Bordeaux : Au-delà des Chartrons: L'Âme des Peuples
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À propos de ce livre électronique
Au-delà des Chartrons
Leur seul nom symbolise Bordeaux, l’austère cité bourgeoise et commerçante sur les rives de la Garonne. Mais le quai des Chartrons, aujourd’hui, est baigné de lumière. L’une des opérations de rénovation urbaine les plus audacieuses de France a transformé la métropole bordelaise en une des destinations les plus appréciées de l’hexagone pour son art de vivre. Mais que nous cache réellement ce rajeunissement fort réussi ? Bordeaux a-t-elle vraiment changé ? Les Chartrons, réhabilités et ravalés, ne sont-ils pas la façade de cette même ville, dont les personnages de l’écrivain François Mauriac incarnaient jadis la raideur et les secrets de famille ?
Ce petit livre n’est pas un guide. C’est un décodeur. Il raconte Bordeaux comme seuls ses intimes savent la conter. Il dit ce que les pierres nettoyées ne pourront jamais résumer. Il remonte le cours de l’histoire, fait de gloire et de richesses accumulées, pour brosser le tableau d’une ville intimement liée au vignoble qui l’entoure, symbolisé par sa toute nouvelle Cité du Vin. Parce que Bordeaux sera toujours une histoire d’ambition et de goût.
Un grand récit suivi d’entretiens avec Anne-Marie Cocula, François Dubet et Hervé Le Corre.
Un voyage historique, culturel et linguistique pour mieux connaître les passions bordelaises. Et donc mieux les comprendre.
CE QU'EN PENSE LA CRITIQUE
- "(...) Belle et utile collection petit format chez Nevicata, dont chaque opuscule est dédié à un pays en particulier. Non pas un guide de voyage classique, mais, comme le dit le père de la collection, un «décodeur» des mentalités profondes et de la culture. Des journalistes, excellents connaisseurs des lieux, ont été sollicités (...). A chaque fois, un récit personnel et cultivé du pays suivi de trois entretiens avec des experts locaux. - Le Temps
- "Comment se familiariser avec "l'âme" d'un pays pour dépasser les clichés et déceler ce qu'il y a de juste dans les images, l'héritage historique, les traditions ? Une démarche d'enquête journalistique au service d'un authentique récit de voyage : le livre-compagnon idéal des guides factuels, le roman-vrai des pays et des villes que l'on s'apprête à découvrir." - Librairie Sciences Po
A PROPOS DE L’AUTEUR
Journaliste indépendant et écrivain, Hubert Prolongeau travaille pour Le Monde, Télérama et L’Obs. Il est l’auteur de 25 romans ou essais (Sans domicile fixe, Le curé de Nazareth, Le baiser de Judas).
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Aperçu du livre
Bordeaux - Hubert Prolongeau
L’ÂME DES PEUPLES
Une collection dirigée par Richard Werly
Signés par des journalistes écrivains de renom, fins connaisseurs des pays, des métropoles et des régions sur lesquels ils ont choisi d’écrire, les livres de la collection L’âme des peuples ouvrent grandes les portes de l’histoire, des cultures, des religions et des réalités socio-économiques que les guides touristiques ne font qu’entrouvrir.
Écrits avec soin et ponctués d’entretiens avec de grands intellectuels rencontrés sur place, ces riches récits de voyage se veulent le compagnon idéal du lecteur désireux de dépasser les clichés et de se faire une idée juste des destinations visitées.
Une rencontre littéraire intime, enrichissante et remplie d’informations inédites. Parce que pour connaître les peuples, il faut d’abord les comprendre.
Richard Werly (1966) est le correspondant permanent à Paris du quotidien suisse Le Temps. Précédemment basé à Bruxelles, Genève, Tokyo et Bangkok, il s’est lancé dans l’aventure éditoriale de L’âme des peuples après avoir réalisé combien, dans une Europe en crise, la compréhension mutuelle et la connaissance des racines culturelles et religieuses ne cessent de reculer sous la pression d’une économie toujours plus rapide et globalisée.
À Gérard Neveu, qui m’a traîné aux quatre coins du monde, ce point d’ancrage.
AVANT-PROPOS
Pourquoi Bordeaux ?
C’est sans doute le plus grand réveil de ces vingt dernières années : une ville, célèbre mais mal-aimée, enfermée dans une image de froideur et de saleté, réduite à quelques symboles (le vin, la « bourgeoisie », les souvenirs de l’esclavage), est devenue en quelques années la destination préférée des Français. Bordeaux... Cette ville, j’y suis né. Quand j’y revenais en stop dans les années 1980, le discours de ceux qui me véhiculaient était toujours le même : c’était une ville ennuyeuse, fermée, bourgeoise, sale. Les plus méprisants étaient les nouveaux arrivants, qui avaient du mal à s’implanter, se plaignaient de la noirceur des monuments, de la froideur de ses habitants, du fait que tout se passait à l’intérieur de maisons fermées. Et quand par hasard mon interlocuteur connaissait Toulouse, la grande rivale, je me retrouvais au pilori : Toulouse, elle, était gaie, vivante, rose, pleine d’étudiants. On s’y amusait, on y était dehors. Bref, je n’avais pas à être fier de venir de là.
Le temps a passé. J’ai vécu ailleurs : au Caire, à Tanger, à Pau, à Paris surtout. Il y a cinq ans, je suis revenu m’installer dans la région, près de Libourne. Je n’ai pu qu’y constater ce que des échos parisiens m’avaient déjà laissé deviner : Bordeaux est devenue « tendance ». Les gens y viennent en touristes, y passent du temps, s’y promènent, rêvent de s’y installer : rien que cette année, trois de mes amis parisiens ont envisagé d’aller y habiter, retenus seulement pour l’instant par des complications professionnelles. On en vante la splendeur, on en chante la situation, on attend avec impatience la LGV (ligne à grande vitesse) qui devrait, en 2017, la mettre à deux heures de la capitale. Quant à Toulouse, même les Toulousains concèdent aujourd’hui que leur ville est plus petite, moins belle, moins amusante. Bref, Bordeaux la barbante est devenue « cool ». La ville la plus « cool » de France même, d’après un sondage du site Mercialfred.com. C’est dire.
Pourquoi ? Parce qu’elle est devenue belle ? Non, parce qu’elle a enfin montré sa beauté, comme ces sauvageonnes dans les films d’aventures des années 1950 qui se roulent dans la boue en sortant les griffes, puis, une fois débarbouillées et peignées par l’explorateur, se révèlent être des beautés fatales dont il va forcément s’éprendre. Bordeaux était « emmaillotée de suie » selon la belle formule d’un de ses enfants, l’écrivain Jean Lacouture. Elle ne l’est plus. Sa pierre assume aujourd’hui sa blondeur et l’exhibe au monde.
C’est la pierre qui a fait Bordeaux. Une pierre calcaire, rugueuse. En s’en approchant, on peut y distinguer, incrustées, des traces de coquillages. Venue de Frontenac, elle affronte les embruns de la mer, qui à la fois la protègent et la dissimulent en collant dessus la poussière qui la faisait noire. Avant la résurrection des années 2000, les façades ne montraient que par courts instants leur lumineux doré. Pour qu’elle l’ait toléré si longtemps, cet assombrissement collait-il au caractère de la ville ? Était-il une métaphore de cette cité fermée mais qui laissait s’épanouir dans des maisons peu ostentatoires une vie personnelle heureuse ? Bordeaux cache 5 000 hôtels particuliers en son sein : qui le dirait en la voyant ? Quand on se promène dans ces quartiers faits d’interminables suites de petites échoppes, sans magasins, sans bistrots, on ne peut que trouver cela sinistre. Mais un survol des mêmes rues montre des jardins en fleurs, des arrière-cours peuplées et riantes. Ici, tout est caché. Rien ne s’y livre facilement. Tout est à conquérir. Bordeaux n’est pas méditerranéenne. Elle n’est pas « bling bling ». Ce n’est pas ici qu’on vous tapera sur l’épaule dès la première rencontre. Mais ce n’est pas non plus ici que l’on passera vingt ans sans aller plus loin que ce même chaleureux coup sur l’épaule. Elle a été anglaise pendant une longue période (de 1152 à 1451), a accueilli protestants et juifs. Froide, Bordeaux ? Non. Mais devant être découverte, courtisée, enjôlée.
Il faut redécouvrir Bordeaux. Cette métamorphose physique, cette ouverture aux touristes et aux curieux n’en a pas fait une ville familière, et son ouverture cache encore des pudeurs et des réserves nombreuses. Même si elle est en pleine mutation, même si ses trottoirs se sont couverts de terrasses et ses monuments de lumière, elle aime toujours à se laisser séduire, à ne révéler ses charmes