Plein badin pour badineries à l'escadron de chasse 2/11 Vosges
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À propos de ce livre électronique
Ils se sont rendus compte en quittant l’Armée de l’Air qu’à leur époque tous les éléments étaient réunis pour en faire une époque bénie : beaucoup de pilotes officiers et sous-officiers dans les escadrons, beaucoup de mécanos, beaucoup d’heures de vol sur des avions variés que l’on pilotait sans pilote automatique. Donc, comme on dit dans notre métier, à la main !
Partis tôt à la retraite ou dans une seconde carrière dans le civil, ils y ont découvert par leurs enfants, leurs amis, leurs familles ou leurs collègues un monde différent de ce qu’ils avaient connu :
Les difficultés pour trouver un métier, les petits chefs souvent arrogants et parfois incompétents, le stress dans les entreprises, le harcèlement, le mal de vivre, le suicide, la nécessité de mettre dans les entreprises des syndicats, des directeurs des ressources humaines, des cellules de crise, des ergonomes, des consultants…
Ils se sont rendus compte de la chance qu’ils avaient eu de vivre cette « époque bénie » et ont donc voulu la partager, un peu, avec leurs lecteurs.
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Aperçu du livre
Plein badin pour badineries à l'escadron de chasse 2/11 Vosges - Jacques Ribaillier
Plein badin pour badineries à l’escadron de chasse 2/11 Vosges
Jacques Ribaillier, Michel Dutrey,
Jean-Marie Maujean
Plein badin pour badineries à l’escadron de chasse 2/11 Vosges
Dessins de Jean-Marie Maujean
Les Éditions Chapitre.com
123, boulevard Grenelle 75015 Paris
© Les Éditions Chapitre.com, 2016
ISBN : 979-10-290-0532-9
img1.jpgPréface
Jacques Ribaillier a voulu porter témoignage de ce qu’il a vécu à l’escadron de chasse 2/11 Vosges que j’ai eu l’honneur de commander de Février 69 à Août 71.
Qu’il en soit remercié. Ecrire n’est pas chose facile. Raconter ses amis et des sentiments qui peuvent toucher à l’intime l’est encore moins.
Il aurait souhaité plus que cette courte préface. Il sait pourquoi je m’y suis refusé. Je m’efforce d’occulter le passé afin de mieux vivre le présent et repousser la nostalgie. Si je déroge ici à cette règle c’est pour lui et parce que le 2/11 a été l’une des périodes bénies de ma carrière.
À cette époque, sur la Base de Toul Rosières, dans une zone opérationnelle qui les isolait du reste du monde, une grosse centaine d’hommes a vécu intensément.
Il y eut un quotidien détendu, une parfaite entente pilotes mécanos, du sport en commun, des dégagements hebdomadaires, des parties de baby-foot, des calots qui partaient en fumée pour avoir été portés au mauvais endroit au mauvais moment, des corbeaux coiffés d’un cornet englué les aveuglant et qui tentaient sans succès de s’initier à la voltige aérienne…
Il y eut des détachements homériques, les prestations de Johny à Hambourg avant la panne du car Heuliez au petit matin, la casquette du général Italien subtilisée à Istres, des campagnes de tir animées par des repas de corps, la campagne d’AirCent et cette coupe qu’on disait ingagnable et qui fut ramenée à la maison.
Il y eut l’insouciance et le professionnalisme, la légèreté et le sérieux, beaucoup de rires et de complicité.
Il y eut aussi des larmes.
Si j’en crois Saint Exupéry qui a écrit dans Terre des Hommes : « La grandeur d’un métier c’est avant tout d’unir des hommes » nous avons, au 2/11, pratiqué un très grand métier.
Général Jacques Deveaud (pilote)
La belle époque ?
De Jacques Ribaillier (pilote)
Depuis 1952, date de sa création, la 11°Escadre de Chasse a eu comme avions : des F-84F, des F-100 « Super Sabre » et des Jaguar.
En ce qui me concerne, durant mon passage au 2/11 de 1967 à 1977, je n’ai connu que le F-100. Donc pour moi « la belle époque » sera celle de cet avion :
img2.jpgLe F-100 Super Sabre.
Les pilotes de Mirage « les pointus » se moquaient de cet avion qui n’était pas le brillant intercepteur dont rêvait tous les chasseurs. Certainement par jalousie, car tous les pilotes, dont moi, n’ont eu qu’à se louer des qualités de cet avion qui, par opposition au Mirage, était qualifié « d’avion d’hommes » !
Pourquoi ce surnom ? Évidemment le Mirage est plus fin, plus récent et français. Le F-100 est plus pataud, moins élancé et américain. C’est un avion d’attaque au sol qui emporte énormément d’armements, beaucoup de pétrole, une cabine très confortable, spacieuse et un réacteur qui a fait ses preuves. Enfin presque ! Voir plus loin Denis Turina.
Mais, comme tout avion en France, on en a fait un avion polyvalent. En basse altitude il surpassait le Mirage. En haute altitude le « pataud » était surpassé par les « pointus ». Quoique :
De Michel Dutrey (pilote)
Au cours d’un vol de « transfo » en biplace avec le capitaine Duguet, nous roulions sur le taxiway lorsque nous avons aperçu un avion volant au niveau des traînées et qui survolait le terrain. Le capitaine Duguet me dit : nous allons l’intercepter !
C’était entre nous soit-dit une autre époque (1965) ! Comment cela ? Nous étions au roulage, encore loin du seuil de piste pour l’alignement et le décollage et comment aller intercepter un avion volant déjà à 25 ou 30 000 pieds, j’étais très dubitatif !
Après le décollage, la montée, PC (postcombustion) allumée, se fit vers l’avion encore visible par sa traînée. Tu prends 450 Knots. (Nœuds) puis 0,9 de Mach me dit Duguet et évidemment à ces vitesses, quatre minutes plus tard, nous étions à distance de tir derrière l’avion : un RF-84F (Belge) croisant à 25 000 pieds et 0,8 de Mach.
WELL DONE le F-100 !!
De Denis Turina (pilote)
En février 1968, après avoir volé plus de 300 heures sur F-100, il est temps pour moi d’aller tâter du mythique Mirage III.
Dans l’Armée de l’Air française de ces temps anciens, un pilote de chasse ne peut être qu’un pilote de Défense Aérienne (D.A.).
L’alerte D. A. : en France il y a en permanence un avion de chasse par région aérienne prêt à décoller pour porter assistance à un autre avion civil ou militaire et intercepter ou neutraliser un avion intrus.
Quelques humains peuvent, bien sûr, piloter des avions d’armes, mêmes supersoniques. S’ils ne les pilotent pas au sein d’une escadre de Défense Aérienne, ils ne sont pas vraiment considérés comme des pilotes de chasse. Les malheureux, qui prennent quand même l’alerte de D. A. mais volent sur des avions, qui plus est américains, et dont la mission principale est la destruction de cibles au sol, sont considérés au mieux comme des laboureurs.
Dans le monde des pilotes de chasse, les vrais, ils n’existent pas. Depuis que Georges Guynemer, héros légendaire, est tombé en plein ciel de gloire le 11 septembre 1917, c’est comme ça !
Le F-100 est imposant, robuste, rustique, lourd. Il pèse quinze tonnes, sans charges extérieures, vingt tonnes, à la masse maximum. C’est un chasseur-bombardier qui a pu être comparé à un char, un gros camion, ou une locomotive à vapeur. Il a été conçu pour transporter et tirer principalement des munitions air-sol, lourdes et nombreuses.
Pour le pilote, ils sont aussi bien différents. Nous avions coutume de dire : – On s’installe dans un F-100 et on enfile un Mirage, comme une veste bien ajustée. Le Mirage est confortable, sa cabine est propre et bien finie. Rien ne dépasse. La cabine du F-100 manque de finition. Les combinaisons et les blousons de vol sont souvent déchirés par les extrémités des écrous et par les boulons qui dépassent de la structure. On voit des câblages et des fils électriques qui courent dans les « tripes » de la cabine. Pour mettre en route le réacteur du F-100 on utilise un petit camion, le MA 2, sur lequel est installé un petit réacteur qui fournit l’air comprimé nécessaire au démarrage du réacteur de l’avion. Le Mirage III E peut démarrer à l’aide de sa seule batterie.
Le Mirage est plus agréable à piloter que le F-100, mais il dispose de beaucoup moins de carburant. Il possède un radar de bord, mais le F-100 est ravitaillable en vol. Les circuits et les méthodes d’atterrissage sont différents eux aussi. Poser un Mirage est plus « artistique » que poser un F-100.
Le pilote de Mirage doit se battre en permanence avec l’angle d’incidence de l’avion et l’inertie du réacteur de son « aérofrein volant ». L’inertie de l’avion et l’inertie du moteur, ne sont pas faciles à combiner. Le contact avec le sol doit se faire en douceur pour ne pas endommager l’arrière du fuselage.
Le F-100 est une locomotive. Si le pilote respecte le circuit d’atterrissage standard, tel qu’il a été prévu par les « cow-boys », c’est-à-dire sans toucher à la manette des gaz entre l’arrivée au-dessus de l’entrée de la piste pour le « break », stable à 1500 pieds, 300 kts, et le toucher des roues, l’avion ne cherchera pas (trop) à en sortir. Comme toutes les locomotives, le F-100 n’est pas facile à arrêter.
Pour terminer, les anciens pilotes de F-100 ont coutume de dire : il y a deux sortes de pilotes de chasse.
Ceux qui ont fait du F-100 et ceux qui regrettent de ne pas avoir pu en faire.