G&H : Comment êtes-vous entré dans l’US Navy?
Royce Williams : Dès l’âge de 8 ans, j’ai su que je voulais rejoindre l’aéronavale. J’avais la passion du vol. À 16 ans, en 1941, je m’engage dans la garde nationale du Minnesota, puis l’année suivante, je parviens à entrer dans l’US Navy. Je sors de la « flight school » avec mes ailes de pilote deux ans et demi après, en 1945 à Pensacola (Floride). Il est trop tard pour participer aux combats dans le Pacifique. S’il n’y avait eu la bombe atomique, mon nom était inscrit au tableau de marche pour l’invasion du Japon!
Vous restez malgré tout dans l’US Navy?
Oui, c’était mon rêve, et je ne vais pas le brader au prétexte que la guerre est terminée. Je suis affecté à la base d’entraînement pour la chasse d’Opa-locka, à Miami (Floride). J’enchaîne plusieurs affectations sur F6F Hellcat, F4U Corsair et F8F Bearcat. En 1951, je fais des pieds et des mains pour être affecté à une unité de jets.
Comment vous retrouvezvous en Corée?
Je suis assigné à l’escadrille VF-781 « Pacemakers » qui opère à bord du porte-avions USS Oriskany (CVA-34) et vient de recevoir des Grumman F9F-5 Panther flambant neufs (voir encadré p. 34). C’est un avion merveilleux. La transition au jet se passe en douceur. Grande différence avec les avions à hélice: il n’y a plus d’effet de couple, forcément, donc décollage et appontage se passent en douceur. Je suis tout de suite fan du Panther, qui est solide, résistant, qui a un moteur de premier ordre, qui sait encaisser. La visibilité est exceptionnelle, le cockpit est confortable. Et puis c’est une excellente plate-forme de tir, avec ses quatre canons de 20 mm et ses râteliers pour bombes et roquettes.
Que faites-vous durant cette année 1952?
Nous croisons au large de la Corée du Nord pour mener des missions de bombardement sur les infrastructures de l’ennemi: gares de triage, usines, train, camions. J’en ai fait 90 au total. Nous prenons souvent du plomb mais le Panther résiste admirablement et en général, vous ramenez votre zinc, même criblé, à bon port. Vers la fin 1952, nous sommes dirigés vers la ville nordcoréenne de Hoeryong (voir carte p. 37). C’est par là que transitent quantité de matériels pour la ligne de front. Il faut taper fort. Le hic, c’est qu’elle se trouve près de la frontière avec l’URSS, et les Russes n’apprécient guère.
Que se passe-t-il le 18 novembre 1952?
Nous sommes au large de la côte nordest coréenne, non loin de la frontière avec l’URSS, et il fait un temps CAP, ] avec trois camarades. Nous décollons dans la bourrasque. C’est alors que la flotte reçoit une alerte radar: une formation d’appareils non identifiés () se rapproche à grande vitesse de notre Task Force TF-77, 150 km plus au nord. On nous a donné un cap et une mission: dresser un barrage à 26000 pieds (environ 8000 mètres) et voir venir. Pas de consigne particulière. Les Russes feront demi-tour, pense-t-on, quand ils verront notre dispositif.