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Le REVE D'UN GROENLANDAIS
Le REVE D'UN GROENLANDAIS
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Livre électronique133 pages1 heure

Le REVE D'UN GROENLANDAIS

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À propos de ce livre électronique

Tourné vers l’avenir du Groenland, dans un « rêve » qui ouvre à la fois sur les inquiétudes de ses citoyens et sur l’utopie d’une sociétéégalitaire, ce premier roman de la littérature groenlandaise — Sinnattugaq, d’abord publié à Copenhague en 1914, puis traduit en danois par le célèbre Knut Rasmussen l’année suivante — permet au lecteur d’aujourd’hui de renverser son regard sur le monde inuit et de décou-vrir enfin une voix « de l’intérieur », qui recentre la représentation sur cette immense île de l’Arctique. Ce roman progressiste revendique pour les Groenlandais savoir, éducation, reconnaissance. Selon Karen Langgård, qui en signe l’introduction,l’auteur a écrit ce roman avec un objectif politique, notamment envers les Danois qui colo-nisaient le pays : « Son idée du rôle des Danois était que les Groenlandais devaient collaborer avec les Danois les plus progressistes, capables de les respecter. »

Avec une introduction de Karen Langgård, professeure à l’Université du Groenland.

Traduction du danois par Inès Jorgensen et validation linguistique à partir du texte original groenlandais par Jean-Michel Huctin.
LangueFrançais
Date de sortie3 févr. 2016
ISBN9782760543713
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    Aperçu du livre

    Le REVE D'UN GROENLANDAIS - Mathias Storch

    Canada

    TABLE DES MATIÈRES

    INTRODUCTION : « Mathias Storch, Sinnattugaq et son temps »

    LE RÊVE D’UN GROENLANDAIS

    Visite à la colonie

    Une journée d’école au village

    Le vieux Siimuut

    Quand le pourvoyeur se fait attendre

    Querelle autour d’un chien

    Quand un chasseur tombe malade

    Une réunion du conseil d’administration

    Mariage forcé

    Paavia part au séminaire

    Le mariage de Juuserfi

    Paavia et Riigiina

    Qivittoq

    Le rêve

    
CHRONOLOGIE culturelle du Groenland

    BIBLIOGRAPHIE

    INTRODUCTION

    « Mathias Storch, Sinnattugaq et son temps »

    Traduit du danois par Inès Jorgensen

    Le Groenland de l’Ouest a été colonisé en 1721, principalement sur l’instigation du missionnaire norvégien Hans Egede. Ce dernier se rendit très vite compte que, pour être conforme à la norme luthérienne, la mission devait s’exercer dans la langue maternelle des Groenlandais, ce qui signifiait former des Groenlandais à la fonction de catéchiste. Cette décision eut de grandes conséquences pour le développement du Groenland, du point de vue tant linguistique que sociopolitique et littéraire.

    Mission et école se déroulaient donc en groenlandais, la langue inuite parlée par les Groenlandais. Le groenlandais devint ainsi une langue écrite et peu à peu standardisée. Les missionnaires développèrent une tradition de psaumes en groenlandais et, à la fin du xixe siècle, catéchistes et pasteurs groenlandais reprirent le flambeau¹.

    À la fin du xviiie siècle, l’administration du Groenland de l’Ouest avait été divisée en deux inspectorats : le Groenland du Nord, ayant pour siège Godhavn, aujourd’hui Qeqertarsuaq, et le Groenland du Sud, ayant pour capitale Godthaab, aujourd’hui Nuuk. Il y avait alors trois catégories d’agglomérations : les « colonies » (kolonibyer), où siégeaient les administrateurs principaux, les « comptoirs » (udsteder) où se trouvait en général un directeur en chef, responsable d’un poste de traite, et enfin les « villages » (bopladser), pas toujours pérennes, habités par une seule famille ou du moins très peu de personnes.

    Au milieu du xixe siècle, Hinrich Johannes Rink devint inspecteur du Groenland du Sud. Pour lutter contre ce qu’il jugeait être une crise de la culture de la chasse au phoque en kayak due au manque d’estime de soi des Groenlandais, il mit en œuvre des réformes.

    Il fit transcrire par les Groenlandais eux-mêmes leur tradition orale, une initiative originale qui leur laissait à eux seuls la tâche difficile de conversion de l’oral à l’écrit.

    Il instaura localement des organes communaux et démocratiques, dotés de représentants groenlandais et couplés à un système de primes pour les motiver à chasser davantage. Ces organes communaux furent le premier pas de ce long processus, pas toujours satisfaisant mais réussi dans l’ensemble, qui devait aboutir, malgré un certain nombre de reculs, à l’autonomie en 2009.

    Enfin, Rink lança aussi Atuagagdliutit, un journal groenlandais avec un rédacteur groenlandais, écrit en groenlandais par le rédacteur et les lecteurs (200 pages par an).

    Ces trois initiatives avaient tout leur sens, puisque la population inuite du Groenland de l’Ouest était capable de lire – comme on le rapporte au milieu du xixe siècle – et certains également d’écrire le groenlandais².

    À la suite de leur confrontation avec les Amérindiens, les Inuits qui avaient migré au Groenland y étaient arrivés avec une conscience identitaire ethnique. Plus tard – lors de contacts avec les chasseurs de baleine, puis en subissant graduellement la colonisation –, la rencontre culturelle avec les représentants coloniaux leur fit prendre conscience de la notion de royaume puis, plus tard encore, de celle de sentiment national scandinave. Ils apprirent aussi dès le début de la colonisation que des guerres destructives se déroulaient dans le monde. Et la population groenlandaise ressentit elle-même les conséquences des guerres napoléoniennes, puisqu’elle fut sans missionnaires pendant quelques années et que très peu d’articles de commerce parvenaient alors au Groenland.

    Ce n’est par conséquent pas le journal Atuagagdliutit qui incita les Groenlandais à élaborer des concepts comme l’ethnicité et le nationalisme, ou à en être conscients, même si, bien évidemment, la presse écrite en accrut la conscience dans la population. Dès le tout premier numéro de 1861, le premier article de ce journal présuppose chez les lecteurs une conscience ethnico-nationale. Le Groenland y est appelé Kalaalit Nunaat (le pays des Groenlandais) ou Nunarput (Notre pays). En ce sens, la théorie de Benedict Anderson selon laquelle les médias de masse sont un préalable à l’évolution du nationalisme ne tient pas pour le Groenland. La conscience du Groenland comme leur « communauté imaginée³ » existait déjà en partie chez les Groenlandais.

    Atuagagdliutit publiait, entre bien d’autres choses, de la littérature étrangère en traduction et des articles informatifs et sociopolitiques, écrits par le rédacteur ou les lecteurs. La discussion tournait beaucoup autour de la question de savoir si les problèmes sociaux étaient dus au manque de discipline et de compétence pour le kayak chez les chasseurs, ou à une diminution du nombre de phoques.

    Du fait que le Groenland était une colonie, il y régnait une relation de pouvoir asymétrique entre Danois et Groenlandais. D’évidence, l’inspecteur devait être informé du contenu d’Atuagagdliutit. Mais les articles publiés montrent que les lecteurs n’étaient pas tout simplement manipulés. Par exemple, l’idée que les problèmes sociaux étaient dus à une diminution de la population de phoques n’était absolument pas l’avis de Rink sur le sujet. Dans les cadres posés par le colonisateur, les Groenlandais faisaient donc preuve d’agentivité, d’agency⁴. Les Danois n’exerçaient pas une hégémonie absolue. Cela ressort des articles écrits par les Groenlandais dans Atuagagdliutit. Ils y discutaient de problèmes sociaux, et leur discours présupposait l’idéal ethnico-national suivant : un bon Groenlandais est un bon chrétien et un chasseur de phoque compétent. Jusqu’en 1900, il n’y eut pas de véritable débat autour de cette question ; mais cela changea plus tard⁵.

    Après 1900, certains membres de l’élite groenlandaise souhaitèrent que les Groenlandais puissent avoir accès à un meilleur enseignement, afin d’acquérir les compétences nécessaires pour exercer davantage d’influence sur le développement du Groenland. Mais ce fut l’instauration par le pouvoir colonial de la dite pêche rationnelle (à savoir la possibilité pour les Groenlandais de vendre leur pêche de poissons dans le commerce) qui fit surgir un véritable débat. Jusqu’alors, le poisson n’avait été pour les Groenlandais qu’une ressource de réserve. Dans le discours groenlandais, il n’était pas question de structure d’emploi primaire diversifiée, mais uniquement de chasseurs plus ou moins compétents. La notion de bon chasseur était, comme on l’a dit, liée au concept ethnico-national de l’idéal d’un Groenlandais dans le pays que Dieu lui avait donné. Un bon Groenlandais était un bon chasseur, capable de nourrir sa famille et d’aider sa communauté proche, c’est-à-dire ayant un peu plus de viande et de peaux que pour sa propre consommation. Cependant, il ne vendait pas ce surplus avant d’être sûr d’avoir suffisamment de réserves pour l’hiver. Être un bon chasseur signifiait aussi savoir comment et quand pêcher pour avoir du poisson en réserve pour les périodes difficiles. On conseillait, dans Atuagagdliutit, de pêcher quand on avait des loisirs en été. Dans ce type de discours, pêcher beaucoup était plutôt le symptôme d’un mauvais chasseur. Jusqu’au démarrage de la pêche rationnelle, ceux qui ne faisaient que pêcher et attraper des renards au piège étaient ceux qui manquaient de compétence pour sortir en kayak au large ou par mauvais temps⁶.

    Ainsi, abandonner la chasse revenait à perdre son identité, et cela était presque blasphématoire.

    Il était compliqué, pour ceux qui avaient conservé leur foi dans les valeurs transmises, d’être confrontés à la fois à la crise qui sévissait toujours dans la chasse au phoque et aux nouvelles données sur l’emploi diversifié. Ce fut une difficile transition d’un discours à un autre. Il en résulta un long et intense débat sur l’identité ethnico-nationale – et cela s’exprima dans les chansons, les articles de journaux et les romans.

    Le débat prit de l’ampleur – ou plutôt, chaque sujet évoqué dans le débat fut lié au thème ethnico-national : les emplois, la formation, le rôle de la femme, l’éducation des enfants, le mariage, etc. Plus tard, notamment dans les années 1920, ceux qui habitaient les villages et les comptoirs commencèrent à se plaindre de leur situation, comparée à celle des colonies.

    La chrétienté ne fut pas remise en question, par contre, le rôle joué par l’Église en tant qu’institution détenant le contrôle sur l’école et l’enseignement le fut au plus haut point.

    Le débat faisait rage. Mais en ce qui concerne la presse écrite, il s’agissait d’un débat à un tout autre rythme que celui de nos jours, étant donné l’infrastructure de l’époque. Ceux qui ne vivaient pas à Nuuk ne pouvaient en général répondre à un article qu’à la saison suivante. Atuagagdliutit paraissait chaque mois, mais n’atteignait la plupart des endroits sur la côte qu’au cours de l’été. Cela valait aussi pour l’autre journal national, AvangnâmioK, publié à Qeqertarsuaq dans le Nord du Groenland à partir de 1913.

    Le débat émanait en partie de l’élite groenlandaise la plus éduquée. Grâce à leur formation de six ans au séminaire de catéchistes Ilinniarfissuaq et à des études ultérieures, ses membres étaient capables de se former une opinion. Au xixe siècle, l’Église n’avait qu’à contrecœur ordonné prêtres quelques rares Groenlandais, et uniquement lorsqu’il avait été impossible d’attirer suffisamment de théologiens au Groenland. L’un d’entre eux était Jens Chemnitz. Cela changea en partie avec la loi de 1905 sur l’Église et l’École. Grâce à cette loi, par exemple, Mathias Storch put suivre trois ans d’études au Danemark. Cette éducation plus

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