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À la recherche des reliques saintes
À la recherche des reliques saintes
À la recherche des reliques saintes
Livre électronique468 pages4 heures

À la recherche des reliques saintes

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À propos de ce livre électronique

La Bible est remplie d’objets qui, depuis des siècles, suscitent  la fascination: la couronne d’épines du Christ, la croix ayant  servi à sa crucifixion, le linceul de Turin... Éparpillés aux quatre coins de la planète, ces artefacts attisent la ferveur des  fidèles et troublent les archéologues. Sont-ils authentiques ? Et, si oui, comment sont-ils parvenus jusqu’à nous ?

D’autres reliques sont si légendaires qu’elles alimentent les fantasmes les plus délirants. L’arche d’alliance, ce coffret ayant transporté les Tables de la Loi, était-il une « ligne directe » pour communiquer avec Dieu? Le saint Graal, la coupe utilisée par Jésus lors de la dernière Cène, peut-il rendre immortel ? En quête de certains de ces trésors fabuleux, aventuriers et fanatiques se sont lancés dans des épopées dignes de productions hollywoodiennes.

Féru d’histoire et de vérité, Christian Page a parcouru le globe à la recherche de 12 artefacts mythiques, déterminé à en percer les mystères. Il dévoile ici les coulisses de ce périple ambitieux sous forme de récits captivants où s’animent les lieux et les personnages marquants mais méconnus du monde occidental.
LangueFrançais
Date de sortie30 mars 2022
ISBN9782898270765
À la recherche des reliques saintes
Auteur

Christian Page

Christian Page, « l’enquêteur du paranormal », s’intéresse aux phénomènes étranges depuis plus de 40 ans. Il a été président fondateur de l’Organisation de compilation et d’information sur les phénomènes étranges (OCIPE), directeur de MUFON-Québec, filiale de la plus importante organisation ufologique au monde, et directeur de SOS OVNI. Il a aussi créé en 2003 Enquête sur les ovnis, la seule série documentaire du genre produite au Québec (Ztélé).

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    Aperçu du livre

    À la recherche des reliques saintes - Christian Page

    Introduction

    Comme tous les gamins, j’ai rêvé de trésors perdus et de richesses oubliées. Je me suis transporté mille fois dans des contrées lointaines et exotiques, voire inexplorées. Enfant, j’ai lu L’île au trésor de Robert Louis Stevenson et Vingt mille lieues sous les mers de Jules Verne. J’ai vécu les sautes d’humeur de Long John Silver et les délires mégalomanes du capitaine Némo.

    L’adolescence a tué mes chimères d’enfant. Puis, il y a eu Indiana Jones, le héros au superlatif qui, contre vents et marées, déjoue les balles des AK-⁴⁷ et les mécréants du Troisième Reich. Jones ne recule devant rien pour mettre la main sur l’artefact sacré, la relique des reliques, de l’arche d’alliance de Moïse au saint Graal.

    En 2008, alors que les médias entretenaient le suspense sur l’opus Indiana Jones et le royaume du crâne de cristal, j’ai proposé une nouvelle série au canal Évasion : l’histoire d’un aventurier qui part aux quatre coins du monde pour retrouver des reliques mystérieuses. En effet, au-delà des préoccupations religieuses ou mystiques, que savons-nous exactement de ces objets ? L’arche d’alliance a-t-elle réellement existé ? La couronne d’épines dont les Romains ont paré le Christ lors de la crucifixion est-elle réellement conservée à la cathédrale Notre-Dame de Paris ? Et le linceul de Turin, cette pièce de lin de 4 mètres de long sur 1,5 mètre de large, montre-t-il vraiment l’image du supplicié de Jérusalem ? Le sang présent sur le tissu permettrait-il de cloner le Messie ?

    Si l’idée a soulevé un intérêt immédiat, la mise en place d’un tel tournage a nécessité une logistique chirurgicale. Il faut savoir que les lieux saints, partout dans le monde, sont gérés par des instances religieuses qui ne s’entendent pas forcément sur la médiatisation de ces artefacts. Plusieurs n’hésitent pas à parler ouvertement de pillage religieux.

    Mon équipe et moi avons sollicité l’aide du diocèse de Montréal, espérant que le nom du cardinal Jean-Claude Turcotte, l’évêque de l’époque, nous faciliterait la tâche. Nous avons reçu un refus de participation catégorique. Nous nous sommes alors adressés directement au Vatican. Le Saint-Siège a été plus sensible à nos demandes. Il nous a mis en contact avec le viceresponsable de l’Institut pontifical Notre-Dame de Jérusalem, le frère Eamon Kelly. À Jérusalem, ce jésuite connaît tous les dirigeants religieux et a ses entrées dans toutes les congrégations religieuses de la ville, quelle que soit leur obédience.

    Grâce au frère Kelly, j’ai eu un accès privilégié à des lieux généralement réservés aux élites religieuses. J’ai pu contempler des reliques soustraites au public depuis des générations. Le frère Kelly ne s’est pas limité à Jérusalem ; grâce à ses contacts dans le monde entier, il m’a ouvert les portes de sanctuaires aussi bien en Europe qu’en Asie. Sans lui, la réalisation de cette série sur les reliques saintes aurait été impossible.

    À Jérusalem, on accède à la vieille ville par des entrées piétonnières appelées simplement « portes » : la porte de Jaffa, la nouvelle porte, la porte de Damas, etc. Pour moi, le périple a commencé lorsque j’ai franchi celle de Jaffa, qui donne sur la tour de David, une ancienne forteresse romaine que les archéologues croient être l’ancien palais du préfet de Rome à l’époque du Christ, Ponce Pilate.

    Pour vous, le voyage commence en tournant cette page. J’espère que l’aventure saura vous plaire.

    Christian Page

    Saint-Jean-sur-Richelieu, le 15 septembre 2021

    L’arche d’alliance

    « Ils feront une arche de bois d’acacia, sa longueur sera de deux coudées et demie, sa largeur d’une coudée et demie, et sa hauteur d’une coudée et demie. »

    « Tu la couvriras d’or pur, tu la couvriras en dedans et en dehors, et tu y feras une bordure d’or tout autour.

    « Tu mettras dans l’arche le témoignage, que je te donnerai. »

    Exode, 25, X, XI et XVI

    L’arche d’alliance

    De tous les objets décrits dans la Bible, aucun n’a autant fait fantasmer les amateurs d’histoires fantastiques que l’arche d’alliance.

    Dans l’Exode, au chapitre 24, Moïse se rend sur le mont Horeb, dans la chaîne du Sinaï. C’est là que Dieu lui donne ses instructions en vue de la construction de l’arche : deux coudées et demie de longueur, une coudée et demie de largeur et une coudée et demie de hauteur¹. En sachant qu’une coudée équivaut à peu près à 51 centimètres, cela revient à dire que l’arche devait mesurer 1,27 mètre de longueur sur 76,5 centimètres de largeur et autant pour la hauteur.

    Dieu demande à Moïse de la couvrir d’or en dedans et en dehors, ainsi que de fondre pour elle un couvercle d’or orné de deux chérubins, eux aussi en or². Ceux-ci devront être placés de part et d’autre du couvercle, se faisant face, et tenant leurs ailes déployées devant eux³. L’Éternel requiert encore du prophète qu’il fonde quatre anneaux d’or, placés aux quatre coins de l’arche, deux de chaque côté⁴. « Tu feras des barres de bois d’acacia, ajoute Dieu, et tu les couvriras d’or. Tu passeras les barres dans les anneaux sur le côté de l’arche, pour qu’elles servent à porter l’arche⁵. »

    Après ces recommandations, l’Éternel explique que l’arche servira à transporter les Tables de la Loi – celles des dix commandements – et que c’est là, entre les chérubins, qu’il dictera ses ordres pour « les enfants d’Israël⁶ ».

    L’arche devient alors l’un des éléments centraux du Pentateuque, l’ensemble formé des cinq premiers livres de l’Ancien Testament. Pour l’arche, Dieu demande à Moïse de construire un tabernacle – une grande tente – afin de la protéger⁷. Il ajoute que les hommes qui la transporteront devront être habillés de vêtements spéciaux⁸.

    illustration en noir et blanc, deux hommes sont inclinés, on les voit de dos, devant L'Arche, vers l'an 1900

    Moïse et Josué s’inclinant devant l’arche. Peinture de James Tissot, vers 1900. Photo : Domaine public

    Les Écritures présentent l’arche comme un objet « à usage multiple ». Elle est non seulement le coffre où sont gardées les Tables de la Loi, mais aussi le phare des Israélites. Dans l’Exode, il est dit que l’arche est le lieu où réside la gloire de l’Éternel et que là où elle se déplace, elle est accompagnée d’une nuée céleste semblable à du feu qui guide les Israélites en quête de la Terre promise⁹. L’éclat de l’arche est si aveuglant que Dieu recommande à Moïse de la recouvrir d’un voile pour s’en protéger¹⁰. L’objet lui-même semble d’ailleurs doté d’un pouvoir de destruction. Dans le deuxième livre de Samuel, on rapporte un incident pour le moins révélateur : alors que l’arche est transportée sur un char tiré par des bœufs, l’un des Israélites, un certain Uzza, tend la main pour l’empêcher de pencher. Il est aussitôt foudroyé par le pouvoir divin. « Uzza mourut là, près de l’arche de Dieu », peut-on lire¹¹.

    tableau en noir et blanc, représentant 4 jeunes qui transportent sur leurs épaules, L'arche

    Le livre de Josué raconte comment l’arche a stoppé les eaux du fleuve, permettant au peuple d’Israël de passer à gué (tableau de James Tissot). Photo : The Jewish Museum/Domaine public

    L’arche, c’est aussi le « téléphone » du Tout-Puissant. Dans le livre des Nombres, on raconte que Moïse parlait à l’Éternel à travers l’arche et qu’il entendait sa voix qui résonnait entre les deux chérubins¹².

    Toutefois, ce sont surtout ses propriétés « militaires » qui ont fait de l’arche d’alliance la plus célèbre des reliques de l’Antiquité. Ses exploits sont légendaires. Pour les Israélites, elle était un bouclier contre leurs ennemis. « Quand l’arche partait, peut-on lire dans le livre des Nombres, Moïse disait : Lève-toi, Éternel, et que tes ennemis soient dispersés ! Que ceux qui te haïssent fuient devant ta face ! Et quand on la posait, il disait : " Reviens, Éternel, aux myriades des milliers d’Israël¹³." »

    Dans l’épopée de Josué, l’arche d’alliance permet au successeur de Moïse d’ouvrir le Jourdain pour faire passer les Israélites à gué. Elle sépare les eaux¹⁴, comme dans l’épisode de la mer Rouge qui a permis aux Hébreux de fuir le joug égyptien. C’est encore une fois l’arche qui vient au secours de Josué lors du siège de Jéricho. Comme la ville résiste, Josué demande aux sacrificateurs – les porteurs de l’arche – de marcher autour de la cité. Pendant que quatre d’entre eux tiennent bien haut l’arche, les autres font retentir sept trompettes à la gloire de l’Éternel. Le septième jour, les murs de Jéricho s’écroulent¹⁵ !

    Dans le premier livre de Samuel, le prophète nous fait découvrir d’autres pouvoirs de l’arche… dont certains sont plutôt inusités. Alors que les Israélites guerroient à Eben-Ezer, près de la mer de Galilée, l’arche tombe aux mains de leurs ennemis. Les Philistins la rapportent chez eux, à Asdod, où ils la déposent dans la « maison de Dagon », un de leurs dieux païens. Le lendemain, les villageois découvrent l’idole de Dagon brisée et étendue, face contre terre, devant l’arche de l’Éternel. Mais l’arche n’a pas fini de faire des siennes : voilà que les Philistins, « depuis le petit jusqu’au grand », souffrent d’une crise d’hémorroïdes ! Après sept mois « d’inconfort », ils décident enfin de rendre l’arche aux Israélites.

    Pendant un temps, l’arche d’alliance et ses mystérieux pouvoirs vont continuer d’accompagner les Israélites vers la Terre promise. Puis, à Jérusalem, le roi Salomon – fils et successeur du roi David – la fait déposer dans un sanctuaire spécialement aménagé à l’intérieur du temple : « le lieu très saint¹⁶ ». Ensuite, l’arche disparaît de la Bible… et de l’histoire.

    Moïse, un auteur malgré lui

    L’arche d’alliance est un symbole de l’Ancien Testament, mais d’où viennent ces écrits ? Qui en sont les auteurs ? Moïse, Josué et le roi Salomon ont-ils réellement existé ?

    Comme nous l’avons dit, les cinq premiers livres de l’Ancien Testament forment le Pentateuque, un corpus appelé aussi Thora qui est au centre du judaïsme. Par tradition, on attribue l’écriture de ces textes à Moïse lui-même, mais c’est impossible. L’un de ces livres, le Deutéronome, relate la mort de Moïse et les événements qui l’ont suivie. À moins qu’il s’agisse d’une rédaction d’outre-tombe, Moïse n’a sûrement pas rédigé le Deutéronome¹⁷. Il n’a d’ailleurs probablement signé aucun des livres du Pentateuque !

    2 photos côte à côte, en noir et blanc. À gauche la statue de Moïse vu par Michelangelo. Un homme assis, style romain, barbe longue. À droite, un homme tient au dessus de lui les Tables de la loi.

    Moïse vu par Michelangelo. À droite : Moïse brisant les Tables de la Loi, d’après Rembrandt. Photos : Domaine public

    Aujourd’hui, les experts croient que ces livres sont des œuvres anonymes dont les versions achevées, telles que nous les trouvons aujourd’hui, remontent aux alentours du Ve ou du VIe siècle av. J.-C. L’étude des styles suggère au moins quatre sources différentes¹⁸ – que les exégèses désignent simplement par les initiales J, E, P et D¹⁹ – dont les écrits ont été amalgamés puis retranscrits en un seul texte uniforme. Cette pluralité d’auteurs explique pourquoi Dieu est appelé tantôt Yahvé, tantôt Élohim. Les spécialistes croient également que les textes du Pentateuque sont une forme littérale adaptée d’une longue tradition orale. Des récits, comme ceux de la Genèse ou de l’Exode, pourraient avoir été transmis oralement de génération en génération, pendant des siècles, avant d’être écrits²⁰.

    La Bible est de très loin le livre qui a eu le plus d’influence sur l’histoire du monde occidental. Les premiers livres imprimés par Gutenberg, vers 1450, étaient des bibles et des psautiers. De 1815 à 1992, la Bible – l’Ancien et le Nouveau Testament – a été publiée à six milliards d’exemplaires et en plus de 2000 langues²¹. Il est normal que les récits bibliques aient éveillé l’intérêt des amateurs d’histoire qui, pour confirmer ou infirmer la réalité de ces événements fondateurs, se sont tournés vers l’archéologie. Ils ont hélas déterré plus de questions que de réponses.

    Moïse a-t-il existé ?

    L’Exode raconte l’histoire de Moïse, de sa naissance en Égypte à ses 40 ans d’errance dans le désert. Cet épisode de l’Ancien Testament est sans doute celui qui a le plus été mis en question par les historiens. Moïse a-t-il vraiment libéré les Hébreux de l’esclavage du pharaon ? A-t-il franchi à gué la mer Rouge ? A-t-il rencontré Dieu sur l’Horeb ?

    D’après le livre des Rois²², l’exode se serait produit 420 ans avant la construction du temple de Salomon, c’est-à-dire vers 1446 av. J.-C. Pourtant, dans l’Exode, on relate qu’en ces temps-là les Hébreux travaillaient à l’érection des cités de Pithôm et de Ramsès²³, ce qui, selon les historiens, situerait plus vraisemblablement la fuite des Hébreux – en supposant qu’elle ait eu lieu – vers la fin du XIIIe siècle av. J.-C. Et même si la Bible ne donne jamais le nom du pharaon – qui est toujours désigné sous le titre de « Pharaon » –, les experts croient que l’exode aurait débuté sous le règne de Ramsès II pour s’achever sous celui de son fils et successeur, Mérenptah, vers 1210 av. J.-C.²⁴

    photo en noir et blanc, un monastère et quelques bâtiments dans une enceinte en pierres. Semble être dans un désert entouré de pierres

    Le monastère Sainte-Catherine, dans le sud de la péninsule du Sinaï, en Égypte. L’édifice se dresse là où, selon la tradition, Dieu aurait donné à Moïse les détails pour la construction de l’arche. Photo : Berthold Werner

    Cette période, dite de la XIXe dynastie, est bien connue des égyptologues. La capitale de l’empire se situait alors à Pi-Ramsès, dans le delta, au nord-ouest de Samaana. Des fouilles archéologiques ont mis au jour d’importants vestiges mais, de toutes les stèles découvertes, aucune ne mentionne Moïse ou la fuite de centaines de milliers d’Hébreux à travers la mer Rouge. Un silence plutôt troublant ! Certains des événements de l’Exode – comme les plaies d’Égypte et la destruction des armées du pharaon, englouties dans la mer Rouge – auraient pourtant dû faire l’objet d’une mention dans les chroniques égyptiennes. Rien… pas même une vague allusion²⁵.

    Dans l’Exode, Moïse rencontre Dieu sur l’Horeb, dans la chaîne du Sinaï²⁶. C’est sur cette montagne qu’il se voit donner pour mission de faire sortir les Hébreux d’Égypte et qu’il reçoit – plus tard – ses instructions pour la construction de l’arche d’alliance²⁷. Là encore, l’archéologie est en désaccord.

    Le Sinaï est une péninsule égyptienne d’environ 60 000 kilomètres carrés, de forme triangulaire, bordée au nord par la Méditerranée et au sud par la mer Rouge. Le sud de cette péninsule est très montagneux. C’est là que la tradition situe le mont Horeb. On y trouve aujourd’hui un monastère orthodoxe, le monastère Sainte-Catherine, construit à l’endroit même où Moïse aurait rencontré l’Éternel dans un « buisson ardent ». L’édifice, inscrit sur la liste du patrimoine mondial de l’UNESCO, a été fondé au VIe siècle et est à présent un important lieu de pèlerinage, tant pour les chrétiens que pour les juifs et les musulmans²⁸. Est-ce l’Horeb de Moïse ? Rien n’est moins sûr.

    Toute la région de l’Horeb a fait l’objet de recherches archéologiques. Les scientifiques ont découvert des artefacts prouvant que l’endroit était déjà habité à l’époque néolithique. En revanche, ils n’ont rien trouvé à l’appui d’un exode de masse ni d’une « occupation » importante. La Bible nous dit que les « enfants d’Israël » étaient au nombre de 600 000²⁹. Une telle communauté aurait certainement laissé des traces de son séjour. Hélas, rien de semblable n’a été trouvé³⁰. Peut-être n’a-t-on pas cherché au bon endroit…

    Plusieurs historiens croient en effet que l’Horeb mentionné dans l’Exode ne serait pas le mont Horeb. En fait, ces dernières années, au moins trois autres sommets ont été proposés comme candidats. L’un est le Jabal al-Lawz, haut de 2500 mètres, situé de l’autre côté du golfe d’Aqaba, en Arabie saoudite. Le deuxième est le mont Har Karkom, en Égypte, près de la frontière avec Israël. Le dernier candidat est le mont Yeruham, dans le désert du Néguev, en Israël. Tous ces lieux correspondent plus ou moins aux descriptions que donne la Bible de la « montagne de Dieu ». Là encore, cependant, les fouilles archéologiques n’ont rien trouvé qui puisse appuyer l’idée d’un exode de masse. Au mieux, des poteries et des sculptures indiquent que ces montagnes ont peut-être déjà abrité de petites communautés qui se livraient à des cultes religieux³¹. Nous sommes bien loin ici des 600 000 exilés dont parle l’Exode !

    Peut-on en conclure que Moïse n’a jamais existé ? Que tous les événements décrits dans le Pentateuque ne sont que des mythes ? Les experts restent prudents… Après tout, il ne faudrait pas jeter le bébé avec l’eau du bain. Si le Moïse biblique est peu vraisemblable, les spécialistes croient que sa légende a probablement été inspirée par un personnage bien réel, sans doute un chef de clan issu de la tribu de Lévi. Cette communauté résidait surtout dans la région de Kadès-Barnéa, à l’extrême sud de la terre de Canaan, la Terre promise des Israélites³². Ce Moïse historique a probablement vécu aux alentours du XIIIe siècle av. J.-C. Six cents ans de tradition orale ont fini par le transformer en un Moïse plus grand que nature : l’élu et le messager de Dieu… un Charlton Heston d’avant Hollywood.

    De la gloire de Dieu aux extraterrestres

    Même si les historiens mettent un sérieux bémol sur la réalité historique de l’Exode et de Moïse, rien n’interdit de croire qu’une poignée d’Israélites, menés par un chef de clan charismatique, aient pu se regrouper quelque part dans le désert du Sinaï ou celui du Néguev. Dans cette perspective, il n’est pas non plus interdit d’imaginer que cette petite communauté ait pu se réunir autour d’un autel pour y tenir des rituels religieux – un autel ou une arche. Pourquoi pas l’arche d’alliance ?

    En supposant que l’arche ait réellement existé, de quoi s’agissait-il exactement ?

    Dans l’Exode, sa description s’apparente étrangement à celle des coffres retrouvés dans certains tombeaux égyptiens, notamment celui du jeune pharaon Toutankhamon, découvert en 1922 dans la vallée des Rois. Cette ressemblance traduit une indéniable influence égyptienne sur le ou les auteurs de l’Exode³³. En ce qui concerne son caractère utilitaire, l’arche est décrite dans la Bible comme un simple coffre destiné à recevoir les Tables de la Loi. Dans le livre des Rois, il est dit qu’elle ne contenait que « les deux tables de pierre que Moïse y déposa³⁴ ».

    photo en noir et blanc d'un coffre funéraire avec dessus une statue égyptienne qui ressemble à un chat

    Coffre funéraire surmonté d’une statue d’Anubis, dieu égyptien du désert et des nécropoles. La forme du coffre rappelle l’arche d’alliance, suggérant une influence égyptienne au récit de l’Exode. Photo : Wikiwand/Domaine public

    L’arche, c’est aussi un objet fantastique. Ne dit-on pas qu’à travers elle Moïse pouvait parler directement à Dieu ? Dans le film Les aventuriers de l’arche perdue (Raiders of the Lost Ark), l’archéologue français René Belloq s’adresse à Indiana Jones en ces termes : « Jones, est-ce que vous savez ce qu’est vraiment l’arche ? C’est un émetteur, un émetteur radiophonique, une ligne directe avec Dieu. »

    L’arche est également une arme. La Bible dit qu’elle était entourée de lumière, qu’elle pouvait foudroyer quiconque y posait la main, qu’elle pouvait chasser les ennemis des « enfants d’Israël », faire s’effondrer des murailles imprenables… et même provoquer des crises d’hémorroïdes. Ces propriétés extraordinaires ont fait fantasmer des générations de chasseurs de trésors, et même Hollywood.

    Pour expliquer ces étonnantes caractéristiques, on a proposé toutes sortes d’hypothèses fantaisistes. On a prétendu que les dix commandements avaient été gravés sur des fragments de météorites, d’où les étranges pouvoirs de l’arche³⁵. On a aussi écrit qu’il devait s’agir d’un générateur électrique dégageant des centaines de volts. Selon cette hypothèse, les enduits d’or – « en dedans et en dehors » – faisaient office de condensateur, et les barres de bois, d’isolant³⁶. Dans les années 1960, des auteurs populaires, comme Erich von Däniken, ont même supposé que l’arche n’était rien de moins qu’un émetteur-récepteur permettant à Moïse de communiquer avec des extraterrestres³⁷.

    Cependant, si un tel objet a réellement existé, comment a-t-il pu disparaître ?

    À la recherche de l’arche perdue

    La Bible est plutôt avare de commentaires quant au sort de l’arche. Dans le livre des Rois, il est écrit qu’après une longue errance dans le désert, l’arche a été ramenée à Jérusalem où le roi Salomon l’a fait déposer au temple, dans un sanctuaire désigné comme le « lieu très saint³⁸ ». Après, l’arche n’est plus mentionnée.

    Nous savons qu’en l’an 587 (ou 586) av. J.-C., la ville de Jérusalem a été prise par les armées de Nabuchodonosor, le roi de Babylone. L’envahisseur a fait déporter des milliers d’Israélites pour en faire des esclaves et – ajoute la Bible – aurait ramené à Babylone des ustensiles dérobés dans le sanctuaire. De l’arche… pas un mot ! Si elle avait été dans le temple, nul doute que Nabuchodonosor s’en serait emparé, ne serait-ce que pour sa valeur pécuniaire. Après tout, on parle ici d’un coffre entièrement recouvert d’or. Dans cette perspective, la Bible aurait forcément mentionné ce sacrilège. Ce n’est pas le cas. Pour les amateurs d’énigmes, c’est ici que la chasse au trésor commence. Si Nabuchodonosor ne s’est pas saisi de l’arche, c’est parce qu’à son arrivée au temple de Salomon elle n’y était déjà plus !

    Il existe de nombreuses hypothèses sur le sort de l’arche. L’une voudrait qu’elle soit aujourd’hui dissimulée dans une caverne, près du mont Horeb. Cette théorie découle d’une mention dans le deuxième livre des Maccabées, une source généralement considérée comme apocryphe. Au chapitre 2, il est dit que le prophète Jérémie aurait fait transporter l’arche – avant l’invasion des Babyloniens – dans une caverne, près de l’endroit où Moïse aurait vu son « buisson ardent ». Elle y serait toujours³⁹.

    Autre interprétation : l’arche serait conservée dans un petit village du nord de l’Éthiopie. Ce scénario repose à la fois sur des sources bibliques et sur une longue tradition orale. Dans le livre des Rois, il est question de la visite de la reine de Saba (ou Séba) au roi Salomon⁴⁰. Le texte dit peu de chose sur la relation entre les deux souverains. Néanmoins, une tradition plus tardive – et particulièrement vivace dans les communautés orthodoxes d’Éthiopie – veut que la reine de Saba et le roi Salomon aient eu une aventure. De cette union serait né un fils, Ménélik Ier. Devenu adulte, l’enfant aurait succédé à sa mère sur le trône de Saba, devenant ainsi le premier empereur d’Éthiopie⁴¹. Il serait alors retourné à Jérusalem pour y rencontrer son père. Selon la tradition, Ménélik aurait été reçu avec des égards dignes d’un prince.

    Au moment de retourner chez lui, il se serait fait fournir par le roi Salomon une garde d’une vingtaine d’hommes. Un de ces soldats, un certain Azarius, aurait, à l’insu de son souverain, dérobé l’arche pour la dissimuler parmi les nombreux bagages de la caravane de Ménélik⁴². De retour chez lui, l’empereur l’aurait découverte et aurait décidé de la confier à des moines coptes plutôt que de la renvoyer à Jérusalem. D’après le Kabra Nagast (ou Negast) – un recueil de textes sacrés remontant au XIIIe siècle et considéré par la majorité des chrétiens d’Éthiopie comme un dogme –, l’arche aurait longtemps séjourné dans une chapelle du lac Tana⁴³.

    La précieuse relique serait aujourd’hui gardée dans la petite église de Sainte-Marie-de-Sion, à Aksoum. C’est du moins ce que prétendent les prêtres de l’endroit. Malheureusement, le moine chargé de la garde de l’arche, le Atang4⁴, refuse de la montrer à quiconque sous prétexte que l’objet est « trop sacré » pour être exhibé comme une vulgaire relique⁴⁵. Ces dernières années, dans la foulée du populaire film Les aventuriers de l’arche perdue (1981), plusieurs ouvrages ont été écrits sur le sujet. La plupart favorisent cette « filière éthiopienne » même si, dans les faits, elle ne repose que sur très peu de chose. Incidemment, les historiens croient que le royaume de Saba – qui n’est pas clairement défini dans la Bible – n’était pas l’Éthiopie, comme le prétendent ces auteurs à sensation, mais le Yémen ou l’Arabie saoudite⁴⁶.

    Selon une troisième hypothèse, l’arche n’aurait jamais quitté Jérusalem. Au moment de la prise de la ville par les Babyloniens, les prêtres, qui redoutaient que l’arche tombe aux mains de leurs ennemis, l’auraient tout bonnement cachée dans une pièce secrète aménagée sous le temple. Elle y serait encore.

    L’ancienne ville de Jérusalem est à présent dominée par une magnifique mosquée dont la coupole dorée lui a valu le nom de « dôme du Rocher ». C’est l’un des lieux les plus sacrés de Jérusalem. Pour y accéder, il faut montrer patte blanche et traverser un important dispositif de sécurité, mais l’endroit vaut le détour ! L’édifice de forme octogonale, dont le dôme fait à lui seul plus de 20 mètres de haut⁴⁷, a été construit au centre d’une plateforme artificielle s’ouvrant sur huit escaliers. L’ensemble a été érigé vers 690 de notre ère sur les lieux mêmes de l’ancien temple d’Hérode, qui était lui-même construit sur le site du temple de Salomon. Le Mur des Lamentations – ou Kotel –, le plus important sanctuaire de la communauté juive de Jérusalem, est d’ailleurs un vestige d’un mur du temple d’Hérode⁴⁸.

    photo en noir et blanc d'une petite église en pierre en Éthiopie

    L’église Sainte-Marie-de-Sion, à Aksoum, en Éthiopie. Selon une tradition locale, c’est le lieu où se trouve l’arche d’alliance. Photo : Gabagoo/Nancy

    photo en noir et blanc de l'auteur, Christian Page, qui est devant le dôme du Rocher. On dirait une église ou une cathédrale, avec au centre un dôme

    L’auteur devant le dôme du Rocher. Certains croient que l’arche est toujours dissimulée dans quelque caverne souterraine, sous la mosquée. Photo : Christian Page

    En raison de la sainteté du lieu – le troisième en importance dans la religion islamiste après La Mecque et Médine⁴⁹ –, il est impossible de mener

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