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Le pari de l'impossible: De la chasse à la patrouille de France, une aventure humaine
Le pari de l'impossible: De la chasse à la patrouille de France, une aventure humaine
Le pari de l'impossible: De la chasse à la patrouille de France, une aventure humaine
Livre électronique458 pages6 heures

Le pari de l'impossible: De la chasse à la patrouille de France, une aventure humaine

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À propos de ce livre électronique

Plongée dans les coulisses de la Patrouille acrobatique de France...

Romain Béthoux a été second, puis leader de la PAF de 2014 à 2015. L’aboutissement d’années d’efforts et de travail pour d’abord intégrer l’école de l’Air, puis décrocher ses ailes de chasseur et enfin réussir une première carrière sur Mirage F1, avec à la clef plusieurs missions de combat au cours de différentes opérations extérieures. Sa sélection pour rejoindre la prestigieuse patrouille lui ouvre ensuite les portes d’une aventure insoupçonnable qu’il partage longuement dans ces pages. Pour la première fois le lecteur embarque avec un leader dans le cockpit d’un Alphajet bleu-blanc-rouge. Avec lui il transpire sous le casque, soigne ses trajectoires au cordeau et découvre entre deux vols les coulisses de l’armée de l’Air et de son ambassadrice de choc, la PAF !

Ce livre est le récit d’une aventure au sein d’une institution qui reste profondément humaine, avec ses forces et ses faiblesses, ses joies et ses coups durs. C’est aussi une plongée dans le fonctionnement quotidien d’une grande dame, la patrouille de France, qui reste cependant méconnue malgré ses 65 ans d’existence.

Un témoignage exceptionnel sur la patrouille responsable des plus grandes manifestations aériennes françaises !

EXTRAIT

Vendredi 21 mars 2014, 500 ft/sol, volume d’entraînement de Salon-de-Provence. Il est 12 h 30, je suis en vol dans l’Alphajet no 4 de la Patrouille de France, en formation Diamant Moyen Relax : huit appareils dans une formation lâche rappelant la forme d’un diamant. À 10 mètres derrière le leader, je profite des quelques secondes de répit entre deux enchaînements pour relâcher mes muscles. Au cours des 20 minutes précédentes, nous avons enchaîné plusieurs fois un bon tiers du ruban1 : Concorde, Grande Flèche, Losange... Les principales figures ont été passées et repassées en revue, sans souci particulier. La transpiration
coule dans mon dos et vient coller mon tee-shirt à la combinaison de vol. C’est mon 110e vol avec la PAF depuis mon arrivée dans la Patrouille quatre mois plus tôt. Ce dernier entraînement de la semaine se déroule parfaitement... Et pourtant. Comment pourraisje imaginer que la mort va me frôler dans la minute qui vient ?

À PROPOS DE L'AUTEUR

Le Lieutenant-Colonel Romain Bethoux est un pilote de chasse, ancien leader de la Patrouille de France. Il est actuellement commandant de l'École de l'Aviation de Chasse de la Base Aérienne de Tours.
LangueFrançais
ÉditeurNimrod
Date de sortie16 mars 2018
ISBN9782377530021
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    Aperçu du livre

    Le pari de l'impossible - Romain Béthoux

    Concorde)

    Chapitre 1

    Le grand frisson

    Vendredi 21 mars 2014, 500 ft/sol, volume d’entraînement de Salon-de-Provence.

    Il est 12 h 30, je suis en vol dans l’Alphajet n° 4 de la Patrouille de France, en formation Diamant Moyen Relax : huit appareils dans une formation lâche rappelant la forme d’un diamant. À 10 mètres derrière le leader, je profite des quelques secondes de répit entre deux enchaînements pour relâcher mes muscles. Au cours des 20 minutes précédentes, nous avons enchaîné plusieurs fois un bon tiers du ruban¹ : Concorde, Grande Flèche, Losange… Les principales figures ont été passées et repassées en revue, sans souci particulier. La transpiration coule dans mon dos et vient coller mon tee-shirt à la combinaison de vol. C’est mon 110e vol avec la PAF depuis mon arrivée dans la Patrouille quatre mois plus tôt. Ce dernier entraînement de la semaine se déroule parfaitement… Et pourtant. Comment pourrais-je imaginer que la mort va me frôler dans la minute qui vient ?

    « Zippo, on a fini de travailler le ruban, on revient sur la perpendiculaire pour l’étude de l’éclatement final. »

    La voix de Jim, qui résonne dans mes écouteurs, met brutalement fin à mes quelques secondes de répit.

    « Reçu, on vous attend ! »

    L’éclatement final est une des figures les plus connues et les plus belles de la PAF. J’avais révisé avant le vol les paramètres de son exécution, et Jim, charognard² en 2013, m’avait donné ses tips³ au briefing. En virage par la droite à 300 kt⁴, je me remémore les actions que je devrai effectuer pour être en place pendant la figure.

    « Athos, j’ai 31⁵ en Diamant… TOP ! »

    Le leader vient d’indiquer sa vitesse, 310 kt, et nous ordonne de resserrer la formation. Je mets plein gaz sur les deux moteurs et compte deux secondes. L’avion de Jim me saute au visage et, lorsque sa dérive remplit ma verrière, je casse brutalement ma vitesse en sortant les aérofreins. Une fraction de seconde plus tard, je m’immobilise à deux mètres derrière ses réacteurs.

    Les huit Alphajet bleu, blanc, rouge volent maintenant à moins de trois mètres les uns des autres. Bix, l’extérieur gauche, annonce « Diamant ». Puis le leader ordonne de passer en formation « Deux Poutres ». Au milieu de la patrouille, je n’ai pas réellement à changer de place : seuls les extérieurs et les solos se déplacent pour former deux alignements – les poutres – de part et d’autre du charognard.

    « Deux poutres ! »

    Bix vient d’annoncer que nous étions en place.

    Le changement de formation nous a amenés à la bonne distance, face au point central et à la caméra qui filme l’entraînement. Jim met la Patrouille en descente et annonce :

    « Je rends du trim⁶ et la fumée, TOP ! »

    Instinctivement, je rends les trois coups de trim forfaitaires pour faire piquer le nez de mon avion et suivre le leader. Je branche la fumée blanche en appuyant sur la gâchette du manche pilote. Le voyant blanc sur le bandeau à gauche du tableau de bord s’allume : c’est bon, mon pod fumigène crache bien en blanc. Je dois prendre un étagement négatif supérieur à ce que je fais habituellement pour respecter la symétrie de la formation Deux Poutres. Et déjà Jim revient sur la fréquence :

    « Pour un éclatement final en trois TOP, ééééclaaatemeennnnt TOP… TOP… ettttttt TOP ! »

    Au premier TOP, je vois l’avion de Jim cabrer franchement et quitter mon champ visuel. Au même moment, les intérieurs se séparent à 30° du leader sur une trajectoire également montante. Je regarde devant moi et vise le point central posé devant les hangars de la PAF, en bordure de la piste d’atterrissage.

    Ma vitesse augmente, et je pousse sur le manche pour empêcher l’avion de monter : je dois absolument continuer sur la même pente de descente jusqu’au troisième TOP. Je maintiens ma visée sur le point central, je passe maintenant les 500 ft. Le sol se rapproche rapidement.

    Ça y est, le troisième TOP de Jim arrive. Je compte encore une seconde et affiche plein gaz sur les deux moteurs, tout en actionnant le trim à plein cabrer pour partir en boucle. Le g-mètre s’affole et l’aiguille vient se caler sur le chiffre 4. L’accélération me plaque sur mon siège et je bataille pour soulever ma tête : à 4 g, mon casque pèse déjà plusieurs kilos, ce que me confirment mes cervicales… En levant les yeux, je cherche du regard mon leader, mais je n’aperçois que la traînée de sa fumée blanche.

    Un coup d’œil à la « boule⁷ » pour maintenir les ailes horizontales et monter droit dans la continuité du n° 1, à l’extérieur de sa trajectoire. Une fois à la verticale, je bascule la tête en arrière ; la fumée de Jim me guide jusqu’à lui : je suis rassuré, je suis au bon endroit.

    « Fumée coupée… TOP ! »

    J’actionne de nouveau la gâchette de tir et ma fumée se coupe.

    Le nez de mon Alphajet approche de l’horizon, mais je suis maintenant sur le dos. J’arrive au sommet de la boucle et je dois me remettre sur le ventre pour respecter ce qui a été briefé. Je pousse sur le manche et j’incline en même temps à gauche pour tourner un demi-tonneau et me retrouver en vol rectiligne horizontal (VRH). Je vérifie alors mes paramètres de vol : 120 kt et 4 200 ft, nickel !

    À cet instant, je ne pense qu’à une chose : où sont les autres ? Et surtout, où sont les intérieurs, les nos 2 et 3, car je vais devoir redescendre pour rassembler le leader dans mon secteur. À cet instant, je serai responsable de l’anti-abordage avec eux. Jim m’avait briefé avant le vol sur ce passage délicat :

    « Quand tu auras tourné ton demi-tonneau, tu devras trouver le visuel sur les intérieurs, Scarf et Michm. Quand je tenais ta position l’an dernier, je me plaçais sur la tranche, plein pied, et je cherchais en dessous dans un secteur 10 heures puis 2 heures. Une fois le visuel sur les deux, je les suivais du regard et là, seulement, je commençais à descendre. »

    Sans réfléchir, j’exécute exactement la manœuvre qu’il m’a décrite : j’incline à gauche au gauchissement et, dans le même temps, je tends ma jambe droite et pousse sur le palonnier jusqu’à l’enfoncer complètement pour mettre mon avion en vol tranche. La manœuvre est franche et je me retrouve incliné à 90° sur la gauche. Mais au moment où je cherche mes équipiers des yeux, je perds instantanément le contrôle de mon avion, qui déclenche⁸. La manœuvre est brutale, et, l’espace d’une seconde, je ne comprends rien à ce qui m’arrive ! Le paysage défile devant moi latéralement, le nez de mon Alphajet pique vers le sol… Mon souffle s’accélère, mais les réflexes jouent immédiatement. Comme on me l’a enseigné depuis tout petit, je lâche les commandes… Mon avion relève son nez, et l’arrêt du tangage me permet de me recaler.

    Je reprends pied, souffle un bon coup, mais le répit est de courte durée… Du coin de l’œil, je vois maintenant un Alphajet me foncer dessus par la gauche. Je tire comme un sourd sur le manche pour l’éviter, tout en devinant le chiffre 2 sur sa dérive. On croise à moins d’un mètre, je pourrais lire l’heure sur la montre de son pilote ! J’ai un haut-le-cœur et mon avion n’aime pas non plus : pour la deuxième fois en moins de trois secondes, il déclenche, et cette fois encore plus violemment que la première.

    « ON ARRÊTE, ON ARRÊTE !!! »

    Depuis le point central au sol, Zippo vient de hurler à la radio. Instantanément, la Patrouille s’est figée en l’air.

    Mais les règles de la physique continuent de s’appliquer, impitoyablement : je me retrouve la tête à l’envers, pendu par les bretelles, avec l’avion qui pique vers le sol. La planète me saute au visage et je pense un instant à l’éjection, mais j’ai encore une petite marge. Je lâche une nouvelle fois entièrement les commandes, comme le veut la procédure, pour annuler les mouvements parasites. L’attitude de l’appareil se stabilise. Je vole maintenant à l’opposé de la Patrouille, toujours en descente franche, mais le mouvement en tangage a diminué.

    100 kt au badin et 2 000 ft à l’altimètre qui dévisse. Un coup d’œil instinctif au manche : il est vers l’arrière. Je comprends alors mon erreur : je reprends la poignée pilote en main, et, avec le pouce, je rends du trim en continu vers l’avant. Le plan horizontal de la profondeur rejoint la position neutre et, avec lui, le manche se remet au centre. L’effort s’annule, l’avion accélère, et je peux en reprendre le contrôle.

    Une ressource souple me permet de stabiliser ma trajectoire vers 1 000 ft sol. Un nouveau déclenché m’aurait obligé à m’éjecter. Et si cela s’était produit plus bas, j’y restais… Je transpire à grosses gouttes sous mon casque, l’adrénaline coule à flots dans mes veines…

    Après le cri de Zippo sur la fréquence, Jim avait répondu en écho : « On arrête, on arrête… » Puis il avait demandé : « Zippo, qu’est-ce qu’il se passe ? »

    « Le 4 a perdu le contrôle de son avion pendant l’éclatement, il est maintenant de l’autre côté du box, côté Grans.

    – 4 de leader, ça va ? On t’écoute ? »

    Jim m’interroge directement. Je resserre mon groin, qui avait glissé sous le facteur de charge, je respire profondément pour reprendre mes esprits et marque une pause avant de prendre la parole.

    « Leader de 4, je ne sais pas trop ce qu’il s’est passé… j’ai perdu le contrôle au sommet de la boucle après le retournement, et je crois que j’ai croisé le numéro 2 avant de déclencher une deuxième fois…

    – Le 2 ??? »

    Jim semble perplexe à l’évocation du 2. Il n’insiste pas et enchaîne immédiatement en m’appelant par mon pseudo, Easy.

    « On débriefera ça au sol… Easy, on est à Lambesc à 1 000 ft, tu nous rassembles et tu rappelles⁹ en Moyen Relax. Je fume en couleur… »

    Je suis maintenant à 2 500 ft, cap vers Lambesc. J’aperçois sans peine la fumée bleue du leader et les six autres appareils qui l’entourent. La formation est incomplète, il y a un trou en son centre, là où je devrais être… Cela me fait un choc et me renvoie au drame évité de justesse. Je reste derrière les amis pour annuler mon étagement, puis je passe sous l’altitude de la Patrouille, avant de remonter par dessous au centre du dispositif.

    J’annonce « Moyen Relax » une fois en place.

    Scarf, à ma gauche, me regarde en levant les épaules et les mains pour me faire part de son incompréhension. Comme tout le monde dans les avions, il a eu peur et a été inquiété par l’annonce de Zippo. En vol en patrouille, chacun est concentré sur ce qu’il a à faire ; le moindre grain de sable nous sort de notre zone de confort et sème immédiatement le doute puis l’inquiétude. Aux altitudes et aux vitesses auxquelles nous évoluons, la moindre erreur peut être fatale, et l’annonce « on arrête, on arrête » en pleine démo fait l’effet d’une bombe.

    Avant même que Jim ne me pose la question, je sais que je vais devoir faire un choix. Soit je rentre me poser, soit je poursuis l’entraînement.

    « Easy, c’est toi qui décides, tu veux y retourner ou tu veux rentrer ? »

    Au fond de moi, je veux rentrer, j’ai eu mon quota de sensations fortes pour la journée, je me suis rarement fait aussi peur ; mais nous sommes vendredi midi, le dernier vol de la semaine. Si je ne remonte pas à cheval maintenant, la reprise lundi, après un week-end entier, me fragilisera certainement, et je perdrai confiance en moi.

    « On est vendredi Jim, je ne peux pas partir en week-end sur un échec. On y retourne…

    – Reçu. Zippo, on se représente pour un éclatement final. »

    Pendant le virage de présentation, je tiens mécaniquement ma position, mais mon esprit est ailleurs. Je me remémore la précédente figure, je sais que je n’ai pas rendu suffisamment de trim en haut de la demi-boucle. Mais est-ce la seule explication ? Et là, contrairement à ce que je dis toujours, « dans le doute pas de doute », je poursuis mon vol avec une sacrée interrogation. Pour me donner du courage et me calmer un peu, je vais chercher avec la main gauche l’interrupteur de l’oxygène. Je le pousse en position 100 %. L’odeur de l’oxygène pur me rassure déjà, je me détends légèrement en restant malgré tout très crispé.

    Après quelques secondes de mise en place, Jim relance la machine :

    « Athos, j’ai 31 en Diamant… TOP ! »

    Je rassemble dans la position Diamant, devinant au loin sous l’avion du leader la base de Salon-de-Provence. Mon cœur, qui avait fini par se calmer, s’emballe de nouveau. La méthode, Romain, fais confiance à la méthode… me dis-je à voix haute dans l’avion. C’est ton choix, personne ne t’a forcé à être là, tu assumes maintenant. Et puis si c’est aujourd’hui que tu dois y passer… Eh bien, c’est aujourd’hui !

    J’essaie d’évacuer la peur en étant fataliste. Pilote de chasse est un métier dangereux, et encore plus au sein de la Patrouille de France. Je le savais en postulant, mais le vivre est encore autre chose : il faut trouver en soi ce qui nous libère de nos peurs. L’acceptation est finalement une bonne méthode…

    « En Deux Poutres… TOP !

    – Deux Poutres !

    – La fumée… TOP ! Pour un éclatement final en trois TOP… éééclaaatemennnnnt TOP… TOP… et TOP ! »

    Je ferme les yeux une fraction de seconde et prends une dernière inspiration. Les manettes en avant, le trim vers l’arrière.

    Jusqu’ici tout va bien. 4 g. Je passe la verticale, je ne cherche même pas Jim du regard, je sais que nous sommes loin l’un de l’autre. Je pense à mon demi-tonneau. Ça y est, l’horizon apparaît sur mon capot… Sans réfléchir, je pousse franchement sur le manche et j’encaisse un bon - 1 g avant de tourner mon demi-tonneau et de me retrouver en VRH. Je pousse toujours sur le manche et, cette fois, je rends du trim pour annuler l’effort à la profondeur avant de me mettre sur la tranche.

    Chat échaudé craint l’eau froide… Je n’ose pas braquer entièrement le palonnier sur l’axe de direction et je n’incline finalement l’avion qu’à 50 ou 60°. Je récupère le visuel de Scarf et Michm, j’annonce « 4 » et plonge dans les 6 heures du leader.

    Je souffle un bon coup… Ça y est, c’est passé !

    Une fois rassemblé, le leader annonce : « Zippo, on t’écoute. »

    Depuis le point central au sol, Zippo débriefe le travail de chacun. Pour ma part, il me conseille de rendre encore plus de trim une fois le retournement effectué.

    « Athos check pétrole ! » commande Jim.

    Tout le monde annonce 800 litres. C’est suffisant pour refaire un dernier éclatement final. On ira se poser à l’issue. Même si la dernière exécution est correcte, on ne peut pas dire que je respire la joie et le bien-être dans mon avion. Je profite du débriefing en l’air, immédiatement après la figure, pour me décrisper les mains et les jambes.

    Après le dernier enchaînement, nous nous séparons en deux box pour une arrivée au break à la verticale de la piste et un atterrissage dans l’ordre des numéros. Une fois posé, je ressens un énorme soulagement, toute ma tension s’envole d’un coup.

    Je coupe les moteurs au parking, ouvre ma verrière, dégrafe mon groin et respire l’air frais de la Provence. Jimmy, mon mécanicien, tire une gueule de dix mètres de long. Il a tout vu et sent qu’il a failli ne pas revoir son pilote.

    « Chaud mec ! C’était chaud mon ami ! Putain… Je ne suis pas passé loin ! »

    À peine le temps de mettre un pied au sol… tous les pilotes sont déjà devant mon avion, rejoints par Zippo. J’essaie d’expliquer ce qu’il s’est passé. Dans la précipitation, j’ai cru voir le n° 2, mais en fait j’avais croisé le n° 5. Mon cerveau avait confondu ces deux chiffres pendant l’évitement. Après discussion avec les plus anciens, il s’avère qu’il s’agissait bien d’un défaut de technicité : ma dette de trim était trop forte après le départ en boucle, et le croisement des commandes au pied avec autant de braquage à la profondeur ne pouvait déboucher que sur un déclenché.

    Ce soir-là, en regardant les enfants se chamailler à table, je ne peux contenir mes larmes.

    « Mais qu’est-ce que tu as Romain ?

    – L’entraînement s’est mal passé… »

    Gaëlle, mon épouse, comprend tout de suite, et nous en parlons plus tard, une fois les petits couchés.

    Jamais auparavant dans ma carrière de pilote, ni jamais dans les années qui suivront, je n’ai connu pareil incident. Je m’en suis sorti grâce à l’entraînement et à la formation que j’ai reçus, grâce aussi aux actions réflexes qui m’ont été enseignées. Ce métier de chasseur, j’en ai rêvé pendant des années, ma motivation et mon travail m’ont permis de réussir dans la Chasse et d’intégrer la prestigieuse Patrouille de France, pour finalement en devenir le leader en 2015. La route a été terriblement difficile, mais en même temps immensément gratifiante et enrichissante. Tout n’avait pourtant pas commencé sous les meilleurs auspices…


    1. Partie de la série au cours de laquelle nous volons au plus près les uns des autres, en évoluant comme un seul homme.

    2. Surnom du numéro 4, car celui-ci « mange » littéralement les fumées du leader et prendra sa place l’année suivante.

    3. Conseils.

    4. 300 nœuds, soit 555 km/h.

    5. C’est-à-dire une vitesse de 310 kt.

    6. Le trim (compensateur en français) est commandé par un petit interrupteur au sommet du manche pilote. La commande du trim actionne un moteur électrique qui permet de déplacer la gouverne de profondeur. L’avion peut donc monter ou descendre sans que le pilote ait besoin de tirer ou pousser sur le manche.

    7. Horizon artificiel.

    8. Un déclenché est une mise en vrille sur un axe horizontal créée par la combinaison d’une grande incidence (proximité de la vitesse de décrochage dynamique) et d’une attaque oblique (forte dissymétrie).

    9. Il s’agit de faire une annonce radio une fois en place.

    Chapitre 2

    Réveille-toi, Romain !

    Je vis mes années lycée sans but, sans vision claire de mon avenir ou d’un quelconque projet professionnel. Sportif et gentil mais guère travailleur, je me situe plutôt dans la deuxième partie du classement. Mon manque d’investissement me fait redoubler ma 1re S au moment où je quitte Rouen pour Paris.

    Si elle ne me permet pas d’améliorer mon niveau scolaire, ma deuxième année de 1re m’offre en revanche la possibilité de m’ouvrir à d’autres domaines : j’apprends le chinois et consacre la majeure partie de mon temps libre aux arts martiaux. Et puis, il y a l’aviation militaire, qui m’occupe bien l’esprit depuis quelques années…

    Quand j’étais enfant, mon grand-père, directeur d’école, me racontait qu’il aurait aimé piloter. Mon père, brillant chirurgien, était quant à lui passionné par l’histoire de la Seconde Guerre mondiale, en particulier par celle de l’aviation de chasse de cette période. Tous deux me transmirent insensiblement l’envie de porter l’uniforme, même si je devais être le premier militaire de la famille. N’ayons pas honte, Hollywood joua un rôle également dans mon choix de carrière… : le film Top Gun m’avait fait l’effet d’un électrochoc, et il continua d’être par la suite une source infinie de motivation et d’inspiration.

    En 1995, Tom Cruise, mon père et mon grand-père guident donc mes pas vers le stand de l’armée de l’Air au salon de l’Étudiant. On m’y explique que l’École de l’Air, voie royale vers le métier de pilote de chasse, est accessible sur concours à l’issue des classes préparatoires. La mauvaise nouvelle : les places y sont chères, très chères. La bonne nouvelle : la ligne d’horizon me semble encore bien lointaine. Je décide donc de ne rien changer à ma façon d’être, et je continue à me laisser tranquillement vivre, à profiter de mes amis et des divertissements offerts par la capitale.

    Me voyant douillettement installé dans le ventre mou de la classe, mon père ne s’y trompe pas et me lance avec son flegme habituel : « Si tu continues comme ça, tu deviendras pilote, c’est sûr, mais pilote de moto-crotte ! » Ces délicats engins porteurs d’un aspirateur à déjections canines font alors la fierté de Paris et le bonheur des humoristes… Toujours est-il que les piques savamment distribuées par le paternel finissent par porter leurs fruits et par réveiller mon amour propre profondément endormi dans la complaisance de l’adolescent. Au deuxième trimestre de ma terminale S, le professeur principal nous rappelle un matin que les dossiers de candidature pour les classes préparatoires doivent être finalisés à la fin du mois. Je me réveille brutalement :

    « Les classes prépa ? Mais c’est pas après la fac ?

    – Romain, t’es à la rue ou quoi, la prépa, c’est juste après le bac ! »

    Mon ami Chi-Chung vient de me ramener brutalement sur Terre…

    Je comprends qu’il faut que je me bouge sérieusement, surtout quand mes professeurs me confirment que mon dossier est franchement insuffisant pour espérer être accepté en mathématiques supérieures. Je me mets à la tâche, je commence à travailler…

    Malgré mes efforts, mon retard est tel que je ne peux décrocher qu’une mention passable au Bac S, avec seulement quelques notes au-dessus de la moyenne. Un improbable 18 en mathématiques me permet de sauver ma peau, tout le reste étant inférieur à 10, avec notamment un joli 5 en philosophie.

    Avec ce bilan, le lycée Buffon est le seul à me donner ma chance : sa direction pense avoir décelé en moi une once de potentiel ! Après mon numéro de trapèze volant au bac, la rentrée en « prépa » s’annonce périlleuse…

    *

    Je passe la première partie de mes vacances à travailler comme serveur au Concorde Lafayette. Une expérience dans l’hôtellerie qui me permet de toucher du doigt ce que travailler veut vraiment dire. Le réveil à 5 h 30 du matin et les 40 minutes de métro me séparant de la porte Maillot me confirment que j’ai eu jusque-là une enfance et une vie privilégiées. Le rythme est effréné dans les cuisines et les assiettes brûlent mes doigts pendant le service. Un jour, dans l’ascenseur, un copain serveur de dix ans mon aîné, et que j’apprécie beaucoup, m’interpelle :

    « Romain, on m’a dit que tu intégrais les classes prépa à la rentrée…

    – Oui, au lycée Buffon, à côté de Montparnasse.

    – Tu sais, ça fait cinq ans que je travaille ici, je te souhaite de réussir et de ne pas finir comme moi. Tu as la chance de pouvoir faire quelque chose de ta vie, alors ne te pose aucune question, fonce et bosse tant que tu peux ! »

    Je reste sans voix devant ce grand gaillard roux.

    Sans le savoir, il vient de semer dans mon esprit la graine de la volonté. Le 1er septembre 1996, j’intègre donc ma classe de physique chimie science de l’ingénieur (PCSI) de mathématiques supérieures, avec un seul objectif en tête : l’École de l’Air. Je sais que je pars de loin et je suis lucide sur mon niveau d’entrée… Tous mes camarades de classe ont obtenu une mention au bac, mais je pense réussir à les rattraper en travaillant. Erreur… La largeur du fossé qui nous sépare me donne rapidement une bonne idée de l’infini. Malgré des heures et des heures passées le nez dans les bouquins, je n’entends tout simplement rien à ce que mes professeurs expliquent ou écrivent au tableau. Pendant les deux premiers mois, je ne comprends même pas les énoncés des problèmes que l’on nous pose…

    Mes notes sont ridicules et dépassent rarement le 5. Mon attention en cours est pourtant totale et mon investissement, le soir à la maison, tout aussi remarquable. Cela me rend fou…

    Le temps me semble toujours trop court, je finis même par travailler dans le métro entre les stations Gobelins et Pasteur. Chaque minute est consacrée aux études, aux mathématiques (« la science mathématique » dit ma prof…), à la physique ou à la chimie. Le programme n’ayant finalement aucune limite, je ne dois pas en avoir non plus, et je me couche rarement avant minuit.

    Après un trimestre à ce rythme, mais avec des résultats catastrophiques, je suis tenté d’abandonner. Solidement installé dans les profondeurs du classement, j’espère sans trop y croire être pris en mathématiques spéciales l’année d’après. Ma chance est d’habiter en collocation avec Chi-Chung, le camarade qui m’a tiré de ma torpeur l’année d’avant. En prépa lui aussi, mais à Lavoisier, il me pousse à poursuivre le combat. Et en effet, c’est pour moi un combat, jour après jour, soirée après soirée. Le nez dans les livres, je découvre les espaces vectoriels, le calcul matriciel ou les produits scalaires et les espaces euclidiens. En physique, j’approfondis l’électricité, l’optique et l’analyse de la lumière, la mécanique et la thermodynamique. En chimie, j’apprends à mesurer le pH, la conductance et l’absorbance comme la caractérisation des composés.

    Je sacrifie mes vacances de Noël en m’isolant devant mon bureau. Mais rien ne marche, je ne décolle pas. Mon frère aîné, Pierre-Hugo, a pourtant confiance en moi et me répète souvent combien il est fier de son cadet. Je trouve dans ses encouragements un nouvel élan pour travailler davantage.

    En milieu d’année, une légère inflexion positive se fait sentir. Plus proches de 7 ou de 8, mes notes deviennent encourageantes.

    « Si vous continuez ainsi, M. Béthoux, on vous gardera peut-être en Maths Spé », me confie l’un de mes professeurs.

    Il ne m’en faut pas plus pour me donner le sourire et je poursuis ainsi jusqu’à la fin de l’année. Je ne relâche pas mon effort et cela finit par payer : je suis finalement admis en mathématiques spéciales dans la classe de physique chimie étoile (PC*)¹.

    Ma deuxième année est encore plus intense que la première, avec au programme la chimie organique, la chimie quantique, l’électrocinétique et la mécanique des fluides. Les noms de Kepler, Fourier, Maxwell, Lavoisier, Dalton et Bernouilli deviennent familiers, et leurs travaux avec eux. Seulement, je ne suis pas seul, et les têtes bien pleines de la classe à mes côtés ont encore une bonne longueur d’avance sur moi. Même si je comprends le sens des choses, je ne suis pas assez rapide, et mes raisonnements sont encore trop scolaires et étriqués. Et pendant ce temps, le programme se durcit sans cesse…

    Les mois passent, monotones et laborieux. Je quitte souvent le lycée après les colles² à 19 heures. Je rentre dans ma chambre pour avaler rapidement une soupe tout en apprenant des théorèmes jusqu’à minuit ou 1 heure du matin. Je ne réussis pourtant pas à passer la barrière de l’écrit au concours de l’École de l’Air en 1997. Même si j’aurais pu intégrer une ou deux écoles de chimie, je choisis de redoubler Maths Spé pour devenir un 5/2³. Mon seul et unique objectif reste Salon-de-Provence. Je veux devenir pilote de chasse, je n’en démords pas.

    Une fois de plus, les vacances d’été sont extrêmement studieuses. Mais je sens que les pièces s’assemblent. Je commence à avoir une vision plus globale des choses, une analyse plus claire des différentes matières. C’est ma dernière chance, une année pour transformer l’essai.

    Chi-Chung parti dans une école d’ingénieurs à Toulouse, je retourne chez mes parents rue Scipion. Une chance, car ma belle-mère, Mireille, fait tout son possible pour me décharger des contingences de la vie quotidienne. Je travaille comme jamais auparavant. Pour me motiver, j’ai même posé face à moi la plaquette de l’École de l’Air. Je la connais par cœur et me souviens aujourd’hui encore de son odeur.

    Quand dans la nuit je ne tiens plus en place devant des révisions, je me lance dans une série de pompes et d’abdominaux afin de rester éveillé.

    Mes efforts finissent par payer. J’ai rattrapé le retard accumulé pendant toutes ces années passées à rêvasser et à flâner au collège et au lycée ; je suis même dans le peloton de tête. Ce qui a constitué jusque-là une corvée est devenu une drogue : je suis passé à un autre stade, je prends maintenant du plaisir à apprendre, à réfléchir et à approfondir les sciences.

    Mon professeur de chimie, M. Fournier, va désormais jusqu’à plaisanter avec moi en classe. Une complicité s’est créée, à tel point que j’envisage de devenir chercheur en chimie. Une seule épreuve m’inquiète véritablement, celle de français.

    Heureusement, je peux compter sur mon parrain, Jean Rousseau, homme de lettres érudit. Avec Mireille, également très cultivée, ils passent souvent leurs week-ends à m’instruire. La philosophie d’Henri Bergson est à mon programme, et nous passons ensemble en revue son œuvre principale La Pensée et le Mouvant. Je ne suis pas trop à l’aise dans cette discipline, mais j’ai trouvé une solution imparable : j’apprends le bouquin d’analyse par cœur, sans oublier les citations en latin !

    Le mois de mai pointe le bout de son nez et avec lui les concours…

    Je me suis inscrit à ceux de Centrale et de l’École des Mines. J’ai peu de chances d’être pris, mais l’important est ailleurs pour moi : je veux simplement me mettre dans le bain avant les écrits des concours communs de l’École polytechnique (CCP) et de l’École de l’Air.

    *

    Je sors des épreuves confiant. Il n’y a pas eu de mauvaise surprise, et j’ai le sentiment d’avoir tout donné, sans aucun regret. Les résultats confirment cette impression : j’ai vraiment bien réussi les CCP, avec un 20/20 à l’une des deux épreuves de mathématiques. Je finis dans les 100 premiers sur 5 000 candidats. L’École navale m’appelle même chez moi pour m’inciter à me rendre au dernier oral que j’ai décliné : les deux premiers candidats ne s’étant pas présentés, je suis le major à l’écrit encore en lice. Mais mon objectif n’a toujours pas changé : l’École de l’Air. D’autant plus que j’ai également reçu de bonnes notes à l’écrit de ce concours et que j’ai passé haut la main la barre d’admissibilité. Je suis soulagé…

    Au programme des oraux, en plus des matières scientifiques et de l’anglais, viennent des tests psychotechniques et surtout des épreuves sportives. Conscient des enjeux, je me suis régulièrement entraîné aux disciplines au programme : course à pied, piscine, grimper de corde, saut en hauteur… tout y est passé ! Malgré la pression, les épreuves orales se passent bien. Puis le temps s’arrête. Il ne me reste plus qu’à attendre le courrier annonçant la réussite… ou l’échec.

    La bonne nouvelle arrive le 15 juillet. Une enveloppe banale, une lettre que j’ouvre en apnée, quelques lignes vite avalées pour aller à l’essentiel, en milieu de page :

    « J’ai l’honneur de vous faire connaître qu’à l’issue des épreuves du concours PC/PSI⁴ pour l’admission à l’École de l’Air en 1999, vous figurez sur la liste, en cours d’insertion au Journal officiel de la République française, des candidats déclarés reçus en qualité d’élève officier de l’Air. »

    La date d’entrée à l’école est fixée au mercredi 1er septembre 1999 à 08 h 10. En bas de la page, la signature du directeur du personnel militaire de l’armée de l’Air, le général de corps aérien René Perret, donne une tonalité très officielle au courrier.

    Après trois années de travail intense, jour et nuit, sans aucune distraction, j’ai enfin réussi ce que je pensais impossible. Je vais peut-être pouvoir réaliser mon rêve. La route s’annonce encore longue, mais au moins je me suis engagé dessus, je la sens sous mes pieds. Il me faut maintenant avancer…


    1. Classe d’un niveau supérieur à la moyenne.

    2. Exercices d’oraux blancs.

    3. Argot de « taupin » – élève préparant le concours d’entrée des grandes écoles (élève de classe prépa scientifique) – pour désigner un élève doublant sa deuxième année de classe préparatoire.

    4. Physique-chimie/physique-sciences de l’ingénieur.

    Chapitre 3

    Le Piège

    La première année à Salon-de-Provence m’apporte une découverte complète de la chose militaire, mais aussi d’une région magnifique, la Provence. Ma première surprise est de ne pas trouver de tapis rouge déroulé devant moi pour m’accueillir ! Moi qui ai tant travaillé pour en arriver là… et personne pour me rendre les honneurs ? Pas de tapis donc, mais un bahutage en bonne et due forme, un passage exhaustif par la case coiffeur et la remise d’un petit calepin, L’Horizon, le recueil des chants de tradition du Piège¹. À apprendre par cœur dans les meilleurs délais !

    Au petit matin, changement de tenue pour tester notre réactivité et notre chrono page², c’est-à-dire la course contre la montre pour faire nos lits au carré. Viennent ensuite les cours de base sur l’armement et le comportement militaire, tous les déplacements se faisant au pas et en section. Je pense tout simplement être tombé dans une école de fous… Mais où sont donc le prestige et la classe de l’aviateur que j’avais pu imaginer ?

    Moins d’une semaine après mon arrivée, j’appelle mon père et ma belle-mère pour leur annoncer que je veux rentrer à Paris.

    « Attends la fin de la période bloquée, Romain, ensuite tu prendras ta décision. C’est le début, ce n’est qu’un formatage, c’est normal… »

    Des paroles de bon sens qui ne me rassurent qu’à moitié… La période bloquée doit s’étendre sur deux mois, et je ne suis pas certain d’avoir la patience d’aller jusqu’au bout. Et pourtant… Les semaines suivantes passent vite et je m’intègre de mieux en mieux à ma brigade, la deuxième. Mes camarades de la chambre 14 sont tous d’anciens élèves des prépas militaires de Grenoble, d’Aix-en-Provence ou de Saint-Cyr. Éric, Marlon, Mif et Lolo me facilitent cette transition dans le monde militaire, qu’ils ont déjà eu le loisir de découvrir avec quelques années d’avance sur moi. En même temps que je me découvre de super camarades, je comprends que cette période d’intégration n’a finalement pas grand-chose à voir avec notre vie future de poussin³ à l’École de l’Air. Des activités exceptionnelles nous sont proposées et chaque semaine apporte son lot de découvertes : premiers vols en Transall, premiers sauts en parachute, tir au Famas, parcours du combattant, randonnées nocturnes, escalade, pilotage de planeur… Voilà pour les récréations. Mais l’armée de l’Air ne donne rien gratuitement et en échange de ces bons moments, elle exige de nous, une fois de plus, du travail, encore du travail, toujours du travail. En parallèle à la formation militaire, Salon-de-Provence délivre également une formation d’ingénieur, qui exige de nous l’obtention d’une maîtrise en aéronautique au bout de deux ans. Il me faut donc regagner les bancs de l’école. Mais après quelques mois de repos, mon cerveau refuse la remise en route que je lui demande. Je fuis par tous les moyens le moindre

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