Guerres & Histoires

« EN COMBAT, LE BF 109 DE LA LUFTWAFFE MET 25 KM/H DANS LA VUE À NOS MORANE 406. »

PIERRE ROUXEL est né à Tours le 25 décembre 1918 dans une famille de commerçants. Diplômé d’HEC, son père est grossiste pour les épiciers, chargé pendant la Grande Guerre de diriger le ravitaillement de Tours. Pierre est le cinquième de dix enfants. Après son expérience dans l’armée de l’air et les combats de 1940, il rentre en France et travaille chez Havas puis dans d’autres agences publicitaires, avant de poursuivre dans l’industrie chocolatière puis dans la chimie. Il a pris sa retraite anticipée à 58 ans. Il a 4 enfants, 6 petits-enfants et 12 arrière-petits-enfants. Le frère aîné de Pierre Rouxel, André (1915-2004), était une figure de la France libre. Rallié à de Gaulle le 30 juin 1940, vétéran d’El Alamein et de la 2e DB, il était compagnon de la Libération.

G&H: Qu’est-ce qui suscite votre vocation de pilote?

Pierre Rouxel: Enfant, je m’amuse avec des modèles réduits; les gamins d’alors sont obnubilés par les grands raids et leurs pilotes, les journaux parlent de l’Aéropostale, de Mermoz… Tout ça me fait rêver.

Comment entrez-vous dans l’aviation?

Je fais des études secondaires au collège Saint-Grégoire à Tours, chez les jésuites, et je suis nul – je ne m’intéresse à rien d’autre que l’aviation. Mon parrain est administrateur de Lioré et Olivier [un constructeur de bombardiers et d’hydra vions, NDLR]. Je lui demande s’il peut me faire embaucher, mais ils ne prennent que des pilotes qui sont passés par l’armée, avec au moins 500 heures de vol. Or, je ne peux pas rentrer à l’École de l’air [le centre de formation des pilotes militaires, NDLR] avec mon niveau scolaire. À l’époque, on peut cependant obtenir une « bourse de pilotage » – ils en distribuent environ 200 par an. Il suffit de passer un examen qui correspond à peine à la première partie du bac. Si on est reçu, on est incorporé 3 ans dans l’armée (soit 1 an de plus que le service militaire) mais dans une école civile de pilotage. Je réussis en janvier 1935, et j’intègre la Compagnie française d’aviation à Angers, qui est une école Morane [un fabricant de chasseurs, NDLR]. Avec un peu d’aide: Tulasne, futur patron du régiment Normandie-Niémen, est un ami de la famille. Il m’a donné quelques tuyaux, mais bon, j’ai réussi l’examen tout seul.

Quand vous passez l’examen, êtes-vous déjà monté dans un avion?

Eh non, jamais. Les aérodromes qui donnent des baptêmes de l’air ne sont pas nombreux.

Comment se passe la formation?

À Angers, le directeur est le capitaine Seigneurie qui vole très peu, mais il y a deux instructeurs militaires et des moniteurs d’aviation civile. L’école est civile mais surveillée par des militaires. Nous portons une tenue bleu horizon] sur un Morane de la guerre de 14 qui roule à 70-80 km/h. Le grand jeu est de le mettre sur le nez. Puis on passe sur le Morane 147, un avion dont l’indicateur de vitesse est accroché à un hauban: ça ressemble à un rapporteur avec une aiguille qui se déplace avec le vent pour indiquer la vitesse sur une échelle graduée. Il y a aussi un compte-tours, et c’est tout. Les moniteurs nous demandent de ne pas nous fier aux instruments mais de piloter avec nos fesses, c’est le meilleur moyen de sentir son avion. Après, on passe sur Morane 130 dont les roues sont retenues par des sandows qui cassent quand on se pose un peu sèchement. Au bout de 35 heures de vol, on passe le brevet sur des Morane 230. L’épreuve consiste en un triangle Angers-Tours-Cholet et une montée à 4000 m. Rien d’autre. Je me suis débrouillé pour passer au-dessus de la propriété de mes parents pour leur lancer un petit parachute qu’un fermier a retrouvé.

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