’est-à-dire proprement philosophiques et existentielles, la connaissance de l’Être a trouvé ses sommets en Aristote, Thomas d’Aquin, Leibniz, Hegel, Heidegger. Ainsi, l’Être serait par exemple l’intelligibilité de Platon et d’Aristote, l’Un de Plotin, le Dieu Vérité de S. Augustin, la substance de Spinoza ou même le noumène de Kant, l’esprit de Hegel. L’Être est le système du réel. L’Être est l’évidence existentielle, ontologique et objective.

    « L’ETRE » – entendons par là que tout est dérivé de l’Être. Il est le réel. Il est la vérité, il la fait et cette vérité est à la racine, au principal de l’explication intelligible. C’est dire que l’Être porte très haut le débat philosophique et métaphysique. Et pourtant l’Être, sur le plan ontologique et existentiel, apparaît comme le grand absent du monde de la philosophie actuelle. Car paraît-il, trop abstrait ou trop général. Si loin qu’on puisse aller dans l’explication de l’Être par le réel, c’est toujours par l’Être, en définitive, que nous comprenons ou expliquons le réel lui-même. Il n’y a de vérité, de réalité, que de l’Être. Le fait est là. Les choses sont là. C’est là proprement le problème philosophique majeur, le problème dans son ensemble, des origines premières et des fins dernières, en passant par tous les aspects du réel. Au risque de revenir à l’antique maxime : « Rien de la matière n’explique, ne justifie l’esprit ; rien de l’esprit n’explique, ne justifie la matière ». Dans cette optique, il n’y a plus qu’un parti à prendre.

    Si l’on supprime la matière en disant que tout est esprit et c’est l’idéalisme pur, ou supprimer l’esprit en disant que tout est matière, et c’est le matérialisme intégral. Il y une réalité sensible qui est cette fleur que je tiens et il y a une réalité intelligible qui est celle de l’idée que je prends de cette fleur. Qui ne voit aussitôt l’allusion de transfert ou la similitude des mots affirmant l’existence et l’unicité de l’Être ? Ainsi, la valeur du réel est inséparable de sa signification ontologique. Liaison donc, et liaison intrinsèque, entre réel et être. Tout l’ordre des choses ne prend son sens véritable que dans la perspective ontologique. Tout est intelligible par l’Être. C’est-à-dire que tout Être, par le fait qu’il existe, est donc connaissable ou intelligible. L’ordre est une propriété de l’Être. Il se définit unité dans la multiplicité. Et là où manque totalement l’ordre, l’unité, et donc l’être, font totalement défaut. C’est dire que l’Être est le fondement métaphysique de l’intelligibilité des choses. Mais l’unité est absolument nécessaire, non seulement parce qu’elle exprime un ordre, une harmonie, un équilibre, une multiplicité mais aussi parce que l’unité est le seul mot où la pensée et l’Être s’épousent. Mais aussi, en raison de son importance, ou plus exactement de son évidence objective, l’affirmation de l’Être se présente comme raisonnable. Son infinité positive rassasie l’effort intellectuel. Et cela, parce que l’Être est réellement présent à l’homme, à la fois comme idée, et comme réalité. Cependant, sa concision extrême déconcerte la pensée de l’homme. Et cette pensée d’abord l’arrête. Car il ignore la nature profonde ou l’essence de l’Être, mais n’imagine pas qu’il puisse exister ou subsister hors de l’Être et sans l’Être. Celui-ci le sous-tend sans que l’homme ne puisse deviner d’où il vient et où il le conduit. En effet, l’inépuisable richesse de l’Être livre à l’intelligence toutes sortes de significations et de sens, tout en gardant son principal mystère. Et cependant leur rencontre suffit à découvrir une vérité authentique.

    – Ainsi, l’Être peut être pressenti ou aperçu dans une méditation. Il nous apporte une part de vérité et nous aide à pénétrer la réalité infinie, et par là même, à nous unifier ; d’acheminer l’esprit vers une forme de connaissance, une connaissance dans l’épanouissement et la liberté. L’Être se situe au centre du Tout et des sphères du réel et du savoir. Et l’homme a la dignité de l’Être et du savoir. Penser l’Être est l’existence même de l’homme, parce que l’homme séparé de l’Être, est inconcevable et inintelligible. C’est une contradiction qui s’accompagne d’ironie. L’Être a une place centrale dans le Tout et dans l’homme – L’homme face à l’Être – Comment l’homme peut se situer et comment il peut comprendre l’Être. En somme, il se demande (l’homme) comment il doit vivre à la lumière de l’Être, quand il a conçu l’Être, et comment il pourrait connaître l’Être et être en relation avec lui, en accord mutuel. Tel est l’objet de cette éthique première.

    – L’Être est un double mystère : mystère pour la raison métaphysique, mystère plus obscure encore pour le réel. Le vouloir être est vraiment le fond du réel. Car tout ce qui est, révèle une poussée en avant, un instinct naturel et ontologique. Or, c’est à l’unité de l’être que se ramènent les innombrables aspects clairs et distincts du monde. De même, l’unité donne à l’être son caractère d’intelligibilité et son objectivité. L’unité est même la propriété la plus caractéristique de la vérité intelligible. Ainsi, la vérité intelligible suppose l’unité de l’être. L’unité de l’être entraîne celle de la vérité. A cette limite idéale, l’unité et la vérité s’égalent et s’identifient l’une à l’autre. L’idée de vérité traduit cette unité rigoureuse de l’être et de l’intelligible. De même, la vérité devient la réalité substantielle de l’être, l’appréhension unitive de l’esprit, l’ouverture à la donnée de l’éternité. Aussi, la vérité est un concept qui appartient à la sphère de l’intellectualité et de l’existentiel. La vérité est totalité par essence, avons-nous dit. La vérité est attachée est unie à la totalité. Elle entretient un rapport véritable et organique avec le Tout. La vérité, c’est la totalité existentielle, et la totalité existentielle, c’est la vérité, la pure réalité. Dans ce contexte, la vérité est une connaissance immédiate et unitive, et cette connaissance immédiate et unitive est identique à la manifestation de l’Être, à l’Être-fait existentiel. Ainsi, la vérité a sa demeure dans la Totalité : une totalité toute vive au sein du mystère de l’être et de l’unité. La vérité nous conduit au Tout, au cœur de l’Être. Ce qui revient à dire que la vérité est une totalité présente dans le temps et dans l’éternité, elle est une communion profonde de l’infini et du présent, une

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