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Dossiers Mystère 3: Dossiers Mystère 3
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Livre électronique397 pages4 heures

Dossiers Mystère 3: Dossiers Mystère 3

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À propos de ce livre électronique

Créatures effrayantes, lieux hantés, énigmes policières, trésors introuvables, ovnis, disparitions inexpliquées…

Pendant deux ans, l’enquêteur du paranormal et son équipe de la populaire émission Dossiers mystère ont parcouru des milliers de kilomètres en quête des histoires les plus mystérieuses survenues au Québec et ailleurs. Des fantômes qui s’assoient dans un avion et parlent aux passagers ? Une pouponnière où les bébés agonisent ? Des jeunes femmes qui allument des incendies par leur seule présence ? Des démons qui s’expriment par la bouche d’un garçon de 10 ans ?

Christian Page vous fait revivre ici, comme si vous y étiez, 36 affaires spectaculaires, terrifiantes ou bizarres, qu’il enrichit de faits jamais diffusés, de nouveaux développements et d’hypothèses parfois surprenantes.
LangueFrançais
Date de sortie15 avr. 2020
ISBN9782897589332
Dossiers Mystère 3: Dossiers Mystère 3
Auteur

Christian Page

Christian Page, « l’enquêteur du paranormal », s’intéresse aux phénomènes étranges depuis plus de 40 ans. Il a été président fondateur de l’Organisation de compilation et d’information sur les phénomènes étranges (OCIPE), directeur de MUFON-Québec, filiale de la plus importante organisation ufologique au monde, et directeur de SOS OVNI. Il a aussi créé en 2003 Enquête sur les ovnis, la seule série documentaire du genre produite au Québec (Ztélé).

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    Aperçu du livre

    Dossiers Mystère 3 - Christian Page

    Qui a tué Theresa ?

    Compton (Québec), 1978-…

    13 avril 1979. En ce matin du Vendredi saint, Robert Ride entreprend de faire la tournée de ses pièges. Ride, qui chasse les rats musqués pour leur fourrure, connaît bien ces boisés qui bordent le petit village de Compton, en Estrie. Il s’y sent presque chez lui. Vers 10 h, alors qu’il s’affaire à remettre des collets en place, il aperçoit entre les arbres une forme blanche. Il pense d’abord à un mannequin. « Mais qui aurait bien pu se débarrasser d’un mannequin dans ces bois isolés ? » Comme il s’avance, la forme se précise. Hélas ! il ne s’agit pas d’un mannequin, mais du corps en partie décomposé d’une jeune femme. Elle gît sur le ventre dans un ruisseau d’environ 20 centimètres de profondeur. Ses cheveux sont en broussaille et elle ne porte pour tout vêtement qu’un soutien-gorge et un slip.

    Si les traits de la défunte n’étaient pas si déformés par sa longue exposition aux éléments, Robert Ride l’aurait peut-être reconnue. Depuis des mois, son visage est en effet affiché un peu partout dans la région, sur presque tous les poteaux et dans tous les commerces de Compton : le visage de Theresa Allore, disparue depuis bientôt six mois…

    Nous sommes au milieu des années 1970. Le collège Champlain de Lennoxville partage alors son campus avec l’Université Bishop, à Lennoxville, en Estrie. Néanmoins, pour répondre à l’augmentation de la population estudiantine, l’administration doit bientôt se porter acquéreuse de plusieurs résidences secondaires, notamment pour combler les besoins en logements des étudiants. C’est ainsi que le collège achète Gillard House, une imposante résidence de style victorien située dans le village voisin, Compton, à 13 kilomètres de Lennoxville. Malgré son statut d’annexe, Gillard House est vite rebaptisée « party house », tant la surveillance y est laxiste. On y consomme ouvertement du cannabis, quand ce n’est pas du haschich ou même du LSD.

    Il fait un temps magnifique en ce 3 novembre 1978. En début de matinée, Theresa Allore, une étudiante de 19 ans originaire du Nouveau-Brunswick, descend prendre son petit-déjeuner à la cafétéria de la Gillard House. Elle discute longuement avec ses amies Jo-Anne Laurie et Caroline Greenwood. Cette dernière l’a d’ailleurs invitée pour le week-end à la ferme de ses parents, mais Theresa a décliné l’invitation. Elle doit achever un rapport sur le bouddhisme, un sujet évoqué dans son cours de psychologie. Certes, la perspective de passer les prochains jours à plancher sur ce travail scolaire n’a rien de très réjouissant, mais la jeune femme est prête à faire ce qu’il faut pour maintenir ses notes élevées. Après le repas, elle enfile son chandail beige, noue un foulard vert autour de son cou et se précipite pour attraper l’autobus assurant la navette entre Gillard House et le collège Champlain.

    Plus tard, ce même 3 novembre, Theresa promet à deux amies de les retrouver en début de soirée dans leur chambre de la Gillard House pour écouter des disques. Elle ne s’y présentera jamais.

    Pendant une semaine, personne ne s’inquiète de l’absence de Theresa. Il faut dire qu’elle est plutôt marginale et qu’il lui arrive à l’occasion de partir à l’aventure. Ce n’est finalement que le 10 novembre que la police de Lennoxville est informée de sa disparition. C’est son frère André – lui aussi étudiant au collège Champlain – qui a décidé d’alerter les autorités. Bien que la jeune femme n’ait pas été revue depuis plusieurs jours, les autorités ne sont pas sur les dents. Considérant la réputation olé olé des jeunes logeant à Gillard House et les antécédents de Theresa, les enquêteurs préfèrent croire à une frasque d’étudiante.

    Les semaines et les mois passent. Pour la famille de la disparue, il est clair que quelque chose de grave est arrivé. Chose curieuse, de leur côté, les autorités continuent de favoriser le scénario de la fugue. Le chef de la police de Lennoxville, Leo Hamel, transmet même aux douaniers du Vermont un portrait de Theresa laissant supposer qu’elle pourrait être impliquée dans un trafic de drogue.

    Au collège Champlain, l’administration se montre tout aussi laxiste. Le directeur de l’établissement, le Dr Bill Matson, confie à des collègues qu’il croit Theresa impliquée dans une relation « lesbienne ». Il suppose que celle-ci s’est enfuie pour s’offrir un peu d’intimité.

    Pour les parents de Theresa, ces spéculations sont non seulement calomnieuses, mais injustifiées. Ils connaissent bien leur fille et savent d’instinct qu’elle ne resterait pas si longtemps sans leur donner des nouvelles. Comme les autorités s’enlisent dans le statu quo, les Allore embauchent un détective privé de Montréal, Robert Beullac. C’est Beullac qui se rend au collège Champlain et à la résidence Gillard pour retracer les derniers faits et gestes connus de la jeune femme.

    Son enquête met un sérieux bémol sur l’hypothèse de la fugue favorisée par la police de Lennoxville. Dans la chambre de Theresa, le limier découvre son sac à main et ses chaussures de sport, deux articles dont elle ne se séparait jamais bien longtemps. Il apprend aussi que le soir de sa disparition, il n’y avait eu que deux navettes entre le collège Champlain et la Gillard House : la première à 18 h 15 et l’autre à 23 h. Beullac se demande si Theresa, plutôt que d’attendre le dernier transport, n’aurait pas décidé de rentrer en faisant de l’auto-stop. Mais il y a une note discordante : Sharon Buzzee, une amie de Theresa, confie avoir croisé la jeune femme vers 21 h. Elle affirme que celle-ci était alors assise sur les marches, devant la Gillard House. D’autres étudiants soutiennent aussi avoir vu Theresa à Gillard House ce même soir. Si ces témoins disent vrai, cela signifie que, le 3 novembre, Theresa est rentrée saine et sauve au bercail. Mais alors, que s’est-il passé ensuite ?

    Le 13 avril 1979, vers 10 h, un trappeur découvre dans un boisé, près de Compton, le corps de Theresa Allore. À en juger par son état de décomposition, le cadavre a dû passer tout l’hiver à cet endroit. La victime ne porte plus que ses sous-vêtements.

    Une heure plus tard, l’escouade des crimes contre la personne de la Sûreté du Québec envahit le petit boisé. Le caporal Gaudreault demande à ses hommes de ratisser le secteur à la recherche d’indices. En détaillant le corps de la victime, il remarque à la hauteur du cou des meurtrissures, qui pourraient bien être des marques de strangulation. Il note le détail dans son rapport. Le corps est rapidement acheminé à la morgue locale, puis à l’Institut médico-légal de Montréal pour autopsie.

    Dans le boisé, les policiers retrouvent des vêtements, mais ces derniers ne sont pas ceux de la victime… sauf une petite écharpe verte, celle-là même que portait Theresa le jour de sa disparition.

    Le lendemain, les parents identifient formellement leur fille grâce à une cicatrice au front. Ils autorisent aussi le médecin légiste à procéder à l’ablation complète du maxillaire inférieur, opération nécessaire pour procéder à une identification dentaire, obligatoire en pareilles circonstances.

    À l’autopsie, le médecin légiste reste flou sur les causes du décès. Il faut dire que la longue exposition du corps aux éléments n’aide en rien le travail des experts. Aucune marque d’agression – sexuelle ou autre – n’est visible. Les tests toxicologiques montrent qu’au moment de sa mort, Theresa n’était ni sous l’influence de la drogue ni sous celle de l’alcool. Le rapport conclut à « une mort violente, de nature indéterminée ».

    Sur le terrain, la police refuse de croire à un meurtre. Les enquêteurs favorisent plus volontiers un suicide, une overdose – en dépit du rapport toxicologique – ou une noyade accidentelle dans ces 20 centimètres d’eau où le corps a été découvert.

    Pendant des années, la mort de Theresa Allore va demeurer dans une zone grise. Si les proches parlent ouvertement d’un crime sexuel et accusent les autorités d’avoir fait preuve d’un laxisme inexcusable, la police, elle, se cantonne au rapport d’autopsie, répétant comme une litanie « morte de cause indéterminée »… même si, en coulisse, certains policiers admettent qu’il pourrait peut-être s’agir d’un meurtre.

    En 2002, John Allore, l’un des frères de Theresa, décide de revoir tout le dossier. Ses investigations révèlent une enquête bâclée et des contradictions flagrantes. Par exemple, les marques de strangulation mentionnées dans le rapport du caporal Gaudreault sont ignorées dans le rapport final de la police. Pire, John Allore apprend que non seulement les sous-vêtements que portait sa sœur au moment de sa mort n’ont jamais été soumis à une expertise scientifique (pour une collecte d’ADN), mais que ceux-ci ont été détruits cinq ans plus tard pour « faire de la place ».

    Il apprend aussi que, à la fin des années 1970 – et ce, contrairement aux déclarations de la police de Lennoxville –, la région de Compton était loin d’être une oasis de paix et de sécurité pour les femmes. Au moment de « l’affaire Theresa Allore », la police s’est bien gardée de mentionner que plusieurs agressions sexuelles avaient été rapportées dans le secteur. Deux meurtres crapuleux ont aussi été commis, dont celui de Louise Camirand, une jeune femme de 20 ans, violée et tuée par strangulation en mars 1977. Un meurtre sordide pour lequel personne n’a jamais été arrêté.

    Devant ces révélations embarrassantes, les autorités annoncent qu’elles vont réévaluer ces faits divers. En juin 2005, John Allore reçoit du ministère de la Justice du Québec une note l’informant que la mort de sa sœur est désormais considérée comme un meurtre. Mieux vaut tard que jamais…

    Entre-temps, beaucoup d’éléments et de pistes ont été ignorés en raison du refus des autorités de croire en l’assassinat de la jeune femme. Pire, des pièces à conviction, comme les vêtements de la victime, ont été détruites. Devant un tel cafouillage, on peut se demander quelles sont les chances que le meurtrier de Theresa soit un jour mis sous les verrous.

    EN COMPLÉMENT

    En 2016, quelque 37 ans après la mort de Theresa Allore, la Sûreté du Québec a annoncé qu’elle « réactivait » l’enquête sur la mort de la jeune femme. De fait, l’enquête, selon la SQ, n’a jamais été fermée, mais elle n’a jamais été priorisée. « La mort de Theresa Allore n’est pas considérée comme un meurtre, mais comme une mort suspecte », a déclaré à cette occasion la lieutenante Martine Asselin, porte-parole de la Sûreté. Une déclaration pour le moins surprenante sachant que, depuis 2005, le décès de l’étudiante – du moins aux yeux du ministère de la Justice du Québec – est passé de « cause indéterminée » à « homicide ». Une autre situation où la main droite ignore ce que fait la main gauche.

    Depuis, les choses se sont un peu améliorées. En 2018, la Sûreté du Québec a bonifié son équipe d’enquêteurs chargée de revoir les « affaires non résolues » (cold cases), qui est ainsi passée de cinq à 30 personnes. Ce qui n’est pas un luxe si l’on considère qu’il y a plus de 750 affaires de meurtres non résolues dans les dossiers de la police provinciale. Autre bonne nouvelle pour les familles des victimes : les autorités ont fait savoir qu’elles levaient la règle des 25 ans imposée aux affaires non résolues, période au-delà de laquelle ces crimes étaient retirés (à quelques exceptions près) de la liste des enquêtes actives. Malheureusement, il est peut-être trop tard pour Theresa Allore.

    Les enquêtes policières menées au cours des années 1970 n’avaient rien à voir avec celles d’aujourd’hui. À l’époque, beaucoup d’enquêteurs manquaient de « vision » et n’anticipaient pas les extraordinaires développements de la criminalistique. C’est ce qui explique pourquoi tant d’éléments de preuves ont disparu, ont été égarés ou ont été carrément détruits, comme les sous-vêtements que portait Theresa Allore le soir de sa mort. Sans ces détails essentiels, comment pourrait-on encore espérer résoudre l’affaire ?

    Malheureusement, ce laxisme n’est pas l’apanage de l’affaire Theresa Allore. Au bilan 2019 – et ce, uniquement pour les enquêtes menées par les corps de police municipaux de Montréal, Laval et Longueuil ou par la Sûreté du Québec –, au moins 10 familles éprouvées se sont fait dire que les éléments de preuves liés au meurtre de leur proche avaient été perdus. Sans aveux explicites des meurtriers, ces cas risquent fort de demeurer d’éternelles « affaires non résolues ».

    Le terrible destin d'Anneliese Michel

    Klingenberg am Main, allemagne, 1968-1976

    Au cottage de la famille Michel, il y a conciliabule. Dans une chambre du deuxième étage sont réunis les pères Arnold Renz et Ernst Alt, deux prêtres catholiques, et le couple Michel, Josef et Anna. Tous veillent au chevet d’Anneliese, la fille des Michel. Pour l’heure, la jeune femme de 23 ans dort paisiblement, étendue sur son lit. Détail insolite : ses poignets et ses chevilles sont retenus aux montants du lit par des bandes de tissu. « Pour la protéger d’elle-même », diront plus tard les ecclésiastiques.

    Debout dans un coin, le quatuor discute à voix basse. Les prêtres expliquent aux parents ce qu’ils anticipent pour les prochains jours. Soudain, une plainte les tire de leur discussion. Anneliese émerge des bras de Morphée…

    — Détachez-moi ! implore la jeune femme.

    Les prêtres se consultent du regard. Est-ce une nouvelle ruse ?

    — Bonjour, Anneliese. Comment te sens-tu ce matin ? demande le père Renz en se rapprochant du lit.

    — Mieux, mon père… Beaucoup mieux.

    — Nous t’avons attachée parce que tu risquais de te blesser, explique le prêtre.

    — Je sais, mais je vous assure que je vais beaucoup mieux maintenant. Je dois me lever. Détachez-moi ! implore à nouveau la jeune femme.

    Le père Renz jette un regard à son confrère, Ernst Alt, comme s’il cherchait son approbation. Sans mot dire, ce dernier acquiesce de la tête. En effet, Anneliese est plus calme.

    — Voudrais-tu réciter un Je vous salue Marie avec moi ? demande le père Renz, en s’assoyant sur le lit.

    — Oui, mon père…

    — Je vous salue Marie, pleine de grâce… entame le prêtre, suivi à l’unisson par Anneliese, le père Alt et les parents de la jeune femme.

    Alors que le murmure des voix remplit la pièce, le père Renz défait les sangles de la jeune femme, en commençant par les poignets. Anneliese est bientôt libre de ses entraves.

    — Amen, conclut le père Renz en se relevant du lit.

    Aussitôt, Anneliese se redresse et pousse violemment le prêtre qui, en déséquilibre, s’étend de tout son long. D’un bond, elle s’agenouille sur le matelas et retrousse sa chemise de nuit, se dévoilant impudiquement à l’assistance.

    — Allez tous vous faire enculer, bande de suceurs de queues ! hurle-t-elle d’une voix gutturale.

    Elle urine sur le prêtre étendu à ses pieds et sur le père Alt, qui tente de la maîtriser.

    De toute évidence, Anneliese Michel ne va pas mieux…

    Ville comptant aujourd’hui un peu plus de 6000 habitants, Klingenberg am Main se trouve à quelque 65 kilomètres au sud-est de Francfort, en Allemagne. C’est là qu’Anneliese voit le jour, le 21 septembre 1952. Elle est la troisième fille de Josef et Anna (née Fürg) Michel – qui auront par la suite trois autres enfants.

    Les Michel forment un couple d’artisans de la classe moyenne ; ils sont propriétaires d’une scierie à la sortie de la ville. Avant la naissance d’Anneliese, ils ont perdu une fille, Martha, morte à l’âge de huit ans d’une maladie du rein. Pour eux, la petite Anneliese est une bénédiction du Ciel… Et le Ciel, ils le connaissent bien ! Ils sont de fervents catholiques. Ils ne manquent jamais une célébration dominicale et, à la maison, les images pieuses sont à peu près l’unique expression picturale. C’est dans ce contexte ultra religieux que la petite Anneliese passe son enfance.

    Un peu avant son 16e anniversaire, l’adolescente commence à présenter des problèmes de comportement. Elle a des « moments d’absence », comme si, parfois, une autre volonté se substituait à la sienne. Elle est prise de convulsions et de raideurs dans les membres. Inquiète, elle en parle à un médecin. Malheureusement, les crises sont trop sporadiques pour être documentées objectivement. Le praticien en conclut qu’il s’agit sans doute d’une forme bénigne d’épilepsie et prescrit du Dilantin, un anticonvulsif. Mais les choses ne s’améliorent pas.

    À l’été de 1973, Anneliese (alors âgée de 20 ans) devient de plus en plus asociale. Elle refuse de manger et entre dans des colères soudaines. À ses parents, elle raconte qu’elle a parfois des visions de démons et d’êtres grimaçants. Ceux-ci sont persuadés que ses troubles n’ont rien à voir avec l’épilepsie. Ils en parlent à leur confesseur, le père Habiger, qui les renvoie à la médecine. Mais les Michel refusent de faire marche arrière.

    Ils se tournent vers une autre instance religieuse : le père Adolf Rodewyk, de Francfort. Ce dernier, un jésuite, est reconnu comme un expert en matière de possession diabolique. Il a signé deux livres sur le sujet et croit intimement aux vertus de l’exorcisme. Il prend connaissance de l’affaire et commence son enquête. Il met des confrères au courant de la situation et consulte ses supérieurs hiérarchiques. L’affaire Anneliese Michel circule de plus en plus au sein du diocèse.

    Pendant que le père Rodewyk s’interroge, Anneliese entre à l’Université de Würzburg. Elle « fonctionne », mais elle n’est plus qu’une ombre. Ses crises sont plus fréquentes. Elle crie sans raison et s’attaque à ses collègues de classe. Peu à peu, elle est ostracisée par les autres étudiants. Véritable dévote, elle passe de longues heures prostrée devant un petit autel qu’elle a aménagé dans sa chambre du campus. Elle y prie la Vierge Marie et des saints, en particulier le Padre Pio et Barbara Weigand, qu’elle affectionne pour leur vie vertueuse. Son seul réconfort est Peter, un garçon dont elle est tombée amoureuse.

    En septembre 1975, les parents d’Anneliese – sur les recommandations du père Rodewyk – demandent à l’évêque de Würzburg, Josef Stangl, d’autoriser l’exorcisme.

    Pour l’Église, l’existence du Diable est une réalité, sinon une nécessité. En matière d’exorcisme, le Vatican se montre toutefois prudent. Dans son Rituel romain, les signes de la possession sont décrits comme la faculté de parler une langue inconnue ou de deviner les pensées d’autrui, de faire de la lévitation ou la démonstration d’une force excédant les normes habituelles. Le possédé doit également être en mesure d’identifier le démon qui l’habite. Il doit aussi éprouver une violente aversion pour tout symbole ou texte religieux.

    L’Église reconnaît deux types d’infestation diabolique. Un fidèle peut être « tourmenté » ou « possédé ». Dans le cas d’un tourment – qui se caractérise surtout par des pensées « impures » chez le sujet –, le rituel propose de simples prières de libération. Dans les cas les plus envahissants, l’Église parle alors de « possession » et peut, en dernier recours, recommander le rituel du grand exorcisme, une célébration liturgique qui consiste à chasser le Diable. Le rite comprend une aspersion d’eau bénite, diverses prières, l’imposition des mains, la présentation d’un crucifix au possédé et une formule impérative qui s’adresse directement au Diable et lui ordonne de s’en aller. Le rituel peut durer des mois, au rythme de plusieurs séances par semaine.

    Devant les faits qui lui sont rapportés au sujet d’Anneliese, l’évêque Josef Stangl décide d’acquiescer à la requête des parents et d’autoriser le grand exorcisme. Il charge donc les pères Arnold Renz, un ancien missionnaire en Chine, et Ernst Alt, un prêtre de la région et ami des Michel, de procéder au rituel.

    Dans une chambre de la maison des Michel, à Klingenberg am Main, les pères Renz et Alt ont fait placer des images pieuses, des crucifix, des cierges et même une statue de l’archange saint Michel. Tout est en place pour cette ultime bataille avec les forces des ténèbres ; un affrontement qui, à l’instar d’un combat de boxe, pourrait nécessiter plusieurs rounds. Le Diable peut se révéler un opposant redoutable.

    Anneliese, alitée, réagit avec violence. Elle crie des obscénités, crache sur les prêtres et parle d’une voix gutturale, diabolique diraient d’aucuns. Parfois, elle bondit de son lit, les membres raides, catatoniques. Elle se souille et se roule par terre. Ses parents la surprennent même à manger des araignées. Elle refuse de s’alimenter normalement.

    Pour les prêtres, ces crises ne sont que des ruses du Démon… ou des démons, devrait-on dire, dans le cas d’Anneliese. La jeune femme affirme être habitée par les esprits de Lucifer, Judas, Caïn, Néron et de Valentin Fleischmann, un prêtre défroqué et assassin du XVIe siècle.

    Au fil des semaines, son état de santé se détériore. Ses convulsions sont si fréquentes et violentes que les prêtres doivent se résoudre à l’attacher à son lit. Son langage devient ordurier et blasphématoire, et ses gestes sont obscènes. Elle s’exhibe de manière indécente et urine sur les prêtres. Entre deux crises de possession, elle semble retrouver un peu de quiétude. Durant ces interludes, des marques apparaissent sur ses mains et ses pieds : les stigmates du Christ. Anneliese Michel se trouve à la frontière du Bien et du Mal.

    En mai – dans ses rares moments de lucidité –, la jeune femme jure que les entités malveillantes qui l’habitent l’empêchent de se nourrir. De fait, elle vomit à peu près tout ce qu’elle ingurgite.

    Au matin du 1er juillet 1976, ses parents la trouvent étendue sur son lit, sans vie. La jeune femme est morte de malnutrition et de déshydratation. Les 72 cérémonies du rituel de l’exorcisme pratiquées au cours des 10 derniers mois ont eu raison d’elle…

    Appelé à la maison des Michel, le médecin légiste refuse de signer l’acte de décès. Pour lui, la mort de la jeune femme n’a rien de naturel. Un examen post-mortem révélera qu’Anneliese est morte de faim, son état de malnutrition ayant probablement été aggravé par son effrayant surmenage physique des dernières semaines. Les instances judiciaires sont informées et, le 13 juillet 1977, les deux prêtres exorcistes et les parents d’Anneliese sont formellement accusés d’homicide involontaire.

    Les médias s’emparent de l’affaire et « le cas de Klingenberg » fait bientôt la manchette partout dans le monde. Le scénario de cette jeune femme morte de malnutrition et de déshydratation à l’issue d’un rituel d’exorcisme suscite de vives réactions. Pour la presse occidentale, l’affaire est un bond dans le Moyen Âge.

    Le procès s’ouvre le 30 mars 1978, au tribunal de Klingenberg. Les débats sont polarisés entre, d’un côté, les médecins – qui ne voient dans la possession d’Anneliese que les symptômes d’une jeune femme atteinte d’une forme de démence – et, de l’autre, les prêtres exorcistes et les parents, qui restent persuadés d’avoir fait de leur mieux pour soulager la jeune femme.

    Au chapitre des preuves, les experts présentent une kyrielle de documents médicaux et de fac-similés d’ordonnances qui témoignent de la santé fragile, physiquement et mentalement, de la victime. Les pères Renz et Alt, eux, n’ont que leur foi et les 43 cassettes enregistrées ces derniers mois et sur lesquelles on peut entendre une voix gutturale – celle d’Anneliese « possédée » – qui vocifère contre les exorcistes.

    À l’issue des auditions, les accusés sont condamnés à des peines légères pour négligence. Anneliese Michel repose aujourd’hui au cimetière de Klingenberg, à quelques dizaines de mètres de la résidence familiale, là où la jeune femme a livré son dernier combat contre les forces du Mal.

    L’histoire troublante d’Anneliese Michel a été librement adaptée deux fois pour le cinéma : en 2005, dans le film américain L’Exorcisme d’Emily Rose et, l’année suivante, dans Requiem, une production allemande signée Hans-Christian Schmid.

    EN COMPLÉMENT

    La croyance qu’un être vivant puisse être possédé par un esprit ou par un démon s’alimente des coutumes locales et des croyances populaires et religieuses. Au Brésil, par exemple, nombre de psychologues n’hésitent pas à imputer à la possession certains problèmes vécus par leurs patients, alors que leurs confrères nord-américains, plus « cartésiens », seront plutôt enclins à poser un diagnostic de schizophrénie. Mais, dans ce domaine plus que dans tout autre, le jargon psychiatrique n’a pas réponse à tout.

    À l’été 1978, une femme de Chicago a commencé à parler avec la voix d’une certaine Teresita Basa, une infirmière du quartier retrouvée assassinée quelques mois plus tôt. Grâce à cette incarnation, la défunte a révélé avoir été étranglée par un collègue de travail, Allan Showery. Arrêté et placé devant l’évidence (la police devait retrouver chez Showery plusieurs bijoux appartenant à Teresita Basa), l’homme a avoué son crime. Lors du procès, le juge a accepté d’admettre en preuve les « révélations d’outre-tombe » de l’infirmière. Une affaire unique dans les annales judiciaires américaines.

    L’affaire Teresita Basa est l’exemple d’une possession voisine de la médiumnité ou même du channeling. Dans le premier cas, des gens se disent en communication avec des personnes décédées et, dans le second, les individus affirment canaliser des entités désincarnées, mais pas forcément des défunts (il peut s’agir d’anges, d’extraterrestres ou même d’un « savoir cosmique »). Ces possessions représentent plus de 90 % des cas. Les 10 % restants tombent dans une autre catégorie, beaucoup plus inquiétante, celle des possessions diaboliques.

    Dans son De exorcizandis obsessis a daemonio, l’Église catholique énumère les principaux symptômes de la possession dite diabolique : la victime parle ou comprend des langues étrangères ou mortes qui lui sont inconnues ; elle peut découvrir des objets cachés, lire dans les pensées, dévoiler l’avenir ; elle peut se livrer à des actions dépassant ses forces physiques normales et vomir des substances ou des corps étrangers.

    Si tous ces symptômes sont constatés, un curé peut alors, avec l’autorisation de l’évêque de son diocèse, procéder à une séance d’exorcisme. Contrairement à une impression très répandue, aucun prêtre de l’Église n’est dévoué à cette seule tâche, le rituel de l’exorcisme faisant partie de la formation sacerdotale. Par contre, il n’est pas exclu que l’évêque fasse appel à un ecclésiastique plus expérimenté pour procéder au rituel. C’est ce que décrit le film L’exorciste, inspiré d’une affaire authentique remontant à 1949.

    Précisons que les exorcismes sont extrêmement rares de nos jours. Depuis l’avènement des thérapies cliniques, il est d’usage de diriger les prétendus possédés chez les psychiatres. Il est vrai que la plupart des critères permettant d’établir la possession diabolique sont subjectifs et peuvent très bien être trouvés chez un patient atteint de problèmes de santé mentale.

    Il faut savoir que pour poser un diagnostic, les psychologues et les psychiatres s’en remettent au Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux (le DSM dans le jargon médical). L’ouvrage se présente à la manière d’un dictionnaire où sont répertoriés tous les troubles mentaux connus et leurs symptômes associés. Prenons, par exemple, la schizophrénie. Sous un bref résumé de cette pathologie, le DSM décrit ses symptômes comme :

    Idées délirantes ;

    Hallucinations ;

    Comportement excessivement désorganisé ou catatonique ;

    Symptômes négatifs (c’est-à-dire, expression émotionnelle diminuée ou avolition [incapacité à se focaliser sur un objectif précis]).

    Si le sujet rencontré présente minimalement deux de ces quatre symptômes, le psychologue ou le psychiatre portera (à quelques exceptions près) un diagnostic de schizophrénie et

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