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ILS N'ETAIENT PAS DE NOTRE MONDE: La légende et les secrets de Wright Field
ILS N'ETAIENT PAS DE NOTRE MONDE: La légende et les secrets de Wright Field
ILS N'ETAIENT PAS DE NOTRE MONDE: La légende et les secrets de Wright Field
Livre électronique375 pages6 heures

ILS N'ETAIENT PAS DE NOTRE MONDE: La légende et les secrets de Wright Field

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À propos de ce livre électronique

Après avoir obtenu au début des années 2000 une maîtrise en langue anglaise avec un mémoire portant sur la célèbre affaire de l’écrasement d’une soucoupe volante à Roswell, Nouveau Mexique, en juillet 1947, Pierre Laird a poursuivi ses recherches sur la culture ufologique américaine des années 1980 et 1990. Il a découvert de nombreuses sources relatives à des témoignages, récits et rumeurs selon lesquels des créatures extraterrestres anthropomorphiques seraient entreposées sur la base aérienne de Wright-Patterson (Wright Field dans les années 1940), au sud-est de Dayton dans l’Ohio. L’ufologue Leonard H. Stringfield (1920–1994) devint le spécialiste du domaine des ‘crash and retrievals’ en publiant entre 1978 et 1994 sept ‘Status Reports’. Ces monographies rassemblent des récits de nature et de qualité très variables de personnes ayant ‘pris part,’ à des degrés divers, à la récupération de soucoupes volantes écrasées. Les évènements auraient eu lieu au cours des années 1950-60, dans des régions désertiques du sud-ouest américain. Le point de départ de la thématique est un livre écrit par Frank Scully (1892–1964) et publié en 1950, Behind the Flying Saucers. Mais l’ouvrage est en réalité basé sur de fausses révélations concernant la découverte de trois soucoupes en Arizona et au Nouveau Mexique en 1948. Trente ans plus tard, en 1980, le sujet réapparaît avec le livre de Charles Berlitz (1914–2003) et William Moore, The Roswell Incident, diffusé en France en 1981 sous le titre Le Mystère de Roswell, les naufragés de l’espace.
Dans Ils n’étaient pas de notre monde : la légende et les secrets de Wright Field, l’auteur s’attache à restituer le contexte historique et sociologique de l’Amérique des années 1970. A l’issue du scandale du Watergate et de la guerre du Viet Nam, les ufologues de la période ont espéré eux aussi que d’autres secrets seraient enfin révélés. Le concept littéraire de légende, le fonctionnement de la mémoire humaine et la notion faux souvenir sont aussi abordés par Pierre Laird dans une étude particulièrement détaillée. Elle met en valeur le caractère prégnant et ontologique d’événements fascinants car supposés réels mais cependant non corroborés. Ainsi, la question « et si c’était vrai ?... » n’est jamais bien loin.
L’important fond documentaire réuni par Pierre Laird met en lumière une composante de la culture américaine peu connue, celle ayant trait aux ‘soucoupes volantes,’ aux ‘envahisseurs’ et à l’idée de ‘contact ‘ avec d’autres formes de vie.

LangueFrançais
ÉditeurPierre Laird
Date de sortie22 juin 2011
ISBN9781458054999
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ILS N'ETAIENT PAS DE NOTRE MONDE - Pierre Laird

Au début des années 2000, la ville de Dayton dans le sud-ouest de l’Ohio, aux Etats-Unis, avait une population d’environ 170 000 habitants et ne se distinguait pas particulièrement en tant que lieu touristique. A Paris, proche de la station de métro Opéra se trouve la librairie américaine Brentano’s, généralement bien achalandée. Alors étudiant en maîtrise de langue anglaise de l’université de Paris III Sorbonne Nouvelle, je cherchais une carte de cette ville et je fus abordé par une cliente d’âge mûr qui se trouvait être une résidente de l’état. Elle me déclara : «dans l’Ohio, il n’y a que Cincinnati à visiter». «A part cette ville» ajouta-t-elle, «il n’y a rien d’autre à voir et en plus les transports publics ne sont pas terribles». Je lui répondis que je m’intéressais au musée national de l’US Air Force. Situé sur la base aérienne de Wright-Patterson, au sud-est de Dayton, ce musée aux dimensions impressionnantes expose plus de 300 pièces de collections liées à l’aéronautique militaire. Mon interlocutrice ne semblait pas connaître son existence. «Vous pourriez aller au musée de l’air et de l’espace de Washington, dans le district de Columbia» dit-elle. Je lui rétorquais un peu sèchement : «J’y suis déjà allé». Pour mettre fin à cette conversation peu agréable, j’ai un peu souri et je suis parti. Je ne voulais pas lui dire que j’espérais trouver une carte de la base aérienne de Dayton. Après avoir consulté des guides touristiques, je quittais Brentano’s avec quelques adresses Internet, ce qui était un bon début.

Depuis mon enfance, j’ai toujours été intéressé par la science-fiction. J’ai surtout été intrigué par les histoires d’objets volants non identifiés — OVNI — et d’extraterrestres. En repensant à cette époque, trois séries télévisées me reviennent en mémoire : Au-delà du réel, les Envahisseurs et Cosmos 1999. Les livres de science-fiction que je lisais à cette époque étaient écrits par Clifford D. Simak, Chad Oliver ou Issac Asimov. Aujourd’hui, j’apprécie toujours de regarder un DVD ou une cassette vidéo sur ces thèmes, que ce soit Hangar 18 (1980, J. Conway), Starman (1985, J. Carpenter), Roswell, The Coverup (1994, J. Kagan), Independence Day (1996, R. Emmerich)1 et Roswell : The Alien Attack (1998, B. Turner). Mais ma préférence va bien sûr au célèbre film de S. Spielberg de 1977 Rencontres du troisième type - une excellente synthèse de trente années de culture ufologique qui me rappelle aussi un temps où j’avais douze ans. J’essaye également de regarder ou d’enregistrer toutes les émissions télévisées, trop rares hélas, qui ont pour sujet les OVNI.

Au pays de l’Oncle Sam, alors que le 21ème siècle se rapprochait et que l’Empire Soviétique avait disparu, de nouvelles séries de télévision faisaient leur apparition. Les X Files, bien entendu, durant neuf années (1993-2002), Dark Skies (1997-1998) et Roswell (2000-2003). Un nombre très conséquent de livres furent publiés sur le sujet ou des sujets annexes. On peut notamment citer après The Roswell Incident en 1980 de Charles Berlitz et William Moore, Communion : A True Story (1987, W. Strieber),2 UFO Crash at Roswell (1991, K. Randle et D. Schmitt), Crash at Corona : The US Military Retrieval and Cover-up of a UFO (1992, S. Friedman et D. Berliner), Secret Life : Firsthand Accounts of UFO Abductions (1992, D. Jacobs), The Truth About the UFO Crash at Roswell (1994, Randle et Schmitt), Abduction : Human Encounters with Aliens (J. Mack, 1994), Roswell : A Quest for the Truth (1997, J. Price), et enfin le très controversé The Day After Roswell (1998, P. Corso).

Un lecteur attentif et enclin à la réflexion aura compris que les thèmes de ‘l’établissement du contact avec…’, traverser les frontières de …’, ou ‘s’avancer dans l’inconnu…’, sont des notions sociologiques particulièrement importantes dans la culture et l’histoire américaine. Elles sont inscrites en filigrane dans le discours roswellien des années 1980 et sont profondément enracinées dans la conscience collective américaine : la longue période du commencement de la Guerre froide à la fin du 20ème siècle est particulièrement exemplaire à cet égard. En décembre 1995, le président Bill Clinton, alors qu’il était en déplacement à Belfast, en Irlande du Nord, prit le temps, devant une foule amicale, de répondre à une question d’un jeune garçon de treize ans prénommé Ryan. Le président lui a dit, qu’à sa connaissance, aucun vaisseau spatial ne s’était écrasé au Nouveau Mexique, à Roswell, en 1947. Il ajouta que si l’armée de l’air américaine avait réellement récupéré des corps d’extraterrestres, on ne lui en avait pas parlé et que lui aussi voulais savoir. On imagine le ton badin du président et son sourire, mais l’allusion est quand même faite.

Les choses vues dans le ciel, «Things Seen in the Sky»,3 ont de tout temps fasciné les hommes et les femmes et attiré leur attention mêlée de craintes et d’angoisses. En octobre 1938, l’animateur radiophonique Orson Welles et son ‘invasion martienne’ en avaient donné une illustration inquiétante. Les années 1950 allaient être l’occasion de nouvelles variations. 1947 fut l’année du Plan Marshall, de la doctrine Truman, de l’observation de Kenneth Arnold et de l’article «RAAF Captures Flying Saucer on Ranch in Roswell Region»4 paru en première page du Roswell Daily Record le 8 juillet. Cette même année, le National Security Act créa l’US Air Force et la Central Intelligence Agency puis, plus tard, le capitaine Charles ‘Chuck’ Yeager franchit pour la première fois le mur du son à bord du X-1 Bell. Une enquête officielle sur les disques volants aperçus de façon répétée commença sans tarder sous l’égide de l’armée de l’air : le Programme Sign qui dura du 30 décembre 1947 au 22 janvier 1948. Dans le même temps, trois histoires captivantes furent disséminées dans le public : la mort du capitaine Mantell aux commandes de son avion de chasse F-51 alors qu’il ‘poursuivait un OVNI’ (janvier 1948), l’observation des pilotes de lignes Chiles et Whitted à bord de leur DC-3 (juillet 1948) et enfin le combat aérien du lieutenant Gorman dans le ciel nocturne du Dakota du Nord avec une boule lumineuse de petite taille (octobre 1948). Les deux premiers livres qui furent publiées et qui marquèrent durablement l’ufologie américaine furent d’une part Flying Saucers are Real de Donald Keyhoe (juin 1950) — l’idée principale de l’auteur, ancien officier du Corps des marines, était que les soucoupes volantes étaient d’origine extraterrestre, que l’US Air Force le savait et entourait donc le sujet du plus grand secret. D’autre part, Behind the Flying Saucers (septembre 1950), un ouvrage de Frank Scully, chroniqueur au magazine d’Hollywood Variety, qui révélait que le gouvernement américain était en possession de trois soucoupes volantes et de plus d’une trentaine de corps extraterrestres récupérés dans des états du sud-ouest américain. En septembre 1952, J.P Cahn, un journaliste du San Francisco Chronicle, de San Francisco en Californie, fit paraître un article dans le magazine True, «The Flying Saucers and the Mysterious Little Men», démontrant que les deux ‘témoins’ de Scully, Silas Newton et Leo GeBauer, étaient des escrocs. Malgré tout, le livre sur une thématique très forte connu un succès appréciable.

Vingt ans plus tard, l’astronome Joseph Allen Hynek5 (1910-1986), conseiller scientifique de l’US Air Force en 1948 puis de 1952 à 1969 et professeur à la Northwestern University d’Evanston dans l’Illinois, établira une classification des observations d’OVNI en six catégories ainsi qu’un système d’évaluation de la pertinence de ces dernières. Doté d’un esprit ouvert et curieux, il ne cessa d’affirmer que le problème général des OVNI méritait d’être étudié de manière scientifique. Dans les nombreux articles ainsi que les livres qu’il a écrits, il ne cache pas ses interrogations, ses doutes et sa perplexité face à ces phénomènes. Cependant, ‘l’incident du gaz des marais’ en 1966 et les conclusions du rapport Condon en 1969 (ou projet Colorado) scellèrent le sort du dossier dans l’indifférence de la communauté scientifique. Dans le grand public, pour les personnes s’intéressant à ces affaires, la question de la signification ontologique des OVNI et des extraterrestres revêt une grande importance.

Bien plus proche de nous, les résultats de trois enquêtes officielles américaines menées au milieu des années 19906 concernant les mystérieux événements de l’été 1947 à Roswell, Nouveau Mexique, ont rappelé et ravivé l’ampleur de l’intérêt du public pour les histoires de soucoupes volantes et de ‘petits hommes gris’.

A l’origine, Steven Schiff, élu du Nouveau Mexique à la chambre des Représentants, voulait obtenir de la part de l’US Air Force des explications à propos de l’énigmatique affaire de l’été 1947. Suite à une fin de non-recevoir, il demanda en janvier 1994 au General Accounting Office de lancer une enquête.

L’observateur français aura noté qu’aux Etats-Unis, des questions étaient posées à deux niveaux différents mais complémentaires. Dans le champ anthropologique, les interrogations portaient sur la crédulité d’une partie des citoyens face au retour en force de la thématique roswellienne à l’approche du 50éme anniversaire du supposé crash. Le domaine politique offrait une illustration de plus, avec la mise en cause du gouvernement fédéral, de la défiance traditionnelle des Américains pour leurs autorités politiques. Rappelons qu’à cette époque, le 42ème président, Bill Clinton, empêtré dans l’affaire Monica Lewinski, était face à Kenneth Starr, un procureur spécial très déterminé. Des investigations multiples durant pratiquement deux années aboutirent à la conclusion que Clinton s’était rendu coupable de parjure et de faux témoignages. Dans la dernière phase du scandale, une procédure d’empeachement fût préparée, mais on l’acquitta, pour finir, de toutes les charges pesant contre lui.

Y a-t-il A Tale of Two Cities entre Roswell et Dayton pour reprendre le titre de l’œuvre de Charles Dickens ? Assurément. En termes d’installations militaires de première importance mais aussi en matière d’histoire de l’ufologie. A la fin des années 1940, la base aérienne de Roswell — Roswell Army Air Field — était le lieu où la seule escadre de bombardement atomique était stationnée. Au cours des années 1960, ce complexe rebaptisé Walker Air Force Base7 en 1948, sera appelé à devenir l’une des bases les plus importantes du Strategic Air Command. A peu près à la même époque, la base aérienne de Wright-Patterson — précisément située entre les villes de Dayton et de Fairborn — vit son nombre d’employés passer de 4 000 en 1939 à presque 50 000 en 1945.8 Ces installations dont les plus anciennes remontent à la Première guerre mondiale, abriteront notamment l’Air Force Material Command et l’Air Technical Intelligence Center. Ses domaines d’activités historiques sont l’ingénierie aéronautique militaire, la logistique et la recherche sur les technologies aéronautiques étrangères. En raison de sa superficie, pratiquement 35 Km2, et des unités qu’elle héberge, la base de Wright-Patterson est la plus importante de l’US Air Force.9 Peu de temps avant la fin du siècle passé, elle comptait environ 24 000 employés dont 15 000 militaires classant la base au 5ème rang des employeurs de l’état de l’Ohio.10

D’après des ‘témoins’ de l’affaire de Roswell — à la mémoire forcément très infidèle environ cinquante ans après les faits — et des ufologues, les cadavres d’extraterrestres trouvés à environ 90 Kms au nord-est de la ville auraient été entreposés brièvement dans le Hangar 84 de la base, puis transférés dans le Hangar 18 de Wright-Patterson. Les débris de la soucoupe volante auraient été aussi convoyés à Dayton pour étude par les services de l’Air Technical Intelligence Center.

L’aspect anthropomorphique de ces créatures non humaines est bien connu : taille de 1m à 1,20m, yeux en amande ou simple fentes anormalement espacés sur une tête disproportionnée sans cheveux, nez à peine visible, pas d’oreilles, corps et bras très fins, peau généralement blanchâtre ou grisâtre. Incidemment, dans l’Ohio, à Circelville, un ballon météorologique fut découvert par Sherman Campbell le 5 juillet 1947. Le fermier l’apporta au bureau du sheriff local ; l’appareil qui s’était écrasé avait la forme d’un cerf-volant. Il était recouvert d’aluminium et reflétait le soleil. Campbell pensait que sa découverte pouvait expliquer les observations de disques volants. Phil Patton, écrivain américain, mentionne en 1997 dans son Dreamland : Travels Inside the Secret World of Roswell and Area 51 (copyright1998 Phil Patton avec l’autorisation de Villard Books de Random House) «Bien avant que la notion de Zone 51 ait une signification quelconque celle du Hangar 18 avait pénétré la conscience populaire. Maintenant, la Zone 51 devenait une version plus importante du Hangar 18».11

Avant les années 1990, ce type de récits, ces histoires, parfois de simples rumeurs ou des on-dit, n’avaient en termes de corroboration apparente (identités et qualité des témoins, précision des observations, recoupements éventuels,…) très peu de signification. Mais la situation changea avec la publication du livre de Stanton Friedman et Don Berliner en 1992 et ceux Kevin Randle et Donald Schmitt en 1991 et 1994. Ces deux derniers auteurs établirent grâce à une impressionnante enquête journalistique «l’histoire conventionnelle» (les deux auteurs utilisent l’expression de ‘conventional wisdom’) des événements, c’est-à-dire une histoire ufologique de Roswell, celle des croyants (believers) dont les éléments essentiels ne sont pas remis en cause. En définitif, cette version dans sa forme la plus extrême constitue une réécriture d’une partie de l’histoire contemporaine des Etats-Unis. Jodi Dean, professeur de science politique de l’université Cornell, New-York, affirmait en 1998 : «Bien plus qu’un anniversaire sans aucune importance, Roswell est donc sans doute une célébration de la pensée conspirationiste, un festival recréant cette paranoïa justifiée ou non qui est au centre de l’histoire politique américaine».12

Si Roswell et Dayton furent des villes du Grand secret, que dire de Los Alamos ? C’est dans cette dernière localité que le Manhattan Engineer District s’implanta en 1943. Le général Leslie Groves, l’officier responsable du programme ultraconfidentiel et accéléré de bombes atomiques, savait parfaitement à quoi s’attendre en matière d’espionnage et de fuites intentionnelles ou non. Comme de nombreux observateurs l’ont remarqué, les explosions atomiques des 16 juillet et des 6 et 9 août 1945 marquent, entre Américains et Soviétiques, le début d’une course effrénée pour ce nouveau type d’armements. Le Nouveau Mexique fut également le lieu où le physicien Robert H. Goddard (1882-1945) mena dans les années 1930 des recherches d’avant-garde sur la technologie naissante des fusées et où Wernher von Braun et des ingénieurs allemands, au nombre d’une quarantaine selon le site Internet militaire du White Sands Missile Range, ont développé et amélioré les V-1 et V-2 dès la fin de la guerre. Durant la période 1943-1948 entre 200 et 400 prisonniers de guerre allemands fut amenés à la base de Wright-Patterson.13 A peu près à la même période, environ 4 800 prisonniers de guerre allemands et italiens ont été détenus sur la base de Roswell.

Bien entendu, les secrets sont inhérents à chaque pays pour le développement des sciences et technologies de pointe, de son industrie de défense et de ses capacités militaires. Rien de plus difficile que de les garder et les protéger. Bob Woodward fait part dans son livre de 2004, Plan d’attaque, d’une procédure administrative de protection du secret en vigueur au Pentagone :

Les diapositives multicolores et les rapports, tous marqués Top Secret/Polo Step, étaient recouverts d’une page de garde proclamant en grosses lettres de plus d’un centimètre de haut :

PROJET PREDECISIONNEL

Ce terme figurait sur la plupart des documents relatifs à la planification de la guerre. Les avocats du Pentagone tenaient à le faire figurer, car cette désignation permettait de ne pas révéler ces documents au Congrès, ni même de les publier dans le cadre de la loi sur la liberté d’information. Selon leur raisonnement, ces documents «prédécisionnels» s’inscrivaient dans des délibérations internes et n’étaient donc pas censés être dévoilés. C’était là une argutie qui, de l’avis de vieux routards des services juridiques de l’Administration, ne tiendrait certainement pas devant un tribunal.14

Il faut aussi citer ce que déclare Frederick Durant, un expert en missiles et fusées au milieu des années 1950 qui fut associé au comité Robertson, un groupe de cinq scientifiques de très haut niveau réuni en janvier 1953 sous l’égide de la Central Intelligence Agency :

‘Je devrais mentionner la notion d’une conspiration au sein du gouvernement pour ne pas rendre public des documents. «Nous possédons réellement ces connaissances et nous les avons vraiment à Dayton, dans l’Ohio, ou quelque part ailleurs…» C’est tellement risible ! N’importe qui ayant travaillé pour le gouvernement, comme je l’ai fait, sait que vous ne pouvez pas garder un secret pendant deux semaines ou deux mois ! Il y a les fuites ! C’est tout à fait impossible’.15

Les secrets et les fuites, les mensonges et les conspirations ont été au cœur de l’Amérique de la Guerre froide — une guerre de cinquante ans selon l’historien français Georges-Henri Soutou.16 Mais lorsque le mur de Berlin s’effondre en novembre 1989, signalant l’inévitable fin de l’URSS et la désagrégation du Bloc de l’Est, on peut se demander quelles furent les sentiments et les réactions des Américains, privés en un temps très bref de tout ennemi. Dix ans plus tard, dans l’édition du Figaro magazine du 13 novembre 1999, le grand écrivain américain Norman Mailer répond à une question sur ce thème, «L’Amérique peut-elle survivre sans ennemi ?». L’interviewé répond que c’est plus facile quand il y en a un, car il met de l’ordre. Il rappelle que durant la Guerre froide l’ennemi agissait comme un aimant : les gens avaient tous le regard dans la même direction et il régnait au sein du pays une unité. La Guerre froide terminée, ce champ magnétique a été coupé et ses éléments se sont dispersés. Norman Mailer fait le constat que les individus vont chacun dans leur propre sens. 17

Un espace socioculturel, aux dimensions peut-être mal définies, était devenu libre pour un nouvel ennemi. Une menace, également nouvelle, pouvait se profiler à l’horizon. Or, s’il y a une thématique qui connu un grand essor dans les années 1990, c’est bien celle de la présence d’êtres extraterrestres sur notre planète, découverte en juillet 1947 puis ensuite cachée par les autorités fédérales américaines. Selon certains protagonistes, une invasion silencieuse et des enlèvements — des rencontres du quatrième type — avaient lieu. De très nombreux livres, des émissions de télévision, les conclusions des trois enquêtes gouvernementales et des sites Internet alimentaient les débats et nourrissaient les controverses. Au cours de cette décennie, un observateur attentif aura eu l’occasion de remarquer à quel point les Américains étaient attirés par le sujet. Lors de la sortie du film Independence Day en juillet 1996, un sondage du magazine Newsweek révélait que 48% d’entre eux croyaient que les OVNI étaient réels et 29% pensaient qu’un contact avait déjà été établi avec des créatures d’outre espace. De plus, 48% des personnes interrogées estimaient qu’il y avait un complot du gouvernement pour ne pas divulguer la vérité.18

C’est un ufologue de l’Ohio, résident de Cincinnati, Leonard H. Stringfield (1920-1994), ancien directeur du Civilian Research Interplanetary, Flying Saucer fondée en 1954 et auteur de deux livres en 1957 et 1977 qui s’intéressa le premier, à la fin des années 1970, aux histoires de soucoupes volantes écrasées au sol et la récupération des corps d’extraterrestres par l’armée. Membre du National Investigative Committee on Aerial Phenomena et du Mutual UFO Network, il collecta sans relâche pendant près de vingt ans divers rapports, histoires et rumeurs sur ce seul sujet. Stringfield publia le résultat de ses travaux dans sept Status Reports. Il lui fut souvent reproché la protection scrupuleuse de l’identité de ses témoins, car elle empêchait toute enquête ultérieure sérieuse. Les récits ainsi obtenus demeurèrent non corroborés.

En définitif, au début des années 1950, ce thème particulier de l’ufologie était peut-être plus présent dans la société américaine qu’on ne le pense au premier abord. C’est ce que semble indiquer le court extrait suivant d’un livre de Karl Pflock :

C’est au cours d’une fête, à l’âge de six ou sept ans (été 1948 ou 1949), que j’ai entendu ma première histoire de crash d’ovni. Nous fêtions à la fois la fin de travaux de rénovation dans une maison et l’anniversaire d’un enfant. Le père était un des vétérans de la dernière guerre qui travaillaient à la librairie de mon père, tout en étudiant à l’université d’Etat de San José grâce à une bourse d’ancien combattant. En cette chaude et si lointaine après-midi californienne, j’étais assis avec d’autres gamins à l’arrière d’un ancien camion de l’armée appartenant à notre hôte. Nous écoutions captivés, nos pères qui parlaient de la récupération d’une soucoupe volante venue d’un autre monde, événement auquel l’un des hommes prétendait avoir participé - lui ou un de ses amis, je ne suis plus sûr. C’était il y a si longtemps.

Cet homme, aujourd’hui mort depuis longtemps, ou peut-être son ami, qui n’est probablement plus de ce monde non plus, avait été soldat quelque part dans le sud-est des Etats-Unis, peu après la fin de la guerre. Il dit qu’il/son ami avait fait parti d’une équipe envoyée pour récupérer la soucoupe et les corps de ses infortunés occupants (quelque part près de Roswell ?). Tout avait été rassemblé et évacué vers un lieu inconnu. Tous les participants avaient dû jurer de garder le secret.

D’après mes souvenirs, la plupart des adultes ne furent guère impressionnés par cette histoire, contrairement à nous, les gosses. Nous avions passé le reste de la journée à crapahuter parmi les rochers et les arbres dans le grand jardin semi-aride, jouant à découvrir des soucoupes accidentées et à combattre leur équipage menaçant. Parfois, nous cachions le vaisseau et ses occupants pour qu’ils échappent au gouvernement le temps de le réparer et de s’enfuir. D’une certaine manière, j’ai réussi à ne jamais être arrêté.19

Malgré toutes les enquêtes et recherches que Stringfield effectua concernant les Crash and Retrievals, ceux-ci ne furent pas pris en considération par le courant sérieux des ufologues. Au milieu des années 1990, la situation à cet égard est paradoxale. La scène ufologique est alors dominée par l’affaire de Roswell. L’enquête de l’US Air Force est rendue publique en septembre 1994 ; celle du GAO en juillet 1995.Viennent en complément à cette actualité chargée les deux livres de K. Randle et D. Schmitt (1991-1994), celui de S. Friedman (1992) mais surtout le film sur l’autopsie de l’extraterrestre de Roswell. Acheté à un ancien militaire américain par un producteur de télévision britannique, Ray Santilli, il est diffusé pour la première aux Etats-Unis en août 1995. Cet événement fut d’importance car il déclencha de multiples débats dans une atmosphère passionnée. Si dans l’opinion publique plusieurs aspects du Crash and Retrieval de Roswell lui conférèrent une forme exemplaire favorisant son acceptation, la preuve définitive et irréfutable ─ comme bien souvent le nom de Leonard Stringfield ─ est absente.

Seuls deux livres seront consacrés à la thématique Stringfieldienne, tous deux en 1995 : A History of UFO Crashes par K. Randle et UFO Retrievals : The Recovery of Alien Spacecraft par Jenny Randles. Dans ce second ouvrage, l’auteure est particulièrement critique. Sur trente-deux cas examinés s’étendant de 1871 à 1994, uniquement celui de Roswell et celui de la forêt de Rendlesham (Suffolk en décembre 1980) sont très prometteurs en termes de chute ou d’écrasement de quelque chose de matériel. L’enquêtrice britannique n’est pas animée par une ‘volonté de croire’ ou une tendance à l’explication crédule (et facile) par l’hypothèse extraterrestre quand une autre solution (sans doute plus complexe) n’est pas immédiatement disponible. Ce sont-là deux attitudes typiquement américaines qui furent un obstacle majeur pour la crédibilité des ufologues croyants. De plus, Jenny Randles rappelle le rôle joué par Stringfield dans ce domaine ainsi que l’existence de très nombreux mensonges et canulars.

Le corpus documentaire sur le sujet fut assez long à réunir. Par ailleurs, j’ai eu accès à des monographies militaires françaises comme Les Etats-Unis d’Amérique et leurs forces armées (publié par l’Etat-major de l’armée de terre en 1972) et plusieurs éditions américaines annuelles de l’US Air Force Almanach (publié par l’US Air Force Association). J’ai également utilisé une bibliographie (livres et articles de journaux et magazines en langue anglaise) déjà constituée sur le phénomène OVNI et les événements de Roswell. La documentation relative à la base aérienne de Wright-Patterson fut, en revanche moins évident à trouver. En ce qui concerne les sources Internet, il faut souligner la qualité indéniable de sites comme www.memory.loc.gov, www.wpafb.af.mil ou www.ascho.wpafb.af.mil. Les autres informations obtenues par ce média ont été prises avec beaucoup de précaution et ont fait l’objet de multiples vérifications. D’autres encore tels que www.angelfire.com/-ct/SGRACT/hangar18.html (Hangar 18 : Secret Repair Shop ?), http://www.informantnews.com/starshipgamma-/underground/under4.-html (Underground Vault System At Wright Patterson Air Force Base Where Alien Artifacts Were Kept ??) ou www.columbus.rr.com/threemusic/mufono/Roswell%20 (Roswell Debris at Wright-Patterson Air Force Base — Evidence by Remote Viewing) ont fourni des pistes de réflexion à ne pas négliger.

Chapitre I

UN LIEU DE SECRETS

Un complexe militaire géant

Un chiffre impressionne peut-être plus que les autres à propos de la base aérienne de Wright-Patterson ; celui de sa superficie qui est de quelques 35 Km2 où sont répartis plus 500 bâtiments. Avec 9 000 militaires et 13 000 civils recensés en 1997, c’est l’organisation militaire la plus complexe et la plus vaste de l’US Air Force. Elle abrite notamment le quartier général de l’Air Force Material Command, le National Air Intelligence Center et approximativement 70 organismes dépendant du Department of Defense. A l’intérieur des enceintes se trouvent également un centre médical de 300 lits, la dernière unité à être équipée de C-141 Starlifter, le 445th Airlift Wing, aujourd’hui assignée à l’Air Force Reserve Command et l’USAF National Museum. Le fonctionnement quotidien de la base ainsi que celui des quelques 60 unités présentes sur le site (contrôle aérien, communications, maintenance des installations, soutien médical, sécurité,…) est assuré par le 88th Air Base Wing et ses 5 000 militaires et employés civils.

D’autres chiffres sont également étonnants : une piste d’atterrissage de pratiquement 7 Kms de long, un budget de fonctionnement annuel de 904 millions de dollars et des capacités pour héberger sur la base 800 officiers et près de 1 600 sous-officiers.1

Au cours de la seconde moitié du 20ème siècle, la base aérienne de Wright-Patterson est devenue particulièrement importante dans le domaine de la recherche et du développement. Son histoire remonte en fait à l’année 1917, lorsque les premiers services implantés se sont vus confier des missions relatives à la logistique, l’expérimentation d’aéronefs et de matériels divers ainsi qu’à la formation militaire.

Wright Field et Patterson Field connurent une expansion considérable durant la Seconde guerre mondiale. Une disposition législative du Congrès américain de 1940, le Development of Landing Areas for National Defense (DLAND), octroya des fonds pour la construction de terrains d’aviation militaire ou l’amélioration des aérodromes civils existants. Encore une fois, les chiffres sont surprenants : en décembre 1941, les US Army Air Forces possédaient 114 terrains sur le continent avec une mise en chantier prévue de 47 installations supplémentaires. A la fin de l’année 1943, on comptait 345 terrains principaux, 116 terrains secondaires et 322 terrains auxiliaires.2 Dans l’Ohio, l’aéroport civil de Dayton passa sous contrôle des militaires en 1941. L’année suivante, les Army Air Forces créèrent à Wilmington un centre de formation pour les équipages de planeurs. Le Clinton County Army Airfield sera, après la guerre, le lieu d’où la Navy lancera ses ballons météorologiques Skyhook à très haute altitude. Un autre centre de formation, également pour pilotes de planeurs mais aussi pour les équipages de bombardiers B-17, fut implanté la même année à Columbus sous le nom de Lockbourne Army Air Base. Au cours de la Guerre froide, cette implantation fut assignée au Strategic Air Command et fut renommée Rickenbacker Air Force Base en 1974.

A l’issue du conflit, le personnel affecté à Wright Field et Patterson Field connu un brusque déclin en passant de presque 50 000 à 22 500 employés. Des commissions spécialisées en planification organisationnelle (master planning boards) furent créées pour utiliser avec logique et efficacité des infrastructures déjà très sollicitées. A la suite de la création de l’US Air Force le 18 septembre 1947, les installations de Wright Field et de Patterson

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