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Paul Morand : à jamais maudit ?

Paul Morand l’écrivait dans son Journal inutile le 26 juil-let 1969, alors même qu’il venait d’être reçu à l’Académie française : « Après ma mort, il va y avoir du sport. » La suite lui aura donné raison. Quarante-quatre ans après sa disparition en 1976, il continue de diviser. Certains adulent l’auteur moderniste qui avait su faire jazzer la langue française dans les années 1920, d’autres abhorrent l’antisémite collabo, admirateur de Pierre Laval et ambassadeur du régime de Vichy. Son entrée dans la Pléiade en 1992 aurait dû asseoir sa postérité : il a, depuis, accumulé les casseroles éditoriales. La publication posthume du Journal inutile en 2001, où il qualifie la Résistance de « prodigieuse comédie », puis celle d’une correspondance gratinée avec Jacques Chardonne en 2013, ont aggravé son cas.

On l’a taxé – à juste titre – de misogynie et d’homophobie. Pour parler de choses plus légères, on n’a pas plus pardonné son incorrigible snobisme à celui qui se vantait d’avoir un salon de 18 mètres de arrondissement. Rappelons, au passage, que Paul Morand est mort des suites d’un malaise cardiaque survenu alors qu’il faisait sa séance de gymnastique quotidienne à l’Automobile Club de France, place de la Concorde. Un peu plus, et il s’étouffait en buvant un cocktail au bar du Ritz. En notre ère démocratique, ce n’est pas bien vu. De fait, l’écrivain est mal-aimé, et le sera encore plus avec la parution événement de son inédit (1 000 pages pour le premier tome qui couvre les années 1939 à 1943, en attendant le second qui ira de 1943 à 1945). Faut-il renvoyer sans cesse Morand aux turpitudes dont il fut coupable sous l’Occupation ? Ne peut-on se souvenir aussi du talent fou qui a éclairé d’autres périodes de sa vie ? Jusqu’ici, l’accusé n’a pas eu droit à sa biographie de référence. Pauline Dreyfus corrige cette injustice avec un définitif, impressionnant d’érudition et de finesse, tant quand elle commente l’œuvre protéiforme que lorsqu’elle essaie de cerner la personnalité de cet insaisissable cœur sec.

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