Découvrez des millions d'e-books, de livres audio et bien plus encore avec un essai gratuit

Seulement $11.99/mois après la période d'essai. Annulez à tout moment.

Un JURASSIEN EN AMERIQUE DU NORD: De Cornol à Montréal. Le journal d'Amédée Girard (1893-1897)
Un JURASSIEN EN AMERIQUE DU NORD: De Cornol à Montréal. Le journal d'Amédée Girard (1893-1897)
Un JURASSIEN EN AMERIQUE DU NORD: De Cornol à Montréal. Le journal d'Amédée Girard (1893-1897)
Livre électronique266 pages3 heures

Un JURASSIEN EN AMERIQUE DU NORD: De Cornol à Montréal. Le journal d'Amédée Girard (1893-1897)

Évaluation : 0 sur 5 étoiles

()

Lire l'aperçu

À propos de ce livre électronique

« Le 2 septembre 1893, le paquebot La Champagne jetait l’ancre dans la baie de New York. »

Ainsi commence le journal tenu par Amédée Girard, un émigré « ordinaire » et anonyme comme des millions d’autres exilés en Amérique à la fin du xixe siècle. De New York à Montréal, où il se fixe dès son arrivée, l’auteur note les observations et les impressions que lui inspire son nouveau lieu de vie. Villageois jurassien contraint à un voyage sans retour, il entraîne le lecteur dans les méandres de la grande ville, les chemins tortueux de l’intégration et les tourments de la nostalgie. Mais le récit fait également part des moments de bonheur, des réussites et des rêves de lendemains qui chantent. Tout en se confiant à son journal intime pour soulager son sentiment de solitude, Amédée Girard s’adonne aussi à l’introspection et propose une réflexion sur ses valeurs chrétiennes et morales. Il fait enfin œuvre de journaliste et parfois d’anthropologue en racontant anecdotes et particularités de la vie au Canada.
Ce témoignage d’une profondeur et d’une sincérité exceptionnelles présente un intérêt historique certain, qui permet de tirer de l’oubli quelques années de la vie de son auteur et aux lecteurs de bien comprendre le contexte migratoire de l’époque.

Marie-Angèle Lovis a fait une carrière dans l’enseignement en Suisse et s’intéresse au phénomène de l’émigration des Suisses, notamment des Valaisans, ou des ressortissants du Jura bernois au xixe siècle. Elle est l’auteure de nombreuses contributions sur les départs vers les Amériques et l’Europe de l’Est.
LangueFrançais
Date de sortie18 sept. 2017
ISBN9782760638167
Un JURASSIEN EN AMERIQUE DU NORD: De Cornol à Montréal. Le journal d'Amédée Girard (1893-1897)

Lié à Un JURASSIEN EN AMERIQUE DU NORD

Livres électroniques liés

Articles associés

Avis sur Un JURASSIEN EN AMERIQUE DU NORD

Évaluation : 0 sur 5 étoiles
0 évaluation

0 notation0 avis

Qu'avez-vous pensé ?

Appuyer pour évaluer

L'avis doit comporter au moins 10 mots

    Aperçu du livre

    Un JURASSIEN EN AMERIQUE DU NORD - Marie-Angèle Lovis

    Remerciements

    Qu’il me soit permis d’exprimer ma gratitude à la famille Girard pour l’autorisation de publication du manuscrit, à Yves Rondez pour les photocopies de l’original et à Claude Voisard pour la version scannée. Mes remerciements vont tout particulièrement à Ursule Babey, Laetitia Macler et Christine Meyer pour leur aide efficace et enthousiaste lors de la saisie informatique du document. Ma reconnaissance s’adresse également à Robert Girard, de Cornol, pour ses informations généalogiques sur la famille d’Amédée à Cornol, et à Francine Germain, de Québec, pour le temps investi dans sa quête de données généalogiques sur sol québécois. Un chaleureux merci à Samy Khalid, d’Ottawa, pour sa relecture du journal et ses suggestions ainsi que pour la préface dont il a enrichi l’ouvrage.

    Préface

    J’ai fait la connaissance d’Amédée Girard en 2012. Ce fut le coup de foudre.

    Amédée Girard est a priori un émigrant suisse comme les autres, qui s’exile en quête d’aventure et d’une vie meilleure. C’est également un immigrant comme bien d’autres en Amérique du Nord, à la fin du xixe siècle. Or, contrairement à la grande majorité des migrants, Girard a le mérite d’avoir tenu un journal de voyage dans lequel il raconte son périple, ses impressions sur le Nouveau Monde, ses peines et ses joies, ses opinions et ses préoccupations. Ce journal, dont le manuscrit est aujourd’hui perdu, constitue un véritable petit bijou, heureusement sauvé de l’oubli par Marie-Angèle Lovis.

    Pour les littéraires, écrire c’est mettre en scène et divertir. Pour les philosophes, il s’agit de penser le monde et de s’engager. Pour les historiens, écrire c’est renseigner, mettre les choses en perspective et aider à comprendre. Du point de vue purement littéraire, le journal d’Amédée Girard représente un récit émouvant, captivant, inspirant, empreint de mélancolie et de pittoresque, écrit d’une plume aisée, avec profondeur et clarté. Sur le plan humain, le manuscrit est aussi une histoire poignante de réalisme, de sensibilité, de gravité et de maturité. Du point de vue historique, le document ajoute une voix au récit de l’expérience immigrante dans les années 1890 et met en lumière les différences culturelles, religieuses, politiques et sociales entre les deux pôles de migration, en l’occurrence la Suisse et le Canada. Pour toutes ces raisons, il est non seulement intéressant à lire comme un roman mais il est également marquant parce qu’il ajoute une pierre à la compréhension de l’histoire des migrations.

    Assis à côté de Marie-Angèle Lovis lors d’un colloque inter­national consacré aux défis de la migration dans une perspective comparatiste Canada−Suisse en 2012, je me souviens d’avoir été impressionné par le résumé de la vie d’Amédée Girard. Trois ans plus tard, l’historienne de Porrentruy m’a fait l’honneur de me donner à lire la transcription de son journal. J’y ai découvert le récit de voyage depuis Cornol jusqu’à New York et à Montréal d’un jeune homme intelligent, instruit, curieux, ouvert d’esprit, travailleur, débrouillard. Je l’ai dévoré de la première à la dernière page, en retournant souvent à mes propres notes de recherche et en tentant de faire correspondre les lieux fréquentés et les événements vécus par l’auteur à des endroits familiers et à des moments documentés dans l’histoire de l’Amérique du Nord.

    En 2012, j’ai été étonné d’apprendre qu’un tel journal de voyage existe. Pendant mes études doctorales axées sur l’immigration suisse au Canada, j’ai en effet consacré d’importants efforts à chercher les carnets de voyage et la correspondance d’émigrants suisses installés en Amérique du Nord. Compte tenu des progrès de l’alphabétisa­tion (dont le taux passe de 30% à 90% en Suisse entre 1830 et 1890), je m’attendais à trouver un certain nombre de documents subsistant de cette époque. J’ai vite déchanté, car les journaux de ce genre ne sont pas pléthore. Voilà qui rend le manuscrit de Girard d’autant plus précieux.

    Au-delà du caractère exceptionnel qu’il revêt, ce document est important à la fois pour comprendre l’histoire du pays d’exil et celle de la terre d’accueil. D’une part, avant de devenir l’Eldorado idéalisé d’aujourd’hui, la Confédération helvétique a connu des difficultés économiques et sociales. Comme d’autres pays européens, la Suisse a en fait été un pays d’émigration jusqu’à la fin des années 1880, ses citoyens s’expatriant par dizaines de milliers pendant tout le xixe siècle. Bien des descendants de ces ressortissants suisses exilés aux quatre coins de la planète retournent maintenant sur la trace de leurs ancêtres pour comprendre leurs motivations et découvrir leurs origines familiales. Que nos aïeuls soient venus de Cornol, du Jura, de Suisse romande ou de Suisse tout court, leur trajet et leur expérience ont certes pu ressembler à ceux de Girard. Comme il est rare de trouver des sources détaillées, voire plus d’une ligne ou deux dans les registres – si tant est que la barrière linguistique ne se pose pas en obstacle aussi infranchissable que les hautes Alpes –, le journal d’Amédée Girard est unique et remarquable. D’autre part, il faut bien saisir l’importance de cet écrit au niveau de l’histoire de l’immigration au Canada. En 1893, les autorités canadiennes recensent près de 30 000 arrivées dans le pays. Girard, originaire d’un petit village aux confins de la Suisse, de la France et de l’Allemagne, était destiné à rester dans l’anonymat. D’ailleurs, la majorité des Suisses romands immigrés au Canada français se fondent dans la masse, puisque ni la langue ni la culture ne représentent des obstacles à leur installation. Le journal personnel que Girard a voulu transmettre à sa famille sert de miroir renvoyant l’image du Canada en construction à la fin du xixe siècle, d’une jeune colonie engagée dans l’industrialisation, jonglant avec sa double identité française et anglaise et ne sachant pas encore bien mettre à profit tout ce que les migrants instruits et qualifiés comme l’horloger de Cornol pourraient avoir à offrir.

    Passionnée d’histoire, Marie-Angèle Lovis s’est notamment inté­ressée à l’émigration des Valaisans au xixe siècle, à l’émigration dans l’ancien Jura bernois et en particulier aux Jurassiens bernois enrôlés dans les armées de la guerre de Sécession américaine, à l’émigration féminine en Ajoie, aux frontaliers suisses en France dans les années 1930. Spécialiste de l’histoire sociale de l’émigration, c’est une chercheuse qui s’attache à comprendre les tenants et aboutissants des courants migratoires.

    Si aujourd’hui il nous est donné de découvrir le journal excep­tionnel d’Amédée Girard, lui-même un véritable personnage d’exception, c’est grâce à la motivation et à la conviction de Marie-Angèle Lovis. Son travail de préparation et de présentation du manuscrit permet de nous plonger aisément dans un récit pour le moins dépaysant et d’envisager certaines grandes questions liées à l’histoire de l’émigration: pourquoi émigrait-on? Comment se déroulait le voyage? De quels moyens disposait-on? Comment se faisait l’installation dans le nouveau pays? De quoi vivait-on? Quels liens se créaient avec ses compatriotes? Comment se passaient la confrontation des cultures puis l’adaptation à la société d’accueil?

    Ce livre nous en apprend beaucoup sur le vécu d’un migrant, Amédée Girard. Il est aussi à lire pour se renseigner sur l’histoire de la famille, l’histoire de la culture, l’histoire des émigrants suisses et des immigrants en Amérique du Nord, l’histoire économique et ouvrière de la fin du xixe siècle, l’histoire sociale en général. En un mot, c’est un livre à découvrir et à savourer.

    Samy Khalid

    Docteur en histoire et en études canadiennes

    Université d’Ottawa (Canada)

    INTRODUCTION AU JOURNAL D’AMÉDÉE GIRARD

    Marie-Angèle Lovis

    L’arrivée à New York

    Le 2 septembre 1893, le paquebot La Champagne jetait l’ancre dans la baie de New York. Arrivé trop tard pour pénétrer dans le port, le navire s’endort sur les flots calmes. Le spectacle que nous avons sous les yeux est vraiment grandiose et féerique. Les feux des phares, vigilants gardiens des côtes, brillent d’un éclat merveilleux. Les deux rives qui se rapprochent sont couvertes d’une infinité de lumières, du plus puissant effet. Le pont de Brooklyn se distingue à sa ligne régulière de lampes électriques. Dans le fond, la statue de Bartholdi, la Liberté éclairant le monde, se détache merveilleusement bien. Ajoutez à cela l’éclat d’une nuit divinement étoilée, et vous aurez une idée mais bien imparfaite du spectacle que nous avons sous les yeux. Les passagers, groupés sur le pont du steamer, expriment toute leur admiration, et certes, elle a bien sa raison d’être.

    C’est ainsi que commence le journal d’Amédée Girard. Grandiose, féerique, merveilleux, les termes qu’il utilise témoignent de la fasci­nation qu’exerce la métropole américaine sur l’immigrant européen, issu fréquemment d’un milieu rural. Même la nuit est porteuse d’espoir: le scintillement des lumières électriques et des étoiles relie le matériel et le divin, sous le regard de la Statue de la Liberté, elle-même illuminée par la «fée électricité», emblème de modernité. Si certains vouent une admiration inconditionnelle au Nouveau Monde, symbole d’indépendance, de progrès technique et de réussite individuelle, d’autres ont une approche plus nuancée. Amédée Girard est de ceux-là car, malgré son émerveillement face à la cité new-yorkaise, il sait que «dans ces villes immenses, on y souffre, et l’on y pleure […]. Aussi nos pensées ne sont-elles pas toutes roses et regagnons-­nous l’entrepont tout songeur»¹.

    L’Eldorado américain

    L’émigration est une réalité que la Suisse a bien connue au xixe siècle et jusque dans les années 1920². Lors de la vague de départs du début des années 1880, la plus importante du xixe siècle avec celle de 1845-1855, ce sont en moyenne 11 000 Suisses qui s’expatrient annuellement. À partir de 1884, le flux migratoire diminue et se stabilise autour de 7 900 individus par an jusqu’en 1892³. Lorsqu’Amédée Girard décide de s’exiler, en 1893, le recul s’accentue. Ils sont néanmoins 6 177 Helvètes à quitter leur pays cette année-là pour s’installer outre-mer. Parmi ces exilés, 1 531 sont originaires du canton de Berne et 95% d’entre eux s’établissent en Amérique, c’est-à-dire aux États-Unis. Les 6 districts francophones du Jura bernois⁴ enregistrent 199 départs. Celui de Porrentruy fournit un contingent de 45 personnes⁵. Amédée Girard, vingt-sept ans, est l’une d’elles. Il est originaire de Cornol, un village de 1 140 habitants⁶ où l’on travaille principalement dans l’agriculture et l’horlogerie. La localité a déjà été touchée par une septantaine de départs depuis 1877, de telle manière que les six émigrés de l’automne 1893 s’inscrivent dans une continuité. Peut-être ont-ils été encouragés par Joseph Gaignat, revenu en visite quelques mois plus tôt, et lui ont-ils fait confiance, car leur compatriote a une longue expérience du Nouveau Monde, s’y étant établi avec sa famille en 1882 déjà. Certes, la vie quotidienne sur le Vieux Continent n’est guère facile et les États-Unis représentent aux yeux des émigrants l’Eldorado à rejoindre. Mais le moment choisi par Amédée et ses compagnons n’est pas le plus propice. En effet, la situation économique des États-Unis s’est dégradée au cours du premier semestre de 1893. Le pays est en proie à de grosses difficultés déclenchées par un krach financier entraînant des faillites d’établissements bancaires, d’entreprises et, comme corollaire, une flambée du chômage. Entre 8 et 18% de la population active serait touchée de 1893 à 1898 selon des recherches récentes⁷. Amédée Girard s’en rend compte très rapidement.


    1. Les citations ne renvoyant pas à une référence bibliographique sont toutes extraites du journal d’Amédée Girard.

    2. Selon Heiner Ritzmann-Blickenstorfer, de 490 000 à 500 000 Suisses ont émigré outre-mer de 1816 à 1930; environ 75 à 80% d’entre eux se sont rendus aux États-Unis. L’évaluation de Ritzmann est un nombre global, incluant les visites des émigrés en Suisse. Ces derniers sont comptabilisés en tant que nouveaux émigrants à chaque départ du pays natal au moment de retourner dans leur pays d’adoption. L’estimation ne tient pas compte non plus des retours définitifs particulièrement importants au

    xx

    e siècle.

    Ritzmann-Blickenstorfer

    Heiner, Alternative Neue Welt. Die Ursachen des schweizerischen Überseeauswanderung im 19. und frühen 20. Jahrhundert, Zürich: Chronos Verlag, 1997, p. 109-115, 257-259, 623.

    3. Archives cantonales jurassiennes (ArCJ), AC 91.27, 1883-1928, Mitteilungen des Kantonalen statistischen Bureaus, Jahrgang 1914, Lieferung 1, Die überseeische Auswanderung aus dem Kanton Bern und der Schweiz von 1868-1913, p. 55.

    4. Les districts francophones de Porrentruy, de Delémont, des Franches-Montagnes, de Moutier, de Courtelary et de La Neuveville ainsi que le district germanophone de Laufon font partie de l’évêché de Bâle dont le prince-évêque, chassé de la ville rhénane à la suite de la Réforme, réside à Porrentruy depuis lors (1528). Lors de la Révolution française, ils sont annexés par la France. À la suite de la défaite de Napoléon, les grandes puissances présentes au Congrès de Vienne en 1815 rattachent les terres de l’ancien évêché de Bâle au canton de Berne. Désormais, elles sont désignées par les termes de Jura bernois. En 1979, trois districts francophones du Jura bernois, à savoir Porrentruy, Delémont et les Franches-Montagnes forment un canton à part entière, le canton du Jura, tandis que les districts de Moutier, Courtelary et La Neuveville restent dans le canton de Berne et continuent à être désignés sous le nom de Jura bernois.

    5. ArCJ, AC 91.27, 1883-1928, Mitteilungen des bernischen statistischen Bureaus, Jahrgang 1908, Lieferung I, p. 140-141.

    6. Recensement fédéral de 1888. Voir lien: http://www.bfs.admin.ch/bfs/portal/fr/index/150/03/01/00/05.html.

    7. Stanley Lebergott (1918-2009), statisticien du Bureau of Labor Statistics et spécialiste de l’évolution du chômage aux États-Unis; Christina D. Romer, professeur d’économie à l’Université de Berkeley. Voir: http://fr.wikipedia.org/wiki/Panique_de_1893.

    En route vers le Canada

    Une semaine après son arrivée à New York, il quitte les États-Unis pour tenter sa chance à Montréal. Sa décision est inhabituelle, car le Canada n’attire pas les Suisses même si leur présence est déjà attestée aux xviie et xviiie siècles⁸. De 1864 à 1893, seuls 0,1 à 0,3% d’entre eux choisissent ce pays comme lieu de destination, autant dire que son attractivité reste marginale face à celle des États-Unis qui captent 69 à 86% de l’émigration suisse pendant la même période⁹. Pourtant, dans les années 1870, le gouvernement canadien se met à faire de la propagande pour la colonisation de l’Ontario. À de nombreuses reprises, les agences d’émigration bâloises font passer des annonces alléchantes dans la presse des districts francophones du Jura bernois. Elles attirent l’attention sur les avantages considérables qu’offre le Canada aux agriculteurs (Fig. 2), ou insistent sur l’aspect francophone et catholique du pays (Fig. 3), cette dernière caractéristique n’étant pas anodine en période de Kulturkampf¹⁰ dans le district de Porrentruy. Au printemps, en 1878 et en 1879, ces agences font à nouveau de la réclame pour les terres de l’Amérique et du Canada, en particulier dans le journal Le Pays, édité à Porrentruy. Le Conseil fédéral tempère le discours par la publication en 1884 d’une mise en garde «concernant les dangers de l’émigration au Canada», à la demande de la Société suisse de Montréal. En effet, cette dernière fait état de compatriotes, «trompés par des agents sans conscience, qui n’ont en vue que leur propre gain». Et de conclure par un vibrant appel à l’adresse des Suisses qui désireraient se rendre dans ce pays: «Rien de bon ne vous attend. Ne vous laissez donc pas duper! […] Croyez vos compatriotes du Canada qui vous aiment et qui voudraient vous voir heureux et non désespérés!»¹¹ Pourtant, à partir de 1885, la propagande pour les régions de l’Ouest canadien se développe. Mais les autorités helvétiques demeurent très sceptiques face à la colonisation de ces régions. En 1885, elles refusent l’autorisation à une agence d’expédier des émigrants dans le Manitoba, «les conditions d’existence dans cette colonie et en général dans tout le Canada doivent être désolantes, et la perspective pour l’avenir doit y être très sombre»¹². Le Canadian Pacific Railway essuie également un refus en 1891 lorsqu’il demande la permission de faire distribuer, par l’intermédiaire des agences, des brochures intitulées Le meilleur pour tous, afin d’attirer des colons suisses dans les provinces de l’Ouest (Fig. 4). Selon le Conseil fédéral,

    les provinces du Manitoba et de la Colombie britannique y sont en particulier vantées d’une façon qui, d’après le préavis du commissariat [à l’émigration], ne répond pas à la réalité; […] cette brochure-là serait susceptible d’induire en erreur les émigrants. Le climat du Manitoba surtout accuse des variations si extrêmes

    Vous aimez cet aperçu ?
    Page 1 sur 1