Conspiration : entre l'ombre et la lumière
Par André Fontaine
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À propos de ce livre électronique
Un des cas les plus monstrueux d'emprisonnement injuste, de torture et de dégradation de notre temps est celui d'André Fontaine. Fontaine, un artiste de renommée internationale en art cosmonitique, un scientiste (il a obtenu un Ph.D. en cosmologie), un cinéaste et un philosophe éclairé, et correspondant de presse à l'étranger, a été retiré du monde des vivants dans le plus grand secret. On l'a enfermé derrière les barreaux d'une prison canadienne, sans procès public et cela, pendant plus de onze ans.
Son histoire n'avait jamais été publiée parce que les pressions exercées ont été si fortes qu'elles ont découragé les meilleures volontés. Après la parution de ce livre, le monde entier saura la vérité. Il connaîtra l'hypocrisie et la répressivité de la « justice » canadienne; justice d'un pays dit libre, où l'horreur et la dégradation se font écoeurantes.
Canada ! Un si beau pays et un si beau nom ! Pourtant un pays où il y a per capita, plus d'hommes derrière les barreaux que dans tous les autres pays du monde occidental. C'est le pays d'une force policière renommée de par le monde, la Gendarmerie Royale du Canada, force policière qui permet l'emprisonnement de gens innocents, mais trop clairvoyants. À cause de la philosophie politique de Fontaine, on l'a enfermé, et gardé enfermé, sur la foi de dossiers créés de toutes pièces, après avoir tenté de le rayer du monde par l'administration de poison et par le manque de soins que requérait son état.
C'est presque facile de souffrir pour payer une dette à la société, mais quand il s'agit d'endurer injustement, pour la bêtise des hommes, pour leur méchanceté, pour leur incompréhension, c'est beaucoup plus éprouvant de le faire seul, dans l'ignominie, parce que Fontaine a été abandonné de tous.
Le lecteur de ce livre doit constamment se rappeler que l'histoire qu'il lit est vécue aujourd'hui, en Amérique du Nord, au Canada, au Québec; des documents officiels prouvent les assertions de l'auteur. Même si on est porté à penser : « Ces choses n'arrivent que dans les livres », soyons conscients que la réalité dépasse, ici, la fiction.
Ce livre fut publié une première fois en 1977 et mis à l'index par le gouvernement canadien trois jours après sa parution en raison du contenu politique et des documents classifiés qu'il révélait au grand public.
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Aperçu du livre
Conspiration - André Fontaine
André Fontaine
Conspiration : entre l’ombre et la lumière
First published by Editions Dedicaces 2021
Copyright © 2021 by André Fontaine
Tous les droits sont réservés. Aucune partie de cette publication ne peut être reproduite, stockée ou transmise sous quelque forme ou par quelque moyen que ce soit, électronique, mécanique, photocopie, enregistrement, numérisation ou autre sans l’autorisation écrite de l’éditeur. Il est illégal de copier ce livre, de l’afficher sur un site Web ou de le distribuer par tout autre moyen sans permission.
Ce livre fut publié une première fois en 1977 et mis à l’index par le gouvernement canadien trois jours après sa parution en raison du contenu politique et des documents classifiés qu’il révélait au grand public.
Entrevue exclusive avec André Fontaine, réalisée en 1993 par Richard Glenn de Ésotérisme Expérimental: https://archive.org/details/andre-fontaine
Copyright © Editions Dédicaces, 2021
Second edition
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Publisher LogoÀ tous ceux qui, généreusement, m’ont donné leur confiance, leur support moral, qui m’ont aidé à traverser l’insupportable. À ceux qui ont le sens de l’HONNEUR, de la LIBERTÉ et de la JUSTICE.
A. F.
À ma mère, à mes filles, à ma famille …
C.M.
Contents
Avant-propos
Préface de Joan Doyon, épouse
Préface de Rachel Fontaine, fille
Traversant ce monde
I. PREMIÈRE PARTIE
Conspiration
II. DEUXIÈME PARTIE
1966
22 juillet 1966
27 juillet 1966
2 août 1966
17 août 1966
Septembre 1966
Octobre 1966
Novembre 1966
Décembre 1966
1967
Début 1967
Août 1967
Septembre 1967
Octobre 1967
Novembre 1967
1968
Janvier 1968
Février 1968
Mars 1968
Avril, mai, juin 1968
Juillet 1968
Août, septembre 1968
Octobre, novembre 1968
Décembre 1968
1969
Janvier 1969
Février 1969
Mars 1969
Avril 1969
Mai, juin, juillet 1969
Août 1969
Septembre 1969
Octobre 1969
Novembre 1969
Décembre 1969
1970
Janvier 1970
Février 1970
Mars 1970
Avril, mai, juin 1970
Juillet 1970
Août 1970
Septembre 1970
Octobre 1970
VIVE LA JUSTICE À LA CANADIENNE
Novembre et décembre 1970
1971
Janvier à mai 1971
Juin, juillet 1971
Septembre 1971
Octobre 1971
VIVE LA JUSTICE À LA CANADIENNE!!!
Novembre, décembre 1971
1972
Janvier 1972
Février 1972
Avril, mai 1972
Juin 1972
Juillet 1972
Août 1972
Septembre 1972
Octobre, novembre et décembre 1972
1973
Janvier 1973
Février 1973
Mars, avril 1973
Avril 1973
Mai, juin, juillet 1973
Août, septembre 1973
Octobre 1973
Novembre et décembre 1973
1974
Janvier, février, mars 1974
Avril, mai 1974
Juin, juillet 1974
Août 1974
Septembre 1974
Octobre 1974
Novembre, décembre 1974
1975
Janvier 1975
Février 1975
Mars 1975
Avril 1975
Mai 1975
Juin 1975
Juillet 1975
Août 1975
Septembre, octobre 1975
Décembre 1975
La conspiration de Dallas
1976
Janvier 1976
Février 1976
Mars 1976
Avril 1976
Mai, juin 1976
Juillet, août 1976
Septembre, octobre 1976
Jeudi le 16 septembre, 18.00 HEURES
Samedi le 18 septembre, 14.00 HEURES
16.00 HEURES
16.30 HEURES
Dimanche matin, 19 septembre
12.30 HEURES
15.00 HEURES
16.00 HEURES
23.30 HEURES
Lund 20 septembre
Octobre, novembre et décembre 1976
Des documents qui se passent de commentaires
1977
Janvier, février 1977
Le régime des institutions pénitentiaires
Le 21 avril 1977
Le 7 mais 1977
Lundi 9 mai, 1977
Le cheminement d’un homme qui devient directeur d’un pénitencier
Août 1977
2 septembre 1977
5 septembre 1977
Épilogue
Avant-propos
C’est dans des conditions incroyables, du fond d’un cachot de la vieille prison de Rivière-du-Loup, qu’André Fontaine, sur les instances de personnes intéressées à son sort, a rédigé ses notes biographiques.
Ce travail de plusieurs années a failli ne jamais voir le jour. Le manuscrit est passé d’une main à l’autre, a été dérobé, retourné à son auteur. Des documents originaux importan ts ont disparu, l’original est allé se promener au Liban, via la Société de Jésus …
Malgré l’intérêt manifesté par les éditeurs du Québec, du Canada et de l’étranger, il a été impossible de publier cet ouvrage avant aujourd’hui. Les pressions exercées par les gouvernements du Québec (SQ), du Canada (GRC), et des États-Unis (CIA et FBI) ont découragé les meilleures volontés.
Peu d’êtres humains ont reçu autant de talents, de dons, de capacités multiples qu’André Fontaine. Cet homme est étonnant! Peut-être n’a-t-il pas toujours employé à bon escient ces richesses, il est avant tout un être humain.
Il est un artiste dans tous les domaines. Sa carrière de peintre, nous en parlerons plus tard. Aurait-il tenté de se faire un nom de chanteur classique, les quatre octaves de sa voix chaude le lui auraient permis. Aurait-il préféré le théâtre? Ses dons incontestables pour les rôles tragiques, son sens du comique et sa capacité d’imitation lui auraient assuré le succès. La poésie aurait donné à son auteur la réussite espérée. Il aurait concurrencé Marco Polo comme explorateur. Se serait-il consacré uniquement à la science, que le monde entier aurait profité de son érudition. Il y a tellement plus à dire sur André Fontaine.
Sa force morale peu commune, sa foi prof onde, sa chaleur humaine lui ont permis de résister depuis onze ans à la folie, ce mal qui atteint, un jour ou l’autre, les hommes qui croupissent depuis si longtemps derrière les barreaux d’une prison. Il paye très cher ses talents. Il lutte sans défaillance depuis le tout début de la tragédie qui a changé sa vie, pour faire éclater la vérité et les murs de sa prison.
Malgré les tortures physiques et mentales, malgré les frustrations quotidiennes, il continue chaque jour à se cultiver, à étudier, à écrire pour sensibiliser l’opinion publique, en dépit de la liste noire sur laquelle son nom est en tête. Ceux qui ont approché André Fontaine depuis 1966, ont tous été l’objet de menaces plus ou moins déguisées.
Les images de sa vie, souvent pauvre de sous, mais riche de coeur toujours, vous feront connaître un homme, un québécois qui fait honneur aux siens, à sa patrie. Pour que la justice soit réhabilitée, il n’a épargné aucun effort et il se battra jusqu’à la mort.
Carmen MORIN
Parce que cette biographie est contemporaine, parce que plusieurs personnes qui en sont les protagonistes sont vivantes et que nous ne voulons nuire en rien à leur avenir, nous donnerons des noms fictifs à plusieurs d'entre eux.
A. F. et C. M.
Préface de Joan Doyon, épouse
Cher André, même « tes pères » t’ont trahit pour assurer leur prestige et gloire. Ils t’ont dépouillé quand tu étais dans l’abîme. Ils n’ont pas vu que tu étais un cœur vaillant et courageux. Tu t’es retrouvé seul au combat. Les dés étaient jetés, tu ne le savais pas. Tu croyais en cette justice des esprits versatiles qui ne reconnaissent pas leur erreurs.
Ton cœur était trop bon pour voir la méchanceté. Malgré tout ce que tu as enduré, quand je t’ai connu, tu chantais pour moi « Romance d’amour » et ta voix était comme un écho dans les cieux. On te surnommait le « Pavarotti Québécois », mais pour moi, tu étais le meilleur. « Peintre des étoiles », tes tableaux de l’univers brillaient dans les cieux pour rendre hommage à la création de Dieu. Tu attirais les foules dans tes conférences, tes concerts, tes expositions. Parfois ta bonne amie Alys Robi, aussi la mienne, t’accompagnait et même priait pour toi. Ton cœur grand comme le monde, tu as donné beaucoup et ils ont prit le reste.
Merci de m’avoir tenue la main dans des épreuves. Merci de m’avoir appris à pardonner. André, si tu savais comme notre fille te ressemble; elle écrit comme toi, chante d’une voix angélique et dessine comme nous.
André, maintenant que Dieu t’a appelé pour abréger tes souffrances, ton histoire continue, ton livre « Conspiration : entre l’ombre et la lumière » va être réédité par monsieur Guy Boulianne, journaliste qui dénonce aussi les injustices. C’est un homme honnête en qui j’ai confiance, et tu aurais aimé la page couverture du livre.
D’autres vont continuer ton combat pour la justice.
Merci monsieur Boulianne et aux Éditions Dédicaces d’avoir accepté de publier ce livre.
Madame Joan Doyon
22 Avril 2021
Préface de Rachel Fontaine, fille
En ta mémoire papa, le livre dont tu as jadis pris tous les risques pour faire publier et rendre public, afin de montrer à la face du monde la vérité et combien les complots sont plus que réels et très bien orchestrés par des personnes puissantes qui se donnent des droits illimités sur la vie des gens et le cours des événements. Nous sommes les spectateurs d’une mise en scène qui s’impose à nous pour faire croire en une fausse réalité, alors que l’histoire s’est produite d’une toute autre façon.
Il faut un grand courage pour dévoiler la vérité dans un monde gouverné par le règne du mensonge. Et le prix à payer est parfois indescriptible, imposant des tortures et conditions de vies inhumaines à ceux qui se lèvent avec courage devant l’adversité.
Aujourd’hui en 2021, le monde entier vit sous une emprise encore plus forte d’une omertà. Si grande que ton livre doit sortir de l’ombre dans laquelle la dictature du passé l’a plongée pour empêcher les gens d’y voir clair.
L’Heure est venue plus que jamais que la vérité soit republiée pour qu’elle reste un témoin de l’histoire, que certaines personnes en situation de pouvoir et de forte influence essaient de changer.
Comme disait Honoré de Balzac : « Il y a deux histoires : l’une que l’on enseigne et qui ment; l’autre que l’on tait parce qu’elle recèle l’inavouable. »
Ta fille Rachel Fontaine
Traversant ce monde
Lorsque ton vent souffle et siffle tout autour
de mon faible coeur, où est accroché l’amour,
Tu brise attise le feu de mon âme
Qui fermente l’atmosphère de ce drame.
Ce national, solitaire et sombre
Qui longe le fleuve, traversant ce monde,
Des ombres que l’air engloutit de mystère;
Trajet déplaisant, par l’angoisse qui l’éclaire.
Nos pensées surgissent au brouillard du passé
Comme une route de retour sur terre,
Aux sensations étranges, qui font frissonner.
Comme la foudre, déchirant les ténèbres
Nous montre la facilité de tout perdre,
Tout en laissant une lie, plus qu’ombre.
André FONTAINE
I
Première partie
Conspiration
Octobre 1956: Un matin, un matin ni triste ni gai, un matin comme tous ceux que je vis depuis 17 mois, dans ce triste lieu appelé: Saint-Vincent de Paul.
Un appel: «3115, suivez-moi».
En dix-sept mois, on apprend à obéir, et rapidement. On me conduit au bloc de l’administration, où, dans le bureau du directeur, un préposé aux libérations attend.
—«3115-Gagnon, votre bonne conduite nous permet de vous libérer demain. J’espère ne plus vous revoir ici et je vous souhaite bonne chance à l’avenir. Votre compte va être réglé, nous vous remettrons un complet civil pour que l’anonymat de la foule vous protège.»
On me mène dans une chambre où un détenu-tailleur prend mes mensurations. Après d’autres formalités administratives, une escorte me reconduit à ma cellule.
L’impassibilité que j’ai gardée devant tous, au prix d’efforts inouïs, ne résiste plus dès que je suis seul. Je ne sais si je ris ou si je pleure. Quel supplice j’endure quand il me faut rejoindre mes compagnons d’infortune, parce que, dans ce milieu, on ne dit pas, on ne fait pas voir, quand on est libéré. Après le souper, la solitude ne me soulage pas, au contraire, l’oppression est plus forte encore. Je m’étends sur ma couchette de fer. Le passé me monte à la gorge, à la tête et au coeur. Je me laisse envahir …
Mon premier souvenir, celui de ma plus tendre enfance, remonte à quelques jours après mon troisième anniversaire. Des cris stridents me tirent d’un sommeil lourd, celui de l’innocence. C’est la voix de ma mère qui appelle: « Au feu, au feu! ». Je revois la lueur rougeâtre de la flamme à travers la fumée, dans la chambre que je partage avec mes soeurs et mes frères aînés. Je suis seul… je cours vers l’escalier au bas duquel ma mere appelle toujours. Je trébuche, c’est le noir.
Après avoir évacué la maison, mes parents me conduisent chez le médecin du village. Je souffre d’un enfoncement crânien et d’une fracture du bras gauche. Sur les dix enfants, je suis le seul à être blessé. Jusqu’à l’âge de douze ans, je subirai les séquelles de ces blessures. Un froid mordant et une tempête violente ont accéléré le tirage de la cheminée et propagé les étincelles d’un feu qui nous gardait bien au chaud. C’est la tragédie.
Mon père, propriétaire de l’unique atelier général de Saint Gédéon au Lac-Saint-Jean, peut, au prix d’un pénible labeur, nous offrir une vie assez aisée pour l’époque, même si, à cause de la pauvreté de ses clients, il doit faire crédit. Avec l’aide de grand-père Lessard, des oncles Tancrède et Horace, de mes frères assez costauds pour donner un coup de main, mon père construit notre nouveau foyer dans les mois qui suivent l’incendie. Nous en sommes fiers, c’est la plus belle maison du village et elle est plus grande que l’ancienne, de sorte que nous y sommes plus à l’aise.
Je passe des heures à regarder ma mère; elle boulange le pain de la semaine, prépare les repas familiaux, tisse au métier des étoffes qui lui serviront à coudre les vêtements des membres de la famille, et, telle une abeille laborieuse, n’arrête jamais. Souvent, elle passe des heures à mon chevet; je suis si fragile qu’un simple rhume demande une surveillance constante.
Le réveil me plonge dans la réalité de la prison. C’est aujourd’hui que je suis libéré de cet endroit d’où on ne sort sain d’esprit qu’au prix d’efforts soutenus et souvent insoutenables. Après le petit déjeuner, je ramasse tous les objets qui sont dans ma cellule et que je dois rendre au magasinier avant de franchir les grilles de la prison. Un gardien me guide vers le local où je troquerai mes vêtements de honte contre ceux d’un homme libre. Sousvêtements, bas, chemise, cravate, ceinture, chaussures et complet noir que je n’endosserai qu’après avoir subi l’examen dégradant de tous les orifices et replis de mon corps.
Toujours escorté, je me dirige vers la caisse où on me remet le total de mes gains pour dix-sept mois; onze dollars et trente-deux cents.
Je franchis la lourde porte qui me rend à la civilisation. Il a neigé la nuit dernière, l’air est glacial dans ce petit matin de fin d’octobre et, seul un complet me protège de cet automne québécois. Une marche rapide me conduit au premier restaurant où, pour la première fois depuis longtemps, je me régale d’un vrai café bien chaud. Les clients ont l’habitude de voir des types, vêtus de hardes qui sentent la prison à plein nez; ils ne sont pas plus discrets pour autant dans leur examen. Je n’y prête pas attention, ou si peu, Je n’ai qu’une hâte, quitter ces lieux.
L’autobus qui dessert les villages de l’île Jésus (maintenant Ville de Laval) arrive et je m’y engouffre, heureux d’échapper au froid et à l’atmosphère de prison que je sens autour de moi. Je veux oublier ces mois d’humiliation, d’enfer, de procédés degradants. J’ai touché, me semble-t-il, le fond de la déchéance humaine. J’ai été si seul, aucune visite, aucune lettre… seules étaient présentes les vexations des gardiens et souvent celles des co-détenus.
Rendu au centre-ville, je cherche un toit pour la nuit et du travail pour le jour. Pierre Laporte, avocat et journaliste, est un ami. Compatissant, il me laisse savoir que je peux obtenir du travail dans un grand magasin à rayons du centre-ville. Il me recommande néanmoins, de ne souffler mot des derniers mois de mon existence. Je n’en ai aucune envie, je veux oublier. Il me glisse discrètement dix dollars pour me permettre d’attendre le premier quarante-cinq dollars que je gagnerai hebdomadairement. Je me rends à l’endroit désigné et j’y suis engagé sans qu’on me pose trop de questions. Je commencerai demain matin à gagner une vie que je veux désormais honorable.
Au sortir du magasin, la nuit tombe et le froid se fait plus pénétrant. Je marche rapidement jusqu’à la chambre à cinq dollars que je me suis trouvée et que je partagerai avec un inconnu. Il n’est pas question que je m’offre à souper si je veux tenir avec mes maigres sous jusqu’à la première rentrée de salaire. Fatigué, déprimé, je relis la lettre qui m’apprend que Paule, ma femme, a demandé et obtenu la séparation légale. Je ne la reverrai plus… mes filles, Hélène et Pauline, m’oublieront-elles? Je les aime pourtant de tout mon coeur. La vie est méchante et bête. La lettre que j’ai adressée à Paule, m’est revenue avec la mention: partie sans laisser d’adresse… Je me laisse aller à la somnolence.
Le sentiment d’une présence me sort de ma torpeur. Je ne suis pas seul. Bernard, mon compagnon de chambre, est là. Un sourire aux lèvres, débordant de chaleur humaine, une poignée de main, et nous sommes copains. Je suis ému.
En bavardant, j’apprends qu’il est français et récemment arrivé au Canada. Je le laisse parler, je ne veux pas lui dire d’où je sors, ni lui raconter mon histoire lamentable. Il se rend rapidement compte que je n’ai pas de bagage, pas d’autres vêtements que ceux qui me couvrent. II ne pose pas de question, et discrètement, sort pour aller sous la douche. En revenant, il m’invite à en faire autant. Il me prête son peignoir et ses accessoires de toilette. Il me demande de ne pas le remercier, il ne peut le supporter.
C’en est trop, j’éclate en sanglots et je lui avoue mon passé. Il a également souffert de l’injustice des hommes et il me comprend. Quand je suis remis, il me pousse vers la douche. Je me sens neuf, rajeuni en sortant. La propriétaire qui prend un café en compagnie de Bernard, m’invite à grignoter avec eux. Quels braves gens! Je me sens moins seul et je sais que je dormirai beaucoup mieux.
Trop de sentiments m’agitent, sentiments complexes qui retardent l’arrivée du sommeil réparateur. Je replonge dans le passé.
Je grandis lentement depuis l’accident, et je vois les réunions qui se font dans la maison de mes parents, devenue le centre de rencontre du village. On y discute politique municipale, provinciale et même fédérale à l’approche de chaque élection; on y joue aux cartes. Les notables de la place sont présents.
Malgré les présences nombreuses autour de moi, je suis un solitaire. Seule trouve grâce à mes yeux, une petite voisine aussi souffreteuse que moi. Elle recherche ma compagnie et je ne l’évite pas. Gisèle, dont le père est au sanatorium et dont la mère est absente, parce qu’elle doit travailler pour gagner sa vie et celle de ses trois enfants, est une compagne agréable pour moi. Elle devient ma soeur quand mes parents acceptent de la garder avec ses soeur et frère, Carmen et Guy. Cela durera jusqu’à l’adolescence. Sa mère, devenue veuve, part pour la ville et amène ses enfants. Je ne l’ai jamais revue, cette amie de mes jeunes années. Sur ces images je m’endors.
Le réveil-matin sonne six heures, trop rapidement. Je me prépare à affronter ma première journée de travail. J’ai l’habitude de la ponctualité et je tiens à la conserver. Bernard me prête son imperméable pour m’aider à braver le morne froid de l’automne. Un café, offert par mon nouvel ami, me réconforte et à huit heures quinze, je suis prêt à recevoir mes premiers clients. Les appareils radios, magnétophones haute-fidélité et stéréophoniques, ça me connaît. Au bout de la semaine, quand je dois renouveler la location de ma chambre, il ne me reste plus d’argent. Aussi dois-je demander une avance à mon gérant. Celui-ci, très humain, m’avance vingt dollars sur son argent personnel. Ça me permet de voir venir la première paye.
Bernard et un compatriote, Norbert Nold, m’invitent à voir un film. Cet ami travaille pour une agence cinématographique afin d’obtenir son permis de cinéaste et s’installer éventuellement à son compte. Cela me sort de mes tristes soirées solitaires.
L’hiver est là, mais je travaille et, au début de mars, je sens diminuer mon état dépressif. Peut-être que la sérénité du printemps hâtif, le rajeunissement de la nature font qu’il en soit ainsi. Le souvenir de ma détention, des conditions inhumaines de vie de la déchéance de l’incarcération s’éloignent. Mes sens engourdis par les traitements humiliants et les mois de solitude, se réveillent. La vie peut encore être belle.
Un camarade de mes études chez les Jésuites de Québec, me reconnaît au comptoir du magasin, où je suis maintenant responsable du rayon des appareils audio. Étudiants, nous avons tourné quelques films. Il sait donc mon intérêt pour le documentaire et le reportage. Il recherche une équipe québécoise pour réaliser un film sur l’aspect physique du Québec. Il me propose le poste de réalisateur et me demande de compléter le groupe qui est nécessaire à la réalisation d’un tel projet.
Les noms de Bernard et de Norbert me viennent immédiatement à l’idée. J’en glisse quelques mots à celui que je considère mon associé et nous prenons rendez-vous pour le soir après le travail. Cet incident change complètement l’orientation de ma vie.
Je suis tout petit, mon village, sa plage dorée de sable chaud, ses habitants, ses joies, ses peines, tout remonte fréquemment à ma mémoire…
Le rocher, mon ami du bout du jardin de la ferme des Iles que possède mon père, où je passe des heures, est vivant aujourd’hui, autant qu’en ces années de ma jeunesse. Je contemple l’immensité d’eau qui crée à mes yeux d’enfant, le symbole de l’infini. On m’a expliqué que le Lac Saint-Jean est une immense cuvette pleine d’eau, d’îles et de poissons. Je ne comprends pas, une cuvette c’est défini, le lac, il n’a pas de fin, de bout. Je passe des heures à me poser des questions, des images, beaucoup d’images qui restent sans image de réponse.
Je suis sûr que tous les autres enfants à qui l’on a dit la même chose, comprennent, et j’ai honte d’être le seul à ne pas comprendre. Aussi, je ne me risque pas à demander des explications, ne voulant pas passer pour l’idiot du village.
Près du rocher où je me tiens, poussent des petites fleurs bleues qui m’attirent. J’en cueille et j’en tresse de merveilleuses couronnes qui fleurissent les cheveux blancs de ma mère. Je passe des heures à contempler les bandes d’alouettes criardes, indisciplinées me semble-t-il, raser le magma houleux de la rive, alors que les vagues du large chantent l’amour.
Je continue d’éviter les gamins de mon âge. Je n’arrive pas à m’intégrer à eux, ils me font peur; les seuls qui trouvent à percer ce boucher sont Paul-Aime, Roch et, bien sûr, Gisèle. Aussi sommes-nous les souffre-douleurs de la bande du village qui Joue aux soldats, sous les ordres d’un grand de dix ou douze ans. Ils s amusent a prendre au piège tous les petits animaux qui leur tombent sous les yeux; grenouilles, chats ou autres. Un jour, l’énorme chat roux de madame Desjardins, chef-d’oeuvre d’hypocrs1e et ennemi acharné de la gent souricière, est la victime de ces enfants. Les pierres autour du cadavre imagent la lapidation cruelle.
La Rousse était notre amie. Pour nous consoler, nous lui faisons des funérailles. Avec le velours d’une robe que ma mère garde pour les grandes occasions, nous confectionnons une bière et procédons à la cérémonie que la Rousse mérite. Quelques taloches bien méritées prolongent l’incident qui force ma mère à porter la mini-jupe, bien avant que la mode n’en soit instituée.
Les galopins coupables m’accusent et c’est la guerre entre notre voisine et ma mère. Pour l’enfant que je suis, les châtiments promis dépassent de beaucoup leur but. Mon imagination transforme la voisine en Loup-Garou, en Père Fouettard et en Bonhomme Sept-Heure dont on me rabat les oreilles. Je passe des heures à trembler, à voir la mère Desjardins savourer une de mes jambes. Je regarde mes mains et je pense aux enfants qu’elle a déjà dévorés… (en badinant, mon père a raconté qu’elle a déjà mangé six enfants et même un soldat.)
Je revois également Madame Flore qui dit si bien les contes de Fées que je dois garder secrets… Et les fleurs, beaucoup de fleurs que je lui apporte et que je lace quelquefois pour la parer. Et le Père Parent, pas méchant, mais plein de vin bon marché… Il tangue comme une chaloupe taquinée par la houle. Il m’en apprend des choses, à moi qui sais l’écouter. À sa mort, il me laisse une douzaine de lapins maigres. Je n’avais que six ans, mais je me souviens…
Déjà le rayon de musique du magasin, m’est étranger, je rêve. À l’heure du souper, je vois Bernard et Norbert et nous discutons du projet. Sont-ils intéressés? Ça ne fait aucun doute, j’en suis vite persuadé.
Il est huit heures pile quand j’arrive au rendez-vous fixé. La discussion est longue, car nous abordons tous les aspects de la production. Quand il s’agit de mettre sur pied un projet d’une telle envergure, il faut être prévoyant. Aussi, la technique est-elle dans mes première préoccupations. Je n’oublie pas le côté administratif. La soirée est très avancée quand nous fixons